LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, qui est recevable ;
Vu l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'ordonnance de référé attaquée, rendue en dernier ressort, que M. X... a été nommé gérant de la société Automotive process institute (la société) à compter du 5 octobre 2009 par décision de l'associé unique ; que le 27 mars 2015, l'intéressé a été révoqué de ses fonctions de gérant ; que le 18 juin 2015, il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'il a saisi en référé le conseil de prud'hommes pour obtenir la remise sous astreinte de documents de fin de contrat et de bulletins de paie ;
Attendu que pour accueillir la demande de M. X..., l'ordonnance retient qu'il produit un bulletin de paie non contesté où est indiqué le titre de directeur général, que les preuves de l'absence de relation salariale ne sont pas apportées et qu'en conséquence, la formation de référé constate que la situation est bien une urgence ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'état de l'exercice par M. X... des fonctions de gérant de la société, la production d'un bulletin de paie était à elle seule insuffisante à créer l'apparence d'un contrat de travail, ce dont il résultait que la reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail se heurtait à une contestation sérieuse, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé rendue le 11 septembre 2015, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Meaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Melun ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance de référé cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Automotive Process Institute
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir ordonné à la société Automotive Process Institute de remettre, sous astreinte, à M. Baudouin X... l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie d'avril à juin 2015 ;
AUX MOTIFS QUE, sur les pouvoirs du juge des référés, l'article R. 1455-5 du code du travail dispose : « Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ». Il y a urgence chaque fois qu'un retard dans la prise d'une décision est susceptible de porter atteinte aux intérêts du demandeur. L'existence d'un différend va trouver sa solution dans la décision prise par la formation de référé qui peut régler le litige sans qu'il soit nécessaire que les parties saisissent le juge du principal. Que l'article R. 1455-6 du code du travail dispose : « La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ». Il y a contestation sérieuse s'il existe une incertitude si minime soit-elle dans le sens de la décision qui serait prise par le juge du principal s'il venait à être saisi. Il n'y a pas de contestation sérieuse lorsque la demande est évidente et que la loi n'est pas respectée. Que l'article R. 1455-7 du code du travail dispose : « Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ». L'urgence n'est pas requise, mais il ne doit pas y avoir de contestation sérieuse sur des provisions de salaires, de primes. Il peut s'agir également de la remise de pièces obligatoires telles que fiches de paie ou attestation Pôle Emploi. Sur les demandes : que l'article R. 1453-4 du code du travail précise : « Les prétentions des parties ou la référence qu'elles font aux prétentions qu'elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal ». Que selon l'article 6 du code de procédure civile : « A l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder ». Que selon l'article 9 du code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Que selon l'article 1315 du code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver (…) ». Sur les documents de fin de contrat et des bulletins de paie : que M. X... produit devant la formation de référé un bulletin de paie non contesté où est indiqué le titre de directeur général ; que les preuves de l'absence de relation salariale ne sont pas apportées ; Qu'en conséquence, la formation de référé constate que la situation est bien une urgence et dit que M. X... est fondé dans sa demande de documents de fin de contrat et de bulletins de paie ;
1) ALORS QUE la société Automotive Process Institute avait oralement soulevé in limine litis l'incompétence de la formation de référé pour statuer sur les demandes de M. Baudoin X..., ces demandes étant fondées sur une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail et l'article L. 1451-1 du code du travail prévoyant que dans le cas d'une prise d'acte, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine ; qu'en omettant de vérifier sa compétence à ce titre, le conseil de prud'hommes, statuant en référé, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1451-1 du code du travail ;
2) ALORS QUE lorsque celui qui prétend avoir été salarié d'une société exerçait un mandat social, la production de bulletins de salaire est à elle seule insuffisante à créer l'apparence d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, M. Baudoin X..., dont il est constant qu'il a été nommé gérant de la société Automotive Process Institute à compter du 5 octobre 2009, produisait seulement un bulletin de paye, ce dont il résultait qu'il ne justifiait pas d'un contrat de travail apparent ; qu'en retenant pourtant, pour estimer que M. Baudoin X... était fondé dans sa demande de documents de fin de contrat et de bulletins de paie, que ce dernier produisait devant la formation de référé un bulletin de paie non contesté où était indiqué le titre de directeur général et que la preuve de l'absence de relation salariale n'était pas apportée, le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
3) ALORS QU'en tout état de cause, aucun contrat de travail n'avait été conclu et que l'exposante soutenait que M. Baudoin X... avait uniquement exercé les fonctions de gérant, ce dont il résultait qu'il existait une contestation sérieuse sur l'existence d'un cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social ; qu'en jugeant pourtant en référé que M. Baudoin X... était fondé dans ses demandes de remise de documents de fin de contrat et de bulletins de paye, le conseil de prud'hommes a excédé la compétence du juge des référés et violé l'article R. 1455-5 du code du travail.
Le greffier de chambre