SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10010 F
Pourvoi n° U 16-13.605
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme Y....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 décembre 2016.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Saint-François ambulances, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2015 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme Alice Y..., veuve Z..., domiciliée [...] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 novembre 2017, où étaient présents : M. CHAUVET, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Depelley , conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Caston, avocat de la société Saint-François ambulances, de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de Mme Y... ;
Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Saint-François ambulances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Saint-François ambulances et condamne celle-ci à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte- Desbois qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Caston, avocat aux Conseils, pour la société Saint-François ambulances
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Madame Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'AVOIR condamné la Société SAINT-FRANCOIS AMBULANCE à payer à l'intéressée les sommes de 15.880,32 € d'indemnité de préavis, 1.588,03 € de congés payés sur préavis et 63.521,28 € d'indemnité conventionnelle de licenciement et enjoint à la Société SAINT-FRANCOIS AMBULANCE de délivrer une attestation rectifiée destinée à POLE EMPLOI ;
AUX MOTIFS QUE le litige devant la présente Cour, désignée comme Cour de renvoi, est circonscrit au bien-fondé du licenciement de Madame Y... et ses conséquences ; que sur le bien-fondé du licenciement, la faute grave visée par les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du Code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, la faute lourde est définie comme « celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur et à l'entreprise » ; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée : « Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement d'une particulière gravité, constitutif d'une faute lourde, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien en date du 11 février 2009. En effet, vous êtes chargée notamment au sein de notre entreprise de l'enregistrement des transports sanitaires sur le logiciel « N0EM1 » vers la Sécurité sociale qui honore par la suite nos différents paiements. Ces paiements représentent l'essentiel du chiffre d'affaires. Vous étiez la seule à travailler sur l'ordinateur de la société. Vous avez contre toute attente et contre toute demande, installé un mot de passe sur l'ordinateur de la société. Avant votre départ en congés vous n'avez pas pris soin de nous le soumettre afin que nous soyons en mesure d'utiliser les données informatiques, capitales comme vous le savez au bon fonctionnement de l'entreprise. Vous avez refusé par ailleurs de divulguer ce mot de passe malgré nos demandes. C'est ainsi que par courrier recommandé en date du 19 janvier 2009 nous vous avons mis en demeure d'avoir à nous transmettre ledit code. Pour toute réponse, vous nous avez adressé un courrier en date du 22 janvier 2009, par lequel vous nous indiquez : « (
) Toutefois consciente de l'importance pour le bon fonctionnement de l'entreprise, de la saisie des prestations et de la gestion de la facturation, je vous informe ne pouvoir vous délivrer ce mot de passe (
) ». Vous ne donnez aucune explication à ce refus de transmettre l'information alors même que vous vous dites consciente de son importance ! En effet, vous n'êtes pas sans savoir qu'une telle attitude et ainsi l'impossibilité d'accéder aux données informatiques entraînent inéluctablement : des désordres de fonctionnement : incapacité d'avoir accès à notre seul logiciel de travail ISIS, incapacité d'enregistrer les prestations de transports ; des désordres comptables : incapacité de transmettre les données au cabinet d'expert-comptable pour le calcul de nos différentes charges et la préparation des livrets comptable pour l'année d'exercice 2008 ; des désordres financiers : incapacité de transmettre les factures NOEMI vers la Sécurité sociale pour le paiement des prestations. Ces factures représentent la grande majorité du chiffre d'affaires de la société. Cette conduite ainsi que les termes sans ambiguïté de votre courrier mettent en cause la bonne marche du service et, bien pire, révèlent une intention de nuire à notre entreprise en raison de graves conséquences de votre comportement. Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien du 11 février 2009 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute lourde. Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Nous vous confirmons, pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous avez fait l'objet ce 30 janvier 2009. Le licenciement prend donc effet immédiatement, dès réception de cette lettre, et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement, ni de congés payés
» ; que suite à la demande de communication du mot de passe informatique, dans sa réponse du 22 janvier 2009, Madame Y... écrit précisément : « (
