COMM.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10019 F
Pourvoi n° E 16-20.492
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société ADS, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...]                     ,
contre l'arrêt rendu le 24 février 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Oil France, société anonyme, dont le siège est [...]                         ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 novembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme X..., conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société ADS, de Me Y..., avocat de la société Oil France ;
Sur le rapport de Mme X..., conseiller, l'avis de Mme Z..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ADS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société ADS
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société ADS de ses demandes tendant à la condamnation de la société Oil France à lui verser la somme de 936 527,54 euros HT au titre des pertes du mandat exposées entre 2005 et 2009 ;
AUX MOTIFS QUE la société ADS soutient que le contrat exclut les dispositions des articles 1999 et 2000 sans les reproduire de sorte que la société ADS ne saurait y avoir valablement renoncé ; que le contrat d'exploitation d'une station-service signé entre Shell et la société ADS le 1er février 2001 prévoit que les activités hors distribution de carburants s'exerceront sous forme de location gérance et que la distribution de carburants s'exercera sous la forme de mandat selon les articles 1984 et suivants du code civil, "à l'exception des articles 1999 et 2000 relatifs au remboursement des frais et pertes du mandataire auquel il est expressément renoncé, compte tenu de l'application des dispositions de l'article 11 et du protocole interprofessionnel"; que la société ADS se prévaut vainement de ce qu'elle n'a pas renoncé en connaissance de cause aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil suivant lesquels le mandataire répond des pertes du mandat, dès lors qu'au terme du contrat, l'exploitant reconnaît avoir reçu une formation de base de trois semaines dispensée par Shell, que l'exploitant a reconnu disposer du texte du contrat trois semaines avant la signature, avec toutes ses annexes et notamment le protocole interprofessionnel avec ses avenants successifs et s'être ainsi engagé en toute connaissance de cause dans la relation contractuelle avec Shell ; qu'il s'ensuit que la société ADS ne démontre pas qu'elle a signé dans l'ignorance des conditions du contrat et notamment de la portée des dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil quoique le texte desdits articles ne soient pas rappelés auxquels elle a valablement renoncé en raison notamment de l'application de l'accord interprofessionnel de 1994 et de ses avenants visés au contrat ;
ET la société ADS reproche au jugement de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnisation des pertes issues du mandat en dépit d'une correcte séparation des résultats de la location-gérance et du contrat de mandat, permettant d'isoler une perte totale de 936 526,54 euros afférente à ce dernier ; que selon elle, le cadre comptable du protocole du 12 janvier 1994 n'est pas nécessaire à la preuve des pertes susmentionnées, la communication des comptes de résultats détaillés étant à cet égard suffisante ; que le contrat d'exploitation signé entre Shell et ADS dispose que l'accord interprofessionnel et ses avenants successifs compléteront tant qu'il sera en vigueur les clauses et conditions du contrat et que les avantages qui y sont prévus sont exclusifs de toute autre législation ; que l'avenant de substitution signé entre les trois sociétés le 7 septembre 2009 précise quant aux pertes d'exploitation postérieures à la date du transfert, qu'elles seront prises en charge par Oil France conformément aux AIP bien qu'elle n'en soit pas signataire ; que l'article 3 du préambule des accords interprofessionnels dispose notamment que "la gestion d'une station service suppose que l'exploitant, s'il se comporte en bon commerçant et en bon gestionnaire, dégage un résultat annuel d'exploitation positif. En conséquence, la société s'engage à étudier à tout moment le cas de toute station qui pourrait être soumis par l'exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat"; que cette disposition générale n'est que le rappel du fait que la société pétrolière conserve la maîtrise de l'activité de distribution de sorte que, sauf faute de gestion, elle doit supporter les pertes qui résultent d'éléments dont elle a conservé la maîtrise ; que la société ADS fait valoir que les commissions étaient fixées à un niveau trop bas pour assurer un résultat positif en raison des charges d'exploitation, notamment une ouverture de 6h à 21h tous les jours de l'année impliquant l'emploi de 3 salariés a minima ; qu'elle relève qu'elle n'a commis aucune faute de gestion, la prétendue tardiveté de la demande de remboursement étant contredite par les différents courriers d'alerte sur la situation du mandataire entre 2009 et 2010 et par la mise en