COMM.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10023 F
Pourvoi n° T 16-12.684
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Dalbright Limited, société anonyme, dont le siège est [...]                                         ,
contre l'arrêt rendu le 21 février 2014 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Alfred X..., décédé, ayant été domicilié [...]                                         ,
2°/ à M. William X..., domicilié [...]                                     ,
3°/ à M. Edward X..., domicilié [...]                          ,
4°/ à M. Matthieu X..., domicilié [...]                                     ,
5°/ à M. Charles X..., domicilié [...]                        ,
tous quatre en qualité d'héritiers d'Alfred X...,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 novembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Z... , conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Le Griel, avocat de la société Dalbright Limited, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. William, Edward, Matthieu et Charles X... ;
Sur le rapport de Mme Z... , conseiller référendaire, l'avis de Mme Y..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Dalbright Limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à MM. William, Edward, Matthieu et Charles X..., en leur qualité d'héritiers de Alfred X..., la somme globale de 4 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour la société Dalbright Limited.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 12 avril 2012 en ce qu'il a condamné la société Dalbright à payer à M. X... ses honoraires d'expert pour la somme de 17 906,80 €, augmentée des intérêts de retard à compter du 8 février 2008, jour de la mise en demeure et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
Aux motifs propres qu'il est reproché à la décision déférée une insuffisance de motivation, pour s'être limitée à renvoyer aux décisions antérieures ; que si les premiers juges ont effectivement rappelé la chronologie des décisions antérieures, ce rappel était nécessaire pour l'exposé des modalités de l'intervention de l'expert dont l'exécution de la mission est critiquée dans la présente procédure ; que le tribunal, après avoir analysé ces décisions avec précisions dans leurs dispositions relatives aux constatations de l'expert, en a tiré la conclusion que le rapport critiqué dans la procédure en cause avait été déjà soumis contradictoirement à l'examen des juridictions précédemment saisies, et que la question de la partialité alléguée de l'expert avait déjà été écartée, ne peut dans ces conditions se voir reprocher un défaut de motivation ; que la société Dalbright sera en conséquence déboutée de ses moyens tendant au rejet de la demande en paiement des honoraires de l'expert, qui sont justifiés et fondent valablement la condamnation prononcée dans la décision déférée qui est confirmée en tous points, exclusion faite du prononcé de l'amende civile ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'il résulte du jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 17 juin 2009, que la société Dalbright a conclu au débouté de la société Saint-Nazaire Marine et sollicité à titre reconventionnel la condamnation de cette dernière au paiement de différentes sommes ; que la société Dalbright a contesté le rapport d'expertise X... ; que, sur l'expertise amiable, le tribunal de commerce retient que « des opération d'expertise se sont déroulées à partir de septembre 2006 conformément aux règles du contradictoire ; que la société Dalbright oppose aux conclusions de l'expert des avis extérieurs demandés par elle sur sa propre initiative, à des organismes de son choix ; que ces avis n'ont donc aucun caractère contradictoire ; que ces avis ont été transmis à l'expert X..., lequel y a répondu dans son rapport ; que dans ces conditions, le tribunal homologuera le rapport d'expertise de Monsieur X... daté du 10 octobre 2006 » ; qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 28 mai 2010 que la société Dalbright a reproché à l'expert de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire et de s'être contredit dans ses conclusions ; que dans ses motifs, sur la validité des opérations d'expertise, la cour a considéré que les parties avaient au moins implicitement accepté la mission confiée à l'expert ; qu'il ressort de ces deux décisions de justice que la société Dalbright avait bien contesté le rapport d'expertise amiable de M. X... et que les reproches formulés par la société Dalbright n'ont pas été retenus ; que le rapport X... a donc été soumis à l'appréciation du tribunal de commerce puis de la cour d'appel, qui l'ont homologué, rejetant ainsi les contestations soulevées par la société Dalbright ; que la Cour de cassation, par arrêt du 25 octobre 2011, a rejeté le pourvoi formé par la société Dalbright contre cet arrêt ; qu'en conséquence, la société Dalbright ne peut soutenir qu'elle ne doit pas payer les honoraires de M. X... ni que que celui-ci doit payer la somme réclamée à titre reconventionnel ;
Alors que toute décision doit être motivée ; que doit être censurée celle qui, pour rejeter une demande, se borne à se référer aux motifs d'une précédente décision ; qu'en l'espèce, pour justifier, dans la présente procédure, le débouté de la demande de la société Dalbright tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'expert, M. X..., et, corrélativement, la condamnation de cette société au paiement des honoraires de cet expert, les premiers juges se sont bornés à considérer que, dans les décisions rendues antérieurement, le rapport d'expertise de M. X..., alors contesté, avait été homologué, de sorte que les contestations de la société Dalbright avaient été définitivement écartées ; qu'en faisant explicitement sienne cette motivation, par voie de référence, des premiers juges, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 12 avril 2012 en ce qu'il a condamné la société Dalbright à payer à M. X... ses honoraires d'expert pour la somme de 17 906,80 €, augmentée des intérêts de retard à compter du 8 février 2008, jour de la mise en demeure et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
