SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10015 F
Pourvoi n° K 16-20.497
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Transdev Arles, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
contre le jugement rendu le 19 mai 2016 par le conseil de prud'hommes d'Arles (section commerce), dans le litige l'opposant à M. Samir Y..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 novembre 2017, où étaient présents : M. CHAUVET, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Transdev Arles, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transdev Arles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Transdev Arles et condamne celle-ci à payer à M. Y... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision.
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Transdev Arles.
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que l'ancienneté de M. Y... remonte au 27 août 2007 en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et d'avoir condamné la société TRANSDEV à payer à celui-ci la somme de 2.438,99 euros à titre de rappel de rappel de prime d'ancienneté et celle de 243,90 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi qu'une somme de 500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que « Il résulte des éléments fournis par les parties et des pièces versées aux débats, en particulier au regard des bulletins de paie, que M. Y... a été successivement salarié au sein des sociétés de transport suivantes, en qualité respectivement de conducteur, conducteur vérificateur et en dernier lieu de contrôleur de route, soit :
- par la société CEYTE TOURISME MEDITERRANEE du 27 août 2007 au 31 août 2009 ;
- par la société CARS DE CAMARGUE du 25 février au 1er mars 2009 ;
- par la SARL KEOLIS CAMARGUE du 1er septembre 2009 au 31 août 2010 ;
- par la STAR au cours de plusieurs mois de l'année 2008, de janvier à décembre 2009, de façon ponctuelle puis de janvier au 31 mars 2011 ;
- par la société VEOLIA TRANSPORTS ARLES du 1er avril 2011 au 31 juillet 2013 ;
- par la société défenderesse TRANSDEV ARLES depuis le 1er août 2013.
M. Y... sollicite un rappel de prime d'ancienneté à compter du 27 août 2007, au vu de la convention collective applicable et des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, précisant que les différentes entités employeurs se sont succédés et également selon le marché public du transport de la ville d'Arles.
M. Y... entend préciser, également, que certaines sociétés faisaient partie du même groupe et composaient une unité économique et sociale (UES).
La société TRANSDEV ARLES entend s'opposer à la demande, faisant remonter l'ancienneté de service de M. Y... au 10 novembre 2009 en l'état du contrat de travail du 1er octobre 2010 avec la STAR mentionnant reprendre son ancienneté à compter de cette date.
De plus, la société soutient des interruptions par la non-production des bulletins de paie pour août 2008 et de septembre 2010 à décembre 2010.
Cependant, sur cette dernière période, la société TRANSDEV ARLES fait état d'un contrat du 1er octobre 2010.
De plus, au 10 novembre 2009, le demandeur était demandeur de la société KEOLIS et non de la STAR, comme il est soutenu.
Au surplus, l'acceptation de bulletins de paie ne vaut nullement compte arrêté et acceptation, avec renonciation à toute réclamation ultérieure dans le cadre de la prescription.
Les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail (anciennement L. 122-12) d'ordre public précisent : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ».
Cet article doit trouver entière application, même s'il peut y avoir une courte interruption d'activité entre deux employeurs successifs et peu importe si une unité économique et sociale existe ou non entre plusieurs sociétés pour lesquelles M. Y... ait pu travailler indifféremment pour l'une ou l'autre.
Dès lors, il convient de retenir que l'ancienneté de M. Y... remonte au 27 août 2007 et qu'il peut prétendre à un rappel de prime d'ancienneté, dont le paiement incombe au dernier employeur, quitte à celui-ci à se retourner contre les précédents employeurs pour les périodes respectives d'emploi de M. Y....
La convention collective nationale applicable dans les relations contractuelles entre les parties est celle des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986, étendue par arrêté du 25 janvier 1993.
L'art. 21 étendu, au titre de la majoration des salaires pour ancienneté, précise :
« Des majorations de salaires pour ancienneté appliquées au salaire de base à l'embauche de l'emploi occupé sont accordées au personnel d'après le tableau suivant :
- 3 p. 100 après 6 mois de stage ;
- porté à 7 % après 1 an (5e classe) ;
- porté à 10 % après 3 ans (4e classe) ;
- porté à 12 % après 5 ans (3e classe)
»
M. Y..., en fonction de son ancienneté, peut prétendre à un pourcentage de % au lieu de 7 % comme rémunéré et 12 % au lieu de 10 %.
