La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2017 | FRANCE | N°16-16452

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2017, 16-16452


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 3122-2 du code du travail en sa rédaction alors applicable, ensemble l'article 7.2.6.2 de l'accord d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du 15 octobre 2014 ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. X..., salarié de la société Lancry protection sécurité a été affecté à la sécurisation du palais de justice d'Avesnes-sur-Helpe ; qu'à la suite de la perte de ce marché au mois d'avril 2015

, l'employeur a adressé au salarié un reçu pour solde de tout compte faisant apparaî...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 3122-2 du code du travail en sa rédaction alors applicable, ensemble l'article 7.2.6.2 de l'accord d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du 15 octobre 2014 ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. X..., salarié de la société Lancry protection sécurité a été affecté à la sécurisation du palais de justice d'Avesnes-sur-Helpe ; qu'à la suite de la perte de ce marché au mois d'avril 2015, l'employeur a adressé au salarié un reçu pour solde de tout compte faisant apparaître le remboursement d'une somme au titre de la modulation négative annuelle pour la période du 1er janvier au 15 avril 2015 ;

Attendu que, pour condamner l'employeur à la restitution de cette somme, le jugement, après avoir rappelé que l'accord d'entreprise du 15 octobre 2014 avait pour objet d'organiser la répartition du temps de travail sur l'année en prévoyant une compensation entre des périodes hautes et des périodes basses d'activité afin que les heures effectuées au-delà de 35 heures en période haute soient compensées en période basse (et inversement), retient que l'application de l'annualisation du temps de travail ne saurait remettre en cause l'emploi à temps complet du salarié tel que prévu par le contrat de travail, que le salarié employé à temps complet doit pouvoir escompter la rémunération équivalente au travail pour lequel il s'est engagé et s'est mis à la disposition de son employeur, que quand bien même la planification du salarié variait tous les mois et l'accord d'entreprise prévoyait des périodes basses et hautes d'activité, ces différentes périodes devaient en tout état de cause se compenser afin de respecter le cadre horaire des 35 heures hebdomadaires de travail ainsi que la rémunération afférente, que l'employeur soutient que le salarié a été rémunéré sur la base de 535,90 heures pour la période du 1er janvier au 16 avril 2015 alors qu'il n'a travaillé sur cette période que 434,75 heures au titre de sa planification, que cependant le nombre d'heures rémunérées apparaît conforme aux dispositions contractuelles convenues entre les parties de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'un trop-perçu ouvrant droit à régularisation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le respect de la durée moyenne hebdomadaire de travail de 35 heures devait être apprécié non dans un cadre hebdomadaire mais au regard du système d'annualisation du temps de travail en vigueur dans l'entreprise, et que dans l'hypothèse d'un départ au cours de la période de référence, il convenait de faire application des dispositions de l'accord d'entreprise se rapportant aux régularisations en cours d'année, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Lancry protection sécurité à verser à M. X... la somme de 1141,47 euros au titre de la modulation négative annuelle, le jugement rendu le 29 février 2016, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Avesnes sur Helpe ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Valenciennes ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Lancry protection sécurité

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR condamné la société Lancry protection sécurité à payer à M. X... la somme de 1 141,47euros au titre de la restitution de la modulation négative annuelle et d' AVOIR condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance ;

AUX MOTIFS QU' « Aux termes de l'article 1134 du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
En d'autres termes, cette disposition consacre la force obligatoire du contrat qui constitue la loi des parties.
Aux termes de l'article L. 3122-6 du code du travail : « La mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collective constitue pas une modification du contrat de travail. »
En application de cette disposition, l'accord collectif conclu ne constitue pas une modification du contrat de travail mais une modification des conditions de travail.
Le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er mai 2001 entre la société LPS d'une part et M. Thierry X... d'autre part prévoit aux termes de l'article III : « (…) cette rémunération est lissée sur la base de la durée moyenne hebdomadaire de travail de 35 heures appréciée dans les conditions applicables dans l'entreprise. »
Aux termes de l'article 7.2.6.2 de l'accord d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail conclu le 15 octobre 2014 entre la société LPS d'une part et les organisations syndicales d'autre part :
« Si les sommes versées aux salariés en application de la règle du lissage sont supérieures à celles correspondant au temps de travail effectivement réalisé, hormis les périodes d'absence ayant donné lieu à indemnisation, une régularisation devra être opérée par la société sur la dernière échéance de paie ou par remboursement direct au salarié.
Par contre, si ce déficit d'heures travaillées relève d'une insuffisance de planification de la part de l'employeur il ne sera opéré aucune régularisation.
En cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'entreprise pour un motif économique ou pour cause réelle et sérieuse, le trop perçu restera acquis au salarié ».
Il convient de relever en l'espèce que l'employeur a entendu faire application de la règle du lissage des rémunérations en application de l'article 7.2.4 dudit accord, permettant ainsi de payer le salarie par la même rémunération moyenne de référence tous les mois quelle que soit la période d'activité.

