CIV. 1
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 octobre 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10669 F
Pourvoi n° Y 16-24.603
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ Mme Monique X..., domiciliée [...] ,
2°/ Mme Claire X..., domiciliée [...] ,
contre l'arrêt rendu le 15 juin 2016 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile A), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Etude des locaux industriels et commerciaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à Jean-Claude X..., ayant été domicilié [...] , décédé,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 septembre 2017, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme A... , conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mmes X..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Etude des locaux industriels et commerciaux ;
Sur le rapport de Mme A... , conseiller référendaire, l'avis de Mme Y..., avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Etude des locaux industriels et commerciaux la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mmes X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la procédure de saisie immobilière se poursuivait à l'encontre de Mme Monique X..., d'avoir confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait fixé la créance de la société ELIC à la somme totale de 39.898.684,00 € et ordonné la vente par adjudication judiciaire à l'audience du 3 juillet 2014 des parcelles cadastrées section [...] , [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...], sur la mise à prix de 2.260.000,00 €, et d'avoir renvoyé l'affaire en continuation devant la formation du Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, Chambre des Saisies Immobilières ;
Aux motifs que : « la cour d'appel, dans son arrêt du 12 août 2015, a dit que la caducité des deux commandements publiés tardivement, sus-visés, ne pouvait avoir d'effet sur l'ensemble de la procédure de saisie immobilière, ni sur la validité du commandement délivré à Mme Monique X..., lequel lui a été signifié le 29 mars 2012 et a été publié le 24 mai 2012.
Les appelants soutiennent que par application de l'article 815-17 alinéa 2 du code civil, la présente procédure de saisie immobilière ne peut se poursuivre à l'encontre de Mme Monique X... seule et sur ses seuls droits indivis.
La SAS ELIC fait valoir qu'il résulte de la jurisprudence que si le créancier a tous les co-indivisaires comme débiteurs solidaires, il n'est pas obligé de provoquer le partage et celui-ci peut poursuivre la saisie.
L'intimée précise que tel est le cas en l'espèce, le commandement concernant un bien appartenant à des co-indivisaires ayant tous la qualité de codébiteurs solidaires.
Comme il a été relevé dans l'arrêt du 12 août 2015, le commandement délivré à Mme Monique X... concerne un bien appartenant à des co-indivisaires ayant tous la qualité de codébiteurs solidaires.
Or, au vu de ces éléments, il est constant, en application des dispositions des articles 815-17 et 1200 du code civil, que, comme l'invoque à juste titre la SAS ELIC, cette dernière peut poursuivre la procédure de saisie immobilière à l'encontre de Mme Monique X....
Les appelants seront donc déboutés de leur demande tendant à dire que la procédure à l'encontre de cette dernière ne saurait prospérer » ;
Alors que les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles, sauf à provoquer le partage au nom de leur débiteur ou à intervenir dans le partage provoqué par lui ; que cette règle s'applique même lorsque le créancier a tous les indivisaires comme codébiteurs solidaires ; qu'en énonçant, cependant, que, si le créancier a tous les indivisaires comme débiteurs solidaires, il n'est pas obligé de provoquer le partage et peut poursuivre la saisie, de sorte qu'en l'espèce, la procédure de saisie immobilière pouvait se poursuivre à l'encontre de Mme Monique X... seule, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 815-17 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait fixé la créance de la société ELIC à la somme totale de 39.898.684,00 € et ordonné la vente par adjudication judiciaire à l'audience du 3 juillet 2014 des parcelles cadastrées section [...] , [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...], sur la mise à prix de 2.260.000,00 €, et d'avoir renvoyé l'affaire en continuation devant la formation du Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, Chambre des Saisies Immobilières ;
Aux motifs propres que : « le juge de l'exécution a relevé qu'en l'espèce, d'une part, le titre exécutoire d'origine visait la société agricole du domaine de l'Olmo et non la mère des parties saisies et d'autre part, qu'il n'y avait pas de titre exécutoire nominatif contre cette dernière.
Il a donc considéré qu'il n'y avait pas lieu à application des dispositions de l'article 877 du code civil et donc à obligation de signifier le titre exécutoire aux héritiers.
Les consorts X... soutiennent qu'il appartenait à la SAS ELIC de justifier du respect de l'article 877 du code civil et que l'arrêt de la cour d'appel du 17 octobre 2007 se borne à constater que ceux-ci sont propriétaires indivis des biens immobiliers ayant appartenu à leur mère, qui elle-même en était propriétaire par suite de la non-immatriculation de la société agricole du domaine de l'Olmo.
La SAS ELIC reprend également ses moyens et arguments de première instance et sur ce point, conclut que les appelants invoquent à tort, les dispositions de l'article 877 sus-visé.