Il fournit un décompte du rappel de salaire dû à ce titre entre 2011 et avril 2014 pour un montant de 2.438,99 euros brut, soit 659,55 euros pour 2011, 691,12 euros pour 2012, 652,35 euros pour 2013 et 435,97 euros pour 2014.
Il en résulte, dès lors, qu'il y a lieu d'accorder à M. Y... cette somme de 2.438,99 euros brut à titre de rappel de prime d'ancienneté et de condamner la société TRANSDEV ARLES audit paiement, et ce compte tenu de la prescription.
La société TRANSDEV ARLES soutient que la prescription est de 3 ans pour l'action en paiement, conformément à la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013.
Compte tenu de la saisine du Conseil au 2 avril 2015 par le demandeur, les demandes antérieures au 2 avril 2012 sont prescrites.
Effectivement, la prescription est passée pour le paiement des salaires et accessoires à 3 ans au lieu de 5 ans (loi du 18 juin 2008).
Cependant, il y a lieu de se référer aux arrêts de la Cour de cassation du 19 septembre 2012 (n° 11-180.20) et de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 janvier 2013, pour le calcul des délais de prescriptions en cours, au moment de la promulgation de la loi.
L'article 21 de la loi prévoit expressément que les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Ainsi, en l'espèce, M. Y... était fondé en fonction de ce principe, avant la loi du 14 juin 2013, à solliciter jusqu'au 14 juin 2016 (sa saisine étant du 2 avril 2015) un rappel de salaire sur 5 ans.
Dès lors, le rappel de prime d'ancienneté sur 2011 et 2012 n'est nullement prescrit.
La somme de 243,90 euros brut doit être également allouée à M. Y... à titre de congés payés afférents à la somme principale de 2.438,99 euros.
S'agissant d'un rappel et non d'une inclusion dans le salaire tout au long de l'année, cette indemnité ne fait nullement double emploi et à payer deux fois des congés payés.
Il apparaît quelque peu contraire à l'équité et à l'économie du dossier de laisser entièrement à la charge de M. Y... les frais irrépétibles engagés, alors que la société TRANSDEV ARLES succombe au principal.
Si cette dernière doit être déboutée de sa demande reconventionnelle comme mal fondée, il convient d'allouer à M. Y... la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
Alors que le transfert de plein droit du contrat de travail en application de l'article L.1224-1 du code du travail s'opère lorsqu'est constaté le transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, dont l'identité est maintenue ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que ce texte doit recevoir application, de sorte que l'ancienneté du salarié doit être calculée à compter du 27 août 2007 et que, depuis cette date, le contrat de travail a été transféré à des employeurs successifs jusqu'à la société TRANSDEV ARLES, sans constater le transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, dont l'identité est maintenue, le Conseil de prud'hommes a violé les dispositions dudit texte ;
Alors, en outre, que le juge ne peut se prononcer sur le transfert de plein droit d'un contrat de travail sur le fondement de l'article L.1224-1 du code du travail, lorsqu'il n'est pas allégué le transfert d'éléments d'exploitation corporels ou incorporels ; qu'en l'espèce, en retenant que ce texte doit recevoir application, quand le salarié ne démontrait pourtant pas, ni même n'alléguait le transfert d'éléments d'exploitation corporels ou incorporels permettant de caractériser une entité économique autonome dont l'activité est poursuivie ou reprise, le Conseil de prud'hommes a encore violé lesdites dispositions ;
Alors, en tout état de cause, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se contentant d'affirmer, de manière péremptoire, que l'article L.1224-1 du code du travail doit trouver application, sans préciser les éléments de fait et de droit lui permettant de parvenir à cette conclusion, le Conseil de prud'hommes n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, enfin, que le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; que la société TRANSDEV faisait valoir, dans ses conclusions (p. 4 et 5) et sa note en délibéré (p. 2 et 3), que le salarié, en signant son contrat de travail le 1er octobre 2010, avait expressément accepté une reprise de son ancienneté à compter du 10 novembre 2009, comme mentionné dans le contrat de travail, de sorte qu'il ne pouvait prétendre que son ancienneté remonterait au 27 août 2007 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, le Conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du code de procédure civile.