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18/10/2017 | FRANCE | N°16-12862

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 octobre 2017, 16-12862


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort, que Mme X... et onze autres salariés de la société Keolis, exerçant les fonctions de conducteur, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen en ce qu'il vise les demandes au titre des frais d'entretien de la tenue de travail à compter du 1er décembre 2013 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à en

traîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen en ce qu'il vise les demand...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort, que Mme X... et onze autres salariés de la société Keolis, exerçant les fonctions de conducteur, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen en ce qu'il vise les demandes au titre des frais d'entretien de la tenue de travail à compter du 1er décembre 2013 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen en ce qu'il vise les demandes au titre des frais d'entretien de la tenue de travail pour la période allant du 27 novembre 2011 au 1er décembre 2013 et en dommages-intérêts pour résistance abusive :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter les salariés de leur demande au titre des frais d'entretien de leur tenue de travail pour la période allant du 27 novembre 2011 au 1er décembre 2013 et en dommages-intérêts pour résistance abusive, le jugement retient que le litige opposant les parties concerne uniquement les modalités de prise en charge des frais de nettoyage que l'employeur a consenti à allouer à compter de décembre 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs écritures reprises oralement à l'audience, les salariés demandaient le paiement de sommes au titre des frais d'entretien de leur tenue de travail à compter du 27 novembre 2011, le conseil de prud'hommes a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen et relatif à la demande de dommages-intérêts formée par le syndicat national des transports urbains CFDT ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X..., MM. Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., Mme E..., MM. F..., G..., H..., Mme I... de leur demande en paiement de sommes au titre des frais d'entretien de leur tenue de travail pour la période allant du 27 novembre 2011 au 1er décembre 2013 et de dommages-intérêts pour résistance abusive, et le syndicat national des transports urbains CFDT de sa demande en dommages-intérêts, le jugement rendu le 21 décembre 2015, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Abbeville ;

Condamne la société Keolis aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Keolis à payer à Mme X..., MM. Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., Mme E..., MM. F..., G..., H..., Mme I... et au syndicat national des transports urbains CFDT la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour le syndicat national des transports urbains CFDT (SNTU CFDT), Mme X... et onze autres salariés

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté les salariés de leur demande tendant au remboursement des frais réellement exposés pour le nettoyage de leur tenue de travail depuis le mois de novembre 2011 et de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

AUX MOTIFS QU'au titre de l'obligation de port de tenue de travail, les salariés soutiennent que l'indemnisation dont ils bénéficient pour l'entretien de celles-ci est insuffisante par rapport au coût réel de cet entretien ; que pour justifier de cette insuffisance, ils basent leur réclamation sur une démonstration de principe de l'évaluation du coût de l'entretien de la tenue à savoir 1,33 € de lessive soit 4,32 € pour 4 machines, 3,60 € d'électricité pour 4 cycles, 23 € de repassage des chemises, ce qui représenterait 31,92 € poux 22 jours de travail soit 1,45 € par jour de travail ; qu'ainsi les salariés réclament la différence entre 6 € par mois accordé par l'entreprise pour le nettoyage des tenues et les 31,92 € par mois, coût qu'ils estiment réel pour l'entretien de leurs tenues ; qu'en effet, dans le cadre de la présente procédure il est demandé au conseil non pas de trancher sur le principe même de la prise en charge des frais de nettoyage des tenues de travail par l'employeur, mais sur les modalités de prise en charge ; qu'en effet, le litige opposant les parties concerne uniquement les modalités de prise en charge des frais de nettoyage que la société a consenti à allouer à compter de décembre 2013 soit un montant correspondant à une indemnité forfaitaire de 0,30 € par jour ; que le pouvoir du conseil consiste bien à juger le principe même de l'indemnisation de frais de nettoyage qui n'aurait pas été mis en place par un employeur, son pouvoir se trouve limité lorsqu'il s'agit uniquement de trancher un désaccord quant au montant de l'indemnisation ; que c'est l'employeur qui définit dans l'exercice de son pouvoir de direction les modalités de prise en charge de cet entretien ; et qu'ainsi ce litige devrait normalement être tranché par la voie de négociations collectives entre le ou les syndicats représentatifs au sein de l'entreprise ; que le conseil relève que les syndicats et plus particulièrement le syndicat national des transports urbains, n'a nullement sollicité l'ouverture de telles négociations mais uniquement informé la société de son mécontentement quant au montant de l'indemnisation forfaitaire fixée par l'entreprise ; qu'au vu des dispositions de l'article L. 4122-2 du code du travail "les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs" ; qu'ainsi l'article R. 4323-95 du code du travail prévoit que l'employeur est tenu d'assurer par des entretiens, réparations et remplacements nécessaires, le bon fonctionnement et le maintien dans un état hygiénique satisfaisant des équipements de protection individuelle et des vêtements de travail qu'il fournit gratuitement ; que par extension, il a été admis que l'employeur qui impose plus généralement à ses salariés le port d'une tenue de travail, doit supporter les coûts d'entretien de ces vêtements ; que cette prise en charge est obligatoire dès lors que le port de la tenue est exigée par l'employeur est inhérent à l'emploi (Cass. Soc. 21 mai 2008 n° 06-44044 BC V n° 108) ; que l'employeur définit alors , dans l'exercice de son pouvoir de direction, les modalités de prise en charge de cet entretien ; que ni le législateur ni la jurisprudence ne prévoit de mécanisme privilégié, comme le remboursement des frais réellement engagés par les salariés, l'indemnisation forfaitaire par l'octroi d'une prime, le paiement par avance par l'employeur d'une société spécialisée de nettoyage, les employeurs disposant d'une certaine liberté, pourvu que les salariés bénéficient d'une indemnisation ; qu'en l'espèce le conseil relève que la société Keolis a satisfait à cette obligation en consentant à allouer à compter de décembre 2013 une prime intitulée "indemnité blanchissage/nettoyage" ; qu'en tout état de cause le conseil constate que l'évaluation dont il a été procédé, faute de justificatifs des frais réellement engagés par les requérants, ne saurait être retenue ; qu'en conséquence les requérants seront déboutés de leur demande visant à obtenir une indemnisation forfaitaire supérieure à l'évaluation à laquelle a procédé la Société Keolis ainsi que de celle relative aux dommages et intérêts pour résistance abusive.

