CIV.3
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 septembre 2017
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10329 F
Pourvoi n° S 16-21.101
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Joël X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 mai 2016.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Joël X..., domicilié [...] ,
contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2015 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Florence Y..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. Franck Z..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 juillet 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme A..., conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. X..., de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme Y... et de M. Z... ;
Sur le rapport de Mme A..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. X... fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué de lui avoir ordonné de libérer les locaux dans un délai de deux mois à compter de sa notification, à peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard et d'avoir dit, en conséquence, que les travaux incombant aux propriétaires devront être entrepris dans le mois suivant sa libération des lieux et que la suspension du paiement des loyers et le versement d'une indemnité de 200 euros par mois pour son relogement ne prendre effet que lorsqu'il aurait libéré les lieux ;
AUX MOTIFS QU' en vertu des dispositions de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation ; que les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en conseil d'état pour les locaux à usage de résidence principale ; que le même texte oblige le bailleur à délivrer au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation, ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, à entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat, à y faire toutes les réparations autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués [
] ; que Franck Z... et Florence Y... ne peuvent avoir ignoré l'état de l'immeuble et l'importance des désordres l'affectant puisqu'il est expressément indiqué, dans leur acte d'acquisition, que les acquéreurs ont eu connaissance des diagnostics effectués ; qu'ils ont reçu des lettres de relance du locataire, de la Caisse d'Allocations Familiales et de la mairie d'Orléans ; que, par lettre recommandée avec avis de réception du 23 janvier 2012, Joël X... décrivait les désordres affectant les lieux loués et mettait Franck Z... et Florence Y... en demeure de mettre en conformité le logement ; [
] ; qu'il résulte de ce qui précède que Franck Z... et Florence Y... ont manqué, en connaissance de cause, à leur obligation de délivrance d'un logement décent et en bon état d'usage et de réparations ; que les principales non conformités consistent en des infiltrations d'eau, des installations d'électricité et de gaz présentant des anomalies, des planchers vétustes, des WC situés à l'extérieur de l'habitation et de la présence de plomb avec dégradations ; que Franck Z... et Florence Y... justifient, par les factures Sucher et Leclerc, de ce qu'ils ont d'ores et déjà exécuté certains travaux, notamment pour remédier aux infiltrations autour de la cheminée ; qu'ils produisent les devis couvrant le reste des travaux à effectuer ; qu'ils justifient, par la production des courriers échangés avec Joël X..., auquel il demandent, en vain, depuis de nombreux mois, de libérer les locaux le temps des travaux, et avec les entreprises (pièce 27 et suivantes), de leur volonté réelle de procéder à cette exécution [
] ; que les travaux devront, à peine d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard être entrepris dans le mois suivant la libération des lieux par Joël X... et poursuivis sans interruption jusqu'à leur terme ; que Franck Z... et Florence Y... justifient de ce que, malgré leurs demandes réitérées et les offres de relogement soumises à Joël X... (pièces 27 à 32, 35 et 36), ce dernier n'a toujours pas libéré les lieux, ce qui les empêche de procéder aux travaux dont il s'agit ; qu'il est justifié de ce que le Service Immobilier Rural et Social (SIRES) a proposé plusieurs solutions de relogement à l'intéressé qui ne les a pas acceptées ; qu'il convient, d'une part, d'enjoindre à celui-ci de libérer les locaux dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à peine d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et, d'autre part, de dire que la suspension du loyer prononcée de prendra effet qu'au jour de cette libération et jusqu'à la fin des travaux ; que Franck Z... et Florence Y... justifient avoir tenté de procéder au relogement de Joël X..., notamment en confiant au SIRES la recherche d'un logement à louer, correspondant à celui loué à l'intéressé ; que pas moins de six offres ont été faites à Joël X... qui les a toutes refusées ; que l'intéressé est seul responsable de son absence de relogement ; que par son comportement, il empêche la réalisation des travaux dont il réclame pourtant l'exécution ; qu'il ne saurait faire peser sur Franck Z... et Florence Y... une obligation de relogement, systématiquement mise en échec par son comportement ; qu'il appartiendra donc à l'intéressé de faire son affaire personnel de son relogement ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge des bailleurs une indemnité mensuelle de 200 euros, à titre de contribution aux frais de relogement de Joël X..., mais que, pour les mêmes raisons que précédemment, cette indemnité ne sera due qu'à compter du départ du locataire et jusqu'à la fin des travaux ;
