CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 novembre 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10673 F
Pourvoi n° C 16-22.859
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Ferma design, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2015 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à M. Patrick X..., domicilié [...] , ayant exercé son activité en nom personnel sous la dénomination Y... ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 octobre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Ferma design ;
Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ferma design aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Ferma design.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de la société Ferma design tendant à voir condamner M. X... à lui payer au titre du préjudice matériel la somme de 31 327,87 € et au titre du préjudice moral celle de 10 000 €, et d'AVOIR condamné la société Ferma design aux dépens ainsi qu'à payer à M. X... une somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens,
AUX MOTIFS PROPRES QUE le contrat par lequel une personne confie à une autre la création d'un site internet est un louage d'ouvrage au sens de l'article 1710 du code civil ; que la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique n'a pas vocation à régir les relations entre les parties à un tel contrat ; que s'agissant de dommages causés à des tiers dans le cadre de l'exécution du contrat, il convient de déterminer laquelle des parties au contrat a causé le fait dommageable ; que le contenu du site internet est le résultat du travail du créateur du site ; que toutefois, ce contenu est nécessairement validé par le client ; qu'en l'espèce, l'offre de M. X... en date du 15 janvier [2008] détaillait les étapes du déroulement du projet et prévoyait, après la création des modèles de pages, la validation du site et de ses contenus et la mise en ligne ; que cette étape ne pouvait intervenir sans le consentement de la société Ferma design, qui a donc nécessairement pris connaissance du contenu du site ; qu'au demeurant, la plus élémentaire prudence lui recommandait de le faire ; que s'agissant des pages Gugler adjointes en 2010 au site internet de la société Ferma design, il résulte d'un mail de M. X... en date du 10 novembre 2010 que la société Ferma design avait demandé certaines modifications ; que ceci corrobore le fait qu'elle était informée du contenu de ces pages ; que par conséquent, à supposer que le créateur du site ait fait figurer sur celui-ci des informations erronées, il appartenait à la société Ferma design de les lui faire rectifier ; que par ailleurs, il n'apparaît pas certain que ces informations erronées aient été mentionnées sur le site par M. X... ou par son sous-traitant ; qu'en effet, l'offre du 15 janvier 1988 comprenait la fourniture d'un logiciel Direct news permettant au donneur d'ordre d'intervenir lui-même sur le contenu du site, notamment pour le mettre à jour, ainsi qu'une formation à l'utilisation de ce logiciel ; que la société Ferma design conteste avoir reçu cette formation, mais un mail de M. X... du 20 février 2008 indique qu'il a travaillé à l'intégration de l'outil de gestion de contenu Direct news, et la facture en date du 25 avril 2008 mentionne cette prestation (formation Direct news) ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas impossible que ce soit la société Ferma design elle-même qui ait été l'auteur des mentions erronées figurant sur le site, étant au surplus observé qu'il pouvait être de son intérêt de faire référence au réseau Gugler Europe, mais qu'en revanche M. X... n'avait aucun intérêt à faire figurer une telle mention ; qu'en définitive, la société Ferma design n'établit pas qu'un manquement de M. X... dans l'exécution du contrat a été la cause du préjudice causé aux sociétés du réseau Gugler, qu'elle a dû indemniser ; que le jugement qui l'a déboutée de ses prétentions à l'encontre de M. X... sera donc confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des pièces produites que par jugement en date du 18/07/2011, la Chambre commerciale de Mulhouse a dans une procédure initiée par les sociétés Gugler France, Europe et Alsace, la SARL Ferma design a été condamnée à leur verser à chacune une somme de 8 000 € en réparation du préjudice qu'elles avaient subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été