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12/07/2017 | FRANCE | N°16-13901

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2017, 16-13901


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société La Poste le 4 avril 2000 ; qu'il a le statut d'agent de droit privé ; que depuis le 30 décembre 2003, il occupe les fonctions d'agent de traitement de colis ;

Attendu que, pour condamner l'employe

ur au versement d'un rappel de salaire au titre du complément Poste, l'arrêt, après avoir consta...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société La Poste le 4 avril 2000 ; qu'il a le statut d'agent de droit privé ; que depuis le 30 décembre 2003, il occupe les fonctions d'agent de traitement de colis ;

Attendu que, pour condamner l'employeur au versement d'un rappel de salaire au titre du complément Poste, l'arrêt, après avoir constaté que le niveau de fonction du salarié, agent de droit privé, était identique à celui des fonctionnaires auxquels il se comparait et que le montant du complément Poste qui leur était alloué était plus élevé que celui qui lui était versé, retient que l'employeur ne saurait utilement invoquer la différence des tâches assurées par les trois fonctionnaires (facteur et agent de production), seul le niveau de fonction pouvant justifier une différence dans les montants attribués ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié n'exerçait pas les mêmes fonctions que les fonctionnaires auxquels ils se comparait, ce dont il résultait qu'il ne se trouvait pas placé dans une situation identique, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société La Poste à verser à M. X... les sommes de 6 112,67 euros au titre du rappel de salaire sur le complément Poste et 611,26 euros au titre des congés payés afférents et dit que, pour l'avenir, la société La Poste devra verser à M. X..., le montant du complément Poste applicable en application du principe « à travail égal, salaire égal », l'arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société La Poste et la société La Poste DOT Colis Sud-Est

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné La Poste à verser à Monsieur X..., à titre de rappel de complément Poste, la somme de 6 112,67 €, outre les congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2012, et celle de 700 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et, pour l'avenir, à "appliquer à Monsieur Lionel X... le montant du complément Poste qui lui est applicable en application du principe "à travail égal salaire égal" et qui s'élève, au 31 décembre 2014, à 129,49 € par mois" ;

AUX MOTIFS QUE " Il est constant que la rémunération de Monsieur X..., comme celle des autres salariés de droit privé de La Poste et celle des agents de droit public de cette entreprise, est constituée pour partie par un "complément Poste" mis en place initialement par une décision du 27 avril 1993 pour les agents de droit public et étendu par la suite aux agents de droit privé ; que Monsieur X... se plaint de percevoir un complément Poste d'un montant inférieur à celui perçu par les fonctionnaires de l'entreprise et reproche à cette dernière de ne pas respecter le principe "à travail égal, salaire égal" ; que le principe d'égalité de traitement et le principe "à travail égal, salaire égal" imposent, en effet, à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux en cause sont placés dans une situation identique ;

QU'en l'espèce, le 25 janvier 1995, le conseil d'administration de La Poste a décidé qu'un "champ de normalité, représentant la plage à l'intérieur de laquelle le complément Poste ou la rémunération de base de chaque agent doit se situer, est défini pour chaque niveau de fonction" ; qu'il a aussi été décidé que le complément Poste de chaque agent "doit évoluer dans les limites du champ de normalité défini pour son niveau de grade (pour les agents reclassifiés) ou de fonction (pour les agents reclassés)" ; que cette décision précise qu'il existe un seul champ de normalité par niveau de fonction, pour les agents fonctionnaires comme pour les agents de droit privé, que le complément Poste rémunère le niveau de fonction et la maîtrise du poste, l'appréciation annuelle de chaque agent pouvant avoir un impact sur le niveau du complément ; qu'il est précisé que l'appréciation D ("ne satisfait pas aux exigences du poste") donne lieu à une diminution du complément dans les proportions fixées en annexe, que l'appréciation A ("remplit partiellement les exigences du poste") n'entraîne pas d'augmentation du complément et que les appréciations B ("correspond bien aux exigences du poste") et E ("dépasse les exigences du poste") donnent lieu à augmentation du complément ; qu'en application de cette décision, la rémunération de l'ensemble des agents de La Poste est constituée par deux éléments : le salaire de base (traitement indiciaire pour les fonctionnaires) qui rémunère, selon le grade, l'ancienneté et l'expérience et, d'autre part, le complément Poste qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste ;