) Toutefois consciente de l'importance pour le bon fonctionnement de l'entreprise, de la saisie des prestations et de la gestion de la facturation, je vous informe ne pouvoir vous délivrer ce mot de passe, qui reste confidentiel pour la protection de ces données, que de manière sécurisée. Et ceci, qu'après avoir clôturé et sauvegardé les saisies que j'ai effectuées à ce jour » ; que ce seul refus de la salariée de donner le mot de passe informatique, sauf de manière sécurisée, s'il constitue une faute dans la mesure où la salariée doit répondre aux instructions de son employeur, ne saurait caractériser en lui-même son intention de nuire à l'employeur, laquelle n'est pas démontrée par la société appelante ; qu'il n'y a donc pas faute lourde de Madame Y... ; que la faute disciplinaire de Madame Y..., constituée en l'espèce, ne revêt pas les caractéristiques de la faute grave, privative des indemnités de rupture, dans la mesure où elle n'imposait pas le départ immédiat de la salariée de l'entreprise, alors que cette dernière venait de reprendre son travail à l'issue d'un congé maladie et était en mesure de fournir le mot de passe informatique en sécurisant ses données ; qu'il convient donc, en réformation du jugement déféré, de dire et juger qu'était fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave, le licenciement prononcé par lettre du 27 février 2009 ; que Madame Y... sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement abusif ; que sur le préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement, en l'absence de faute grave, la salariée est en droit de percevoir les indemnités de rupture, à savoir une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement ; que la durée du préavis est prévue à l'article L. 1234-1 du Code du travail, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise mais les alinéas 2 et 3 dudit article ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié ; que Madame Y... se prévaut à cet égard des termes de l'avenant au contrat de travail signé entre les parties le 20 octobre 2006 aux termes duquel il est prévu : « Compte tenu des responsabilités attribuées à Madame Z... et à sa qualification de cadre, elle aura droit à une indemnité de 24 mois de salaire en cas de rupture de son contrat de travail à l'initiative de l'employeur avec un préavis de 6 mois » ; que la Société SAINT-FRANCOIS AMBULANCE ne justifie pas d'un vice du consentement affectant ledit avenant, ni d'une collusion frauduleuse entre la salariée et le gérant de la société ; que dès lors, la stipulation dans ledit avenant valant contrat de travail d'un préavis supérieur au préavis légal et d'une indemnité contractuelle forfaitaire, en cas de licenciement pour quelque cause que ce soit, est valable, le contrat de travail faisant la loi des parties, quelles que soient les circonstances postérieures à sa conclusion ; que l'indemnité contractuelle stipulée doit être payée par l'employeur dès lors qu'elle n'excède pas ses capacités financières au point de rendre impossible la rupture du contrat ; que la Société SAINT-FRANCOIS AMBULANCE se borne à faire valoir que cette indemnité bouleverse son équilibre financier sans en apporter la preuve ; que ladite clause ayant été stipulée pour tenir compte, eu égard à l'ancienneté de Madame Y... et ses responsabilités, de la difficulté pour cette dernière de retrouver un emploi équivalent aux mêmes conditions, ne constitue pas, en l'espèce, une clause pénale réductible ; qu'il y a lieu de faire droit aux demandes de la salariée à ces titres et de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes : 15.880,32 € à titre d'indemnité de préavis, 1.588,03 € à titre de congés payés sur préavis et 63.521,28 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'il y a lieu d'enjoindre à la Société SAINT-FRANCOIS AMBULANCE de délivrer à la salariée une attestation destinée à POLE EMPLOI rectifiée en conséquence du présent arrêt, sans qu'il ne soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte (v. arrêt, p. 4 à 7) ;
1°) ALORS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant, pour dire le licenciement de Madame Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse et prononcer les condamnations subséquentes envers la Société SAINT-FRANCOIS AMBULANCE, à retenir, après avoir écarté toute faute lourde, que la faute disciplinaire de Madame Y... ayant consisté à refuser de donner le mot de passe informatique de l'ordinateur de l'entreprise, sauf de manière sécurisée, ne revêtait pas les caractéristiques d'une faute grave dans la mesure où elle n'imposait pas le départ immédiat de la salariée de l'entreprise, l'intéressée venant de reprendre son travail à l'issue d'un congé maladie et étant en mesure de fournir le mot de passe en sécurisant ses données, sans rechercher si le seul refus de donner le mot de passe informatique, sauf de manière sécurisée, ne constituait pas une violation des obligations découlant du contrat de travail de Madame Y... ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle avait rendu impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, comme en attestait sa mise à pied à titre conservatoire le 30 janvier 2009, de sorte que la faute disciplinaire revêtait les caractéristiques de la faute grave, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en toute hypothèse, en constatant le refus de Madame Y... de donner le mot de passe informatique, sauf de manière sécurisée, sans en déduire l'existence d'une faute grave de la salariée ayant rendu impossible le maintien de celle-ci dans l'entreprise en ce que l'intéressée venait de reprendre son travail à l'issue d'un congé maladie, quand le refus de la salariée de se soumettre aux instructions de son employeur constituait une faute grave, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.