SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10048 F
Pourvoi n° U 16-12.616
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. E... Y....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 3 février 2017.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Z..., exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2015 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre C), dans le litige l'opposant à M. E... Y..., domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 décembre 2017, où étaient présents : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. A..., conseiller rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de Me B..., avocat de la société Z..., de la SCP Ghestin, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de M. A..., conseiller, l'avis de M. C..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Z... à payer à la SCP Ghestin la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision.
Moyens produits par Me B..., avocat aux Conseils, pour la société Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré l'appel de M. Y... régulier en la forme ;
AUX MOTIFS QUE se prévalant des dispositions des articles 933 et 58 du code de procédure civile, l'Earl Z... conclut à la nullité de la déclaration d'appel aux motifs que l'acte de d'appel ne mentionne pas l'état civil précis de l'appelant ne comportant pas son lieu de naissance, alors que sur les contrats de travailleurs saisonniers, il est pourtant précisé que son lieu de naissance est Bab Mrouj et que cette situation lui fait grief dès lors notamment qu'elle rend impossible l'identification de l'appelant ; que l'article 933 du code de procédure civile prévoit en matière de procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel que la déclaration d'appel comporte les mentions prescrites par l'article 58 du code de procédure civil, lequel dispose que « la requête ou la déclaration est l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Elle contient à peine de nullité : 1º Pour les personnes physiques : l'indication des noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur
» ; que l'absence des mentions prescrites par l'article 58 du code de procédure civile, constitue un vice de forme qui subordonne le prononcé de la nullité de l'acte ainsi vicié à la preuve, rapportée par l'adversaire, du grief que lui cause l'irrégularité ; que la déclaration d'appel du 12 février 2014 mentionne l'indication suivante : « Monsieur E... Y..., né le [...] à, nationalité marocaine, demeurant [...] » sans préciser le lieu de naissance de l'appelant ; que l'état civil de M. Y... figurant dans ses conclusions écrites et réitérées lors des débats est le suivant : « E... Y..., né le [...] à, nationalité marocaine, demeurant [...] ; que l'Earl Z... entend préciser que sur les contrats de travailleur saisonnier régularisés avec M. Y..., il est fait mention d'un lieu de naissance à Bab Mrouj (Maroc) ; ; que M. E... Y..., contrairement à ses allégations ne verse aux débats aucun document d'identité ; que toutefois, il n'est pas contesté que devant le conseil des prud'hommes d'Arles, M. Y... a présenté sa carte de séjour et que l'employeur l'a reconnu comme étant son employé ; que par ailleurs M. Y... produit l'ensemble des bulletins de salaire qui lui ont été remis d'abord par M. Fernand Z... puis par l'Earl Z... ;
qu'il remet également le certificat de travail délivré par l'Earl Z... le 23 juillet 2008, portant mention d'une date et d'un lieu de naissance suivants : [...] à Taifa ; que si les contrats de travailleurs saisonniers en possession de l'intimée font mention d'une date de naissance : [...] et d'un lieu de naissance : Bab Mrouj, de même que partie des accusés réception de l'Office des Migrations internationales, certains de ces accusés réception mentionnent un lieu de naissance à Taifa (2006, 2007, 2008) ; qu'en l'état de ces éléments, l'Earl Z... ne démontre pas l'existence d'un grief résultant de cette irrégularité ; que cette exception doit être rejetée et la déclaration d'appel déclarée recevable ;
ALORS QUE l'acte d'appel doit comporter, à peine de nullité, l'état civil précis de l'appelant ; qu'en jugeant que l'acte d'appel du salarié était régulier en la forme malgré une irrégularité portant sur le lieu de naissance de ce dernier, au motif que l'Earl Z..., intimée, ne démontrait pas l'existence d'un grief, sans répondre aux conclusions de celle-ci (p. 2, alinéas 3 et 4) soutenant que la nullité de l'acte d'appel se justifiait compte tenu des difficultés d'exécution de la décision à intervenir en raison même de l'irrégularité alléguée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir requalifié les contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminé, dit le licenciement de M. Y... sans cause réelle et sérieuse, condamné l'Earl Z... à lui payer les sommes de 1.500,16 € à titre d'indemnité de requalification, 3.000,32 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 300,03 € au titre des congés payés afférents, 6.000,54 € à titre d'indemnité de licenciement et 1.500 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ordonné la délivrance au salarié des documents légaux (certificat de travail et attestation Pôle emploi) ;
AUX MOTIFS QUE, tout contrat à durée déterminée conclu en dehors des cas de recours autorisés, sans respect des dispositions relatives aux durées maximales ou aux conditions de successions, sans contrat écrit ou sans définition précise de son objet ou encore non transmis au salarié dans les deux jours suivant l'embauche, est requalifié automatiquement en contrat à durée indéterminée en application de l'article L. 1245-1 du code du travail ;