QUE Monsieur X... qui est classé au niveau de fonction "ACC 1-2" et qui perçoit mensuellement un complément Poste dont le montant a varié de 57,71 euros en 2007 à 77,67 euros en 2014, compare sa situation à trois fonctionnaires de l'entreprise, Monsieur Y..., Monsieur Z... et Monsieur A... qui sont classés au niveau de fonction "APN 1" et qui perçoivent un complément Poste de 129,49 euros par mois au moins depuis 2007 ; que La Poste ne conteste pas ces éléments ni le fait que le niveau "ACC 1.2" pour les agents de droit privé correspond au niveau "APR 1" pour les agents de droit public mais fait valoir que les salariés avec lesquels Monsieur X... se compare ne sont pas dans une situation identique ; qu'elle explique que les décisions ayant abouti à la création du complément Poste avaient pour vocation de regrouper les primes et indemnités qui existaient antérieurement, que les décisions prises ont eu pour principe de promouvoir une convergence des montants de ce complément Poste entre les fonctionnaires eux-mêmes puis entre les fonctionnaires et les salariés par la création de "champs de normalité" comportant trois plages ("secteur bas", "secteur médian" et "secteur haut") dans lesquels le montant du complément converge plus ou moins rapidement, le complément progressant en fonction du niveau de fonction et de la maîtrise du poste ; qu'elle souligne que l'évolution des compléments Poste au sein des champs de normalité visait à résorber la diversité des compléments Poste entre les fonctionnaires et que le Conseil d'Etat a admis que ce mécanisme était conforme au principe "à travail égal, salaire égal" ; qu'elle fait valoir que le complément Poste s'est inséré dans le processus d'intégration des différentes catégories de collaborateurs de l'entreprise, que le régime des fonctionnaires est historiquement caractérisé par une très grande hétérogénéité du montant des compléments Poste pour un même niveau de fonction et que les montants du complément Poste des salariés sont déterminés par voie d'accords collectifs qui ont conduit à fixer les compléments Poste à hauteur des compléments Poste du secteur médian des fonctionnaires ; qu'elle conteste la demande de Monsieur X... qui vise à ce que lui soit attribué un complément Poste d'un montant annuel se situant dans le secteur haut des champs de normalité applicables aux fonctionnaires de son niveau de fonction, faisant valoir que les fonctionnaires relevant du secteur haut sont ceux qui, dans le cadre des restructurations de 1993, 1994 et 1995, ont renoncé aux primes dont ils étaient bénéficiaires, que ceux-ci ont une maîtrise du poste d'autant plus grande qu'elle repose sur une ancienneté plus élevée et qu'ils ont un parcours de carrière exemplaire sans appréciation défavorable de nature à bloquer ou à réduire leur complément Poste ;

QUE La Poste n'est, cependant, pas fondée à justifier une différence de rémunération au titre du complément Poste entre les fonctionnaires et les agents de droit privé de même niveau exerçant les mêmes fonctions par la nécessité de maintenir au bénéfice des fonctionnaires les primes qui leur étaient versées auparavant, celles-ci ayant été incorporées dans le complément Poste applicable à l'ensemble du personnel sur le critère de la fonction occupée ; qu'il convient de relever que La Poste s'était engagée, aux termes de l'accord salarial de 2001, à combler d'ici 2003 l'écart existant entre les compléments Poste des agents contractuels des niveaux I.2, I.3 et II.1 et ceux perçus par les fonctionnaires de même niveau ;

QUE La Poste estime que la différence de traitement alléguée par Monsieur X... n'est pas établie en faisant valoir que Monsieur A... et Monsieur Z... ont une ancienneté, respectivement, de 29 et 37 ans, que le grade, la fonction et l'affectation de ces salariés ne sont pas les mêmes que ceux de Monsieur X... et qu'ils ne sont donc pas dans la même situation ; qu'elle ajoute qu'il est normal que Monsieur A... et Monsieur Z... perçoivent un complément Poste plus élevé que Monsieur X... puisque, de par leur grande ancienneté, ils ont une maîtrise plus élevée de leur fonction ; qu'elle précise qu'elle a comparé la situation de Monsieur X... avec celle de Monsieur B..., salarié placé dans une situation identique et ayant le statut de fonctionnaire, exerçant les mêmes fonctions d'agent de traitement colis et occupant le même niveau de classification (APN 1 pour le fonctionnaire, ACC 1.2 pour le salarié) et souligne que le montant du complément Poste perçu par l'un et par l'autre est identique ;