reconnue responsable ; que le tribunal a retenu que la société Ferma design a commis des actes de concurrence déloyale dans la présentation de son site Internet en faisant référence à la société Gugler Europe en se présentant comme distributeur des produits de cette dernière alors qu'elle n'est que le distributeur de la société Gugler GMBH en litige avec les autres sociétés Gugler ; que la société Ferma design produit également une copie d'une assignation à jour fixe du 23/02/2011, devant la Chambre commerciale initiée par les sociétés Gugler lui reprochant de nouveaux actes de concurrence déloyale mais aussi la persistance de ceux-ci par le maintien d'une référence sur son site Internet, tant à la dénomination Gugler, qu'à l'existence d'un partenariat avec le réseau Gugler Europe, malgré la constatation de la mention Gugler GMBH ; que cependant la Chambre commerciale dans un jugement du 20/02/2012 a rejeté l'ensemble des prétentions des sociétés Gugler en constatant d'une part que la société Ferma design avait supprimé toute référence à la société Gugler Europe et autres sociétés Gugler et d'autre part que le propriétaire du nom du domaine « [...] » était M. X... et que ce nom enregistré le 28/10/2010 avait expiré naturellement le 28/10/2011 ; que dans son attestation, Monsieur Patrick X... précise effectivement avoir agi comme prestataire en charge du développement du site Internet Ferma design; qu'il affirme avoir retiré toutes les expressions «Gugler » du site Internet dès le 14.10.2011, comme la société Ferma design le lui avait demandé ; qu'il a constaté que depuis octobre 2011, les résultats du site Ferma design dans les moteurs Google ne sont plus affichés et rajoute que le délai de suppression des résultats est défini par Google ; qu'enfin, il note que les adresses de [...] ne pointent plus vers le site Ferma design depuis le 28/10/2011, date d'expiration du nom du domaine en l'absence de renouvellement ; que s'il ressort de ces éléments que M. X... s'est bien vu confier la mission de développer le site Internet de Ferma design, la demanderesse ne (...) ne verse (pas) d'éléments sur les informations, à savoir, références, mentions, et liens qui devaient apparaître sur le site et à partir du site ; que certes, M. X... a manifestement sous-traité les prestations en les confiant à M. Z... A... ; que celui-ci indique dans son attestation, s'être vu confier une prestation sur l'expression « Fenêtre PVC fenêtre alu » ainsi que tout ce qui gravite autour de façon géolocalisé et sur celle « fenêtres Gugler, fenêtre Gugler Europe ... » ; que M. Z... poursuit en précisant avoir travaillé avec les informations que M. X... lui avait données par téléphone ; qu'il a reconnu avoir fait un communiqué de presse en se documentant sur les « fenêtres Gugler, Gugler Europe et Ferma design » « puisqu'il était question d'un partenariat entre eux ; qu'il ignorait alors le litige entre les sociétés et ne l'a appris que lorsque M. X... lui a demandé de retirer le communiqué et toutes les références à « Gugler Europe» du site ; que cependant, ces éléments restent insuffisants pour établir la faute alléguée de M. X... dès lors qu'il n'est pas démontré que le prestataire ait mis en ligne des mentions, références ou liens qui conduisaient aux expressions Gugler Europe créant ainsi un acte de concurrence déloyale par la société Ferma design et pour lequel elle a été sanctionnée, de sa seule initiative et sans que la demanderesse en soit informée ; qu'en conséquence, il convient de rejeter la demande qui n'est pas fondée ;
1. ALORS QU'il appartient au prestataire informatique chargé de la création, du référencement et de l'hébergement du site internet d'une société, de prouver que les informations erronées que ce site contient sont le fait de la société, et non à celle-ci d'établir qu'elle n'a pas ajouté aux mentions portées sur le site par le prestataire ; qu'en affirmant qu'il n'apparaissait pas certain ni démontré que les informations erronées aient été mentionnées sur le site par le prestataire ou son sous-traitant et qu'il n'était pas impossible que ce soit la société elle-même qu'ait été l'auteur des mentions erronées, la Cour d'appel qui a fait profiter le prestataire du doute existant sur l'auteur des données litigieuses, a violé l'article 1315 du Code civil dans sa version applicable au litige ;
