SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10069 F
Pourvoi n° Q 16-17.741
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Gid, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 22 mars 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Dalila Y..., épouse Z..., domiciliée [...] ,
2°/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 décembre 2017, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme A..., conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Gid, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gid aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Gid à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Gid
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société SAS GID à payer à Madame Z... la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral causé par la discrimination dont elle a fait l'objet ;
AUX MOTIFS QUE s'il est exact qu'une augmentation de salaire n'est ni automatique ni obligatoire et qu'en priver un salarié ne constitue pas une sanction pécuniaire, il en va différemment s'il s'agit d'une mesure discriminatoire, qui consiste à traiter une personne de manière moins favorable que d'autres dans une situation comparable, notamment en matière de rémunération ; en l'occurrence, il ressort des pièces produite par madame Z... que, selon un tableau intitulé « salaires du mois de janvier 2014 », signé du gérant, monsieur B..., il était prévu une augmentation de salaires au profit de madame Z... ; que dans un autre document du 27 janvier 2014, intitulé « tableau des rémunérations au 1er janvier 2014 », la plupart des salariés (15 sur un total de 17 présents au 1er janvier) devaient bénéficier d'augmentations s'échelonnant de 1,5% à 154%, y compris madame Z... à hauteur de 1,5% ; or il n'est pas contesté par la société que madame Z... a annoncé sa seconde grossesse le 28 janvier et qu'elle n'a jamais bénéficié de cette augmentation ; il s'agit d'éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'une discrimination, prohibée par les dispositions de l'article L 1132-1 du code du travail, selon lequel aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de grossesse ; il incombe en conséquence à l'employeur de démontrer que sa décision de ne pas faire bénéficier madame Z... de cette augmentation annuelle était étrangère à son état de grossesse ; la société GID fait d'abord valoir que les documents ci-dessus n'étaient pas définitifs ,que Monsieur B... n'était pas seul décisionnaire, argumentation inopérante dès lors que la décision de ne pas augmenter madame Z... s'est bien concrétisée, et qu'elle a été prise par la direction, peu important que ce soit monsieur B... seul ou après consultation de sa fille et de son gendre ; pour justifier sa décision, la société GID se fonde ensuite sur le courrier du 25 mars 2014 que monsieur B... a adressé à madame Z... qui s'était plainte, lors d'un entretien du 11 mars, de n'avoir pas bénéficié de cette augmentation ; il formule toute une série de griefs à l'encontre de la salarie – démobilisation, attitude détachée, retards, bavardages manque de rigueur et d'implication – mais les pièces qui sont versées aux débats pour les étayer sont dépourvues de pertinence : il s'agit de mails avec des copropriétaires qui sont tous postérieurs au mois de janvier et sans aucun rapport avec la copropriété citée par monsieur B... dans son courrier ; en toute hypothèse, il est constant que madame Z... n'avait jamais fait l'objet du moindre reproche dans l'exécution de son travail et verse aux débats de multiples attestations qui soulignent sa compétence et son sérieux ; l'employeur fait encore état, dans ce courrier d'une baisse de CA de la société, affirmation non étayée mais surtout inopérante dès lors que, ainsi qu'il a été vu ci-dessus, la plupart des salariés devaient être augmentés au premier janvier 2014, pour certains jusqu'à 15%, et la preuve que, à l'instar de madame Z..., ils ne l'ont pas été, n'est pas rapportée ; en revanche, il est explicitement invoqué dans ce courrier le « coût important (
) pour pallier au remplacement de vos absences » , la société ne justifiant pas, compte de ce qui précède, que la non augmentation du salaire de madame Z... était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à son état de grossesse, la discrimination est caractérisée et le jugement sera infirmé sur ce point ; il ressort des certificats médicaux produits par madame Z... que le comportement discriminatoire de l'employeur pendant sa grossesse a généré un stress et une anxiété qui ont eu des répercussions sur sa santé ; ce préjudice sera justement réparé en lui allouant une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
ALORS, TOUT D'ABORD, QUE le seul fait de ne pas donner à une salariée l'augmentation qui avait été envisagée n'est susceptible de constituer une discrimination que si l'employeur avait pris un engagement ferme de la lui accorder ; que dans ses écritures d'appel la société GID avait fait valoir que le tableau des salaires du mois de janvier 2014 sur lequel s'est fondée la cour d'appel pour dire que Madame Z... avait été victime d'une discrimination salariale à raison de sa grossesse n'était qu'un simple projet de travail que la salariée n'avait pu se procurer que de façon illicite de sorte qu'il ne pouvait être retenu à charge contre elle ; que la cour d'appel qui n'a pas répondu à ce moyen a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, ENSUITE, QUE la société GID avait fait valoir dans ses écritures d'appel que les documents dont se prévaut Madame Z... au titre de l'augmentation de salaire n'étaient pas mis à la disposition du personnel pour des raisons de confidentialité évidentes et que cette dernière les a nécessairement subtilisés ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant des conclusions de la société exposante, les juges d'appel ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN OUTRE, QUE les juges du fond ne doivent pas statuer par des motifs contradictoires ; que la cour d'appel qui pour rejeter la demande de dommages et intérêts de la salariée pour harcèlement moral a considéré qu'elle ne justifiait pas du fait que l'annonce de sa seconde grossesse