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21/06/2017 | FRANCE | N°16-10999

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2017, 16-10999


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des missions successives avec le même salarié, soit, pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, soit, pour faire face à un accroissement temporaire de son activité, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale

et permanente ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été mis à la di...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des missions successives avec le même salarié, soit, pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, soit, pour faire face à un accroissement temporaire de son activité, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été mis à la disposition de la société Inéo par l'entreprise de travail temporaire Axion dans le cadre de plusieurs contrats de travail temporaire qui se sont succédé entre le 8 septembre 2008 et le 31 mai 2012 ; qu'à l'issue du dernier contrat M. X... a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de ses contrats de travail en un contrat à durée indéterminée, et pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que chacun des contrats de mission signés par l'intérimaire énonçait un motif d'accroissement d'activité, que les contrats mentionnaient des raisons différentes, pour un travail sur au moins deux chantiers différents, de sorte qu'ils n'avaient ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à une activité normale et permanente de l'entreprise mais bien de faire face à des situations ponctuelles et variées d'une entreprise devant faire face non seulement aux respects des délais mais encore à de nombreux aléas liés à ce type d'activité, conformément aux dispositions de l'article L. 1251-5 du code du travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le salarié avait été employé de manière continue pendant quarante-quatre mois en qualité d'électricien, quel que soit le motif de recours au travail temporaire, que l'emploi occupé était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise, spécialisée dans les travaux d'électricité, ce dont il résultait que la société avait recouru à ces contrats de mission pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Inéo et Axion à payer à M. X... des sommes au titre d'indemnité de trajet et d'indemnité de transport, l'arrêt rendu le 29 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Interim Axion grand Sud et la société Inéo Rhône-Alpes-Auvergne établissements Réunion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à requalification des contrats de travail en un contrat à durée indéterminée et d'en avoir débouté le salarié de sa demande tendant à la condamnation des sociétés Ineo Rhône Alpes Auvergne Réunion et Axion Grand Sud à lui verser au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de requalification des CDD en CDI, une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, une indemnité légale de licenciement, diverses sommes à titre de prime d'ancienneté, outre les congés payés y afférents, de prime de vacances sur congés payés et d'indemnité pour préjudice distinct, et de l'avoir condamné aux dépens d'appel ;

AUX MOTIFS QUE, sur la qualification des relations professionnelles, l'article L 1251-5 du code du travail dispose que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que l'article L 1251-6 du même code précise que sous réserve des dispositions de l'article L 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié, en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ;

e) D'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; qu'en l'espèce, il résulte de l'examen de chacun des contrats de mission signés par l'intérimaire que la société Ineo a énoncé un motif d'accroissement d'activité conformément aux dispositions de l'article L 1251-6 du code, ce motif ayant été à chaque fois justifié en raison des circonstances suivantes :- délai de livraison de chantier à respecter sous peine de pénalités de retard ;- renfort d'équipe suite au réapprovisionnement du chantier ;- achèvement de la dernière tranche des travaux ;- reprise de l'activité de bâtiment ;- rattrapage du retard pris suite à des intempéries ;- réorganisation des équipes ;- renfort d'équipe lié aux congés du BTP ;- achèvement de la dernière tranche des travaux ;- reprise de l'activité de bâtiment ;- rattrapage du retard pris suite à des intempéries ;- réorganisation des équipes ;- renfort d'équipe lié aux congés du BTP ;- conditions climatiques non favorables à l'avancement normal des travaux ;- livraison tardive des fournisseurs ;- retards pris par d'autres corps d'état ; qu'en outre, les contrats de M. X... portaient bien sur des missions distinctes effectuées sur au moins deux chantiers différents de sorte qu'ils n'avaient ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à une activité normale et permanente de l'entreprise mais bien à faire face à des situations ponctuelles et variées d'une entreprise devant faire face non seulement aux respects des délais mais encore à de nombreux aléas liés à ce type d'activité, conformément aux dispositions de l'article L 1251-5 du code du travail ; que M. X... contrairement à ce qu'il soutient a été employé à des tâches différentes, et non pas sur un poste de travail unique :- tirage de câbles, câblage d'armoire, poste d'appareillages, habilitations électriques, courants forts et faibles ;- travaux d'installation électrique et câblage courants forts et faibles ;- travaux d'électricité générale/ câblage ;- incorporation électrique dans les banches ;- travaux d'installation électrique, distribution et raccordement d'appareils électriques ;- reprise du réseau électrique ; qu'au regard de ces éléments qui démontrent que ces contrats de mission sont conformes aux dispositions des articles L 1251-5 et L 1251-6 du code du travail, il convient de constater que ce salarié n'explique pas, ni a fortiori n'établit, en quoi les motifs énoncés par les contrats de missions litigieux n'entraient pas dans le cadre légal, ni en quoi ces missions distinctes consisteraient en réalité en un emploi durable lié à une activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'il n'y avait donc pas lieu à requalification en contrat de travail à durée indéterminée, et il convient d'infirmer la décision entreprise de ce chef ; que sur les conséquences indemnitaires de cette qualification, il échet en conséquence d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum la société Ineo et la société Axion à verser à M. X... les sommes de 16 115, 20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 014, 40 euros à titre d'indemnité de requalification des CDD en CDI, 4 028, 80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 402, 88 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 1 474, 54 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 146, 16 euros à titre de prime d'ancienneté 14, 62 euros à titre d'indemnité de congés payés sur prime d'ancienneté, 2 128, 00 euros à titre de prime de vacances sur congés payés et 2 014, 40 euros à titre d'indemnité pour préjudice distinct ;

ALORS QUE la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de mission successifs avec le même salarié intérimaire pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente, l'entreprise utilisatrice ne pouvant recourir de façon systématique aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre ; Qu'en excluant que le salarié ait été employé aux fins de pourvoi durablement à un emploi lié à une activité normale et permanente, au seul motif que les contrats mentionnaient des raisons différentes, pour un travail sur au moins deux chantiers différents, quand le salarié avait été employé de manière continue pendant 44 mois, ce dont il résultait que la société avait recouru à ces contrats de mission pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et que l'emploi que le salarié occupé était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise, spécialisée dans les travaux d'électricité, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L 1251-5 et L 1251-6 du code du travail ;

ALORS à tout le moins QU'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ressortait de ses constatations que M. X... a de façon systématique et durant près de quatre années effectué des missions d'électricien auprès de la société Ineo, spécialisée dans les travaux liés à l'électricité, de sorte que les contrats de mission avaient eu objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi d'électricien, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient et a ainsi violé les articles L 1251-5 et L 1251-6 du code du travail ;

ALORS en toute hypothèse que l'arrêt qui se borne, sans aucune autre motivation, à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d'appel de l'une des parties, statue par une apparence de motivation de nature à faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement attaqué, la Cour d'appel s'est contentée de reproduire les conclusions d'appel de la société Ineo ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-10999
Date de la décision : 21/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 29 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jui. 2017, pourvoi n°16-10999


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10999
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