SOC.
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10024 F
Pourvoi n° T 16-19.860
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Chabe, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Chabe Limousines,
contre l'arrêt rendu le 12 mai 2016 par la cour d'appel de [...] chambre ), dans le litige l'opposant à M. Eric Y..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 novembre 2017, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme B..., conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Z..., avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Chabe, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme B..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chabe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Chabe à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Chabe.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur Y... le 19 mai 2008 produit les effets d'un licenciement nul, d'AVOIR condamné la société CHABE LIMOUSINES à verser à Monsieur Y... les sommes de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des faits de harcèlement, 29.325 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, 5.294 à titre d'indemnité de licenciement, 4.887,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 488,75 euros au titre des congés payés y afférents, 29.325 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR débouté la société CHABE LIMOUSINES de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QUE « Considérant que lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur, lorsque les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission ; Que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant tenu d'examiner les manquements invoqués devant lui par le salarié ; Considérant que Monsieur Y... fait état d'une situation de harcèlement et également de discrimination ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Que l'article L 1154-1 du même code énonce qu'en cas de litige relatif à l'application de l'article L 1152-1, le salarié concerné, établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; Considérant qu'aux termes de l'article L 1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; Que l'article L 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; Considérant que Monsieur Y... fait valoir qu'il a fait l'objet de diverses sanctions disciplinaires et procédures de nature à faire présumer l'existence des faits par lui dénoncés ; Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces soumises aux débats qu'entre le 19 septembre 2003 et le 11 juillet 2004, Monsieur Y... a contesté la mise en oeuvre de quatre sanctions dont il a été l'objet ; qu'à ce propos, la société qui ne conteste pas la réalité des sanctions en cause ne fait aucune observation sur les circonstances dans lesquelles elle a pu être contrainte d'engager ces poursuites disciplinaires et de mettre en place ces sanctions ; Considérant pour le surplus que la société fait valoir que : - sur l'avertissement notifié le 17 janvier 2007, cette sanction se référait à une plainte d'un client de la société compte tenu du retard de prise en charge le 29 novembre 2006 et les vendredi 1er et 8 décembre 2006, à la fin de la matinée, Monsieur Y... avait refusé d'effectuer une course supplémentaire, - sur la mise à pied conservatoire entre le 11 juillet et le 24 août 2007 et la mise oeuvre d'une procédure de licenciement pour faute lourde, cette procédure avait été engagée après la découverte par la société des agissements de Monsieur Y... ; l'intéressé ayant pris l'habitude de faire noter des heures de fin de journée postérieures aux heures réelles effectuées et ayant en outre utilisé à des fins personnelles le véhicule de la société ; sur recours hiérarchique exercé par la société, le ministre avait refusé d'autoriser le licenciement en énonçant que le second type de faits était établi mais ne justifiait pas la procédure de licenciement mise en oeuvre et en outre, n'avait pas été retenue l'intention frauduleuse du salarié pour les falsifications d'horaires ; la requête en annulation de cette décision avait été rejetée par le Tribunal administratif le 14 octobre 2010, - sur la mise à pied entre le 29 octobre et le 18 novembre 2007, cette sanction s'était inscrite dans un surcroît d'activité en raison de la Coupe du monde de rugby à l'occasion de laquelle il avait été rappelé aux chauffeurs qu'aucun congé ne serait accepté durant cet événement, Monsieur Y... n'avait pourtant pu justifier son absence entre le 15 et le 29 octobre ; une seconde procédure de licenciement avait été mise en oeuvre ; l'autorisation de licenciement, avait été refusée ; Considérant, au regard de ce qui précède qu'entre le mois de septembre 2003 et le mois de novembre 2007, Monsieur Y... a fait l'objet de sept sanctions disciplinaires et de deux projets de licenciement ; qu'il apparaît que, pris dans leur ensemble, ces faits ont été de nature à dégrader les conditions de travail et à compromettre l'avenir professionnel du salarié ainsi que l'énonce le texte susvisé ; Considérant par ailleurs qu'il doit être observé que s'agissant des faits de falsification d'horaires invoqués au soutien de la première procédure de licenciement que la décision de la juridiction administrative a relevé que seuls Monsieur Y... et l'un de ses collègues, également délégué syndical, avaient fait l'objet d'un contrôle systématique de leurs horaires ce qui était de nature à faire un lien avec le mandat syndical de l'un et de l'autre ; Considérant, en conclusion, que les faits qualifiés par Monsieur Y... de harcèlement moral et syndical sont établis ; qu'il convient de faire droit à la demande de l'appelant en réparation du préjudice consécutif à ces faits ; qu'au regard des éléments de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice de l'intéressé par l'allocation d'une somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts ; Considérant en outre que ces faits ont constitué un grave manquement de l'employeur à ses obligations ; que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit, en conséquence, les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ; que Monsieur Y... a droit à une indemnité dont le montant correspond à la période de protection soit 12 mois ; qu'il sera alloué au salarié la somme de 29 325 € ; Considérant enfin que Monsieur Y... est fondé à demander la condamnation de la société à lui verser l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis ; que la société qui ne forme aucune observation sur les sommes réclamées à ces titres sera condamnée à verser la somme de 5 294 € au titre de l'indemnité de licenciement et 4 887, 56 au titre du préavis et 488,75 € au titre des congés payés y afférents ; Considérant, s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'en raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement (60 ans), de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée et des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 29 325 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
1. ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et d'une discrimination, le juge doit rechercher si l'employeur justifie ses décisions par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et à toute discrimination ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... soutenait que les sanctions disciplinaires et procédures de licenciement dont il avait fait l'objet entre 2003 et 2007 caractérisaient une discrimination syndicale et un harcèlement ; que, dans ses conclusions d'appel, la société CHABE LIMOUSINES fournissait des éléments objectifs pour démontrer que les procédures disciplinaires engagées à l'encontre du salarié étaient fondées sur des faits fautifs avérés et donc étrangères à tout harcèlement moral et discrimination ; qu'en se bornant à relever que les sept sanctions disciplinaires et les deux projets de licenciements dont Monsieur Y... avait fait l'objet entre le mois de septembre 2003 et le mois de novembre 2007 ont été de nature à dégrader les conditions de travail et à compromettre l'avenir professionnel du salarié et qu'il ressort de la décision de la juridiction administrative saisie du recours contre le refus d'autorisation de licenciement que seuls Monsieur Y... et un autre délégué syndical avaient fait l'objet d'un contrôle systématique de leurs horaires de travail, ce qui était de nature à faire un lien avec leur mandat syndical, la cour d'appel a simplement fait ressortir que les faits précités laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et d'une discrimination ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur les justifications et éléments de preuve produits par la société CHABE LIMOUSINES pour établir que les sanctions disciplinaires et procédures de licenciement critiquées par Monsieur Y... étaient fondées sur des faits fautifs du salarié et donc étrangères à tout harcèlement et à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1134-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
2. ALORS QUE le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; que, dans son jugement du 14 octobre 2010, le tribunal administratif avait rejeté le recours de la société CHABE LIMOUSINE à l'encontre de la décision du Ministre des transports de refus d'autorisation de licenciement, au motif notamment qu'« il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres salariés que M. Y... et M. A..., autre délégué syndical, auraient fait l'objet d'un contrôle systématique de leurs horaires ; que le doute devant profiter au salarié, le ministre des transports était donc fondé à considérer que l'intention frauduleuse de M. Y... n'était pas établie » ; que le tribunal administratif n'a, en revanche, jamais reconnu l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat syndical du salarié ; qu'en affirmant qu'il résultait de la décision de la juridiction administrative que le fait que seuls Monsieur Y... et un autre délégué syndical aient fait l'objet d'un contrôle systématique de leurs horaires était de nature à faire un lien avec le mandat syndical de l'un et de l'autre, la cour d'appel a dénaturé cette décision et violé le principe selon lequel le juge a l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ;
3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsqu'il se prononce sur l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination syndicale invoqués par le salarié à l'appui de la prise d'acte de la rupture de son contrat, le juge ne peut se borner à relever que l'employeur ne justifie pas certains des faits invoqués par le salarié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral et discrimination syndicale pour retenir que l'ensemble des faits invoqués par le salarié constitue un harcèlement moral ou une discrimination syndicale ; qu'en se bornant à relever, d'une part, que la société CHABE LIMOUSINES ne s'expliquait pas sur quatre sanctions prononcées avant août 2004 et, d'autre part, que, s'agissant de la procédure de licenciement engagée en juillet 2007, le tribunal administratif avait relevé que seuls Monsieur Y... et un autre délégué syndical avaient fait l'objet d'un contrôle systématique de leurs horaires, pour en déduire que l'ensemble des sanctions disciplinaires et procédures de licenciement dont Monsieur Y... avait fait l'objet entre le mois de septembre 2003 et le mois de novembre 2007 constituait des faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale et que ces faits constituaient un grave manquement de l'employeur à ses obligations justifiant la prise d'acte de la rupture intervenue en mai 2008, sans rechercher si la société CHABE LIMOUSINES ne justifiait pas par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et à tout harcèlement les différentes procédures disciplinaires engagées en 2006 et 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1134-1, L. 1154-1 et L. 1232-1 du Code du travail ;
4. ALORS QUE les prétentions respectives des parties fixent l'objet du litige ;
qu'en l'espèce, il ressort des conclusions des parties (conclusions de la société CHABE LIMOUSINES, p. 25 ; conclusions de Monsieur Y..., p. 19, in medio), concordantes sur ce point, que la société CHABE LIMOUSINES avait notifié à Monsieur Y... une mise à pied disciplinaire du 29 octobre au 18 novembre 2007, en raison de ses absences injustifiées pendant la Coupe du monde de rugby correspondant à une période d'activité intense pour l'entreprise ; qu'aucune des deux parties ne soutenait qu'une autorisation de licenciement aurait été sollicitée sur ce fondement et refusée par l'inspecteur du travail ; qu'en affirmant cependant que la société CHABE LIMOUSINES a engagé une seconde procédure de licenciement en raison de l'absence injustifiée du salarié entre le 15 et le 29 octobre 2007 et que l'autorisation de licenciement a été refusée, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.²