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21/09/2017 | FRANCE | N°15-24296

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2017, 15-24296


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail ;

Attendu que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 23 mai 2005 en qualité d'agent de livraison par la société Cetup soumise à la convention collective nationale des transporteurs routiers et activités

auxiliaires de transport ; que contestant la qualification des temps d'attente postéri...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail ;

Attendu que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 23 mai 2005 en qualité d'agent de livraison par la société Cetup soumise à la convention collective nationale des transporteurs routiers et activités auxiliaires de transport ; que contestant la qualification des temps d'attente postérieurs au temps de repos, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires et d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Attendu que pour dire que les temps d'attente postérieurs au temps de repos constituaient du temps de travail effectif, la cour d'appel, après avoir relevé que le salarié, après son temps de repos de dix heures devait attendre une communication téléphonique de son employeur pour connaître l'heure à laquelle il devra assumer une nouvelle mission, qu'il devait ainsi après son repos ne pas s'éloigner de son véhicule, que la durée de cette attente variable et non définie était de plusieurs heures, qu'il ne pouvait anticiper la durée d'une telle attente, a retenu que le salarié ne pouvait dès lors vaquer librement à ses occupations personnelles pendant ces temps d'attente, qu'il se trouvait à la disposition permanente de son employeur et devait se conformer à ses directives dès que ce dernier l'appelait pour partir en mission ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser que, durant ces périodes d'attente, le salarié restait à la disposition de l'employeur et devait se conformer à ses directives, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les heures d'attente postérieures au temps de repos du salarié constituent un temps de travail effectif, condamne l'employeur à lui payer une somme de 28 761,40 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur à payer au salarié les sommes de 2 902,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2 031,65 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 25 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société CETUP.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les heures d'attente postérieures au temps de repos de M. X... constituent un temps de travail effectif, et d'AVOIR en conséquence condamné la société Cetup à payer à M. X... un rappel de salaires pour heures supplémentaires, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... aux torts de la société CETUP et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence condamné la société Cetup à payer à M. X... diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et dommages et intérêts de ce chef outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience sans modification, sauf à y ajouter les demandes formulées dans les motifs et non reprises dans le dispositif des conclusions ;
Attendu sur la demande de paiement d'heures supplémentaires que le contrat de travail stipule que le salarié compte tenu du secteur d'activité et de la nature de ses fonctions s'engage à effectuer de fréquents déplacements tant en France qu'à l'étranger; qu'il sera amené à travailler sous astreinte; qu'il pourra effectuer des heures supplémentaires au-delà de 169 heures, uniquement sur demande expresse de la direction;
que le contrat de travail ne prévoit pas d'horaires;
Attendu que la demande porte sur les temps au cours desquels le salarié après ses dix heures de repos réglementaires n'était pas en mission et se trouvait en temps d'attente;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 3121-1 du code du travail et de l'article 5-1 du décret 83-40 du 26 janvier 1983 modifié relatif aux transports routiers que la durée de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ;
Attendu que le salarié après son temps de repos de dix heures devait attendre une communication téléphonique de son employeur pour connaître l'heure à laquelle il devra assumer une nouvelle mission; qu'il en résulte que le salarié devait ainsi après son repos ne pas s'éloigner de son véhicule ; que la durée de cette attente variable et non définie était de plusieurs heures; qu'il ne pouvait anticiper la durée d'une telle attente;
qu'il ne pouvait dès lors vaquer librement à ses occupations personnelles pendant ce temps d'attente ; qu'il se trouvait à la disposition permanente de son employeur et devait se conformer à ses directives dès que ce dernier l'appelait pour partir en mission;
Attendu qu'il ressort de la lettre de l'employeur du 27 septembre 2012 répondant au salarié qui demandait le paiement de ces temps d'attente, que la société Cetup considère que les temps qualifiés de temps d'attente par le salarié ne constituent pas des temps de travail effectif; qu'il expose que le salarié confond les notions d'astreintes, de travail effectif, de pauses et de repos quotidien; qu'il précise que compte tenu de la spécificité de l'activité, la société a organisé le travail des pilotes sous forme d'astreintes; que le salarié bénéficie d'un planning établi par trimestre, avec deux jours de repos hebdomadaires par semaine et d'une indemnité rémunérant l'astreinte; qu'il bénéficie de dix heures de repos; qu'en dehors des astreintes, le salarié est en repos;
que le conseil de l'employeur lors des débats après interpellation de la cour a confirmé que le temps d'attente était considéré comme un temps d'astreinte;
que ce temps quel que soit le nombre d'heures d'attente était rémunéré par une astreinte unique de 50 € par mois;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L 3121-5 du code du travail qu'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise;
Et attendu que pendant le temps d'attente le salarié n'était pas à son domicile ou à proximité; qu'il n'était pas non plus dans un lieu de son choix; qu'il était tenu de rester à proximité immédiate de son véhicule pour pouvoir repartir aussitôt en mission; qu'il ne pouvait vaquer librement à ses activités personnelles pendant ce temps d'attente;
que ces temps ne peuvent dès lors constituer des astreintes ; qu'il s'agit d'un temps de travail effectif devant être rémunéré;
Attendu que le salarié produit des fiches de livret de l'année 2011 établissant qu'il effectuait régulièrement des heures d'attente lorsqu'il se trouvait à l'étranger, ou en France à une distance conséquente de son domicile; que le temps d'attente pouvait varier de deux à vingt heures; qu'il produit un récapitulatif manuscrit des heures d'attente non payées de l'année 2008 à l'année 2012 ; qu'au vu de ces éléments le salarié étaye suffisamment sa demande ;
que l'employeur au regard de ces éléments, est en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
que la société Cetup enregistre le temps de travail de ses salariés au moyen de livrets de route contenant des feuillets journaliers et hebdomadaires et tient des récapitulatifs mensuels; qu'elle fournit les récapitulatifs des mois de juin, juillet et août 2012 et les récapitulatifs hebdomadaires et les feuillets quotidiens de ces trois mois mentionnant les différentes heures de trajet, de temps de chargement et de déchargement, et les temps de repos; qu'il est également versé aux débats les feuilles quotidiennes des mois de juillet 2010, novembre 2010, septembre 2011 et octobre 2011 ;
que les récapitulatifs des mois de juin, juillet et août 2012 ne tiennent pas compte des heures d'attente et ne justifient pas des heures réalisées ;
que les feuillets quotidiens et les récapitulatifs hebdomadaires produits ne font que confirmer que le salarié devait ajouter les temps d'attente au temps de repos et que le temps d'attente n'était pas comptabilisé comme un temps de travail effectif et pouvait durer plusieurs heures;
Attendu que l'employeur ne produit qu'une quantité très restreinte des feuillets du salarié et ne justifie pas des heures effectivement accomplies par le salarié au cours de la période considérée;
que les bulletins de paie bien que mentionnant le paiement d'heures supplémentaires majorées à 25 % et à 50 % selon le nombre d'heures accomplies ne tiennent pas compte des heures d'attente;
Attendu qu'au vu de ces différents éléments, la demande du salarié est justifiée en tenant compte du taux horaire de 9,5680 € figurant sur les bulletins de paie, ce qui établit 2004 heures à 9,5680 € soit 19 174,27 € qu'il convient de majorer de 50 % s'agissant d'heures supplémentaires allant au-delà du plafond d'heures rémunérées à 25 % ; que la demande sera dès lors satisfaite à hauteur de 28 761,40 €;
Attendu sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail que le salarié avait demandé à l'amiable le paiement de ses heures d'attente sans résultat;
que l'absence de prise en compte de ce temps de travail pendant plusieurs années, alors que le salarié était contraint de rester régulièrement en dehors de son domicile, sans percevoir le paiement de ces heures constitue au vu de l'opposition constante de l'employeur de payer ces heures supplémentaires, un fait suffisamment grave imputable à l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail;
que la résiliation judiciaire du contrat de travail sera prononcée;
Attendu qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le salarié a droit aux indemnités de rupture;
que la durée du préavis prévue par la convention collective est de deux mois; qu'il sera accordé à M. X... deux mois de salaire soit la somme de 2902,36 € ;
Attendu que M. X... percevait un salaire mensuel brut de 1451 € ; qu'il bénéficiait d'une ancienneté de plus de sept années ; que compte tenu de ces éléments, il lui sera alloué des dommages et intérêts au titre de la perte d'emploi de 14000 € ;
Attendu que la société Cetup succombant à l'essentiel de ses prétentions sera tenue aux entiers dépens ; qu'elle devra indemniser la partie adverse pour ses frais irrépétibles »