En effet, aux termes de l'article 7.2.1 dudit accord, il est précisé : « compte tenu de la saisonnalité de l'activité de l'entreprise dans le secteur tertiaire et industriel les périodes hautes seront en principe programmées sur les mois de mai, juillet, août, décembre, tandis que les périodes basses seront en principe programmées sur les mois de janvier, février et octobre (...)
Les mois de forte activité, le nombre d'heures de travail à effectuer ne devra pas dépasser 192 heures. Les mois de basse activité, la planification minimale ne pourra être inférieure à 108 heures de travail effectif (..) ».
Néanmoins, l'article 4 dudit accord prévoit que «la durée hebdomadaire moyenne du travail de référence des salariés à temps plein est fixée à 35 heures par semaine. » Le contrat de travail corrobore cette disposition en prévoyant également que la durée moyenne hebdomadaire de travail est de 35 heures.

L'accord d'entreprise conclu le 15 octobre 2014 met donc en place un système d'aménagement du temps de travail qui consiste pour la durée du travail à sortir du cadre hebdomadaire et à l'adapter sur l'année en organisant une compensation entre des périodes hautes et des périodes basses d'activité afin que les heures effectuées au-delà de 35 heures en périodes hautes soient compensées en période basse (et inversement).
L'application de l'annualisation du temps de travail ne saurait donc remettre en cause 1'emploi à temps complet du salarié, compte tenu du fait qu'il doit s'agir d'une compensation entre différentes périodes ne pouvant faire échec à la rémunération du salarié employé à temps complet telle que prévue par le contrat de travail conclu entre les parties.
De ce fait, le salarié employé à temps complet doit pouvoir escompter la rémunération équivalente au travail pour lequel il s'est engagé et s'est mis à la disposition de son employeur.
Quand bien même la planification du salarié variait tous les mois et l'accord d'entreprise prévoyait des périodes basses et hautes d'activité, ces différentes périodes devaient en tout état de cause se compenser afin de respecter le cadre horaire des 35 heures hebdomadaires de travail ainsi que la rémunération y afférente.
Il convient de relever en l'espèce que si la société LPS fait valoir que M. X... a été rémunéré sur la base de 535,90 heures pour la période du 1er janvier au 16 avril 2015 alors qu'il n'a travaillé cette période que 434,75 heures au titre de sa planification, le nombre d'heures rémunérées apparaît conforme aux dispositions contractuelles convenues entre les parties.
En effet, il est prévu que la durée hebdomadaire moyenne du travail du salarié est fixée en l'espèce à 35 heures par semaine. Or, la rémunération de 535,90 heures porte à 35,72 le nombre d'heures rémunérées (535,90/15 semaines). Compte tenu du fait que la durée hebdomadaire moyenne de référence des salariés à temps plein est fixée à 35 heures par semaine, le nombre d'heures payées au salarié (535,90) est conforme au nombre d'heures prévu aux termes du contrat de travail liant les parties.
Il n'y a donc pas lieu de retenir l'existence d'un trop-perçu ouvrant droit à régularisation.
Par ailleurs, la conclusion d'un contrat de travail emporte pour l'employeur obligation de fourniture de travail. Or, en l'espèce, l'employeur qui a appliqué la modulation du temps de travail du salarié ne lui a pas fourni la durée de travail contractuellement prévue, étant donné que la société LPS fait valoir qu'elle a rémunéré le salarié pour un nombre d'heures supérieur aux heures effectivement travaillées alors même que les heures rémunérées ne dépassent pas le nombre d'heures effectué par un salarié devant effectuer en moyenne 35 heures hebdomadaires.
Or, le risque entrepreneurial ne saurait reposer sur le salarié qui a conclu un contrat de travail à temps plein dont la durée moyenne hebdomadaire des heures de travail s'élève à 35 heures. Il ne saurait en effet être reproché au salarié de ne pas avoir effectué le nombre d'heures prévu par le contrat de travail alors même qu'il incombe à l'employeur de fournir au salarié la quantité de travail définie par le contrat conclu.
Ainsi, compte tenu de ces éléments, le déficit d'heures travaillées relève d'une insuffisance de planification de l'employeur compte tenu du fait que le nombre d'heures payées est conforme dispositions contractuelles convenues entre l'employeur et le salarié.
De ce fait, la société LPS ne peut donc opposer à M. X... les dispositions conventionnelles afférentes au temps de travail modulé pour lui imposer le retrait d'une partie de sa rémunération au titre de la modulation négative annuelle.
En d'autres termes, aucune régularisation ne peut être opérée sur la rémunération de M. X..., compte tenu du fait que cette rémunération est conforme aux dispositions contractuelles convenues entre les parties.
Par conséquent, la société LPS sera condamnée à payer à M. X... la somme de 1141,47 euros au titre de la restitution de la modulation négative annuelle.
(…) Sur les demandes accessoires
Sur les dépens :
La société LPS, succombant à l'instance, supportera la charge des dépens.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.
Une somme de 500 euros lui sera allouée de ce chef » ;

