CIV.3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10008 F
Pourvoi n° J 17-11.484
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. Francisco X...,
2°/ Mme Adélaïde Y..., épouse X...,
domiciliés [...] ,
contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2016 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Christian Z...,
2°/ à Mme Anne-Marie Z...,
domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 décembre 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Echappé , conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme X... , de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. et Mme Z... ;
Sur le rapport de M. Echappé , conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... ; les condamne in solidum à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme Z... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le mur séparant le fonds de M. et Mme X... (parcelle cadastrée [...] , [...], [...] et [...]) du fonds de M. et Mme Z... (parcelle cadastrée [...] ) appartient à M. et Mme X... et d'avoir débouté ces derniers de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE la mitoyenneté se prouve par titre entre les propriétaires concernés ou leurs auteurs, par prescription ou à défaut par présomption. En l'espèce, la mitoyenneté prétendue du mur litigieux ne procède d'aucun titre versé aux débats et son acquisition par prescription n'est pas alléguée. Il appartient donc à la Cour de trancher le litige en fonction des présomptions alléguées. En application de l'article 653 du code civil, dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'heberge ou entre cours et jardins et même entre enclos dans les champs est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire. Il appartient aux époux Z... qui en combattent l'application, d'établir que les conditions de cette présomption légale n'étaient pas réunies. Le tribunal a écarté cette présomption légale au motif qu'elle ne s'applique pas lorsqu'un des fonds est bâti alors que l'autre ne l'est pas, que la mitoyenneté doit s'apprécier au moment de l'érection du mur et qu'il ne serait pas contesté que le fonds des époux X... a été bâti au siècle dernier tandis que celui des époux Z... n'a jamais été construit avant cela et avait été laissé à l'état de champ, pâture ou jardin. Cependant il est constant que la parcelle [...] des époux Z... était comprise initialement dans une parcelle plus vaste [...] et que la division de cette parcelle est intervenue en 2004 pour créer les parcelles n° [...] et [...]. Le plan de division établi le 28 avril 2004 est d'ailleurs produit au débat. Or la parcelle n° [...] appartenant ou ayant appartenu aux consorts B... est bâtie ainsi que les plans annexés au rapport d'expertise et le plan de division établi le 28 avril 2004 le démontrent. La deuxième photographie suivant la page 9 du rapport de M. C... confirme s'il le fallait ce fait, qui montre effectivement une grande parcelle (la propriété X... étant à gauche) avec au fond, une construction. C'est cet ensemble qui a fait l'objet de la vente intervenue le 18 juillet 1936 entre M. Amédée D... O... et M. Fernand E... (pièce 19 appelant). Un plan nommé « propriété de M. E... Fernand établi le 22 juin 1945 visualise cet ensemble acquis. L'essentiel de la parcelle des époux Z... est constitué du jardin potager situé dans le prolongement au nord de la villa de M. E.... La comparaison entre ce plan et ceux annexés en suite de la page 5 du rapport d'expertise judiciaire confirme cette situation. D'ailleurs le plan précité établi le 22 juin 1945 fait mention d'une « dalle en béton pour sous-sol de baraque » à cet endroit. Or l'acte d'échange de parcelles entre M. Christian Z... d'une part, et M. François F... et Mme Sylvie Z... d'autre part en date du 28 4 octobre 2006 portant sur la parcelle [...] en reprend l'historique de propriété. Il fait notamment état d'une vente entre d'une part les consorts B... et d'autre part M. François F... et Mme Sylvie Z... en date du 29 mai 2004, vente précédée d'un compromis du 14 juin 2003 mentionnant : « l'acquéreur fait son affaire personnelle de la présence de la dalle existante sur le terrain vendu (
