COMM.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10070 F
Pourvoi n° N 16-18.843
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Espace conseil, société anonyme, dont le siège est [...]                                ,
contre l'arrêt rendu le 10 mars 2016 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société SPA Italiana Per Condotte d'Acqua, société de droit étranger, dont le siège est [...]                    (Italie),
2°/ à la société SPA Ferfina, société de droit étranger, dont le siège est [...]                    (Italie),
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Espace conseil, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat des sociétés SPA Italiana Per Condotte d'Acqua et SPA Ferfina ;
Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Espace conseil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés SPA Italiana Per Condotte d'Acqua et SPA Ferfina la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Espace conseil
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a dit que Me Z...               , en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société FERFINA FRANCE, avait seul le pouvoir d'agir à l'encontre des sociétés défenderesses au nom et dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers de cette société ; en ce qu'il a dit que l'action individuelle introduite par la SA ESPACE CONSEIL à l'encontre des sociétés SOCIETA ITALIANA PER CONDOTTE D'ACQUA SPA et FERFINA SPA, pour demander la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui des autres créanciers de la société FERFINA FRANCE, est irrecevable ; et en ce qu'il a débouté la société ESPACE CONSEIL de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985, le représentant des créanciers désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers sauf au créancier à démontrer un préjudice spécial et distinct de celui des autres créanciers ; que le tribunal qui prononce la liquidation judiciaire nomme le représentant des créanciers en qualité de liquidateur ; que contrairement à ce que conclut la société Espace Conseil, sa créance est antérieure à l'ouverture de la procédure collective, comme ayant son origine dans la sentence arbitrale du 29 décembre 2003, qui a retenu le bien-fondé de la garantie invoquée, peu important que son montant ne soit pas fixé ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 19 mai 2005 qui a rejeté le recours exercé à l'encontre de cette décision est également antérieur, étant observé qu'a force de chose jugée la décision qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « par jugement rendu le 21/06/05, le tribunal de céans a notamment, au visa de l'article L. 622-1 du code de commerce, - prononcé la liquidation judiciaire de FERFINA FRANCE, - désigné Maître Patrick Z...              en qualité de liquidateur ; qu'il est constant que cette décision est soumise au régime juridique des procédures collectives, tel qu'il était en vigueur avant l'intervention de la loi du 26/07/05, à savoir les dispositions suivantes des anciens articles du code de commerce applicables à l'espèce : - article L. 620-1, 3e alinéa : « La liquidation judiciaire peut être prononcée sans ouverture de période d'observation lorsque l'entreprise a cessé toute activité ou lorsque le redressement est manifestement impossible. », - article L. 620-2, 1er alinéa : « Le redressement et la liquidation judiciaire sont applicables à tout commerçant... », - article L. 621-39, 1er alinéa : « Sans préjudice des droits reconnus aux contrôleurs, le représentant des créanciers désigné par le tribunal a seul qualité à agir au nom et dans l'intérêt des créanciers. », - article L. 622-1, 1er alinéa : « La procédure de liquidation judiciaire est ouverte sans période d'observation à l'égard de toute entreprise mentionnée au 1er alinéa de l'article L. 620-2 en état de cessation de paiements, dont l'activité a cessé ou dont le redressement est manifestement impossible. », - article L. 622-2, 1er alinéa : « Dans le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, le tribunal désigne le juge-commissaire et, en qualité de liquidateur, un mandataire judiciaire inscrit ou une personne choisie sur le fondement du 1er alinéa du II de l'article L. 812-2... », - article L. 622-4, 1er alinéa : « Le liquidateur procède aux opérations de liquidation en même temps qu 'à la vérification des créances. Il peut introduire les actions qui relèvent de la compétence du représentant des créanciers. » ; qu'il sera constaté qu'au regard des dispositions précitées que Maître Z...              , en sa qualité de liquidateur judiciaire, avait seul le pouvoir d'agir au nom et dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers de FERFINA FRANCE à l'encontre des défenderesses ; qu'ESPACE CONSEIL qui fonde ses demandes sur l'article 1382 du code civil et non sur l'article 1167 du même code : - a adressé le 16/09/05 à Maître Z...              , ès qualités, une déclaration de créance à titre chirographaire pour la somme de 6.898.938 € au passif de FERFINA FRANCE, se fondant sur un sentence arbitrale prononcée le 29/12/03 devenue définitive qui lui accordait la garantie de cette dernière quant aux conséquences financières de procédures contentieuses pendantes au 8/01/03, - a fait délivrer le 15/12/10 une assignation en intervention forcée à Maître Z...              , ès qualités, devant le tribunal de céans pour l'audience du 6/01/11, afin qu'il soit en mesure de faire utilement valoir sa défense et que la décision à venir dans la présente instance lui soit opposable ; qu'or : • même si cette assignation n'a pas été placée pour l'audience du 6/01/11 comme l'a indiqué le greffe de ce tribunal et que celle-ci a donc été frappée de caducité en vertu des dispositions de l'article 857 du CPC, • il n'en demeure pas moins que par une telle initiative, ESPACE CONSEIL a reconnu implicitement les prérogatives ci-dessus constatées du liquidateur judiciaire de FERFINA FRANCE » ;
ALORS QUE, premièrement, si la créance de garantie naît en principe au jour de la souscription de l'engagement du garant, il n'en va ainsi que pour autant que l'obligation principale existe à cette date ; que lorsque l'obligation garantie n'est encore que future, la créance de garantie apparaît au jour de la naissance de l'obligation garantie ; qu'à cet égard, la créance née de la mise en oeuvre d'une garantie de dette future, qui ne garantit qu'une obligation principale éventuelle, trouve son fait générateur dans l'apparition de cette dette ; qu'en retenant en l'espèce que la créance de garantie de la société ESPACE CONSEIL était antérieure au jugement d'ouverture du 21 juin 2005 par lequel la société FERFINA FRANCE a été placée en liquidation judiciaire, cependant que le risque de pertes garanti par cette société ne s'est réalisé qu'avec les condamnations prononcées contre la société ESPACE CONSEIL le 1er février 2007 puis le 24 septembre 2009 à la suite de l'action en responsabilité engagée contre elle par la société GSM, les juges du fond ont violé les articles L. 621-39 et L. 622-4 anciens du code de commerce dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
ALORS QUE, deuxièmement, les juges sont tenus de ne pas méconnaître le sens des décisions de justice précédemment rendues entre les parties et produites par elles au soutien de leurs prétentions ; qu'en estimant que la créance de garantie de la société ESPACE CONSEIL trouvait son origine dans une sentence arbitrale du 29 décembre 2003 cependant que celle-ci, loin de constater l'existence d'une créance, n'avait fait que rappeler que la garantie souscrite par la société FERFINA FRANCE en 1999 pourrait être mise en oeuvre dans le cas où une créance de réparation serait reconnue à la société GSM contre la société ESPACE CONSEIL, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, la date de naissance d'une créance ne dépend pas de sa date de déclaration à la procédure collective, ni de la citation du liquidateur judiciaire à l'instance, ni encore d'une quelconque reconnaissance du créancier qui se déduirait de l'une ou l'autre de ces deux circonstances ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que la créance de garantie de la société ESPACE CONSEIL était antérieure au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société FERFINA FRANCE pour cette raison que la société ESPACE CONSEIL avait déclaré cette créance à la procédure, ou encore qu'elle avait fait délivrer une assignation, finalement non enrôlée, au liquidateur judiciaire, ce dont il se déduisait selon eux l'antériorité de la créance sur le jugement d'ouverture du 21 juin 2005, les juges du fond ont statué par des motifs inopérants, en violation des articles L. 621-39 et L. 622-4 anciens du code de commerce dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
