CIV.3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10023 F
Pourvoi n° D 17-13.457
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la commune de Z... agissant par son maire, dont le siège est [...] ,
contre le jugement rendu le 19 avril 2016 par le tribunal de grande instance de Saint-Etienne (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme Anne-Marie X..., épouse Y..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 décembre 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Meano, conseiller référendaire rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la commune de Z... , de la SCP Richard, avocat de Mme X... ;
Sur le rapport de Mme Meano, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Z... ; la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la commune de Z...
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit que Mme X... est propriétaire du chemin litigieux dont l'assiette se situe au sud-est de la parcelle cadastrée [...] [...] , et d'AVOIR dit en conséquence que le chemin rural [...] qui débute à la voirie communale [...] s'arrête à la parcelle [...] (anciennement [...]),
AUX MOTIFS QU'aux termes des articles L. 161-1 à L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipal. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. En l'espèce, le chemin litigieux démarre à l'est sur le chemin rural [...] et mène à la parcelle cadastrée [...] qui est un chemin privé appartenant aux riverains. Il ne débouche pas sur une destination publique. La commune ne démontre pas que ce chemin est utilisé ou a été utilisé comme voie de passage et se trouve régulièrement fréquenté par les habitants de la commune ou les riverains. Les lettres des riverains A... et B... produites par la commune ne font pas ainsi état de cette utilisation, ni même d'une fréquentation passée mais se contentent de se référer au plan cadastral pour alléguer l'existence chemin rural. Les photographies des lieux ne font d'ailleurs pas apparaître l'existence d'un chemin ou de passages répétés. Par ailleurs, la commune ne justifie, ni même n'allègue avoir exercé des actes réitérés de surveillance ou de voirie. Enfin, bien qu'invitée par jugement du 27 janvier 2015 à produire la carte des chemins ruraux établie par la DDE, la commune n'a pas versé aux débats ce document. Il ressort toutefois de l'extrait de délibération du conseil municipal du 4 décembre 2003 que d'après le tableau de classement établi par la DDE, le chemin rural s'arrête à la parcelle [...]. Dès lors, aucun élément ne permet de présumer de l'affectation de la parcelle litigieuse à l'usage du public. En conséquence, la commune ne peut bénéficier présomption de propriété. Le titre de propriété de Mme Anne-Marie X... épouse Y... (acte de donation-partage du 16 mai 1981) ne mentionne pas que sa parcelle [...] serait longée et délimitée par un chemin. Le titre de ses auteurs (donation du 25 septembre 1951) fait état des confins suivants : au nord propriété H..., I... & J..., à l'est propriété C... & K... , au sud propriété L..., D..., E... et M... , et à l'ouest propriété X.... Cet acte ne fait donc pas apparaître comme confins un chemin rural, ni même un chemin. Les actes de vente passés entre M. D... et M. A... en date du 18 juin 1990 et du 22 mai 1989 portant sur les parcelles [...] et [...] et [...] (actuellement [...]) situées au sud de la parcelle appartenant à Mme X... ne mentionnent pas les confins des parcelles et ne font pas état d'un chemin rural, ni d'un chemin. S'agissant du plan de bornage de la parcelle [...] dressé le 12avril 19767 propriété de M. F..., il ressort que la commune n'était pas partie au bornage alors qu'elle l'aurait été si la parcelle litigieuse était bordée au nord par un chemin rural. Par ailleurs, si ce plan fait état d'un chemin, il apparaît comme faisant partie de la parcelle de Mme X.... En ce qui concerne l'extrait de l'acte de vente F.../B... , il est produit de façon tout à fait parcellaire puisque sa date précise ne peut être déterminée (1976). En outre, il mentionne un chemin au nord-ouest tout en faisant état de la propriété X... comme se trouvant au sud-ouest. En présence de ces mentions contradictoires et en l'absence de précision sur la nature du chemin, il ne peut être tiré aucun élément de cet acte. L'acte de vente passé entre les consorts G... et M. D... le 3 février 1930 porte sur la parcelle anciennement cadastrée [...] et actuellement partie de [...]. Il indique que cette parcelle est confinée au nord par un chemin séparant des époux C.... Cet acte mentionne donc expressément un chemin. Toutefois, il n'en précise pas la nature. Il en est de même de l'acte de vente passé entre M. E... et M. D... le 28 octobre 1950 qui évoque sans autre précision un chemin comme confiné Nord Ouest des parcelles [...] et [...] (actuellement [...]). Ces actes ne permettent donc pas d'établir que la parcelle litigieuse est un chemin rural. Le plan cadastral est insuffisant pour établir la propriété de la commune sur la parcelle litigieuse. Enfin, le document d'arpentage du 4 mars 1974 n'est pas probant. Mme X... détient un titre qui décrit sa propriété comme étant contiguë des parcelles de ses voisins sans mention d'un chemin. En tout état de cause, il ressort de l'ensemble des éléments du dossier qu'elle a possédé cette parcelle de façon continue de 1951 à 2002, date des premières récriminations des voisins, de façon publique puisque des panneaux en interdisant l'accès étaient apposés et qu'aucune circulation n'avait lieu et de façon non équivoque, la seule mention erronée du plan cadastral ne pouvant perturber cette possession. En conséquence, il convient de dire que Mme Anne-Marie X... est propriétaire du chemin litigieux dont l'assiette se situe au sud-est de la parcelle cadastrée [...] [...] et que le chemin rural [...] qui débute à la voirie communale [...] s'arrête à la parcelle [...] (anciennement [...]) ;
