CIV. 1
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juin 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10418 F
Pourvoi n° C 16-14.027
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Consultis patrimoine, dont le siège est [...], agissant en la personne de son liquidateur judiciaire Mme Marie-Josée X..., domiciliée [...],
contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. Daniel Y..., domicilié [...],
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 mai 2017, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Consultis patrimoine, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, l'avis de M. A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Consultis patrimoine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Consultis patrimoine
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société CONSULTIS PATRIMOINE à payer à Monsieur Daniel Y... la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la société CONSULTIS PATRIMOINE, qui se présentait comme un conseil en gestion de patrimoine indépendant, a remis à ses clients et notamment à Monsieur Y... une charte par laquelle elle s'engageait notamment à : - « agir avec loyauté, compétence, diligence et indépendance au mieux des intérêts de ses clients, - maintenir en permanence ses connaissances et ses compétences au niveau requis par l'évolution des techniques et du contexte économique et réglementaire, - avoir recours à d'autres professionnels quand l'intérêt du client l'exige, - communiquer de manière appropriée les informations utiles à la prise de décision par ses clients, ainsi que celles concernant les modalités de sa rémunération
» ; qu'il n'est pas contesté que l'engagement de la société CONSULTIS PATRIMOINE était de rechercher et de présenter à Monsieur Y... un investissement dans une ou plusieurs opérations d'investissement dans les DOM-TOM bénéficiant des dispositions fiscales avantageuses de la loi dite « Girardin Industriel » ; que la société CONSULTIS PATRIMOINE a proposé à Monsieur Y..., qui lui avait été adressé par Monsieur B... son agent d'assurances, mais qui n'intervenait pas dans cette opération d'investissement défiscalisé et qui n'est au demeurant pas appelé à la cause, un investissement dans deux sociétés en participation dans la filière photovoltaïque dans les DOM-TOM ouvrant droit à l'avantage fiscal recherché ; que Monsieur Y... s'est vu au final refuser l'avantage fiscal recherché, l'administration fiscale relevant que : - la réalité des investissements visés dans les attestations fiscales remises par la société effectivement réalisés par DOM-TOM DEFISCALISATION n'a pas été justifiée, - les fonds collectés et les investissements réalisés étaient disproportionnés, - les investissements réalisés étaient incapables de fonctionner de manière autonome, - le montant de l'investissement éligible était inférieur au montant facturé par LYNX INDUSTRIES à chaque SEP ; que le premier juge a relevé avec pertinence que la responsabilité d'un conseiller en gestion de patrimoine ne pouvait être engagée du fait d'un redressement fiscal que si la preuve était rapportée de son intervention fautive dans l'opération, soit lors de sa conception, de la commercialisation ou du suivi de l'investissement ; que s'agissant d'une obligation de moyens, la société CONSULTIS PATRIMOINE n'était pas garante de l'exécution du contrat, objet du conseil en gestion de patrimoine ; que toutefois, en sa qualité d'intermédiaire, il lui appartenait prioritairement de présenter à son client une opération d'investissement dans une société qui, certes, donnait lieu à un avantage fiscal, mais qui avait un caractère sérieux et une solidité financière suffisante pour garantir le capital investi ; qu'en se contentant de soumettre à Monsieur Y... une consultation d'un avocat fiscaliste sur la faisabilité de l'opération de fiscalisation, un dossier de présentation de DOM-TOM DEFISCALISATION sur les caractéristiques du montage proposé, une plaquette de présentation de la société LYNX INDUSTRIES et des produits CP-SOLAR datée de 2009 incluant des certifications techniques valables jusqu'en 2012 et un certificat d'assurance du 10 mars 2009 délivré par AXA ASSURANCES Luxembourg au titre de la garantie de vente et de négoce d'installations photovoltaïques par la société LYNX INDUSTRIES, elle n'a pas apporté à son client, Monsieur Y..., des éléments objectifs tant sur la structure juridique que sur la situation économique et financière de l'entreprise dans laquelle elle encourageait un investissement et qui étaient aisément accessibles pour un professionnel en gestion de patrimoine s'agissant d'une entreprise faisant appel à l'épargne des particuliers ; que, dès lors, la société CONSULTIS PATRIMOINE a commis une faute dans son obligation de conseil ; que le fait que Monsieur Y... soit avocat et en mesure de comprendre ou rechercher par lui-même des éléments financiers sur la société dans laquelle on lui conseillait d'investir, ne pouvait décharger la société CONSULTIS PATRIMOINE de son obligation de fournir à son client une information sérieuse sur la solidité économique et financière de la société dans laquelle elle encourageait l'investissement ; que le manquement de la société CONSULTIS PATRIMOINE à son obligation de conseil a entraîné pour Monsieur Y... une perte de chance de renoncer à un investissement largement hasardeux compte tenu de la structure juridique complexe de la société d'investissement dont le gérant était à la fois l'assureur et le certificateur fiscal et dont les résultats étaient largement déficitaires depuis deux ans et dont les comptes sociaux pour l'année 2008 n'avaient pas été déposés en 2009 ; que cette perte de chance a été justement évaluée à hauteur de 35.000 euros en ce qu'elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en conséquence, la responsabilité de la société CONSULTIS PATRIMOINE sera confirmée par substitution de motifs ;
1°) ALORS QU'une perte de chance suppose la disparition définitive d'une éventualité favorable ; qu'en indemnisant Monsieur Y... de la perte d'une chance de renoncer à un investissement ayant consisté dans l'apport d'un capital de 37.313 euros à des sociétés en participation aux fins qu'elles acquièrent des panneaux photovoltaïques, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en contrepartie de cet apport, Monsieur Y... n'était pas devenu associé de ces sociétés en participation et n'avait pas, dès lors, bénéficié des avantages qui étaient attachés à cette qualité en acquérant en particulier la propriété indivise des panneaux photovoltaïques achetés, de sorte que l'investissement réalisé n'avait pas engendré de perte et que la possibilité d'y échapper n'était pas nécessairement favorable, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2°) ALORS QU'un conseiller en gestion de patrimoine ne saurait répondre d'un risque étranger au devoir de conseil ou de mise en garde qu'il lui est reproché d'avoir méconnu ; qu'en condamnant la société CONSULTIS PATRIMOINE à indemniser Monsieur Y... de la perte d'une chance de renoncer à son investissement pour ne l'avoir pas informé du caractère hasardeux de cet investissement compte tenu du fait que le gérant de la société DTD était à la fois l'assureur et le certificateur fiscal, que les résultats de cette société étaient largement déficitaires depuis deux ans et que les comptes de cette société pour l'année 2008 n'avaient pas été déposés en 2009, quand elle relevait elle-même que le redressement fiscal avait eu pour cause l'absence de livraison et d'exploitation effective des panneaux photovoltaïques acquis, du fait notamment que « les investissements réalisés étaient incapables de fonctionner de manière autonome », et était donc étranger à l'absence de solidité financière de la société DTD ou au défaut de garanties financières indépendantes, sur lesquels la société CONSULTIS PATRIMOINE aurait dû exercer son devoir de conseil ou de mise en garde, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1147 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'indemnisation du préjudice doit tenir compte des gains que la situation prétendument dommageable a procurés à la victime ; qu'en accordant à Monsieur Y... une indemnité de 35.000 euros en réparation d'une perte de chance de ne pas réaliser l'opération litigieuse, sans rechercher si, à l'issue de cette opération, Monsieur Y... n'avait pas acquis une quote-part indivise de panneaux photovoltaïques, de sorte que cet avantage devait être pris en compte dans l'évaluation du préjudice, serait-il qualifié de perte de chance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.