COMM.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10076 F
Pourvoi n° G 16-24.060
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société SNCF mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...]                                    ,
contre l'arrêt rendu le 30 juin 2016 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Cédric X..., domicilié [...]                          ,
2°/ à M. Joseph Y..., domicilié [...]                   ,
3°/ à la société Fadoul Gilibert industries, société par actions simplifiée, dont le siège est [...]                          , représentée par son liquidateur judiciaire la société Alliance MJ, en la personne de M. Z...,
4°/ à la société Alliance MJ, dont le siège est [...]                   , prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Fadoul Gilibert industries,
5°/ à la société Groupama, société anonyme, dont le siège est [...]                      ,
6°/ à la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Centre Atlantique, dite Groupama Centre Atlantique, dont le siège est [...]                                     ,
7°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [...]                                       ,
8°/ à la société Transports Roca, société par actions simplifiée, dont le siège est [...]                                             ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société SNCF mobilités, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Y..., et de la société MMA IARD, de Me Haas, avocat de la société Transports Roca, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Groupama, et de la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Centre Atlantique ;
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société SNCF mobilités du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Fadoul Gilibert industries et la société Alliance MJ, ès qualités ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SNCF mobilités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... et à la société MMA IARD la somme globale de 3 000 euros, aux sociétés Groupama et Groupama Centre Atlantique la somme globale de 3 000 euros et à la société Transports Roca la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société SNCF mobilités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré la SNCF entièrement responsable des conséquences dommageables pour la société Transports Roca du retard dans l'exécution du contrat de transport objet de la lettre de voiture en date du 3 juillet 2009, et d'avoir en conséquence condamné la SNCF à payer à la société Transports Roca la somme de 45.574,55 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE contractuellement tenue de l'obligation de résultat d'acheminer le fret dans les délais convenus, la SNCF ne fait pas la démonstration, pour s'exonérer de sa responsabilité, de ce que le retard et la mauvaise exécution de cette obligation soit provenue d'une cause étrangère qui ne pourrait lui être imputée, susceptible notamment de revêtir le caractère de la force majeure, étant ici observé que l'appréciation doit être prioritairement effectuée au regard de la circulation des trains n° [...]   et [...]   concernés par le transport de fret ; qu'à cet égard, il n'est, tout d'abord, nullement imprévisible que la circulation de trains transportant des marchandises périssables puisse de temps à autre être affectée par les aléas, eux-mêmes prévisibles, du trafic liés à des incidents ou à des accidents ferroviaires ; que de telles causes étrangères ne sont, ensuite, nullement irrésistibles et insurmontables, dès lors qu'il incombe au transporteur ferroviaire de prévoir des procédures et des plans de circulation ou de contournement adaptés pour obvier au retard susceptible d'être engendré par de telles perturbations, ce qui, en l'occurrence, au regard du retard considérable apporté à l'acheminement de fruits et légumes frais, ne ressort aucunement des seules affirmations laconiques fournies en page 13 des conclusions d'appel de la SNCF uniquement pour le premier train nº [...]   ; qu'en outre, il sera superfétatoirement observé que l'expert D..., mandaté par la SNCF, a noté (pièce nº 48, p. 3 et 4) que faute de carburant, les groupes frigorifiques de certains wagons s'étaient arrêtés, en sorte qu'il a pu y relever des températures dépassant les vingt degrés, ce qui démontre que la SNCF n'avait manifestement pris aucune mesure de sauvegarde des marchandises dont elle ne pouvait pourtant, au vu des bordereaux de chargement, ignorer le caractère périssable ; que, de plus, l'accident dont se prévaut la SNCF, qui n'a pas directement affecté les deux trains de marchandises concernés nºs [...]   et [...] mais le train de voyageurs [...]    qui circulait en sens inverse, en direction de Cahors, ne constitue pas une cause étrangère qui ne puisse être imputée à la SNCF ; qu'en effet, il est clairement établi par les pièces du dossier, et notamment par les retranscriptions des communications téléphoniques, le rapport d'expertise judiciaire de M. André E... du 9 décembre 2010 et son complément du 6 mai 2011 (notamment p. 10) et le rapport technique nº 2009-006 du Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre de janvier 2011 (pièces de la SNCF nº 17, 19 et 44 ; de MMA nº 1 et 3), que c'est par une accumulation de manquements et de négligences exclusivement imputables aux agents de la SNCF (lenteur de réponse du régulateur de la SNCF à l'appel de la gendarmerie signalant l'obstacle sur la voie ; manque de rigueur et de discipline dans l'échange d'informations de sécurité par la radio sol-train en raison notamment d'une mauvaise communication, contraire aux prescriptions internes, du conducteur du train de marchandise nº [...], qui arrivait en sens opposé, avec le régulateur et méprise qui en est résulté ; absence de réception par le conducteur du train de voyageur nº [...], circulant fenêtres ouvertes sous un tunnel, de l'appel radio du régulateur cherchant à le faire arrêter ; absence de recours à une coupure d'urgence de l'alimentation électrique des caténaires qui aurait permis d'arrêter ce train jusqu'à 2 km avant la remorque), que, contrairement au train précité nº [...] , le train de voyageurs nº [...] n'a pu, comme cela était en l'espèce parfaitement possible, être stoppé à temps pour éviter la collision avec une remorque de foin malencontreusement tombée sur la voie ferrée et le déraillement partiel qui s'en est suivi ; que la SNCF ne justifiant donc pas que l'inexécution de son obligation de résultat soit provenue d'une cause étrangère qui ne puisse lui être imputée, il y a lieu, par confirmation du jugement déféré, de retenir son entière responsabilité contractuelle et de la condamner, en application de l'article 1147 du code civil, à payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 45 574,55 euros à la société Transports Roca (arrêt, p. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur la responsabilité de la SNCF, aux termes de l'article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution d'une obligation, soit à raison du retard dans I ‘exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; que l'obligation du transporteur de marchandises est une obligation de résultat et il ne peut donc s'exonérer de sa responsabilité qu'en prouvant l'existence d'une cause étrangère ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par la SNCF, transporteur, qu'en exécution d'une lettre de voiture du 3 juillet 2009, elle était tenue de livrer les marchandises (fruits et légumes frais) en provenance du marché Saint-Charles à [...]   à la gare du marché de Rungis pour le compte de la société Transports Roca ; que dès le lendemain, soit le 4 juillet 2009, la compagnie d'assurance MMA fait une mauvaise contestation lorsqu'elle prétend, en propos liminaires de ses dernières écritures, que la société Roca ne fournit aucun élément permettant de déterminer la nature exacte des marchandises transportées et du prétendu retard apporté à la livrer, pas davantage qu'elle ne met les parties en mesure de déterminer la nature des obligations contractuelles de la SNCF en ne produisant pas le contrat qui la lierait à celle-ci ; qu'en effet, la Société Transports Roca verse aux débats d'une part, la lettre de voiture "CIM" établie le 3 Juillet 2009 à 16H00 à [...]   