demeure puis l'assignation devant le tribunal de commerce ; que pour justifier des pertes d'exploitation au titre du mandat, la société ADS ne produit cependant que des feuillets manuscrits intitulés "études de rentabilité du mandat" pour la période allant de l'exercice arrêté au 30 avril 2005 à celui arrêté au 30 avril 2009 faisant apparaître les commissions perçues par la vente des carburants ainsi que les charges d'exploitation imputées à l'activité sous mandat suivant une part variable allant de 40 % pour l'eau à 100 % pour les pertes carburants ou les cartes accréditives, en passant par 50 % ou 75 % pour la plupart des autres charges ; que cette imputation empirique qui fait apparaître des pertes d'exploitation sans commune mesure avec celles figurant sur les bilans comptables où, à l'exception de l'année 2005, les résultats d'exploitation ont tous été légèrement positifs, ne résulte d'aucune vérification comptable ; elle n'est accompagnée d'aucun document justificatif et n'est certifiée par aucune attestation émanant d'un expert-comptable de telle sorte qu'elle ne peut être tenue pour probante ; que si le cadre comptable prévu aux accords professionnels n'est pas obligatoire, comme le fait observer la société ADS, il aurait constitué cependant un élément de preuve des pertes susmentionnées et à cet égard, une mesure d'expertise qui n'est pas destinée à pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, n'a pas lieu d'être ordonnée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE selon l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; que Shell aux droits de laquelle vient la société Oil France, et ADS ont signé, le 1er mars 2001, un "contrat d'exploitation d'une station-service Shell" ; que le 7 septembre 2004, Shell, ADS et Oil France ont signé un "avenant de substitution" ; que l'article 2000 du code civil stipule que "le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable" ; qu'à l'article "11.1 Objet et contenu du mandat" du contrat, il est précisé que "l'exploitant assurera la vente au détail des produits dont la liste figure en annexe 1.9 en qualité de mandataire de Shell selon les articles 1984 et suivants du code civil, à l'exception des articles 1999 et 2000 relatifs au remboursement des frais et pertes du mandataire. Il est expressément renoncé à ces deux derniers articles compte tenu de l'application des dispositions du présent article 11 et du protocole interprofessionnel cité" ; que dans l'avenant signé par les parties, il est indiqué que "dans le cadre de la cessation des relations entre Shell et la SARL [
] quant aux éventuelles pertes d'exploitation postérieures à la date de transfert, elles seront prises en charge par Oil France conformément aux AIP. Néanmoins, il est précisé que Oil France n'est pas signataire des AIP" (AIP : il s'agit des accords interprofessionnels – et notamment du protocole du 12 janvier 1994, cité ci-avant, complété par plusieurs avenants et relatifs à l'exploitation en exploitation-gérance d'un fonds de commerce de station-service de société pétrolière, protocole signé par le Conseil national des professions de l'automobile, la Fédération national du commerce et de l'artisanat de l'automobile, le Syndicat national des détaillants en carburants et de la Chambre syndicale de la distribution des produits pétroliers) ; que s'il n'est pas contesté qu'Oil France n'a pas signé les AIP et notamment le protocole susvisé et qu'elle ne peut donc, comme elle le soutient et le démontre par sa pièce no 5, avoir recours à la Commission paritaire de conciliation tel que prévu à l'annexe 1 au protocole du 12 janvier 1994, il est cependant clair que les parties à l'instance ont délibérément choisi de se soumettre, en ce qui concerne les pertes d'exploitation, aux obligations réciproques dictées par le protocole susvisé, sans certes oublier de rappeler que Oil France n'était pas signataire des AIP, ce qui n'est pas contradictoire ; que les parties ont renoncé à appliquer l'article 2000 du code civil et ont choisi de se soumettre aux obligations dictées par les AIP?, en ce qui concerne les pertes d'exploitation, conformément à l'esprit du contrat initial signé entre Shell et ADS ; qu'il est précisé dans le contrat à l'"article 11.5 Rémunération du mandat" que "pour l'accomplissement du mandat, l'exploitant percevra, tant pour ses peines et soins que pour l'ensemble de ses frais et charges sans aucune exception, ni réserve, et donc y compris les pertes d'exploitation, compte tenu de sa qualité de ducroire, une commission forfaitaire hors taxes [
] ; que la commission forfaitaire, en l'espèce, était fixée à 42 225,55 euros par an ; qu'en outre, il est spécifié dans le protocole susvisé que "l'exploitant communique annuellement sans délai ç la société copie des documents comptables exigés par la loi, pour chaque exercice" et encore qu'"en cas de litige, le cadre comptable annexé au présent protocole devra être fourni par l'exploitant pour l'analyse de ses résultats annuels [