1°) ALORS QUE la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail si bien que le respect par l'employeur des stipulations contractuelles prévoyant un travail à temps plein, et le paiement du salarié correspondant, s'apprécie pour une période de référence complètement travaillée ; que le législateur ayant renvoyé aux partenaires sociaux la détermination des conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des arrivées et départs en cours de période, aucune faute de l'employeur ne peut être déduite de l'application des règles conventionnelles d'un accord d'annualisation du temps de travail avec lissage de la rémunération prévoyant qu'en cas de départ du salarié en cours d'année, il est procédé à une régularisation pour tenir compte du décalage entre les heures rémunérées et celles effectivement travaillées ; qu'en refusant en l'espèce de faire application de l'article 7.2.6.2 de l'accord d'entreprise, prévoyant qu'en cas de départ de l'entreprise en cours de période, une régularisation devra être opérée par la société sur la dernière échéance, au prétexte que le contrat de travail du salarié prévoyait que la durée moyenne hebdomadaire de travail était de 35 heures et que le risque entrepreneurial ne pouvait aboutir à payer au salarié une rémunération inférieure au temps plein stipulé, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 3122-2 et suivants du code du travail, l'article 7.2.6 de l'accord d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du 15 octobre 2014 en vigueur au sein de la société Lancry protection sécurité, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'accord d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du 15 octobre 2014 applicable en l'espèce prévoit à son article 7.2.1 que la durée du travail ne peut être inférieure à 108 heures par mois ni supérieure à 192 heures par mois ; qu'aucune insuffisance de planification telle que visée à l'article 7.2.6.2 du même accord ne peut être reprochée à l'employeur dès lors qu'il respecte cette plage de modularité ; qu'en refusant en l'espèce toute régularisation entre les heures rémunérées au salarié et celles effectivement travaillées par lui, au prétexte que le déficit d'heures constaté relevait d'une insuffisance de planification de l'employeur, sans caractériser la méconnaissance par la société Lancry protection sécurité des règles de l'accord d'annualisation relative à la programmation mensuelle du temps de travail pour des durées comprises entre 108 et 192 heures, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles 7.2.1 et 7.2.6 de l'accord d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du 15 octobre 2014 en vigueur au sein de la société Lancry protection sécurité, ensemble l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-16452
Date de la décision : 12/07/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Avesnes sur Helpe, 29 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2017, pourvoi n°16-16452


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.16452
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award