Aux motifs qu'en premier lieu, il faut rappeler que, dans le cadre du litige concernant la qualité des travaux effectuées par la société Saint-Nazaire Marine Service, sur le navire Deianeira, appartenant à la société Dalbright, les deux parties sont convenues amiablement de désigner M. X... comme expert, auquel elles ont confié la mission de se rendre à bord du navire, de procéder à un constat du groupe électrogène bâbord et des lignes d'arbres et, après contrôle de la structure du navire, de relever d'éventuelles malfaçons imputables à la prestation effectuée par la société SNM ; que, s'agissant des manquements de l'expert à ses obligations contractuelles dans l'exécution de sa mission, il sera en premier lieu observé que si ses conclusions ont été contestées devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire, les conditions d'accomplissement de sa mission n'ont été imputées à faute à l'expert que postérieurement à sa demande de paiement d'honoraires, le 10 septembre 2008, et en réponse à celle-ci ; qu'il sera donc retenu que les carences alléguées de l'expert n'ont été invoquées par la société Dalbright qu'après la demande formée contre elle et après sa condamnation au paiement des travaux prononcée par le tribunal de commerce de Saint-Nazaire ; qu'en second lieu, à supposer que le doute se soit emparé de la société Dalbright tant sur l'indépendance de l'expert que sur l'exécution correcte de sa mission, elle n'a sollicité aucune mesure d'expertise judiciaire, alors que cette mesure aurait permis un débat sur les données techniques qu'elle contestait déjà ; que la référence constante à des éléments factuels du dossier d'expertise par la société Dalbright, les contestations qu'elle élève sur l'analyse faite par l'expert de l'ensemble des éléments du dossier, largement débattus contradictoirement au cours des procédures antérieures, ne peuvent constituer un élément probant qualifiant une faute de l'expert alors que, cette analyse étant déjà discutée et contestée devant les juridictions saisies du conflit relatif aux travaux, il n'a cependant été sollicité aucune mesure d'expertise judiciaire par la société Dalbright ; que la responsabilité d'un expert, amiablement désigné par les deux parties, ne peut être engagée au seul motif que ses conclusions, contraires aux intérêts de l'une d'entre elles, ont constitué un des éléments du raisonnement des juridictions successives qui ont statué et ont, en définitive, rejeté l'argumentation de cette partie ; qu'il sera en effet relevé en dernier lieu que, par décision définitive confirmée par la Cour de cassation, la cour d'appel, devant laquelle la critique de l'impartialité de l'expert a été portée pour la première fois, et qui a examiné celle-ci ainsi que le contenu de l'expertise, a répondu en écartant le grief d'invalidité de l'expertise ; que, si elle a fait référence aux conclusions de l'expert, celles-ci n'ont constitué qu'un élément de son raisonnement, lequel a pris en compte et analysé l'argumentation des parties sur le contenu de l'obligation pesant sur le réparateur de navire, sur le mode d'information et l'étendue de la documentation qui lui ont été fournis par l'armateur, le suivi des travaux par celui-ci et sur l'origine de a déformation de la coque, avant de trancher le litige en informant ne retenant pas la version des faits et l'argumentation de la société Dalbright et en condamnation celle-ci au paiement des travaux ; que, dans ces conditions la réintroduction par le biais de la mise en cause de la responsabilité de l'expert, de la contestation sur la conformité des travaux réalisés sur le navire Deianeira, et sur le paiement de ceux-ci, déjà définitivement tranchée, apparaît mal fondée ; que la société Dalbright sera en conséquence déboutée de ses moyens tendant au rejet de la demande en paiement des honoraires de l'expert, qui sont justifiés et fondent valablement la condamnation prononcée dans la décision déférée qui est confirmée en tous points, exclusion faite du prononcé de l'amende civile ;
1° Alors que, pour rejeter la demande de la société Dalbright, la cour a retenu que « les carences alléguées [de l'expert] n'ont été invoquées par la société Dalbright que postérieurement à la demande en paiement formée contre elle et après sa condamnation au paiement des travaux prononcée par le tribunal de commerce de Saint-Nazaire » ; qu'en faisant ainsi de la postériorité de l'action en responsabilité une cause de son rejet, quand cette action ne pouvait nécessairement intervenir qu'après le terme de la précédente procédure, seul susceptible d'établir le préjudice subi, la cour, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2° Alors que, pour écarter la demande de la société Dalbright, la cour, « en second lieu », a retenu qu'à supposer que cette société ait eu un doute sur l'indépendance de l'expert et l'exécution correcte de sa mission, elle n'avait pas demandé une expertise judiciaire qui « seule aurait permis le débat sur les données techniques qu'elle contestait déjà » ; qu'en se déterminant ainsi, bien