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06/12/2017 | FRANCE | N°16-22019

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 décembre 2017, 16-22019


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 juin 2016), que M. X... a été engagé par la société Deco-RTS à compter du 1er novembre 1990 ; que le contrat de travail a été transféré à la société Cocelec Ouest, devenue société Findis Normandie après son rachat par le groupe Findis ; que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 7 février 2012 et a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la p

rise d'acte de la rupture du contrat de travail lui est imputable et de le condamner à v...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 juin 2016), que M. X... a été engagé par la société Deco-RTS à compter du 1er novembre 1990 ; que le contrat de travail a été transféré à la société Cocelec Ouest, devenue société Findis Normandie après son rachat par le groupe Findis ; que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 7 février 2012 et a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail lui est imputable et de le condamner à verser au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, d'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement et de frais irrépétibles, alors, selon le moyen :

1°/ que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui n'est pas adressée par le salarié ou son conseil directement à l'employeur est privée d'effet ; qu'en jugeant valable la prise d'acte, par le salarié de la rupture de son contrat de travail par courrier du 7 février 2012, au motif que l'employeur en avait eu connaissance à compter du 2 mars 2012, quand elle avait constaté que la lettre de prise d'acte avait été adressée au groupe Findis, et non pas à la société Cocelec Ouest, seul employeur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que la lettre de rupture du contrat de travail n'ayant pas été directement adressée à la personne de l'employeur, elle ne pouvait produire aucun effet, a violé les articles 1134 du code civil, L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail entraîne cessation immédiate du contrat de travail ; qu'en jugeant que la prise d'acte du 7 février 2012 qui n'avait pas été notifiée à la personne de l'employeur, devait néanmoins produire ses effets au 2 mars 2012, date à laquelle l'employeur en avait eu connaissance, quand les effets de la prise d'acte s'apprécient à la date de sa notification, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire ; que le simple changement des conditions de travail du salarié relève du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas constitutif d'une faute ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l'employeur ne lui aurait pas suffisamment précisé la nature et le périmètre de ses missions après le transfert définitif de l'agence de Carpiquet à laquelle il était affecté, vers le site de Cormeilles le Royal, quand elle avait constaté que le transfert en cause était un simple transfert d'activité d'un site vers un autre, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que les fonctions d'acheteur du salarié ne devant pas être modifiées, l'employeur n'avait commis aucune faute en l'informant que l'organisation concrète de ses missions serait discutée lors d'une réunion collective des salariés du nouveau site au moment où il serait devenu opérationnel, a violé l'article 1134 du code civil et les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

4°/ qu'en retenant une faute suffisamment grave de l'employeur de nature à justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail le 2 février 2012, au motif que « l'employeur a l'obligation de fournir le travail convenu » et qu'il aurait laissé « le salarié dans l'expectative sur la nature et le périmètre de ses missions », la cour d'appel qui n'a pas constaté que l'employeur aurait effectivement manqué à son obligation de fournir au salarié un travail conforme à ses fonctions contractuelles ni avant la date de transfert du site d'activité ni au jour de l'ouverture du nouveau site, a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

5°/ qu'en retenant une faute de l'employeur qui aurait laissé sans réponse la demande du salarié formulée dans le courrier du 30 janvier 2012 concernant le devenir de ses fonctions sur le nouveau site de Cormeilles le Royal, sans avoir recherché si, tout comme elle l'avait constaté en ce qui concernait la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 7 février 2012 et comme la société Findis industrie le soutenait dans ses conclusions d'appel, l'employeur ne serait pas demeuré jusqu'à la date du 2 mars 2012 dans l'ignorance du courrier du salarié du 30 janvier 2012 qui avait été adressé, non pas à lui, mais à la société Findis – Lebesnerais Brison, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir répondu à une demande du salarié dont il ignorait tout, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a constaté que bien que la lettre de prise d'acte du 7 février 2012 ait été adressée par le salarié au groupe Findis, elle avait été transmise à l'employeur qui en avait ainsi eu connaissance ; qu'elle en a exactement déduit que la prise d'acte lui était opposable ;