établie au nom des Transports Roca (même lettre de voiture que Ia SNCF produit dans ses pièces) et d'autre part, les bordereaux de chargement, soit les documents établissant la liste des marchandises envoyées dans chaque lot de groupage avec le numéro d'immatriculation des véhicules, l'identité du commissionnaire de transport (Société Roca) ainsi que la date du 3 Juillet 2009 ainsi qu'un relevé de réclamations et les copies de factures des destinataires des marchandises avec les Justificatifs du règlement qu'elle a fait suite à leur réclamation qui, par comparaison avec les noms des expéditeurs notés sur les bordereaux de chargement permettent de vérifier la créance invoquée par la Société transports Roca au titre du retard de livraison ; que, quant au retard de livraison, il n'est pas "prétendu" comme le soutient la compagnie MMA mais certain alors que la SNCF reconnaît elle-même dans ses écritures que le train affrété pour le transport des marchandises de la Société Roca a été retardé du fait de la perturbation du trafic ferroviaire lié à l'accident survenu sur la voie ferrée et qu'il ressort des bordereaux de groupage produits que sur les 16 wagons concernés, 11 wagons ont été livrés le lundi 6 Juillet 2009 et 5 wagons ont été livrés le mardi 7 juillet 2009 ; qu'en revanche, si la SNCF ne conteste ni la réalité du transport de marchandises ni celle du retard engendré par l'accident, elle soutient cependant ne pas être responsable du dit accident en raison du fait du tiers imprévisible et irrésistible que constitue la présence sur la voie ferrée de la charrette de foin, la présence de cet obstacle sur la voie étant selon elle imprévisible en pleine campagne en dehors de tout croisement ou passage à niveau ; que la SNCF considère en outre qu'il n'existait aucun moyen technique fiable et sécurisé d'obtenir un arrêt du train et qu'aucune erreur n'a été commise par elle dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure d'alerte ; qu'au contraire, la société Roca soutient que le fait du tiers en l'espèce ne peut exonérer la SNCF en ce qu'il n'est pas la cause exclusive du dommage dans la mesure ou le transporteur ne démontre pas le caractère imprévisible et irrésistible de la présence d'un remorque sur la voie alors qu'il y a eu un manque de rigueur dans les échanges d'informations entre le régulateur du CRO de Limoges et le conducteur du train, une coupure d'urgence étant de surcroît de nature à éviter l'accident ; que le tribunal ne peut retenir que la présence de la remorque transportant des balles de foin sur la voie ferrée constitue un cas de force majeure de nature à exonérer la SNCF dans cette affaire, faute pour elle de démontrer tant le caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat de transport que son caractère irrésistible dans l'exécution de ce contrat ; qu'il ne peut être considéré que la SNCF a pris toutes les précautions utiles à éviter l'accident : la présence d'un obstacle sur une voie ferrée quand bien même cet obstacle se trouve en plein milieu de la voie et en dehors de tout passage à niveau et de tout croisement de voies ne peut être admis comme un événement imprévisible ; que les obstacles sur la voie tels que les animaux et les arbres notamment étant à prévoir, une procédure efficace d'alerte et de protection tant de l'engin ferroviaire que des passagers et marchandises transportées devant être prévue par la SNCF ; qu'il apparaît à la lecture du rapport d'expertise de M. E... déposé auprès du juge d'instruction et du rapport du Bureau d'Enquêtes sur les accidents de prévenir les accidents futurs, que la coupure d'urgence était le seul moyen compte tenu de la chronologie des faits pour que le train n ° [...] évite la collision avec la remorque sur la voie ; qu'en effet, M. E... indique en page 7 de son complément au rapport d'expertise du 6 mai 2011 que si le régulateur du Centre Régional Opérationnel avait demandé la coupure d'urgence au régulateur sous-station, le train aurait pu s'arrêter environ 2 kilomètres avant l'obstacle ; or, que le document [...] (document métier du régulateur) n'indique pas la possibilité d'utiliser la coupure d'urgence comme un moyen d'arrêter les trains ; qu'il ne peut donc être considéré que la SNCF a pris toutes les précautions nécessaires à éviter la survenance de l'accident dès lors que le régulateur du CRO prévenu de la présence de l'obstacle a pris la seule option de tenter de prévenir les deux trains circulant sur la vole ferrée sur laquelle se trouvait la remorque et n'a pas pris la décision de la coupure d'urgence, lequel moyen d'arrêter le tram n'était pas mentionné sur son document de travail ; que, par ailleurs et surtout, il ne peut être considéré que la présence de la remorque sur la voie ferrée était un événement irrésistible