ET ALORS QUE, quatrièmement, la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'elle doit être expresse ou résulter d'un comportement exprimant sans équivoque la volonté abdicative du créancier ; qu'en déduisant du fait que la société ESPACE CONSEIL avait déclaré sa créance à la procédure, ou encore de ce qu'elle avait fait délivrer une assignation au liquidateur, qu'elle avait ainsi reconnu l'antériorité de sa créance et par là renoncé au privilège des créanciers postérieurs, sans constater aucune circonstance de nature à mettre en évidence l'existence d'une renonciation de la société ESPACE CONSEIL, les juges du fond ont de toute privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, à titre subsidiaireL'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a dit que Me Z...               , en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société FERFINA FRANCE, avait seul le pouvoir d'agir à l'encontre des sociétés défenderesses au nom et dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers de cette société ; en ce qu'il a dit que l'action individuelle introduite par la SA ESPACE CONSEIL à l'encontre des sociétés SOCIETA ITALIANA PER CONDOTTE D'ACQUA SPA et FERFINA SPA, pour demander la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui des autres créanciers de la société FERFINA FRANCE, est irrecevable ; et en ce qu'il a débouté la société ESPACE CONSEIL de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'action de la société Espace Conseil est une action en responsabilité dirigée contre les sociétés Italiana per Condotte d'Acqua et Ferfina SPA fondée sur leur éventuelle immixtion dans la société liquidée et leur soutien abusif apportée à celle-ci, qu'elle s'analyse donc en une action tendant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers que seul le liquidateur représente ; que la société Espace Conseil ne caractérise pas en quoi elle disposerait d'un préjudice spécial et distinct de celui des autres créanciers, son action visant à obtenir paiement de sa créance comme l'ensemble des créanciers à la procédure collective et la seule nature du titre fondant celle-ci, à savoir la clause de garantie, n'étant pas constitutive d'un tel préjudice ni ne le caractérisant ; qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les autres moyens d'irrecevabilité soulevés » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « pour justifier du bien-fondé de ses demandes, ESPACE CONSEIL allègue qu'elle aurait subi un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers de FERFINA FRANCE dans la mesure où elle considère que la liquidation judiciaire est intervenue en fraude de ses droits du fait des prétendus agissements des défenderesses, et qu'elle n'a pu de ce fait faire exécuter par FERFINA FRANCE la garantie qui lui a été accordée par la sentence arbitrale précitée ; qu'il sera néanmoins constaté que la situation d'ESPACE CONSEIL n'est en rien distincte de celle des autres créanciers de FERFINA FRANCE, lesquels n'ont également pu obtenir le paiement de leur créance née antérieurement au jugement du 21/06/05 ; que par conséquent l'action individuelle introduite par ESPACE CONSEIL à l'encontre de CONDOTTE D'ACQUA et FERFINA SPA pour demander la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui des autres créanciers de FERFINA FRANCE, est irrecevable » ;
ALORS QUE, premièrement, le fait pour un tiers de faire obstacle à l'exécution d'une décision définitive revêtue de la force exécutoire occasionne, pour le créancier bénéficiaire de cette décision, un préjudice distinct de celui subi collectivement par les autres créanciers de la procédure collective ; qu'en l'espèce, la société ESPACE CONSEIL reprochait aux sociétés-mères ITALIANA PER CONDOTTE D'ACQUA et FERFINA SPA d'avoir subitement interrompu leurs concours financier à la société FERFINA FRANCE, une fois la condamnation de cette dernière confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 mai 2005, à l'effet d'empêcher l'exécution de la sentence arbitrale du 29 décembre 2003 rendue au profit de la société ESPACE CONSEIL ; qu'elle poursuivait à ce titre la réparation d'un préjudice qui lui était propre et qui tenait dans la méconnaissance de droits distincts de ceux des autres créanciers ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 621-39 et L. 622-4 anciens du code de commerce dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, la fraude aux droits d'un créancier occasionne pour celui-ci un préjudice distinct de celui subi par la collectivité des créanciers de la procédure collective ; qu'en l'espèce, l'action de la société ESPACE CONSEIL visait à voir sanctionner l'existence d'une collusion frauduleuse organisée à ses dépens par les sociétés mères ITALIANA PER CONDOTTE D'ACQUA et FERFINA SPA ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces sociétés n'avaient pas cherché à faire intentionnellement obstacle à l'exécution de la sentence arbitrale du 29 décembre 2003 obtenue par la société ESPACE CONSEIL contre la société FERFINA FRANCE, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard des articles L. 621-39 et L. 622-4 anciens du code de commerce dans leur rédaction applicable en l'espèce.