) » (pièce intimés n° 23 p 13). Cependant il reste impossible au vu des pièces versées par les parties de savoir si le mur litigieux a été construit alors que la villa acquise en 1936 par M. Fernand E... était déjà construite. Ainsi la « [...] » sise sur la parcelle [...] des époux X... a été édifiée par un certain Louis G... sur le terrain acquis par lui des consorts P.../A... les 18 et 20 juin 1864 (pièces intimés n° 14 et 15). La villa acquise en 1936 par M. Fernand E... est pour sa part mentionnée dans les actes produits au plus ancien en 1885, Mme Marie H..., veuve Q... , en devenant propriétaire à la suite du décès de son époux, M. Pierre Q... (pièce appelant n° 19). Ce dernier en était le précédent propriétaire mais les circonstances de son acquisition, ni le fait de savoir si le fonds était déjà bâti, ne sont pas précisés. En toute hypothèse, ce plan est daté de 1875 et n'est d'aucune utilité particulière pour déterminer si le mur, au jour de son érection, a séparé deux fonds déjà bâtis. Faute pour les époux Z... d'établir que la parcelle n° [...] n'était pas bâtie au jour de l'édification du mur litigieux, la présomption de l'article 653 du code civil doit s'appliquer. Toutefois cette présomption est simple et autorise donc la preuve contraire. Cette preuve n'est pas nécessairement une preuve par titre. Les époux X... prétendent corroborer cette présomption en alléguant divers éléments. Ils mettent ainsi en avant les termes du contrat de vente précité intervenue le 18 juillet 1936 entre M. Amédée D..., O... , et M. Fernand E... (pièce 19 appelant). Cet acte mentionne effectivement que « 3)- Madame R... conservera la mitoyenneté de tous les murs et constructions séparatifs des immeubles qu'elle vend présentement ». Toutefois cette mention n'a aucun intérêt pour le présent litige. Ainsi que les époux X... l'indiquent dans leurs écritures sans en tirer de conséquence utile, la propriété de M. S... bordait la propriété E... à l'ouest de celle-ci. Or le mur litigieux séparait la propriété E... de la propriété Pinel située à l'Est, soit à l'opposé. Le plan du 22 juin 1945 précité de la propriété de M. E... Fernand traduit clairement cette situation qui mentionne effectivement que la clôture bordant la propriété [...] à l'ouest appartient aux voisins. En réalité, l'acte de vente de 1936 ne dit rien s'agissant du caractère mitoyen ou privatif du mur litigieux. Les époux X... font encore état du fait que l'acte de vente en date du 3 novembre 1950 entre M. Louis J... et Melle Odette I... portant sur leurs parcelles [...] et [...] mentionne que le mur séparant ces parcelles de celles situées « par derrière » (en fait à l'ouest), et resté propriété des époux J..., est mitoyen. Or, il est prétendu que ce mur est dans le prolongement direct du mur litigieux en sorte qu'il ne serait pas possible de soutenir qu'une partie de ce mur est mitoyenne mais pas l'autre. Toutefois, si ces murs sont alignés, rien n'autorise à soutenir qu'il s'agit d'un seul et même mur érigé à la même époque. Les photographies produites en annexes du dire des époux Z... en date du 4 avril 2012 sont clairement en faveur de deux constructions distinctes, quoique alignées. D'ailleurs, bien que sa date d'érection ne soit pas connue, le mur litigieux, mentionné dans un acte du 10 octobre 1933, sépare deux fonds appartenant, au moins depuis l'époque 1864-1875, à des propriétaires distincts, ce qui signe son intérêt. Or, les parcelles [...] et [...] (simple terrain sur lequel était érigé un abris en briques à usage de débarras en 1950) sont contiguës aux parcelles conservées par les époux J... vendeurs (cadastrées [...] et [...] sur les plans annexés au rapport d'expertise) en sorte que toutes ces parcelles ne formait jusqu'en 1950 qu'une seule et même propriété d'un seul tenant. Il doit même y être ajouté la parcelle [...] aux termes d'un rapport d'expertise T... du 30 mai 2000 établi dans un litige similaire entre les époux X... et M. K... (pièce appelant n° 24, pages 4 et 5), laquelle appartenait également historiquement à Mme J... . Il s'ensuit que c'est l'acte de vente de 1950 qui a attribué au mur son caractère mitoyen, mitoyenneté qui n'avait pas de sens antérieurement en présence d'un propriétaire unique. Or, en 1950, la parcelle n° [...] des époux X... était encore la propriété d'un tiers, soit Mme Marcelle L..., veuve I... (mère de Mme Odette I...) qui considérait pour sa part que le mur litigieux était privatif puisque son acte d'acquisition du 7 novembre 1946 faisait état de ce caractère. Il ne peut donc pas être déduit le caractère mitoyen du mur litigieux de son alignement avec d'autres murs considérés comme mitoyens.
