CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 janvier 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10023 F
Pourvoi n° W 12-20.445
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Pierre-Marie X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 5 avril 2011 par la cour d'appel de Caen (1re chambre, section civile), dans le litige l'opposant à l'UDAF du Calvados, dont le siège est [...] , prise en qualité de tuteur de M. Bruno X...,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 novembre 2017, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme A... , conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de M. X..., de la SCP Boullez, avocat de l'UDAF du Calvados ;
Sur le rapport de Mme A... , conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à l'UDAF du Calvados, ès qualités, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. Pierre Marie X... à payer à l'UDAF du Calvados en qualité de tuteur de Bruno X... la somme de 85.211 € au titre de la restitution du prix de la vente de l'immeuble situé à Honfleur perçu dans le cadre de l'exercice des fonctions d'administrateur des biens du majeur protégé ;
AUX MOTIFS QUE l'administrateur des biens d'un majeur protégé doit restituer, à l'expiration de sa mission, les sommes qu'il a perçues pour le compte de celui-ci ; que Pierre-Marie X... admet avoir été possesseur, en tant qu'administrateur des biens de son frère, de la somme de 85.211 € représentant la part de celui-ci sur le produit de la vente de la maison de Honfleur, autorisée par ie juge des tutelles le 4 octobre 2005 et régularisée le 29 octobre 2005 ; que par ordonnance du 29 novembre 2005, le juge des tutelles avait rejeté sa requête tendant à placer cette somme dans le cadre d'un contrat Y... « figures libres » ; que par courrier du 24 juillet 2007, l'agence Y... a indiqué à l'UDAF du Calvados que Bruno X... ne possède aucun contrat ni placement dans ses livres et que la demande de souscription pour cette somme avait été annulée et le chèque de 85.211,20 €, qui n'a jamais été encaissé, a été restitué à M. Pierre-Marie X... ; qu'il est dés lors établi que contrairement à ses allégations, ce dernier n'a pas placé les fonds auprès de cette compagnie ; qu'il ne justifie par aucun élément la destination de ces fonds appartenant à son frère ;
ALORS d'une part QUE le refus d'autorisation de placer les 85.211 € provenant de la vente de la maison de Honfleur sur un contrat Y... C... était exclusivement motivé par le fait que Pierre-Marie X... n'était plus le représentant légal de Bruno X... à la suite de l'ordonnance du 17 novembre 2005 ; que cette ordonnance avait cependant été infirmée par le jugement du 17 février 2006, lequel avait maintenu l'intéressé dans ses fonctions d'administrateur légal de son frère; que l'ordonnance du 29 novembre 2005 avait donc perdu tout fondement juridique ; qu'en se fondant cependant sur cette décision de refus du juge des tutelles pour dire que la somme en cause n'avait pas pu être placée dans le cadre d'un contrat d'assurances Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 469, 497 et 500 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 7 mars 2007 ;
ALORS d'autre part QUE la lettre du 24 juillet 2007 émanant de l'agent général Y... indiquait: « M. Bruno X... n'est pas client de notre agence Y... et il ne possède aucun contrat [...]. Les documents auxquels vous faites référence, notamment un reçu du 12 novembre 2005 de 85.211,20 €, ont été annulés. En effet, nos services juridiques n'ont pas validé la souscription présentée et le chèque déposé n'a jamais été encaissé et rendu à son tuteur de l'époque Pierre-Marie X... le 4 octobre 2005 » ; que cette attestation était incohérente puisque, selon ses termes, le reçu pour la somme de 85.211,20 € aurait été établi après que le chèque déposé eut été rendu et cette restitution serait elle-même antérieure à la vente ; qu'en se fondant sur cette attestation pour dire que la somme en cause n'avait pas pu être placée dans le cadre d'un contrat d'assurances Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 469, 497 et 500 anciens du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. Pierre-Marie X... à payer à l'UDAF du Calvados en qualité de tuteur de Bruno X... la somme de 65.520,31 € au titre de la restitution du prix de la cession des parts de la SCI KATIBURG ;
