CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 juin 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10475 F
Pourvoi n° D 16-21.342
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Julien X..., domicilié [...],
contre l'arrêt rendu le 13 avril 2016 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Philippe X..., domicilié [...],
2°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié [...],
3°/ à la société Allianz vie, société anonyme, dont le siège est [...],
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mai 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. X..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz vie, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat ;
Sur le rapport de Mme Y..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que l'action en responsabilité engagée par M. Julien X... contre l'État était prescrite,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
Sur la responsabilité du service public de la justice
que l'Agent judiciaire du Trésor soutient que l'action est prescrite et subsidiairement infondée ;
qu'en effet, aux termes de l'article 475 ancien du code civil toute action du mineur, notamment contre l'Etat, relativement aux faits de la tutelle, se prescrit par cinq ans, à compter de la majorité ;
qu'en l'espèce, l'appelant est devenu majeur le 6 novembre 2005 et, quand bien même admettrait-on que le délai de prescription ne commence à courir qu'à compter de la découverte de la fraude qu'aurait commise son père et que ne caractérise d'ailleurs pas M. Julien X..., qui se contente d'affirmer que celui-ci s'est livré à des manoeuvres et manigances, qu'à tout le moins l'intéressé en avait connaissance lorsqu'il l'a fait assigner en référé le 6 décembre 2006 pour obtenir la restitution de fonds qu'il avait réclamés en vain le 8 novembre 2005, soit depuis plus d'une année ;
que c'est également en vain qu'il soutient que la décision du juge des tutelles ne serait pas un acte de la tutelle, ce qu'est à l'évidence la décision litigieuse prise par le juge des tutelles en vertu des dispositions de l'article 389-2 du code civil ;
que l'action en responsabilité du service public de la justice n'ayant été engagée par M. Julien X... que le 19 janvier 2012, soit plus de cinq années après le 6 décembre 2006 ou a fortiori le 6 novembre 2005, est donc prescrite,
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE
Sur la responsabilité de l'Etat en raison d'un dysfonctionnement du service de la justice
M. Julien X... recherche la responsabilité de l'Etat en raison d'un dysfonctionnement du service de la justice, reprochant au juge des tutelles de Marmande d'avoir donné blanc-seing total à M. Philippe X... à compter de son ordonnance du 16 septembre 2003, en n'exigeant pas que les fonds perçus soient placés sur un compte ouvert au nom du mineur, en ne précisant pas à l'administrateur légal la nature des opérations qui devaient être effectuées sous son contrôle ou avec son autorisation, et en ne soumettant pas l'opération de placement initial à son agrément, ce qui a permis à M. Philippe X... d'utiliser librement les fonds pour constituer une SCI, sans aucun contrôle.
L'ancien article 473, alinéa 2 du code civil, en vigueur au moment des faits, prévoit que l'Etat est seul responsable à l'égard du pupille, sauf son recours, s'il y a lieu, du dommage résultant d'une faute quelconque qui aurait été commise dans le fonctionnement de la tutelle, soit par le juge des tutelles ou le greffier, soit par le greffier en chef du tribunal d'instance, soit par l'administrateur public chargé d'une telle vacante.
L'ancien article 475 du code civil précise que toute action du mineur contre le tuteur, les organes tutélaires ou l'Etat, relativement aux faits de la tutelle, se prescrit par cinq ans à compter de la majorité, lors même qu'il y aurait eu émancipation.
En cas de fraude, le délai de prescription court à partir du jour où la personne protégée a eu connaissance de la situation frauduleuse créée et entretenue par elle.
M. Julien X... est devenu majeur le 6 novembre 2005.
Il convient d'observer que lors de son audition par le juge des tutelles le 8 novembre 2005, il a fait état de bonnes relations avec son père. Il a indiqué que ce dernier ne l'avait informé de l'emploi des fonds dans la constitution d'une SCI que deux jours avant l'audience, soit le jour de sa majorité. Il a affirmé devant le juge vouloir récupérer son argent pour le placer sur un compte personnel.
M. Julien X... ne justifie d'aucune demande auprès de son père avant le dépôt d'une assignation devant le juge des référés de Marmande, le 6 décembre 2006, au terme de laquelle il lui fait grief d'avoir dilapidé les fonds.
Le tribunal considère que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 6 décembre 2006, date à laquelle il est démontré que M. Julien X... a eu connaissance d'une situation frauduleuse dans la gestion de l'administration légale.
Il en résulte que l'action en responsabilité de l'Etat engagée par M. Julien X... est prescrite comme ayant été engagée plus de cinq ans après la découverte de la fraude, l'acte introductif d'instance ayant été délivré le 19 janvier 2012.
Les demandes formées à l'encontre de l'Agent judiciaire de l'Etat seront donc rejetées,
ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'aux termes de ses écritures d'appel (cf dernières conclusions d'appel du 21 août 2014, p. 13/14 et p. 17), l'exposant expliquait que son père l'avait maintenu dans la croyance que les fonds réclamés lui seraient restitués et que ce n'est qu'au stade de l'exécution de l'ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Marmande du 15 février 2007, condamnant M. Philippe X... à lui verser une provision d'un montant de 163.015,27 €, qu'il a pu être en mesure de connaître le dommage résultant pour lui de la fraude, car alors la saisie-attribution exercée sur la base de cette ordonnance ne lui a permis de recouvrer que 17.000 € ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer prescrite l'action dirigée contre l'État pour dysfonctionnement du service public de la justice, que l'exposant avait eu connaissance des manoeuvres dénoncées au plus tard le 6 décembre 2006, date de l'assignation en référé délivrée à M. Philippe X... pour obtenir la restitution des fonds, sans rechercher si M. Julien X... n'avait pu avoir connaissance du dommage résultant pour lui de l'impossibilité de récupérer les fonds litigieux qu'au stade de l'exécution de l'ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Marmande du 15 février 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 473, alinéa 2 et 475 du code civil dans leur version applicable à la cause, ensemble, du principe fraus omnia corrumpit,
ALORS QUE le juge est tenu d'examiner, ne serait-ce que sommairement, les pièces versées aux débats par les parties à l'appui de leurs allégations ; qu'en énonçant que M. Julien X... procédait simplement par voie d'affirmation concernant les manoeuvres frauduleuses de M. Philippe X..., sans examiner, ne serait-ce que sommairement, les éléments de preuve versés aux débats, en particulier l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 11 février 2010 ainsi que l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Marmande en date du 15 février 2007 stigmatisant les manoeuvres frauduleuses de M. Philippe X..., la cour d'appel a manqué à son office et violé l'article 455 du code de procédure civile.