pour la SNCF et qu'elle était dans la totale impossibilité d'éviter l'obstacle et donc de respecter son obligation de résultat puisqu'il apparaît que, même s'il s'est écoulé 7 minutes entre le premier signalement de l'incident par Cédric X... à Joseph Y... et l'accident en lui-même, et bien que le temps soit court entre le moment où Ia SNCF est prévenue de la présence de la charrette sur la voie et l'accident, ce temps était suffisant pour éviter la collision, ainsi que l'affirme M. E... en page 92 de son rapport, faisant observer d'ailleurs que le train n°[...] (deuxième train en circulation sur cette voie) a quant à lui été arrêté 1 minute 30 avant l'accident ; qu'ainsi, si les agents de la SNCF avaient tous exécuté leurs missions conformément à leurs obligations et aux règles applicables, ce qui n'a pas été le cas, l'accident ne serait pas survenu :
- si le temps de réponse de la SNCF (Centre Régional Opérationnel) à l'appel de la gendarmerie (prévenue par M. Y...) avait été moins long : 56 secondes,
-si le conducteur du train n°[...] avait répondu à l'appel du régulateur et n'avait pas circulé la fenêtre ouverte alors qu'il se trouvait dans un tunnel, ce qui a eu pour conséquence qu'il n'a pas entendu l'appel,
-si le conducteur du train n°[...] s'était annoncé lorsqu'il a été appelé par le régulateur et s'il avait relevé que le régulateur faisait une erreur en pensant parler au mécanicien du train n°3661,
-si une coupure d'urgence avait été demandée par le régulateur au lieu de l'appel radio ; qu'en conséquence, la SNCF ne peut être exonérée de sa responsabilité dans cet accident et elle doit réparation à la société Transports Roca du préjudice que lui a causé le retard dans l'exécution de sa mission de transport de marchandises (jugement, p. 8 à 10) ;
1°) ALORS QUE si le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, il est exonéré de sa responsabilité en cas de survenance d'une force majeure, c'est-à -dire une cause étrangère imprévisible et irrésistible ; que la condition d'imprévisibilité s'apprécie au regard de ce qui est raisonnablement prévisible lors de la conclusion du contrat ; qu'en l'espèce, pour considérer que la chute d'une remorque agricole sur une voie ferrée n'était pas imprévisible et ne constituait pas une cause exonératoire de la responsabilité de la SNCF recherchée par la société Transports Roca en raison du retard causé par cette chute et la collision qui en a résulté, la cour d'appel a jugé, par motifs propres, qu'il n'était pas imprévisible que la circulation de trains de marchandises soit affectée de temps à autre par des « aléas, eux-mêmes prévisibles, du trafic liés à des incidents ou des accidents ferroviaires » (arrêt, p. 5 § 6), et par motifs adoptés que « la présence en plein milieu de la voie et en dehors de tout passage à niveau et de tout croisement des voies ne peut être admis comme un événement imprévisible, les obstacles sur la voie tels que les animaux et les arbres notamment étant à prévoir » (jugement, p. 9 dernier §) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que le retard résultait de la chute, sur une voie ferrée, en dehors de tout passage à niveau et de tout croisement, d'une remorque à usage agricole, événement qui ne pouvait être raisonnablement prévisible lors de la conclusion du contrat de transport, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 133-1 du code de commerce et l'article 1148 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
qu'en l'espèce, pour écarter l'irrésistibilité de l'accident, la cour d'appel a retenu, par motifs propres comme adoptés, que selon l'expert judiciaire, M. E..., c'était par une « accumulation de manquements et de négligences exclusivement imputables aux agents de la SNCF [
] que, contrairement au train n°[...], le train de voyageurs n°[...] n'a pu [être stoppé à temps » (arrêt, p. 6 § 1), l'expert ayant affirmé en page 92 de son rapport que « bien que le temps soit court entre le moment où la SNCF est prévenue de la présence de la charrette sur la voie et l'accident, ce temps était suffisant pour éviter la collision » (jugement, p. 10 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que M. E... indiquait seulement, en page 92 de son rapport (prod. 1), que le temps qui s'était écoulé « aurait dû être suffisant » pour éviter la collision, tout en précisant que cette collision n'avait pas pu être évitée en raison d'un concours de circonstances qu'il imputait notamment à M. X... et M. Y..., la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise de M. E... et a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