Attendu, ensuite, qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, la cour d'appel a constaté que l'employeur, dans une période où des changements étaient en cours dans l'entreprise, avait gravement manqué à ses obligations en laissant le salarié dans l'expectative sur la nature et le périmètre de ses missions, sans apporter aucune réponse concrète à ses demandes légitimes, et a pu en déduire que ces manquements étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Findis Normandie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Findis Normandie à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Findis Normandie.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. X... est imputable à la société Findis Normandie et d'avoir condamné cette société à lui verser les sommes de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, 5.150 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents, 15.450 euros d'indemnité de licenciement et 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE la prise d'acte est un mode de rupture du contrat par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des manquements qu'il impute à l'employeur ; qu'il convient d'apprécier les griefs reprochés par le salarié et de s'assurer qu'ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi, qualifier la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'à défaut, la prise d'acte s'analyse en une démission ; que la société Findis Normandie, venant aux droits de la société Cocelec Ouest soutient que la prise d'acte ne peut produire effet dans la mesure où elle ne lui a pas été adressée par le salarié ; que si la prise d'acte n'est soumise à aucun formalisme, en revanche elle doit être adressée à l'employeur ; qu'en l'espèce, il n'est pas discuté que la lettre de prise d'acte du 7 février 2012 a été envoyée au groupe Findis, Lebesnerais et Brison M. Y... rue de l'Allière 14 500 à Vire ; que M. Jean-Claude X... était salarié de la société Cocelec Ouest domiciliée à Sotteville Les Rouen en Seine-Maritime ; que la cession du groupe Dubost-Cocelec auquel l'employeur appartient à la SAS Findis, société holding du groupe Findis le 28 décembre 2011 n'avait pas pour effet d'entraîner un transfert du contrat de travail, ce que le salarié ne pouvait ignorer puisque le 19 janvier 2012, il établissait une demande de congé sur un imprimé à en-tête du groupe Findis mais pour la société Cocelec Ouest ;
que toutefois, dans la mesure où dans un courrier du 2 mars 2012, la société Cocelec Ouest reconnaît avoir eu connaissance de la lettre de prise d'acte qui lui a été transmise, il convient de considérer qu'à cette date, l'employeur avait connaissance de l'intention du salarié ; qu'en l'espèce, M. Jean-Claude X... reproche à son employeur :
- de ne plus lui avoir fourni de travail, puisque le poste d'acheteur sédentaire en matériel antenne était supprimé et qu'il était envisagé de l'affecter sur un poste de commercial itinérant, proposition qu'il a déclinée
- d'avoir opté pour un évincement progressif plutôt que d'engager une procédure de licenciement économique, de sorte qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité matérielle d'exercer son métier du fait de l'interdiction de passer des achats directs, de la non-mise à disposition de l'outil informatique permettant de faire ces achats directs et de l'absence de formation pour travailler sur le nouvel outil informatique
- d'avoir prétendu à tort qu'il était en absence injustifiée
- d'avoir omis de lui adresser ses bulletins de paie
- d'avoir mis en place une procédure de licenciement pour faute de pure opportunité.
Qu'alors que l'employeur a l'obligation de fournir le travail convenu et qu'il n'est pas discuté que l'entreprise se trouvait dans une période de réorganisation, avec notamment la suppression de l'agence de Carpiquet sur laquelle était affecté M. Jean-Claude X... et le transfert de son activité vers celle de Cormelles le Royal, il résulte des échanges de courriels en date du 23 janvier 2012 entre celui-ci et M. Philippe Z... directeur GEM dans le groupe Findis, qu'alors que le salarié sollicitait des précisions sur ses missions une fois le déménagement opéré, il lui était seulement répondu qu'il "fallait aller sur Connelles" dès que le déménagement serait terminé, que l'informatique serait opérationnelle et qu'une réunion serait organisée dès que possible pour la stratégie Courant faible sur le grand ouest ; que par lettre du 30 janvier suivant, M. Jean-Claude X... réitérait ses questionnements et faute de réponse, il a pris acte de la rupture le 7 février 2012 ; qu'en laissant le salarié dans l'expectative sur la nature et le périmètre de ses missions, l'employeur qui n'a apporté aucune réponse concrète aux demandes légitimes de M. Jean-Claude X... dans une période où des changements étaient en cours, a manqué gravement à ses obligations, de manière à empêcher la poursuite du contrat de travail ; que dans ces conditions, et pour ce seul motif, la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la cour infirme par conséquent le jugement entrepris ;