que M. Y... soutient que l'employeur ne démontre pas que les relations contractuelles ont fait l'objet d'un contrat écrit remis au salarié dans les 48 heures du début de l'exécution du contrat, et comportant les mentions obligatoires sous peine de requalification, et ajoute qu'il lui appartient également de démontrer que le terme initialement à chaque contrat n'a pas été dépassé ; que si l'Earl Z... ne peut produire l'intégralité des contrats écrits de M. Y..., elle produit cependant des éléments (accusés réception des contrats de M. Y... par l'OMI de 1999 à 2008 et courrier de la Direccte Paca en date du 24 mai 2013 confirmant que M. Y... a bénéficié de contrats d'introduction de saisonniers agricoles pour les années 2000 à 2008, chaque année, en précisant la date d'entrée prévue pour chaque contrat et le numéro de chaque contrat), qui démontrent l'existence de ces contrats à durée déterminée ; que dès lors il est établi que l'appelant a toujours été embauché au moyen de divers contrats OMI successifs chaque année conformément à la procédure d'introduction prévue à l'ancien article R. 341-7 du code du travail, que les prolongations de contrat sont intervenues après vérification par l'autorité administrative que « ces contrats concernaient des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques, et que l'employeur intéressé rapporte la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main d'oeuvre déjà présente sur le territoire » ; que si la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est en soi assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail global à durée indéterminée, il appartient néanmoins au juge judiciaire de vérifier concrètement si dans le cadre de l'activité de l'entreprise et dans l'exécution du contrat de travail, le salarié a bien été affecté à l'accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durables, appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons ; que l'Earl Z... expose qu'elle effectue de la culture maraîchère et fruitière sous tunnel ouverte toute l'année et ne fait appel aux travailleurs saisonniers qu'au moment de la saison de ramassage, que M. Y... a été affecté au ramassage des courgettes, des abricots et des salades, qu'elle en justifie avec deux attestations, de sorte que selon elle est établi le caractère saisonnier du poste de travail de M. Y... ; que les attestations produites par l'intimée sont une attestation de Mme Annie Z..., mère du chef d'exploitation, indiquant que « M. Y... E... a été affecté aux travaux suivants : récolte de courgettes, récolte d'abricots, récolte de salades » et une attestation de M. Gérard D..., ouvrier de l'Earl Z..., indiquant que « M. Y... a été exclusivement affecté aux tâches suivantes : récolte de courgettes, récolte d'abricots, récolte de salades » ; que ces attestations qui donnent des indications générales ne permettent à l'évidence pas de savoir à quelle date précise, M. Y... aurait été affecté à de telles activités étant rappelé qu'il est constant que ce dernier a été embauché chaque année depuis 1988 ; qu'elles sont donc insuffisantes à démontrer que, dans le cadre de l'activité de l'employeur et dans l'exécution de son contrat de travail, le salarié a été affecté à l'accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durables, appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons ; que la preuve du caractère saisonnier des tâches effectivement confiées n'étant pas rapportée, il sera fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée sans qu'il soit nécessaire d'entrer plus avant dans le détail de l'argumentation des parties ; que lorsque le juge fait droit à une demande de requalification d'un CDD en CDI, introduite par un salarié, il doit condamner l'employeur à verser à l'intéressé une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ; que M. Y... est donc bien fondé en sa demande d'indemnité de requalification correspondant à la moyenne de ses dernières rémunérations mensuelles brutes ; que les calculs présentés par M. Y... ne sont en eux-mêmes pas discutés ; qu'il sera alloué à ce dernier une somme de 1.500,16 € à titre d'indemnité de requalification ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur les autres conséquences indemnitaires, en l'état de la requalification, la rupture de la relation contractuelle survenue à l'issue du dernier contrat en l'absence de toute procédure de licenciement doit s'analyser en un licenciement abusif ; qu'au regard de l'ancienneté de l'appelant, et de sa rémunération, il sera fait droit à ses demandes relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents ainsi qu'à l'indemnité de licenciement ; que les calculs présentés par M. Y... ne sont du reste en eux-mêmes pas discutés ; que l'Earl Z... employait habituellement moins de onze salariés au moment du licenciement de M. Y... ; que ce dernier peut prétendre à une indemnité en fonction du préjudice subi en application de l'article L. 1235-5 du code du travail ; que si le salarié ne justifie pas de sa situation depuis son licenciement, ce dernier lui a toutefois nécessairement causé un préjudice, que la cour estime, au vu des éléments de la cause, devoir fixer à la somme de 1.500 € ;
ALORS QUE saisis d'une demande en requalification de contrats de travail à caractère saisonnier en contrat de travail à durée indéterminée, les juges du fond doivent ainsi préciser concrètement la nature et la date des différents emplois ayant donné lieu à la conclusion des contrats saisonniers litigieux et vérifier si le salarié a été affecté à l'accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durables, appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons ; qu'en affirmant que la preuve du caractère saisonnier des tâches effectivement confiées au salarié n'était pas rapportée, ce qui justifiait la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, tout en constatant que les attestations versées aux débats par l'employeur dont la teneur n'était d'ailleurs pas critiquée par le salarié faisaient état d'une activité de récolte de courgettes, d'abricots et de salades (arrêt attaqué p. 5, in fine) et que le salarié n'était pas embauché pour des durées supérieures à six mois (arrêt attaqué, p. 3, alinéa 1er), ce dont il résultait nécessairement que le salarié effectuait des tâches à caractère saisonnier, dans le cadre de contrats à durée déterminée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1242-2, 3° et L. 1244-1, 3° du code du travail.