QU'il résulte, cependant, des pièces produites que Monsieur B... s'est vu attribuer l'appréciation A ("remplit partiellement les exigences du poste") en 2008 et l'appréciation D ("ne satisfait pas aux exigences du poste") en 2009 et 2010 ; que pour 2011 et 2012, sa fiche porte la mention "appréciation absente" ; [que pour sa part] Monsieur X... bénéficie de l'appréciation B ("correspond bien aux exigences du poste"), c'est-à-dire l'une des appréciations les plus élevée, au moins depuis 2010, l'employeur ne fournissant pas d'indications pour les années antérieures ; qu'il s'ensuit que Monsieur X... justifie d'une meilleure maîtrise du poste que Monsieur B... et qu'ils ne sont pas placés dans une situation identique au regard du complément Poste ; qu'en revanche, il est établi que le niveau de fonction de Monsieur Y..., de Monsieur Z... et de Monsieur A... ("APN 1") est identique à celui de Monsieur X... ;

QUE l'employeur ne fournit aucune indication sur les appréciations attribuées à ces fonctionnaires ; que si leur grande ancienneté peut laisser supposer une certaine maîtrise de leur poste, la seule référence à l'ancienneté ne saurait établir que cette maîtrise serait plus grande que celle de Monsieur X... alors que l'ancienneté qui est déjà prise en compte pour la détermination du salaire de base ne peut être utilisée en elle-même comme critère pour fixer le montant du complément Poste ;

QUE l'employeur ne saurait utilement invoquer la différence des tâches assurées par les trois fonctionnaires (facteur et agent de production), seul le niveau de fonction pouvant justifier une différence dans les montants du complément Poste ;

QU'il s'ensuit que la différence de traitement existant entre ces fonctionnaires et Monsieur X... n'est pas justifiée et que le salarié est bien fondé à solliciter un rappel de salaire sur le fondement du principe "à travail égal, salaire égal" ;

QUE la somme réclamée correspondant, à juste titre et dans le respect de la prescription applicable, à la différence entre le montant du complément Poste revendiqué (129,49 euros par mois) et celui attribué au salarié depuis le mois de juillet 2007, l'employeur doit payer à Monsieur X... la somme de 6.112,67 euros à titre de rappel de salaire ainsi que celle de 611,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante ; que Monsieur X... est bien fondé à solliciter que, pour l'avenir, La Poste lui applique ce montant du complément Poste, en application du principe "à travail égal, salaire égal" ;

1°) ALORS QUE le principe « à travail égal, salaire égal » impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant qu'ils sont placés dans une situation identique au regard de l'avantage considéré ; que le complément Poste, tel qu'institué pour l'ensemble des agents par la décision n° 717 du 4 mai 1995 "rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste" ; qu'il en résulte que l'employeur n'est tenu d'assurer l'égalité du complément Poste entre les fonctionnaires et les agents de droit privé que pour autant qu'ils exercent au même niveau les mêmes fonctions avec la même maîtrise personnelle du poste ; que, lorsque la demande porte rétroactivement sur une période de plusieurs années, cette identité doit être constatée pendant toute la période de la réclamation ; qu'en accueillant la demande de Monsieur X... sur l'unique constatation de ce qu'il bénéficiait, au jour de sa décision, du même niveau de fonction que les fonctionnaires auxquels il se comparaît, et que La Poste ne démontrait pas une différence de maîtrise du poste, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la triple identité exigée sur la période de la réclamation, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe susvisé ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE le principe « à travail égal, salaire égal» impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant qu'ils sont placés dans une situation identique au regard de l'avantage considéré ; que le complément Poste, tel qu'institué pour l'ensemble des agents par la décision n° 717 du mai 1995 "rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste" ; qu'il en résulte que l'employeur n'est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les fonctionnaires et les agents de droit privé que pour autant qu'ils exercent au même niveau les mêmes fonctions avec la même maîtrise personnelle du poste ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que " l'employeur ne saurait utilement invoquer la différence des tâches assurées par les trois fonctionnaires (facteur et agent de production), seul le niveau de fonction pouvant justifier une différence dans les montants du complément Poste", la Cour d'appel a violé le principe "à travail égal salaire égal".


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-13901
Date de la décision : 12/07/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 26 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2017, pourvoi n°16-13901


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13901
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