2. ALORS subsidiairement QUE le prestataire informatique chargé de la création, du référencement et de l'hébergement du site internet d'une société est responsable des informations erronées que lui-même ou son sous-traitant y font figurer ; qu'en l'espèce, la société Ferma design soulignait (conclusions d'appel, p. 3) que M. Z..., auquel M. X... avait sous-traité une partie de son activité sans l'en aviser, avait reconnu dans une lettre adressée aux sociétés Gugler Europe, Gugler France et Gugler Alsace, être à l'origine de la mention de l'appartenance de la société Ferma design au groupe Gugler Europe et mentionnait par ailleurs dans cette lettre ne jamais avoir été en contact avec la société Ferma design ; qu'en affirmant, par motifs propres, qu'il n'apparaît pas certain que les informations erronées litigieuses aient été mentionnées sur le site par M. X... ou par son sous-traitant, et par motifs éventuellement adoptés, qu'il n'était pas démontré que ce dernier l'avait fait de sa seule initiative et sans que la société en soit informée sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le sous-traitant n'avait pas reconnu, dans le document susvisé, être seul à l'origine desdites informations et n'avoir eu aucun contact avec la société Ferma design, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1797 du code civil ;
3. ALORS en outre QU'il incombe au débiteur d'une obligation de prouver qu'il l'a exécutée ; que pour retenir qu'il n'était pas impossible que la société Ferma design elle-même ait été l'auteur des mentions erronées figurant sur le site par le biais du logiciel Direct news permettant au donneur d'ordre d'intervenir lui-même sur le contenu du site, la cour d'appel a énoncé que si la société Ferma design contestait avoir reçu la formation à l'utilisation de ce logiciel, un mail de M. X... du 20 février 2008 indiquait qu'il avait travaillé à l'intégration de cet outil de gestion de contenu et la facture du 25 avril 2008 mentionnait la prestation formation Direct news ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs dont il ne résulte pas que le prestataire avait rapporté la preuve d'avoir effectivement exécuté son obligation de fournir une formation au donneur d'ordre sur l'outil Direct news, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1315 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4. ALORS par ailleurs QUE le défaut éventuel de vigilance du donneur d'ordre sur le contenu de son site internet et le référencement incombant au prestataire informatique n'exonère pas ce dernier de toute responsabilité mais peut tout au plus justifier un partage de responsabilité ; qu'en déboutant la société Ferma design de son action en responsabilité contre M. X..., prestataire professionnel chargé de la création, du référencement et de l'hébergement du site internet de la société, au prétexte que l'offre de M. X... en date du 15 janvier 2008 prévoyait, après la création des modèles de pages, la validation du site et de ses contenus et la mise en ligne, que cette étape ne pouvait intervenir sans le consentement de la société Ferma design, qui avait donc nécessairement pris connaissance du contenu du site et qu'au demeurant, la plus élémentaire prudence lui recommandait de le faire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
5. ALORS QU'en se bornant à relever, d'une part, que l'offre de M. X... en date du 15 janvier 2008 prévoyait, après la création des modèles de pages, la validation du site et de ses contenus et la mise en ligne, que cette étape ne pouvait intervenir sans le consentement de la société Ferma design, qui avait donc nécessairement pris connaissance du contenu du site et d'autre part, que s'agissant des pages Gugler adjointes en 2010 au site internet de la société Ferma design, il résultait d'un mail de M. X... en date du 10 novembre 2010 que la société Ferma design avait demandé certaines modifications et que ceci corroborait le fait qu'elle était informée du contenu de ces pages, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que la société Ferma design savait effectivement que les informations erronées sur son partenariat avec le groupe Gugler Europe, au lieu de la société Gugler Gmbh, figuraient sur le site internet dont la création, le référencement et l'hébergement incombaient à M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.