1°) ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui n'est pas adressée par le salarié ou son conseil directement à l'employeur est privée d'effet ; qu'en jugeant valable la prise d'acte, par M. X... de la rupture de son contrat de travail par courrier du 7 février 2012, au motif que l'employeur en avait eu connaissance à compter du 2 mars 2012, quand elle avait constaté que la lettre de prise d'acte avait été adressée au groupe Findis, et non pas à la société Cocelec Ouest, seul employeur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que la lettre de rupture du contrat de travail n'ayant pas été directement adressée à la personne de l'employeur, elle ne pouvait produire aucun effet, a violé les articles 1134 du code civil, L.1221-1, L.1231-1 et L.1235-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail entraîne cessation immédiate du contrat de travail ; qu'en jugeant que la prise d'acte du 7 février 2012 qui n'avait pas été notifiée à la personne de l'employeur, devait néanmoins produire ses effets au 2 mars 2012, date à laquelle le société Cocelec Ouest en avait eu connaissance, quand les effets de la prise d'acte s'apprécient à la date de sa notification, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L.1221-1, L.1231-1 et L.1235-1 du code du travail ;

3°) ALORS, à tout le moins, QUE lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire ; que le simple changement des conditions de travail du salarié relève du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas constitutif d'une faute ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l'employeur ne lui aurait pas suffisamment précisé la nature et le périmètre de ses missions après le transfert définitif de l'agence de Carpiquet à laquelle il était affecté, vers le site de Cormeilles le Royal, quand elle avait constaté que le transfert en cause était un simple transfert d'activité d'un site vers un autre, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que les fonctions d'acheteur de M. X... ne devant pas être modifiées, l'employeur n'avait commis aucune faute en l'informant que l'organisation concrète de ses missions serait discutée lors d'une réunion collective des salariés du nouveau site au moment où il serait devenu opérationnel, a violé l'article 1134 du code civil et les articles L.1221-1, L.1231-1 et L.1235-1 du code du travail ;

4°) ALORS QU'en retenant une faute suffisamment grave de l'employeur de nature à justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail le 2 février 2012, au motif que « l'employeur a l'obligation de fournir le travail convenu » et qu'il aurait laissé « le salarié dans l'expectative sur la nature et le périmètre de ses missions », la cour d'appel qui n'a pas constaté que la société Cocelec Ouest aurait effectivement manqué à son obligation de fournir à M. X... un travail conforme à ses fonctions contractuelles, ni avant la date de transfert du site d'activité ni au jour de l'ouverture du nouveau site, a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L.1221-1, L.1231-1 et L.1235-1 du code du travail ;

5°) ALORS QU'en retenant une faute de l'employeur qui aurait laissé sans réponse la demande du salarié formulée dans le courrier du 30 janvier 2012 concernant le devenir de ses fonctions sur le nouveau site de Cormeilles le Royal, sans avoir recherché si, tout comme elle l'avait constaté en ce qui concernait la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 7 février 2012 et comme la société Findis Industrie le soutenait dans ses conclusions d'appel (p.7), l'employeur ne serait pas demeuré jusqu'à la date du 2 mars 2012 dans l'ignorance du courrier de M. X... du 30 janvier 2012 qui avait été adressé, non pas à lui, mais à la société Findis – Lebesnerais Brison, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir répondu à une demande du salarié dont il ignorait tout, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L.1221-1, L.1231-1 et L.1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-22019
Date de la décision : 06/12/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 10 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 déc. 2017, pourvoi n°16-22019


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.22019
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