SOC.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président
Décision n° 10058 F
Pourvoi n° W 15-26.736
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Bénédicte Y..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2015 par la cour d'appel de [...] A chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Groupe ASC, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 décembre 2017, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. E... , conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller, Mme Dumont, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me Z..., avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de M. E... , conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Z..., avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que le licenciement de Mme Bénédicte Y... notifié pour faute grave était fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme Y... ;
AUX MOTIFS QUE, sur la matérialité des agissements reprochés, la lettre de licenciement reproche à Mme Y... un retard permanent dans le délai de traitement des événements concernant les appartements dont elle a la charge ; qu'à partir des mentions figurant sur les fiches de gestion produites aux débats l'employeur expose que diverses réclamations de bailleurs ou de locataires ont été traitées avec retard ou négligence par Mme Y..., notamment les 8 janvier 2010, 28 janvier 2010, 29 janvier 2010, 26 janvier 2010, 18 janvier 2010, 6 janvier 2010, 22 février 2010 et 19 février 2010 ; que de tels faits similaires de retards inexpliqués se renouvelaient, selon les pièces, les 12 février, 15 février, 19 février, 15 mars, 16 avril, 17 avril, 6 mai, 30 juin, 12 août, 14 octobre, 8 décembre 2010 ; que le 21 janvier 2010, un bailleur Mme A... constatant que le couloir et les parties communes étaient sales demandait qu'une lettre soit adressée à l'attention de tous les locataires afin de les avertir que si aucune amélioration n'était constatée, une société de nettoyage serait mis en place ce qui augmenterait les provisions pour charges des locataires et que ce n'était que le 22 décembre 2010 soit onze mois après, et après rappel à l'ordre de son responsable, que Mme Y... notait qu'il était inutile d'expédier un tel courrier car le bailleur avait décidé de retirer son mandat de gestion ; que cependant ce bailleur s'était plaint à la société ce qui avait entraîné une résiliation du mandat avant l'intervention de Mme Y... ; qu'un bailleur M. B... téléphonait le 18 janvier 2011 pour prendre rendez-vous avec un directeur afin de lui exprimer son mécontentement quant à l'indisponibilité de Mme Y... et à ses absences de réponses et à celles de son locataire ; qu'un même reproche était formulé par Mme C... le 10 janvier 2011 auprès du responsable de service qui reprochait au gestionnaire d'avoir mis plus d'un an à déclarer un sinistre dans son appartement ; que le 5 janvier 2011 alors que Mme Y... terminait une conversation téléphonique avec un client et s'apprêtait à raccrocher les propos tenus par elle ont été les suivants « quel connard » ; qu'en dernier lieu Mme Y... était classée agent de maîtrise niveau 1 (AM1) de la convention collective de l'immobilier qui définit ses attributions comme étant la gestion de l'ensemble des tâches afférentes à plusieurs immeubles, le repérage des réparations, la présentation des propositions concrètes pour l'entretien des immeubles, et d'assurer et superviser des opérations techniques, administratives ou de gestion ; que les griefs articulés par l'employeur doivent donc être appréciés compte tenu de telles indications conventionnelles ; que tous ces faits sont corroborés par des mentions sur les fiches ; qu'ils sont parfaitement établis et d'ailleurs ne sont pas discutés dans leur matérialité ; que précis et vérifiables, au regard des indications précitées, ils caractérisent des agissements fautifs imputables à Mme Y... ; qu'enfin si Mme Y... avait remplacé pendant plusieurs semaines son supérieur hiérarchique Mme D... durant l'année 2010, et si elle invoque une surcharge de travail, celle-ci concerne uniquement la seule période après son retour de congés à partir du 20 décembre 2010 où elle s'est trouvée, selon elle, devant 150 événements à traiter ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur la faute grave, la faute grave est celle qui est d'une telle nature que l'on ne peut raisonnablement exiger de l'employeur qu'il continue à occuper le salarié pendant la courte période du préavis selon la définition de l'article 11 de la convention internationale du travail n° 158 publiée par le décret du 9 février 1990 ; que cette faute rend impossible pour l'employeur de tolérer, même pendant une durée limitée, la présence physique du salarié dans l'entreprise qui porte manifestement une atteinte excessive au bon fonctionnement de l'entreprise ; qu'en l'espèce, outre un amoncellement de refus de travailler correctement pendant plusieurs mois, Mme Y... a proféré le 11 janvier 2011 une injure à l'égard d'un client ; que cependant la procédure de licenciement ayant été initiée le 11 février 2011, un tel délai interdit de retenir une faute grave ; qu'en revanche les faits ont bien été commis et sont suffisamment importants pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en conséquence le jugement doit être réformé de ce chef et qu'il doit donc être seulement alloué une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de licenciement.