Elle précise, au surplus, que dans l'arrêt de la cour d'appel du 17 octobre 2007, les appelants étaient attraits en leur qualité d'héritiers de leur mère.
En l'absence d'éléments nouveaux, la cour estime que le premier juge a pour de justes motifs, qu'elle approuve, rejeté ce moyen, le jugement querellé sera donc confirmé en ses dispositions à ce titre.
En effet, l'article 877 précité dont se prévalent les appelants, aux termes duquel le titre exécutoire contre le défunt l'est aussi contre l'héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite, ne s'applique pas en l'espèce, en l'absence de titre exécutoire contre leur mère, au vu des faits de la cause, le titre exécutoire d'origine visait la société agricole du domaine de l'Olmo » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « aux termes de l'article 877 du Code Civil : « Le titre exécutoire contre le défunt l'est aussi contre l'héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite. » ;
Que le titre exécutoire d'origine visant la société agricole du domaine de l'Olmo et non la mère des parties saisies contre laquelle il n'y avait pas de titre exécutoire nominatif, il n'y a pas obligation de le signifier aux héritiers ;
Que ce moyen sera également rejeté » ;
Alors que le titre exécutoire contre le défunt l'est aussi contre l'héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite ; qu'il n'est pas suffisant que l'héritier ait eu simplement connaissance du titre, celui-ci devant, au contraire, lui être effectivement signifié afin, notamment, de le prévenir de manière concrète et efficace que des poursuites vont être engagées contre lui ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la seule circonstance, inopérante, tirée de ce que le commandement de payer en vertu duquel la société ELIC avait engagé la procédure de saisie immobilière contre les héritiers de Mme Z... désignait la SCA du DOMAINE DE L'OLMO, société pourtant non immatriculée et, partant, non dotée de la personnalité civile, pour considérer que ce titre n'avait pas à être signifié à ses héritiers, nonobstant la dévolution patrimoniale opérée par l'effet du décès et de la succession de cette associée, la Cour d'appel a privé les héritiers de la protection à laquelle ils pouvaient légalement prétendre en violant, par refus d'application, l'article 877 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait fixé la créance de la société ELIC à la somme totale de 39.898.684,00 €
et ordonné la vente par adjudication judiciaire à l'audience du 3 juillet 2014 des parcelles cadastrées section [...] , [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...], sur la mise à prix de 2.260.000,00 €, et d'avoir renvoyé l'affaire en continuation devant la formation du Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, Chambre des Saisies Immobilières ;
Aux motifs propres que : « devant la cour, les appelants soulèvent à nouveau la prescription de la créance litigieuse et, en tout état de cause, contestent le quantum de celle-ci, en reprenant leurs moyens et arguments de première instance.
Sur la prescription
Le tribunal a retenu que, comme le mentionne la cour d'appel dans son arrêt du 17 octobre 2007, la SAS ELIC invoque à bon droit l'acte du 18 janvier 1982 ainsi que les procédures ayant abouti devant la cour précitée, aux arrêts du 5 mai 1992, fixant la créance de cette dernière à la date du jour de la liquidation de la SNC X... dite B....
Il a considéré que ces arrêts, opposables à la société agricole du domaine de l'Olmo, ont substitué pour les débiteurs la prescription de droit commun à la prescription de l'article L 110-4 du code de commerce.
Les appelants soutiennent que la prescription est acquise, qu'elle soit de 10 ans ou de 30 ans, pour l'ensemble des obligations et prêts concernés.
Ils font valoir que « l'action déclaratoire » engagée précédemment n'est pas interruptive de prescription car il ne s'agit pas d'une action en paiement et que la cour d'appel dans son arrêt du 17 octobre 2007, n'a pas statué sur la question de la prescription dans le dispositif de l'arrêt qui a seul autorité de la chose jugée.
Les consorts X... ajoutent que dans le cadre de la présente procédure, le commandement ne vise pas l'acte notarié du 18 janvier 1982 et que la novation a été expressément écartée.
En ce qui concerne l'interruption de la prescription par le fait de la déclaration de créance et ensuite de son admission au passif du co-débiteur, que leur oppose la société intimée, les appelants soutiennent que le nouveau délai de recouvrement, dans le meilleur des cas, a commencé à courir le jour des arrêts rendus par la cour d'appel de Bastia au titre de l'admission des créances, le 05 mai 1992, ceci signifiant que l'action en recouvrement devait être engagée dans le délai du titre exécutoire de 10 ans en application de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.
La SAS ELIC conclut que le moyen tiré de la prescription ne peut être accueilli, car celui-ci a déjà été soulevé et a été écarté par la cour d'appel dans son arrêt du 17 octobre 2007, dont elle reprend les termes.