AUX MOTIFS QUE M. Pierre Marie X... a perçu la somme de 65.520,31 € provenant de la cession de parts sociales dont était détenteur son frère dans la SCI KATIBURG, dont la constitution a été autorisée par le juge des tutelles le 22 avril 1998 ; qu'au cours d'une audition devant le juge des tutelles, Il a affirmé, selon le procès-verbal du 20 juin 2007, avoir placé cette somme auprès de la Compagnie Y... ; que ceci a été démenti par les pièces déjà évoquées ; qu'il n'apporte aucun élément permettant de déterminer la destination de cette somme: qu'il ne justifie pas de l'emploi des sommes par lui perçues dans l'intérêt de son frère ou de leur placement sur un compte ouvert à son nom ;
ALORS QUE la lettre du 24 juillet 2007 précitée, émanant de M. Z..., agent générai Y... exerçant à Honfleur, évoquait uniquement la somme de 85.211,20 € correspondant à la part de Bruno X... sur le produit de la vente de la maison de Honfleur intervenue le 29 octobre 2005 et qu'elle ne mentionnait pas de somme de 65.520,31 € et qu'il n'a été ni allégué ni établi que le chèque déposé puis restitué le 4 octobre 2005 serait celui provenant de la cession de parts sociales de la SCI KATIBURG ; qu'en affirmant cependant qu'il résulte de cette attestation que la somme n'a pas été placée sur un contrat d'assurances, la cour d'appel a violé les articles 469, 497 et 500 anciens du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré M. Pierre-Marie X... responsable du préjudice subi par Bruno X... à l'occasion des fautes commises dans l'exercice de la fonction d'administrateur légal et de l'avoir condamné à payer à l'UDAF du Calvados en qualité de tuteur la somme de 1.683,58 €, au titre des intérêts du prêt inutilement maintenu ;
AUX MOTIFS QUE l'administrateur d'un majeur protégé est responsable envers celui-ci des fautes commises dans le cadre de sa gestion; que cette faute doit être appréciée en fonction du caractère professionnel ou non de l'exercice de cette mission, et dans le cadre d'une gestion en « bon père de famille » ; que le fait de ne pas utiliser une importante somme d'argent pour solder des crédits dont les intérêts viennent réduire les ressources du majeur protégé constitue une faute dont le préjudice est constitué par les intérêts inutilement versés ; que Pierre-Marie X... s'est abstenu de placer les capitaux provenant de la cession des parts sociales et de la vente de l'immeuble de Honfleur sur un compte ouvert au nom de son frère et produisant des intérêts ou bien de rembourser par anticipation, au moyen de ces capitaux, l'emprunt en cours ; que par sa négligence, le majeur protégé a dû supporter des frais de crédit inutiles ; que Pierre-Marie X... sera donc condamné à verser la somme correspondant aux intérêts du crédit contracté par son frère n'ayant pas pu être soldé en raison de l'utilisation de la somme de 65.520, 31 € à des fins étrangères à sa destination ;
ALORS QUE M. X... soutenait que s'il avait souhaité débloquer des fonds bloqués en banque afin d'apurer la situation financière de son frère, cela ne lui avait pas été possible, le déblocage des fonds lui ayant été refusé (p. 5) ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'exposant n'avait pas été empêché d'utiliser les fonds figurant sur le compte bancaire de son frère pour apurer les dettes de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 469, 473, 497 et 500 anciens du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. Pierre-Marie X... responsable du préjudice subi par Bruno X... à l'occasion des fautes commises dans l'exercice de la fonction d'administrateur légal et de l'avoir condamné à payer à l'UDAF du Calvados en qualité de tuteur la somme de 28.090,54 € au titre de la perte de l'allocation aux adultes handicapés ;