qu'en l'espèce, pour écarter l'irrésistibilité de l'accident, la cour d'appel a retenu, par motifs propres comme adoptés, que selon l'expert judiciaire, M. E..., « la coupure d'urgence était le seul moyen compte tenu de la chronologie des faits pour que le train n°[...] évite la collision avec la remorque sur la voie » (jugement, p. 10 § 1 et arrêt, p. 6 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que M. E... avait indiqué, dans son complément d'expertise, que, si la coupure d'urgence aurait permis d'arrêter le train n°[...], le régulateur n'avait pas à utiliser ce dispositif d'urgence compte tenu des circonstances (prod. 2, p. 7 in fine), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du complément d'expertise de M. E... et a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE :IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la SNCF de ses demandes en garantie à l'encontre de M. Y..., de M. X..., de la société MMA IARD et de la société Groupama Centre Atlantique ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est, en revanche, pas possible de retenir, sur le fondement quasi délictuel des articles 1382 ou 1384 du code civil, comme le demande la société Transports Roca, une quelconque responsabilité in solidum de M. Y..., propriétaire de la remorque agricole, qui avait été dételée de son tracteur (cf. pièce de MMA nº 5, f° 3), et de l'exploitation agricole sur laquelle M. X... accomplissait un travail d'entraide agricole, ni de ce dernier qui, aux termes d'un arrêt infirmatif de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Limoges du 21 juin 2013 (pièce de M. X... nº 4), a été définitivement renvoyé des fins des poursuites pénales pour blessures involontaires initialement engagées contre lui ; qu'en effet, s'agissant d'un préjudice par ricochet, il n'apparaît pas raisonnable, en raison du caractère trop ténu du lien de causalité, de remonter aussi loin dans l'arbre des causes du retard de circulation des trains de marchandises concernés et donc de l'acheminement du fret ferroviaire qui est à l'origine du dommage, d'autant plus que si (quelles que puissent être les responsabilités potentiellement encourues de ce chef) la présence incongrue de la remorque sur la voie ferrée constitue la cause première - chronologiquement s'entend - de la collision et, partant, du déraillement du train nº [...], elle ne constitue pas pour autant la cause immédiate et déterminante de l'accident de ce train de voyageurs, mis dans l'impossibilité de s'arrêter par suite d'une accumulation de manquements et de négligences de la SNCF (arrêt, p. 6 § 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'en cas de pluralité de causes successives dans le temps qui sont à l'origine d'un préjudice final, la solution à la question de savoir si le juge doit tenir compte de l'ensemble des causes est donnée par l'article 1151 du code civil qui, en matière contractuelle, prévoit que les dommages-intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention, la même solution étant applicable en dehors des contrats, seuls les dommages qui sont la suite immédiate et directe du fait dommageable étant réparés ; qu'ainsi, ne peut être retenue comme cause que celle dont le dommage a été la suite immédiate et directe ou encore la suite nécessaire ; qu'en l'espèce, l'accident survenu le 3 juillet 2009 est dû à plusieurs causes successives et la responsabilité de Joseph Y..., propriétaire de la remorque pour le compte duquel le chargement des bottes de foin était effectué, et Cédric X..., conducteur de la remorque qui chargeait les bottes de foin lorsque la remorque a dévalé la pente pour aboutir sur la voie ferrée, ne pourrait être retenue et entraîner une condamnation in solidum avec la SNCF que dans l'hypothèse où le fait que la charrette de foin se soit trouvée sur la voie le 3 juillet 2009 était de nature à entraîner directement et nécessairement la collision avec le train ; [