L'évocation du litige X.../K... par les époux X... est également sans apport utile, s'agissant au surplus d'un mur perpendiculaire. Est de même vain le fait que les balustres coiffant le mur litigieux se trouveraient au milieu de la moitié du mur des époux X..., ce qui indiquerait que les propriétaires précédents considéraient l'autre moitié de celui-ci appartenait à leur voisin. En effet, les époux X... soutiennent que ces balustres existent depuis 1946, ce qui n'est établi avec certitude par aucune pièce versée au débat. Un arrêt de cette cour en date du 27 mars 2003 dans le litige X.../K... précité fait même état d'attestations évoquant plutôt les années 50, notamment 1956. Cette période est en effet la plus probable puisque les parcelles [...] et [...] appartenaient aux consorts J... avant le 3 novembre 1950. En toute hypothèse, l'acte de vente du 7 novembre 1946 concernant la parcelle [...] des époux X... passé entre Mme Berthe M..., veuve L..., et Mme Marcelle L..., veuve I... mentionne que le mur litigieux est privatif, la même mention étant déjà présente dans un précédant acte de vente du 10 octobre 1933. Mme Marcelle L..., veuve I..., a acquis successivement l'usufruit puis la nue-propriété de cette parcelle par les actes de 1933 et 1946 en sorte qu'elle est intervenue dans les deux cas à l'acte. Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu qu'elle avait conscience qu'elle n'était propriétaire que de la moitié du mur litigieux en faisant poser les balustres puisqu'elle avait signé deux actes affirmant le contraire. L'explication du positionnement à mi-mur des balustres pourrait d'ailleurs être plus utilement recherchée dans une simple volonté d'alignement avec les balustres positionnées sur tout ou partie du mur séparant les parcelles [...] et n°4 de l'ancienne propriété de J... (parcelle n025 sur les plans du rapport d'expertise) et en partie visibles sur la photo annexée après la page 3 du rapport de M. C..., dénommée « le mur, côté nord de la maison Z... » et sur la photo « D » annexée au dire des époux Z... du 4 avril 2012. En effet, ce mur, qui est dans le prolongement au nord du mur litigieux, a été expressément stipulé comme mitoyen dans l'acte de vente J... /I... du 3 novembre 1950 en sorte que les balustres le coiffant devaient donc effectivement être placées à mi-mur. Les époux X... soutiennent encore que l'édification du mur litigieux témoigne de la volonté de délimiter deux terrains, cette construction étant intervenue au bénéfice des deux fonds. II s'ensuivrait que l'article 653 du code civil établirait une présomption sur la base du constat que certains murs ont une utilité commune aux deux voisins de part et d'autre du mur. Un tel raisonnement est inopérant puisque la date d'édification du mur litigieux et celle de la villa sise sur l'ancienne parcelle [...] divisée en 2004 sont inconnues. Enfin, « l'attestation » des soeurs Z... a été justement considérée comme non-probante par le premier juge. L'une d'entre a d'ailleurs depuis explicité le sens « mitoyen » employé dans sa première attestation (sens courant et non juridique - pièce intimés n° 20). En réalité, rien ne vient conforter la présomption légale, les arguments avancés par les époux X... ne convaincant pas, fut-ce par cumul. Or, à l'inverse, les éléments suivants, pour certains déjà évoqués par le premier juge, certes insuffisants par eux-mêmes, convainquent par cumul du caractère privatif du mur litigieux et suffisent à inverser la présomption légale. D'une part, le fonds X... est sis commune [...] tandis que celui des Z... est sis commune de [...]. Or, l'expertise démontre bien le décalage complet entre le mur séparatif de la parcelle [...] et d'une partie de la parcelle [...] et le mur séparatif de la parcelle [...] et de l'autre partie de la parcelle [...] . On remarque clairement que le premier mur, propriété privative des époux Z..., est édifié côté [...]. Le second, propriété des époux X..., est pour sa part sis côté [...]