AUX MOTIFS QUE M. Pierre-Marie X... soutient que son frère ne remplissait pas les conditions pour obtenir l'allocation adulte handicapé et l'aide personnalisée au logement car ses revenus étaient trop importants ; qu'il ne justifie pas toutefois avoir fait la moindre démarche à cette fin ; que Bruno X... percevait ces deux prestations avant la désignation de son frère en qualité de tuteur, qu'elles ont alors cessé de l'être ou ont été servies à un moindre taux, en raison de l'absence de justificatifs adressés à la CAF, et qu'elles ont été servies à nouveau à Bruno X... après la cessation de fonctions de son frère sans que ses ressources n'aient varié, ce qui démontre que l'absence de versement était due uniquement à la carence du tuteur; que les sommes dues au titre de l'AAH s'établissent à : année 2002 = 1.974,36 € ; janvier 2003 à juin 2003 : (330x6)-(7,73x6) = 1.933,62 €, juillet 2003 à décembre 2005 : 30x330 = 9.900 €, soit au total 13.807,98 € jusqu'à décembre 2005 ; que la négligence de Pierre-Marie X... a en outre fait perdre à son frère une partie de l'APL à laquelle il avait droit, soit la somme de 4.940,38 € ; qu'il convient de le condamner au paiement de la somme totale de 18.748,36 € en réparation du préjudice résultant de ses carences ;
ALORS d'une part QU'il ressort des motifs précités que le montant de l'AAH s'élevait à 330 € par mois environ en 2002, que ie montant de 1.974,36 € alloué pour 2002 correspond donc à six mois d'allocations et que cette somme était d'ailleurs réclamée par l'UDAF au titre de la période de juillet à décembre 2002, durant laquelle l'AAH n'avait effectivement pas été versée ; que Pierre-Marie X... n'a été désigné que par une ordonnance du 1er octobre 2002 ; qu'en le déclarant cependant responsable de la perte de l'AAH pour une période commençant en juillet 2002, la cour d'appel a violé les articles 469, 473, 497 et 500 anciens du code civil ;
ALORS d'autre part QU'en affirmant, pour en déduire qu'était démontrée la carence de Pierre-Marie X..., que son frère percevait bien l'AAH avant sa désignation en qualité de tuteur, désignation qui est intervenue le 1er octobre 2002, tout en accordant une indemnité au titre de la perte de cette même allocation à compter du mois de juillet 2002, la cour d'appel a violé les mêmes textes.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré M. Pierre-Marie X... responsable du préjudice subi par Bruno X... à l'occasion des fautes commises dans l'exercice de la fonction d'administrateur légal et de l'avoir condamné à payer à l'UDAF du Calvados en qualité de tuteur la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces versées aux débats que M. Pierre-Marie X... a omis de financer, avec les fonds dont devait normalement disposer son frère, les frais de prise en charge au quotidien de ce dernier, notamment les frais d'hébergement, de vêture et de loisirs ; qu'il ne lui a pas versé l'argent de poche sollicité par son foyer d'accueil et n'a pas réglé les sommes nécessaires pour qu'il puisse partir en vacances, bien que les moyens du majeur protégé l'eussent permis ; que cette carence a fait l'objet de plusieurs courriers de la part des associations ou organismes ayant en charge le majeur protégé, et qui s'inquiétaient auprès du tuteur de la situation ; que le juge des tutelles avait également alerté M. Pierre-Marie X... sur la nécessité de débloquer certains placements pour cette prise en charge ; que M. Pierre-Marie X... a commis une faute ayant occasionné pour Bruno X... un préjudice moral en lui imposant des conditions de vie largement inférieures à ce qui aurait été possible si le tuteur avait exercé normalement sa fonction, préjudice qui doit être estimé à une somme de 5.000 € ;
ALORS QUE, en admettant que M. Pierre-Marie X... n'ait pas bien appréhendé les besoins matériels quotidiens de son frère, il n'était pas contesté qu'il lui procurait un soutien moral sans faille, venait régulièrement le voir, le faisait participer à la vie de la famille en l'emmenant chez lui et en venant le chercher pour aller voir leur père dans sa maison de retraite ; qu'en décidant cependant que l'intéressé avait fait subir à Bruno X... un préjudice moral le en évaluant ce préjudice à une somme de 5.000 €, sans prendre en considération les bienfaits moraux prodigués par l'exposant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 469, 473, 497 et 500 anciens du code civil.