La cour constate que la cour, dans son arrêt sus-visé dont se prévaut l'intimée, a effectivement statué dans sa motivation sur le moyen tiré de la prescription et a dit que ce moyen ne pouvait être accueilli, cependant cette décision n'a pas été formulée dans le dispositif dudit arrêt du 17 octobre 2007.
Toutefois, comme l'a relevé la cour d'appel, en l'espèce, il y a lieu de faire application de la prescription de droit commun, soit à l'époque 30 ans, et non la prescription décennale prévue par l'ancien article L 110-4 du code de commerce, comme le soutiennent à tort les consorts X....
En effet, les décisions d'admission des créances résultant des arrêts de la présente cour du 05 mai 1992 sont opposables à la société du domaine de l'Olmo et donc à ses ayants-droits, et ces arrêts ont substitué pour les débiteurs solidaires, la prescription de droit commun.
Dans ces conditions, l'action en recouvrement intentée par la SAS ELIC n'est pas prescrite.
Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.
Sur le quantum
Le tribunal a considéré que la SAS ELIC avait justifié des prêts au titre desquels sont dues les sommes, ainsi que du taux applicable, du calcul de la créance sur la base de celle admise par les trois arrêts de la cour d'appel de Bastia le 5 mai 1992, de l'imputation des sommes versées par le liquidateur judiciaire et du montant des intérêts ayant continué à courir.
Devant la cour, les appelants soulignent, subsidiairement, que le solde du total des créances litigieuses ne saurait totaliser la somme de 258 950,51 euros, sans intérêts.
Ils présentent, dans leurs écritures, des calculs déterminant le montant des créances et un récapitulatif du quantum restant dû sur chacune des trois créances déclarées.
De son côté, la SAS ELIC fait état de sa qualité de créancier, de l'origine de ses créances, ainsi que des différentes cessions de créances hypothécaires et des paiements partiels des frais et intérêts courus sur la créance.
Elle affirme qu'après les règlements perçus au 06 juillet 2005, sa créance évaluée avec précision, a été fixée à 15 007 496,95 euros, et qu'en raison de la valeur inférieure des biens immobiliers à vendre, le commandement de payer a été limité dans son quantum à la somme de 2 260 000 euros.
A défaut d'éléments nouveaux, il convient de s'en tenir au décompte détaillé du juge de l'exécution, basé sur des éléments résultant des pièces soumises à son appréciation, notamment le montant de la créance initiale, le taux et le montant des intérêts contractuels et les accessoires.
La cour approuvant le décompte et estimant les calculs des appelants injustifiés, notamment en ce qu'ils portent sur des sommes sans intérêts, alors que les intérêts continuant à courir et à être capitalisés à l'égard de la société agricole du domaine de l'Olmo, puis de ses ayants-droits.
Le jugement querellé sera donc confirmé en ses dispositions sur ce point » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « Sur le principe de la créance de la SAS ELIC et la prescription invoquée
[
] comme mentionné par la Cour d'appel de BASTIA dans son arrêt du 17 octobre 2007, « le principe de la créance de la société ELIC résulte clairement de l'acte authentique du 18 janvier 1982
» ;
Que comme également mentionné par la Cour d'appel de BASTIA dans cet arrêt, il convient de constater que la SAS ELIC invoque à bon droit l'acte du 18 janvier 1982 ainsi que les procédures ayant abouti devant la Cour précitée aux arrêts du 5 mai 1992 fixant la créance de la SAS ELIC à la date du jour de la liquidation de la SNC X... dite B... ; en effet ces arrêts opposables à la société agricoles du domaine de l'Olmo ont substitué pour les débiteurs la prescription de droit commun à la prescription de l'article L 110-4 du Code de Commerce ;
Que ce moyen sera également rejeté.
[
]
Sur le quantum de la créance
[
] que la partie saisie justifie des prêts au titre desquels sont dues les sommes, du taux applicable, du calcul de la créance sur la base de celle admise par les trois arrêts de la Cour d'appel de BASTIA le 5 mai 1992, de l'imputation des sommes versées par le liquidateur judiciaire et du montant des intérêts ayant continué à courir ;
Que ce moyen sera également rejeté et la créance sera fixée selon décompte détaillé dans le dispositif » ;
Alors que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait, dans le même temps, considérer que la procédure contre le débiteur principal ayant abouti aux arrêts du 5 mai 1992 faisait obstacle à ce que la caution invoque le moyen tiré de la prescription, le cours de celle-ci devant, en conséquence, être de trente ans, tout en refusant de la faire bénéficier de la non-admission des intérêts décidée par ces mêmes arrêts, sauf à violer les articles 2219 et 2290 du Code civil, combinés.