] elle avait été stationnée par Cédric X... en vue d'y charger les bottes de foin et son arrêt sur la voie ferrée sur laquelle circulait le train [...]    n'est pas la cause directe et immédiate de la collision en ce que la présence de cet engin sur la voie ne devait pas nécessairement entraîner la collision dès lors que M. Y..., lui-même averti par Cédric X..., en avait informé la gendarmerie qui l'avait elle-même signalé à la SNCF dans un délai dont les expertises réalisées dans le cadre du dossier pénal établissent qu'il lui permettait de faire en sorte que les trains circulant sur cette voie ferrée évitent l'obstacle ; que la cause immédiate et directe du dommage, c'est le défaut de communication efficace entre le régulateur et le conducteur du train n°[...] et c'est le défaut de recours à la procédure de coupure d'urgence des trains circulant sur la voie ferrée concernée ; que l'interruption du trafic entraînée par la mise en oeuvre de cette coupure d'urgence aurait été sans commune mesure avec la perturbation du trafic ferroviaire qui est résulté du déraillement du train et sans commune mesure en termes de conséquences humaines et matérielles ; que la condamnation in solidum de MM. Y... et X... à réparer le dommage de la société Roca ne peut donc être prononcée ; qu'en conséquence, tant la demande de condamnation solidaire de la société Transports Roca que la demande de relevé indemne des condamnations prononcées contre elle par la SNCF en tant qu'elles sont dirigées contre Joseph Y... et Cédric X... ainsi que les demandes subséquences contre les assureurs et des assureurs appelés à la cause seront rejetées (jugement, p. 11 § 5 à 7 et p. 12 § 1 à 5) ;
1°) ALORS QUE tout fait générateur sans lequel le dommage ne serait pas survenu constitue une cause nécessaire de ce dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la présence de la remorque sur la voie ferrée constituait la cause première, chronologiquement, de la collision et du déraillement du train n° [...] (arrêt, p. 6 § 5), lequel avait entraîné « une perturbation du trafic ferroviaire » (jugement, p. 12 § 3), et notamment le retard ayant affecté les trains transportant les marchandises confiées par la société Transports Roca ; qu'il résultait de ces constatations que, sans la présence de la remorque manoeuvrée par M. X... et appartenant à M. Y... sur la voie ferrée, aucune collision ne serait intervenue avec le train n° [...], de sorte que cette remorque constituait l'une des causes nécessaires du dommage ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 1er du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, le fait générateur constitue une cause du dommage lorsque, d'après le cours ordinaire des choses, ce fait était en soi propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « la présence incongrue de la remorque sur la voie ferrée constitu[ait] la cause première – chronologiquement s'entend – de la collision et, partant du déraillement du train n° [...] » (arrêt, p. 6 § 5) ; qu'en décidant que la chute de la remorque ne constituait pas la « cause immédiate et déterminante de l'accident de train », tandis qu'il résultait de ces constatations que la présence de la remorque sur la voie ferrée était la cause adéquate du retard, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 1er du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QUE, À TITRE ÉGALEMENT SUBSIDIAIRE, le préjudice par ricochet découle du préjudice subi par la victime directe ; qu'en jugeant (arrêt, p. 6 § 1) que le préjudice allégué par la société Transports Roca, qui résultait de la perte de marchandises consécutive à un retard des trains les transportant, lui-même résultant de la collision entre une charrette et le train [...]   , était un préjudice par ricochet, pour en déduire que la présence de la charrette sur la voie ne pouvait pas constituer une cause nécessaire du préjudice dont la société Transports Roca demandait réparation, tandis que ce préjudice, qui ne résultait pas de celui d'une autre victime, était un préjudice directement lié à cette collision, sans laquelle aucun retard de livraison ne serait intervenu, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 1er du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