1) ALORS QUE le temps d'attente d'un chauffeur routier au cours duquel ce dernier se trouve dans l'attente de la reprise de ses fonctions sur ordre de l'employeur, ne constitue un temps de travail effectif que s'il est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que tel n'est pas le cas s'il n'est astreint à aucune activité, peu important qu'il soit tenu de rester dans un lieu déterminé à proximité de son véhicule et qu'il ne puisse prévoir la durée de cette attente variable; que pour juger que les temps d'attente de M. X... entre la prise de ses repos et la reprise de la conduite de son véhicule, était du temps de travail effectif, la Cour d'appel s'est contentée de relever que le salarié devait attendre une communication téléphonique de son employeur pour connaître l'heure à laquelle il devrait assumer une nouvelle mission, que l'attente était d'une durée variable et imprévisible et qu'il était tenu de rester à proximité de son véhicule ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, sans constater que le salarié était astreint à la moindre activité pendant ces heures d'attente, ce dont il résultait qu'il ne se trouvait pas à la disposition de l'employeur et qu'il n'était pas tenu de se conformer à ses directives, la Cour d'appel a violé l'article L. 3121-1 du code du travail et l'article 5 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983.

2) ALORS QU'en affirmant que le salarié ne pouvait pas vaquer à ses activités personnelles sans expliquer d'où elle déduisait cette affirmation controuvée par les pièces du dossier qui démontraient que le salarié n'avait aucune tâche à accomplir pendant ses astreintes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-1 du code du travail et de l'article 5 du décret n°83-40 du 26 janvier 1983.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-24296
Date de la décision : 21/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 25 juin 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 sep. 2017, pourvoi n°15-24296


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP François-Henri Briard, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.24296
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