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE les juges du fond doivent rechercher, au-delà des termes de la lettre de licenciement et à la demande des salariés, la véritable cause de la rupture du contrat de travail ; que Mme Y... a soutenu qu'il était « particulièrement curieux » qu'elle ait été licenciée «après avoir manifesté à deux reprises son intention de ne pas accepter n'importe qu'elle mutation arbitraire sans être tenue dans son contrat de travail par une clause de mobilité », que l'employeur souhaitait « se débarrasser d'une salariée qui n'accepterait surement pas sa mutation » et qui « bénéficiait d'une rémunération élevée par rapport à ses collègues exerçant des fonctions similaires » alors que l'embauche de sa remplaçante s'était réalisée « à une rémunération bien inférieure à celle qu'elle percevait », ce dont elle déduisait que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse (conclusions d'appel, p. 18 et 19) ; qu'en ne recherchant pas dès lors, ainsi qu'elle y était invitée, si la véritable cause de la rupture ne résidait pas dans le refus de toute mutation de Mme Y... et le souhait de l'employeur la remplacer par une salariée moins rémunérée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1235-1 et L.1235-3 du code du travail ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE l'exécution tardive ou incorrecte des tâches confiées au salarié, sauf volonté délibérée, ne caractérise qu'une insuffisance professionnelle non fautive, insusceptible de justifier un licenciement disciplinaire ; que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement reprochait à Mme Y... « un retard permanent dans le délai de traitement des événements concernant les appartements dont elle a la charge », retenu à son encontre des « retards inexpliqués », une absence de réaction de Mme Y... à la demande d'un bailleur le 21 janvier 2010, le mécontentement d'un bailleur le 18 janvier 2011 quant à son indisponibilité et à ses absences de réponses et à celles de son locataire, et qu'un autre bailleur lui reprochait le 10 janvier 2011 d'avoir mis plus d'un an à déclarer un sinistre dans son appartement ; qu'en l'état de ces constatations qui ne mettaient en évidence aucune volonté délibérée de Mme Y... de ne pas exécuter les tâches confiées et ne permettaient pas de lui imputer agissements fautifs ou un amoncellement de « refus » de travailler correctement pendant plusieurs mois, la cour d'appel a violé les articles L.1235-1, L.1235-3 et L.1331-1 du code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement reprochait à Mme Y..., le « 5 janvier 2011 », terminant une conversation téléphonique avec un client et s'apprêtant à raccrocher, d'avoir dit « quel connard » ; qu'en ayant retenu que Mme Y... avait proféré le « 11 janvier 2011 une injure à l'égard d'un client », cependant que la lettre de licenciement ne visait aucun fait à cette date, la cour d'appel a violé l'article L.1232-6 du code du travail ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QU' en tout état de cause, ne revêt pas un caractère fautif l'injure proférée par un salarié résultant d'un manque de discernement et de professionnalisme ; qu'en reprochant à Mme Y... une faute constituée par « une injure à l'égard d'un client », cependant que la lettre de licenciement évoquait une injure en reprochant à la salariée un « manque de discernement et de professionnalisme » non constitutif d'une faute, la cour d'appel a violé les articles L.1235-1, L.1235-3 et L.1331-1 du code du travail.