, ÉGALEMENT SUBSIDIAIRE :IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la SNCF à payer à la société Transports Roca la somme de 45.574,55 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la SNCF ne justifiant donc pas que l'inexécution de son obligation de résultat soit provenue d'une cause étrangère qui ne puisse lui être imputée, il y a lieu, par confirmation du jugement déféré, de retenir son entière responsabilité contractuelle et de la condamner, en application de l'article 1147 du code civil, à payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 45 574,55 euros à la société Transports Roca ; que cette somme à laquelle, malgré la grande ancienneté des faits, la société Transports Roca entend toujours limiter la demande d'indemnisation de son préjudice, et qui correspond strictement aux marchandises arrivées en retard et en mauvais état, pour lesquelles elle a dû elle-même et sans différer indemniser ses clients affectés, est parfaitement justifiée par les documents versés aux débats, et notamment par le rapport d'expertise de M. D... énonçant, après contrôles, que «passablement de lots [allaient] faire l'objet de réserves pour retard ou avaries, d'autres étant carrément refusés » et concluant que « fortement dépréciées, toutes ces marchandises n'ont pu faire l'objet que d'une vente de sauvetage des plus aléatoires ou d'une destruction » (pièce de la SNCF nº 48, p. 5 et 9), ainsi que par le relevé des réclamations chiffrées (pièce de la société Transports Roca nº 13), les copies des factures des clients explicitement motivées par les retards de livraison et les justificatifs de leur règlement (ensemble des pièces nº 14) et l'attestation de la SARL Germain Associés, commissaire aux comptes de la société Transports Roca (pièce nº 20) (arrêt, p. 6 § 2 et 3) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'il ressort suffisamment des pièces versées aux débats par la société Transports Roca, soit des bordereaux de chargement, des factures établies au nom de la société Transports Roca par les destinataires malheureux du marché de Rungis et de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Roca relative aux sommes engagées suite à l'incident avec la SNCF en date du 3 juillet 2009 que le préjudice total de cette société s'établit à la somme de 45.574,55 €, somme à laquelle la SNCF devra être condamnée à payer (jugement, p. 13 § 6) ;
1°) ALORS QUE seul le préjudice qui constitue la suite immédiate et directe du fait générateur peut être indemnisé ; le juge doit réparer le dommage sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, la SNCF faisait valoir que le préjudice de la société Transports Roca ne pouvait porter que sur la seule marchandise livrée avariée, et non sur la totalité de la marchandise livrée avec retard (concl., p. 15 § 10) ; qu'en effet, selon M. D... (prod. 3), plusieurs des lots refusés par les clients n'étaient pas avariés, et avaient été soit réexpédiés à [...] , soit vendus à un prix inférieur au prix de marché (concl., p. 15 in fine) ; que le rapport de M. D... comportait une liste précise des marchandises considérées comme avariées ; que, pour allouer la somme de 45.574,55 € à la société Transports Roca, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la demande d'indemnisation de la société Roca était « parfaitement justifiée par les documents versés aux débats », et notamment le rapport d'expertise de M. D..., le relevé de réclamations chiffrées établi par la société Transports Roca, les copies de factures de ses clients et l'attestation de son commissaire aux comptes (arrêt, p. 6 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, quelles étaient les marchandises avariées listées par M. D... qui avaient fait l'objet d'une indemnisation par la société Transports Roca aux clients concernés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1150 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE le juge doit réparer le dommage sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, la SNCF faisait valoir que l'expert avait identifié des lots de marchandises qui avaient fait l'objet d'une vente de sauvetage, de sorte qu'il convenait de déduire le produit de cette vente du préjudice allégué par la société Transports Roca (concl., p. 16) ; que la cour d'appel a pourtant alloué à cette dernière la somme de 45.574,55 €, correspondant à la valeur totale des marchandises prétendument perdues, sans rechercher, comme elle y était invitée, si certaines de ces marchandises avaient effectivement fait l'objet d'une vente de sauvetage, dont le produit devait être déduit de la réparation allouée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du code civil.