. Il y a donc eu à l'époque de la construction de ces murs volonté manifeste de construire de part et d'autre de la ligne séparant les deux communes, cette ligne étant également séparative des propriétés en cause. Or, le mur litigieux est la prolongation alignée vers le nord du mur sis côté [...]. Si, encore au-delà au nord, la continuation du mur est mitoyenne, cette mitoyenneté résulte d'un acte de vente de 1950 entre les propriétaires, celle-ci n'ayant pas de sens antérieurement. D'autre part, il convient de rappeler que les auteurs des époux X... ont considéré ce mur comme leur propriété exclusive dans les actes de 1933 et 1946 précité alors même qu'ils ont pu reconnaitre dans ces mêmes actes le caractère mitoyen d'autres murs. Certes il ne s'agit pas d'un titre entre les propriétaires respectifs des parcelles contigües. Toutefois, ces titres valent comme présomption. Par ailleurs, un plan de délimitation établi par M. T..., géomètre-expert le 10 mars 2004 considère le mur litigieux privatif. Ce plan a été signé pour accord par les époux X... le 12 avril 2004. Enfin, tant M. N..., géomètre-expert intervenu amiablement, que M. C..., expert judiciaire, ont également considéré que le mur litigieux devait être considéré comme privatif. En conséquence, le jugement sera confirmé s'agissant du caractère privatif du mur litigieux ;
1°- ALORS QUE dès lors que comme l'admet la Cour d'appel, la présomption légale de mitoyenneté s'applique au mur litigieux, il n'appartenait pas aux époux X... d'en conforter le caractère mitoyen mais aux époux Z... d'en démontrer le caractère privatif ; qu'en se déterminant sur le fondement de la carence des époux X... à conforter la présomption légale, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 652 du code civil ;
2°- ALORS QUE dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge ou entre cours et jardins et même entre enclos dans les champs est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire ; que ne constitue pas un titre contraire à la présomption de mitoyenneté, la déclaration laquelle ne peut opérer transfert de propriété selon laquelle un mur est privatif ; qu'en se fondant pour écarter la présomption de mitoyenneté du mur litigieux sur la déclaration faite par les auteurs des époux X... dans les actes du 10 octobre 1933 et du 7 novembre 1946 selon laquelle le mur litigieux serait privatif, la Cour d'appel a violé l'article 652 du code civil ;
3°- ALORS QUE l'aveu ne peut être opposé à une partie que s'il porte sur un point de fait ; qu'en opposant aux époux X... la déclaration par leurs auteurs du caractère prétendument privatif de ce mur et partant un aveu ayant pour objet le point de droit que constitue la propriété du mur litigieux, la Cour d'appel a violé l'article 1354 ancien devenu 1383 du code civil ;
4°- ALORS QUE la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non des points de droit ; que pour retenir le caractère privatif du mur litigieux, le géomètre expert amiable N... se fondait exclusivement sur la déclaration du caractère privatif de ce mur dans l'acte du 7 novembre 1946 ; qu'en retenant cette expertise comme une preuve du caractère privatif de ce mur, la Cour d'appel a encore violé les dispositions de l'article 1354 ancien devenu 1383 du code civil ;
5°- ALORS QUE l'accord des parties sur la délimitation des fonds n'implique pas à lui seul leur accord sur la propriété ; qu'en se fondant pour écarter la présomption de mitoyenneté du mur litigieux sur la signature par les époux X... le 12 avril 2004, d'un plan de délimitation établi par M. [...] géomètre expert le 10 mars 2004 qui considère le mur litigieux comme privatif, la Cour d'appel a violé les articles 544 et 646 du code civil ;
6°- ALORS QU'il est interdit aux juges de déléguer leurs pouvoirs juridictionnels à un expert et à ce dernier de porter des appréciations d'ordre juridique ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait sur le fondement de l'appréciation juridique portée par l'expert C... sur le caractère privatif du mur litigieux, la Cour d'appel a violé les articles 238 et 12 du code de procédure civile.