]" ; que ce cadre comptable devait permettre de bien séparer les résultats des deux activités exercées dans le cadre du fonds de commerce de la station-service, l'activité de distribution des produits pétroliers et assimilés (mandat) et l'activité de fournitures de produits et de services à la clientèle, ce qui n'a pas été fait par ADS qui ne produit que des bilans et des "états de rapprochement financier" qui ne répondent pas à cet objectif de clarification ; que dans les courriers adressés par ADS à Oil France en 2009 et 2010 produits par ADS, il n'est jamais question des pertes d'exploitation dont ADS réclame maintenant, dans le cadre de la présente instance, une indemnisation pour un montant total de 936 527,46 euros ; qu'en outre Oil France produit à l'instance une proposition manuscrite, non contestée, de M. A... Santos, gérant de ADS, d'"acheter la station Lecourbe à 850 000 euros" ; que l'expert n'a pas à se substituer à ADS défaillante dans l'administration de l'éventuelle preuve de ses pertes d'exploitation de son activité de mandat ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le tribunal déboutera ADS de sa demande de voir condamner Oil France à lui verser la somme de 936 527,46 euros HT au titre des pertes alléguées au mandat pour les années 2005 à 2009 et de sa demande, à titre subsidiaire, de nomination d'un expert ;
1°) ALORS QUE la renonciation des parties à un mandat à l'application des articles 1999 et 2000 du code civil ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que la société ADS avait renoncé en connaissance de cause aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil, selon lesquels le mandant doit indemniser le mandataire des pertes subies, que le contrat prévoyait que l'activité de distribution de carburants s'exercerait sous la forme d'un mandat conformément aux articles 1984 et suivants du code civil, « à l'exception des articles 1999 et 2000 relatifs au remboursement des frais et pertes du mandataire auquel il est expressément renoncé, compte tenu de l'application des dispositions de l'article 11 et du protocole interprofessionnel », cependant que cette référence équivoque du contrat aux articles 1999 et 2000, dont les termes n'étaient même pas cités, ne pouvait suffire à caractériser la volonté des parties de renoncer au principe d'indemnisation par le mandant des pertes subis par le mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, dans sa version applicable à la cause, ensemble les articles 1999 et 2000 du code civil ;
2°) ALORS QUE la renonciation des parties à un mandat à l'application des articles 1999 et 2000 du code civil ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que la société ADS avait renoncé en connaissance de cause aux articles 1999 et 2000 du code civil selon lesquels le mandant doit indemniser le mandataire des pertes subies, que l'exploitant avait reconnu dans le contrat avoir reçu une formation de base de trois semaines et avoir disposé du texte du contrat trois semaines avant la signature, avec toutes ses annexes et notamment le protocole interprofessionnel avec ses avenants successifs, sans caractériser en quoi la formation reçue et le texte du contrat et de ses annexes auraient permis au mandataire de comprendre qu'il renonçait à l'indemnisation de ses pertes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, dans sa version applicable à la cause, ensemble les articles 1999 et 2000 du code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, pour justifier de l'existence de pertes ayant pour origine les décisions du mandant, la société ADS versait aux débats des études de rentabilité, corroborées par les comptes de résultats annuels certifiés par l'expert-comptable (pièces n° 23 à 28) ; qu'en retenant néanmoins, pour juger que la société ADS ne démontrait pas avoir subi des pertes liées à la politique adoptée par le mandant, que l'exposante produisait seulement des feuillets manuscrits intitulés « études de rentabilité du mandat » et que cette « imputation empirique », qui n'était accompagnée d'aucun document justificatif et n'était certifiée par aucune attestation émanant d'un expert-comptable ne pouvait être tenue pour probante, la cour d'appel a dénaturé le bordereau de communication de pièces de la société ADS et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel, la société ADS soutenait que la réalité des pertes, ayant pour origine les décisions du mandant, qu'elle avait subies était établie par les études de rentabilité, corroborées par les comptes de résultats annuels certifiés par l'expert-comptable (conclusions, p. 17, pénultième al.) ; qu'en retenant néanmoins, pour juger que la société ADS ne démontrait pas avoir subi des pertes liées à la politique adoptée par le mandant, que l'exposante produisait seulement des feuillets manuscrits intitulés « études de rentabilité du mandat» et que cette « imputation empirique », qui n'était accompagnée d'aucun document justificatif et n'était certifiée par aucune attestation émanant d'un expert-comptable ne pouvait être tenue pour probante, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société ADS et a violé l'article 4 du code de procédure civile.