ALORS QUE les salariés poursuivaient le remboursement des frais d'entretien de leur tenue de travail depuis le mois de novembre 2011, précisant par ailleurs que l'employeur n'avait mis en place une indemnisation de ces frais, toutefois insuffisante à les couvrir, qu'à compter du mois de décembre 2013 ; qu'en affirmant que « le litige opposant les parties concerne uniquement les modalités de prise en charge des frais de nettoyage que la société a consentie à allouer à compter de décembre 2013 », quand le litige portait également sur l'absence de toute indemnisation entre les mois de novembre 2011 et novembre 2013, le conseil de prud'hommes a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

ET ALORS QUE les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; qu'en rejetant par un tel motif la demande de remboursement de frais pour la période antérieure à novembre 2013, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.

ALORS QUE les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier qu'il appartient à l'employeur de justifier qu'il a satisfait à son obligation d'avoir à supporter les frais exposés par le salarié pour l'entretien de sa tenue de travail ; qu'en retenant que « son pouvoir se trouve limité lorsqu'il s'agit uniquement de trancher un désaccord quant au montant de l'indemnisation » pour refuser de rechercher si l'indemnité forfaitaire de 30 centimes par jour travaillé suffisait à rembourser les frais réellement exposés par les salariés, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.

ET ALORS en tout cas QU'en reprochant aux salariés de ne pas justifier des frais réellement engagés, quand il appartenait à l'employeur de justifier qu'il avait satisfait à son obligation d'avoir à supporter les frais exposés par les salariés pour l'entretien de leur tenue de travail, le conseil de prud'hommes a violé les articles 1135 du code civil et 1315 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté le syndicat national des transports urbains CFDT de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail.

AUX MOTIFS énoncés au premier moyen

ET AUX MOTIFS QUE le syndicat national des transports urbains CFDT réclame au titre des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail des dommages et intérêts : "les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent." ; que si le syndicat national des transports urbains CFDT a contesté le montant de la prime évaluée forfaitairement par la Société Keolis Amiens dès le 2 décembre 2013, cette contestation ne cause pas en soi un préjudice à l'intérêt de la profession ; qu'il appartenait au syndicat national des transports urbains CFDT de solliciter le cas échéant l'ouverture de négociations collectives visant à instituer un accord d'entreprise fixant d'autres modalités d'indemnisation ; que dans ces conditions le Conseil dit que le syndicat national des transports urbains CFDT est mal fondé dans sa démarche et le déboutera.

ALORS QUE les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession le refus opposé par un employeur au remboursement des frais exposés par ses salariés dans son intérêt et pour l'exercice de cette profession ; qu'en rejetant l'existence d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession au seul regard du montant de la prime évaluée forfaitairement par l'employeur à compter du mois de décembre 2013 sans se prononcer au regard de l'absence de tout remboursement de frais avant le mois de décembre 2013, le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1135 du code civil et L. 2132-3 du code du travail.

ET ALORS QUE les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession le refus opposé par un employeur au remboursement des frais exposés par ses salariés dans son intérêt et pour l'exercice de cette profession ; qu'en jugeant que la contestation relative au montant de la prime évaluée forfaitairement par l'employeur « ne cause pas en soi un préjudice à l'intérêt de la profession », le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 2132-3 du code du travail.

ET ALORS en tout cas QUE les organisations syndicales sont libre du choix de la méthode retenue pour présenter les revendications des salariés ; qu'en retenant, pour écarter la demande, qu'il appartenait au syndicat national des transports urbains CFDT de solliciter le cas échéant l'ouverture de négociations collectives visant à instituer un accord d'entreprise fixant d'autres modalités d'indemnisation, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 2132-3 du code du travail.

ALORS au demeurant QUE l'employeur lui-même versait aux débats les questions posées par les délégués du personnel et la lettre du 2 décembre 2013 par laquelle le délégué du personnel CFDT présentait la demande, et sollicitait l'ouverture de négociations ; que le syndicat invoquait aussi sa lettre du 3 novembre faisant valoir cette revendication ; qu'en disant que le syndicat devait solliciter l'ouverture de négociations, et ne souffrait pas de préjudice faute de l'avoir fait, le conseil de prud'hommes a dénaturé lesdits procès verbaux et lesdites lettres et violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-12862
Date de la décision : 18/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Amiens, 21 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 oct. 2017, pourvoi n°16-12862


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12862
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