1) ALORS QUE les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voie communale ; que l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ; qu'en l'espèce, pour considérer que le chemin litigieux n'était pas un chemin rural et qu'il était la propriété de Mme X..., la cour d'appel a relevé que ce chemin démarrait à l'est sur le chemin rural [...] et menait à la parcelle cadastrée [...] qui était un chemin privé appartenant aux riverains, qu'il ne débouchait pas sur une « destination publique » et qu'aucun élément ne permettait de présumer son affectation à l'usage du public ; qu'en statuant ainsi quand le chemin rural [...], qui débouchait sur la voie communale [...], étant affecté à l'usage du public, le chemin litigieux qui en constituait le prolongement jusqu'à la parcelle [...] était lui-même nécessairement affecté à l'usage du public, et constituait une voie de passage jusqu'à la voie communale, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 161-1 et L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 544 du code civil ;
2) ALORS QUE la propriété se prouve par tous moyens, y compris par le plan cadastral ; qu'en retenant que les riverains MM. A... et B... « se contentent de se référer au plan cadastral pour alléguer l'existence d'un chemin rural », le tribunal, qui a dénié toute valeur probante au plan cadastral, a violé les articles L. 161-1 et L 161-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 544 du code civil ;
3) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le titre de Mme X... décrivait sa propriété comme étant contigüe des parcelles de ses voisins, sans mention d'un chemin ; qu'elle a aussi constaté que les actes de vente G.../D..., portant sur la parcelle anciennement cadastrée [...], et E.../D..., portant sur les parcelles anciennement cadastrées [...] et [...], mentionnaient tous deux que ces parcelles étaient confinées au nord par un chemin ; qu'en n'expliquant pas en quoi le titre de Mme X... avait une valeur supérieure aux titres des riverains, lesquels mentionnaient qu'ils étaient délimités par un chemin, ce qui excluait qu'il puisse s'agir la propriété de Mme X..., peu important que la nature du chemin ne soit pas précisée dans ces actes, le tribunal a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE la prescription acquisitive suppose des actes matériels de possession sur la parcelle revendiquée accomplis pendant plus de trente ans par celui qui s'en prétend propriétaire ; qu'en se bornant en l'espèce, pour dire que Mme X... était propriétaire du chemin litigieux, qu'il ressortait de l'ensemble des éléments du dossier qu'elle avait possédé cette parcelle de façon continue de 1951 à 2002, date des premières récriminations des voisins, de façon publique puisque des panneaux en interdisant l'accès étaient apposés, sans constater que ces panneaux, seuls actes matériels de possession relevés, étaient présents sur le chemin litigieux depuis plus de trente ans, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 2229, 2261 et 2272 anciens du code civil applicables en l'espèce ;
5) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, dans sa lettre du 19 mars 2003 adressée au maire de Z... , M. B... indiquait qu'il y avait « depuis un certain temps» à l'angle de la bâtisse [...] un panneau d'interdiction, et demandait : «quelle est cette défense, à qui s'adresse-t-elle ? » ; qu'en retenant que Mme X... avait possédé cette parcelle de façon continue de 1951 à 2002 puisque des panneaux en interdisant l'accès étaient apposés et qu'aucune circulation n'avait lieu de façon non équivoque jusqu'en 2002, quand il ressortait du courrier de M. B... que les panneaux d'interdiction avaient été apposés récemment, en tout cas depuis moins de trente ans, et qu'auparavant la circulation s'effectuait librement, le tribunal a dénaturé ce courrier et violé l'article 1134 ancien du code civil applicable en l'espèce.
6) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, dans une lettre du 12 mars 2009, M. A... écrivait au maire que « l'accès aux propriétés riveraines a toujours eu lieu par ce chemin » ; qu'en retenant, pour dire que Mme X... avait possédé cette parcelle de façon continue de 1951 à 2002, puisque des panneaux en interdisant l'accès étaient apposés et qu'aucune circulation n'avait lieu de façon non équivoque, quand il ressortait du courrier de M. A... que les panneaux d'interdiction avaient été apposés récemment, en tout cas depuis moins de trente ans et qu'auparavant la circulation s'effectuait librement, le tribunal a dénaturé ce courrier et violé l'article 1134 ancien du code civil applicable en l'espèce.