que cette demande n'était nullement obligatoire, que l'expertise amiable avait elle-même pour objet de déterminer les données débattues et que l'absence d'expertise judiciaire ne justifiait pas, en toute hypothèse, que l'expert désigné n'ait pas commis, dans l'exercice de sa mission amiable, les fautes qui lui étaient reprochées, la cour, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° Alors que la responsabilité personnelle d'un expert amiablement désigné peut être engagée, à raison de fautes commises dans l'accomplissement de sa mission, alors même que le juge aurait suivi son avis dans l'ignorance des erreurs dont son rapport, qui a influé sur la décision, était entaché ; que la logique de l'expertise, qui tend à établir la vérité judiciaire, sous l'angle de la preuve, est ainsi distincte de la logique de la responsabilité, qui tend à établir les manquements de l'expert, sous l'angle de la faute ; qu'en retenant dès lors que les éléments factuels invoqués par la société Dalbright et ses contestations sur l'analyse de l'expert ne pouvaient pas établir une faute de ce dernier, parce qu'il s'agissait d'éléments du dossier d'expertise déjà débattus lors des procédures antérieures, la cour a violé l'article 1147 du code civil ;
4° Alors que pour rejeter la demande de la société Dalbright, la cour a retenu que, dans la précédente procédure, la cour d'appel, par une décision définitive, avait écarté l'invalidité du rapport d'expertise pour impartialité de l'expert ; qu'en se déterminant ainsi, quand, d'une part, la mise en cause de la responsabilité de l'expert suppose nécessairement la validité de son rapport et que, d'autre part, la reconnaissance de cette validité dans une procédure antérieure ne fait pas obstacle à la mise en cause ultérieure de la responsabilité de l'expert, notamment en raison de sa partialité, la cour a violé l'article 1147 du code civil ;
5° Alors que, pour justifier que la mise en jeu de la responsabilité de l'expert par la société Dalbright ne puisse prospérer, la cour a jugé que, dans la procédure antérieure, les juges du fond s'étaient fondés sur d'autres éléments que ceux du rapport de cet expert, notamment « l'obligation pesant sur le réparateur de navire (
) le mode d'information et l'étendue de la documentation qui lui ont été fournis par l'armateur, le suivi des travaux par celui-ci et (
) l'origine de la déformation de la coque » ; qu'en se déterminant ainsi, quand le jugement du 17 juin 2009 et l'arrêt du 28 mai 2010 ainsi visés s'étaient fondées sur ledit rapport pour retenir, en particulier, la cause de la déformation de la coque et l'absence prétendue de toute documentation technique préalable fournie par la société Dalbright à la société SNM, circonstances qui avaient eu un rôle décisif dans les décisions rendues, la cour a dénaturé ces décisions, en violation de l'article 1134 du code civil ;
6° Alors, en toute hypothèse, que la responsabilité personnelle d'un expert amiable peut être engagée, à raison de fautes commises dans l'accomplissement de sa mission, alors même que le juge aurait suivi son avis dans l'ignorance des erreurs dont son rapport, qui a influé sur la décision, était entaché ; qu'à supposer même que les décisions de la procédure antérieure ne se soient pas fondées sur le rapport d'expertise relativement à « l'obligation pesant sur le réparateur de navire (
) le mode d'information et l'étendue de la documentation qui lui ont été fournis par l'armateur, le suivi des travaux par celui-ci et (
) l'origine de la déformation de la coque », cette circonstance n'était pas de nature à justifier l'absence de tout examen des griefs soulevés par la société Dalbright, laquelle avait invoqué treize fautes commises par l'expert dans l'exercice de sa mission (pp. 36-55) ; que, le rapport de cet expert ayant été homologué, la cour ne pouvait pas rejeter la demande de la société Dalbright sans examiner à tout le moins ceux de ces griefs dont il pouvait être établi qu'ils avaient eu une incidence directe sur l'appréciation des juges du fond dans la précédente procédure ; qu'en décidant dès lors de rejeter l'action en responsabilité de la société Dalbright dirigée contre M. X..., ès qualités, sans avoir procédé à l'examen d'aucune des treize critiques ainsi formulées, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
7° Alors que, pour rejeter la mise en cause de la responsabilité de l'expert X..., pour fautes commises dans l'exercice de sa mission d'expertise amiable, la cour a enfin retenu que les juges du fond, dans la précédente procédure, avaient définitivement tranché la question de la conformité des travaux sur le navire et du paiement des travaux, de sorte que la société Dalbright ne pouvait, « par le biais de la mise en cause de la responsabilité de l'expert », réintroduire une « contestation sur la conformité des travaux réalisés sur le navire le Deianeira, et sur le paiement de ceux-ci, déjà définitivement tranchée » ; que, cependant, la société Dalbright n'a remis en cause dans ses écritures ni ce qui a été définitivement jugé au sujet de la conformité des travaux, ni la condamnation à paiement qui en était résulté, condamnation qu'elle a exécutée ; qu'elle s'est bornée, comme elle était en droit de le faire, à mettre en jeu la responsabilité de l'expert pour les fautes commises dans sa mission et qui ont conduit à ces décisions ; qu'en affirmant dès lors que la société Dalbright cherchait à remettre en cause la conformité des travaux réalisés et sa condamnation au paiement, la cour a dénaturé les termes du litige, en violation des articles 4 et 954 du code de procédure civile.