avait été mal reçue par la société GID ni comment s'étaient traduits ses prétendus animosité et déplaisir n'a pu sans contradiction estimer que la non augmentation du salaire de Madame Z... constituait une discrimination à raison de l'annonce de sa seconde grossesse ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QUE les juges du fond doivent examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties ; que la cour d'appel qui a dit qu'il était constant que Madame Z... n'avait jamais fait l'objet du moindre reproche dans l'exécution de son travail alors que la société GID lui avait adressé le 23 octobre 2013 une lettre versée aux débats et citée par la salariée elle-même dans ses écritures d'appel, dans laquelle Monsieur C..., l'un des gérants de la société GID, invite Madame Z... à se reprendre et à retrouver une motivation suffisante pour assumer son travail a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame Z..., dit qu'elle a les effets d'un licenciement nul et condamné la société GID à lui payer les sommes de 5 475,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 547,55 euros pour les congés payés afférents, 4 786 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 17 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé pour la rupture du contrat de travail, 913,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés outre 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité telle qu'ils rendent impossible la poursuite du contrat de travail. La résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; en l'occurrence, madame Z... fait valoir que l'employeur s'est abstenu, lorsqu'elle est revenue de son congé maternité, de la faire bénéficier d'une visite de reprise , qu'elle a été victime de harcèlement et de discrimination ; or à cet égard, il convient de constater que lorsque madame Z... s'en est plainte auprès de l'employeur en mars 2014 celui-ci, ainsi qu'il a été vu ci-dessus, a émis une série de reproches dans son courrier du 25 mars sans justifier d'aucun d'entre eux de façon pertinente ; ce courrier adressé à madame Z..., qui était en état de grossesse, pour se blanchir d'une discrimination, était de nature à déstabiliser la salariée et à rendre impossible la poursuite de la relation de travail ; il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ; sur les conséquences de la résiliation judiciaire ; la nullité du licenciement en cas de discrimination, prévue par les articles L 1132-1 et L 1132-4 du code du travail s'applique également à la résiliation judiciaire du contrat de travail lorsque, prononcée aux torts de l'employeur, elle produit les effets d'un licenciement ; Madame Z... verse aux débats un courrier de demande de congé parental d'un an à compter du 20 octobre 2014 et la société GID ne fait pas valoir qu'au jour du prononcé de la décision de la Cour, l'intéressée serait toujours en congé parental ; il convient en conséquence de lui allouer la somme de 5 475,50 euros et les congés payés afférents à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; en vertu des dispositions de l'article 33 de la convention collective de l'immobilier, les salariés licenciés après 2 ans de présence reçoivent une indemnité de licenciement calculée sur la base du ? du salaire global brut mensuel acquis à la date de cessation du contrat de travail, soit en l'espèce 4.786 euros ; compte tenu de l'ancienneté de madame Z... dans l'entreprise, il lui sera alloué une somme de 17.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement nul ; madame Z... justifie qu'à la date à laquelle elle a bénéficié de son congé parental, elle avait acquis 10 jours de congés payés ; il convient de lui allouer, à ce titre, une somme de 913,euros qu'il n'y a pas lieu de « parfaire » dès lors que les périodes de congé parental ne sont pas assimilées à du temps de travail effectif pour le calcul du droit à congé payés ;
ALORS, TOUT D'ABORD, QUE la cassation du chef du premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence inéluctable par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile celle du chef de l'arrêt qui a dit que la résiliation judiciaire qu'il a prononcée aura les effets d'un licenciement nul ;
ALORS, ENSUITE, QUE seul un manquement de l'employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail peut justifier une demande de résiliation judiciaire du salarié ; qu'en retenant qu'un courrier contenant des reproches, fussent-ils non justifiés de façon pertinente, était de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail sans constater la gravité de la faute, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant violé l'article 1184 du code civil ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ;
ALORS, EN OUTRE, QUE seule une résiliation judiciaire ayant pour motif une discrimination, un harcèlement moral ou sexuel et plus largement la violation d'un droit ou d'une liberté fondamentale, produit les effets d'un licenciement nul si elle est justifiée ; que la Cour d'appel qui s'est fondée sur un courrier contenant des reproches sans lien avec l'annonce de la grossesse, ne pouvait faire produire à la résiliation judiciaire les effets d'un licenciement nul ; qu'en prononçant pareille sanction, elle a violé les articles 1184 du code civil et L. 1132-4 du code du travail;
ALORS, ENCORE, QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel qui a dit que la résiliation judiciaire produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a jugé que la résiliation judiciaire qu'elle a prononcée produisait les effets d'un licenciement nul a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN , QUE pour condamner la société GID à payer une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a énoncé qu'elle ne faisait pas valoir que la salariée était toujours en congé parental à la date de son arrêt ; qu'en statuant ainsi alors que dans ses écritures d'appel la société GID justifiait que Madame Z... avait formulé le 14 septembre 2015 une demande de renouvellement de son congé parental pour une durée d'un an et ce jusqu'au 21 octobre 2016, la cour d'appel a dénaturé les écritures de la société exposante et violé l'article 4 du code de procédure civile.