1°) ALORS QUE le juge est tenu de préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en énonçant, pour ordonner à Joël X... de libérer les locaux dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt à peine d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, que les bailleurs lui avaient demandé en vain, pendant de nombreux mois de libérer les locaux le temps des travaux et qu'ils justifiaient de ce que, malgré leurs demandes réitérées et les offres de relogement qu'ils lui avaient soumises, le preneur n'avait toujours pas libéré les lieux au jour de l'audience, ce qui les empêchait de procéder aux travaux dont il réclamait l'exécution, la cour d'appel qui n'a ainsi pas précisé le fondement juridique de sa décision a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'à titre subsidiaire, l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ne prévoit pas la faculté pour le bailleur d'ordonner à un locataire de libérer les lieux, ne serait-ce que provisoirement, afin d'effectuer des travaux, même nécessaires, dans le bien donné à bail ; qu'en énonçant, pour ordonner à Joël X... de libérer les locaux dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt, à peine d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation, que les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d'Etat pour les locaux à usage de résidence principale et que le même texte oblige le bailleur à délivrer au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation, ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, à entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et à y faire toutes les réparations autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 précitée, dans sa version applicable au litige, par fausse application ;
3°) ALORS QU' à titre encore subsidiaire, l'article 7 e) de la loi du 6 juillet 1989 qui prévoit que le locataire doit permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l'entretien normal des locaux loués, de travaux d'amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l'article 6, n'autorise nullement le juge à ordonner au locataire de libérer les lieux pour permettre l'exécution desdits travaux ; qu'en ordonnant néanmoins l'expulsion de M. X... en vue de la réalisation des travaux dans son appartement, la cour d'appel a violé l'article 7 e) de la loi du 6 juillet 1989 par fausse application ;
4°) ALORS, à titre encore subsidiaire, QUE selon l'article 1724 du code civil, dans sa version applicable à la cause, si, durant le bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes et qui ne puissent être différées jusqu'à sa fin, le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu'elles lui causent, et quoiqu'il soit privé, pendant qu'elles se font, d'une partie de la chose louée, que si ces réparations durent plus de quarante jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé et si les réparations sont de telle nature qu'elles rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du preneur et de sa famille, celui-ci pourra faire résilier le bail ; que la cour d'appel, en ordonnant à M. X... de libérer les lieux en vue de la réalisation des travaux dans son appartement après en avoir constaté la nécessité et l'urgence, a violé l'article 1724 du code civil par fausse application ;
5°) ALORS QU'à titre infiniment subsidiaire, tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant, pour ordonner à Joël X... de libérer les locaux dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt, à peine d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, à énoncer que malgré les demandes et les offres de relogement soumises par les bailleurs au preneur ce dernier n'avait toujours pas libéré les lieux ce qui les empêchait de procéder aux travaux en cause, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la nécessité pour le locataire de quitter son logement durant l'exécution des travaux n'a pas motivé sa décision et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
M. X... fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir condamné M Franck Z... et Mme Florence Y... à lui verser une somme limitée au montant de 10.000 euros, au titre de son préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS QU'il est certain que les propriétaires ont tardé à entreprendre l'exécution des travaux de mise en conformité des lieux; que, durant toutes ces années, Joël X... a vécu, dans les lieux loués, dans une situation d'une grande précarité, ne bénéficiant pas des conditions minimales d'habitabilité auxquelles il pouvait prétendre; qu'il a été troublé dans sa jouissance normale des lieux, et ce durant un très long laps de temps; qu'il a, néanmoins, fait preuve d'une inertie certaine, puisque, devant la défaillance des bailleurs, il avait la possibilité de saisir le juge pour voir ordonner l'exécution des travaux, ce qu'il n'a jamais fait; que cette négligence a contribué à l'accroissement de son préjudice; que le premier juge a fait une exacte appréciation de ce dernier, en allouant à l'intéressé la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'en se maintenant dans les lieux loués alors qu'il indique se plaindre depuis plusieurs années de la non décence du logement, le preneur participe à son propre préjudice qui sera ainsi limité à la somme de 10.000 euros ;
1°) ALORS QU' en l'absence d'intention de nuire, une abstention ne peut être qualifiée de fautive et engager la responsabilité de son auteur que lorsque le fait omis devait être accompli en vertu d'une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle; qu'en énonçant, pour limiter l'indemnisation de son préjudice de jouissance à la somme de 10.000 euros, que le locataire avait fait preuve d'une inertie certaine en ne saisissant pas le juge pour voir ordonner l'exécution des travaux, la cour d'appel qui a ainsi estimé à tort que le preneur était tenu de saisir un juge ordonnant au bailleur d'exécuter les travaux lui incombant, a violé les articles1382 et 1383 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'auteur d'une faute qui a causé un dommage est tenu à entière réparation envers la victime, une faute de celle-ci pouvant seule l'exonérer en partie quand cette faute a concouru à la production du dommage ; qu'en jugeant encore, pour limiter l'indemnisation du préjudice subi par le preneur, que le fait pour ce dernier de s'être maintenu dans les lieux participait au préjudice qu'il avait subi, la cour qui n'a ainsi caractérisé aucune faute de la victime a violé les articles 1382 et 1383 du code civil.