LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon ce texte, que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que les propositions de reclassement doivent être faites par écrit ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Transports Y..., le 4 décembre 1997, sur un poste de chauffeur routier ; que, le médecin du travail ayant, courant mars 2013, émis un avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise, le salarié a été licencié le 8 avril 2013 ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme, l'arrêt retient que rien n'établit que l'employeur ait proposé un poste chez PPL ni que le salarié ait refusé une telle proposition, qu'il n'existe en effet aucun écrit sur ce point et que la lettre de licenciement mentionnant l'existence d'une proposition de reclassement chez PPL, même corroborée par le témoignage du délégué du personnel, ne suffit pas à démontrer que le salarié en ait été destinataire ;
Qu'en statuant ainsi, en ajoutant à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Transports Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Transports Y...à verser à M. X... la somme de 12 214, 87 euros.
AUX MOTIFS QUE « SUR L'INDEMNITÉ SPECIALE DE LICENCIEMENT Il n'est pas contesté que l'inaptitude est consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
Dans ce cas, l'article L 1226-14 du code du travail prévoit la majoration de 100 % de l'indemnité de licenciement due au salarié licencié sauf si l'employeur établit le caractère abusif du refus du reclassement.
- les propositions de reclassement adressées au salarié
Elles sont au nombre de 3 selon l'employeur qui ne pouvait proposer un reclassement interne compte tenu de l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail.
La SARL n'établit pas cependant avoir adressé au salarié une proposition de reclassement dans l'entreprise FROMONT et encore moins que M. X... l'ait refusée.
Par ailleurs, rien n'établit que la SARL Y...ait proposé un poste chez PPL ni que X... ait refusé une telle proposition. Il n'existe en effet aucun écrit sur ce point et la lettre de licenciement mentionnant l'existence d'une proposition de reclassement chez PPL, même corroborée par le témoignage du délégué du personnel, ne suffit à démontrer que le salarié en ait été destinataire.
En revanche, par lettre remise en main propre à X... le 4 avril 2013 la SARL Y...lui a effectivement proposé un reclassement à Quivrechain, chez OBM, sur un poste de chauffeur routier à temps plein et aux mêmes conditions que celles en vigueur.
- le refus opposé par X...
X... a refusé la proposition le jour même sans fournir d'explication à l'employeur.
Devant le Conseil de Prud'hommes il a seulement invoqué une agression commise par ce dernier à l'origine de son inaptitude et il n'a donné aucun motif à son refus d'acceptation du poste.
Devant la Cour il indique que le poste ne correspond pas à ses qualifications et que l'entreprise chez laquelle le reclassement est proposé n'offre aucune garantie quant à la pérennité de l'emploi.
La proposition de reclassement chez OBM concernait des fonctions que le salarié était en mesure de reprendre compte tenu de ses qualifications, elles étaient aussi comparables que possible à celles exercées dans la SARL Y..., la rémunération était équivalente et le poste était situé à une distance courte de son domicile, sur la même commune que précédemment.
Toutefois, le salarié ne peut être considéré comme ayant abusivement refusé ce reclassement.
En effet la proposition de reclassement n'était pas accompagnée d'un engagement ferme du nouvel employeur de prendre et de conserver le salarié à son service.
Par ailleurs, X... a pu légitimement craindre que la souscription d'un nouveau contrat de travail chez un nouvel employeur, comportant une nouvelle période d'essai, ne garantisse pas suffisamment la pérennité de son emploi.
Sur ce point, la Cour observe que les craintes du salarié étaient fondées puisque l'entreprise OBM a été placée en liquidation judiciaire quelques mois après la proposition de reclassement. Il en résulte que le refus de reclassement opposé par X... au reclassement proposé par son employeur ne présentait pas de caractère abusif.
La décision du Conseil de Prud'hommes sera donc infirmée.
X... sera cependant débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive dès lors que l'employeur qui a activement recherché un reclassement externe n'a commis aucune faute en se prévalant du caractère abusif de son refus d'acceptation de la mesure »
1/ ALORS QUE l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi que l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 ne sont pas dues au salarié inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle lorsque l'employeur établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif ; qu'est abusif le refus d'une proposition de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail et qui n'entraîne aucune modification du contrat de travail ; qu'il était constant en l'espèce que le médecin du travail avait déclaré le salarié inapte à la reprise de son emploi de chauffeur poids lourds dans l'entreprise, apte à occuper les mêmes fonctions hors de l'entreprise ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la proposition de reclassement chez OBM concernait des fonctions que le salarié était en mesure de reprendre compte tenu de ses qualifications, aussi comparables que possible à celles exercées dans la SARL Y..., une rémunération équivalente et un poste situé à une distance courte de son domicile, sur la même commune que précédemment ; qu'en jugeant néanmoins que le refus de cette proposition n'était pas abusif aux motifs inopérants qu'elle n'était pas accompagnée d'un engagement ferme du nouvel employeur de prendre et de conserver le salarié à son service, qu'elle comportait une période d'essai et que la société avait été placée en liquidation judiciaire un an et demi plus tard, la Cour d'appel a violé l'article L 1226-14 du Code du travail ;
2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la société Transports Y...versait aux débats l'attestation de M. Z..., délégué du personnel ayant assisté M. X... lors de l'entretien préalable à la demande du salarié, qui précisait que lors de cet entretien « la première proposition faite par M. Y...et qui s'avérait être la plus proche de l'emploi occupé par M. X... au sein de sa société fut la suivante. Dans le cadre d'un CDI chauffeur poids lourds pour la société OBM basée à Quiévrechain. Même ville, même emploi, même salaire. Sans hésitation M. X... a refusé cette proposition. Deux autres offres d'emploi lui ont été faites. Chauffeur livreur chez PPL à Prouvyet, chauffeur poids lourds chez les transports Fromont à Bermerain. Toujours même emploi et même salaire. Toutes deux refusées également par M. X... qui souligne au passage que pour lui le transport c'est fini » ; qu'en affirmant que la société Transports Y...n'établissait pas avoir adressé au salarié une proposition de reclassement dans l'entreprise FROMONT ni chez PPL et encore moins que M. X... les ait refusées, sans analyser le contenu de ce témoignage précis et circonstancié émanant du représentant du salarié, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
3/ ALORS QU'il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 1226-10 du Code du travail que les propositions de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre son emploi à la suite d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, doivent être faites par écrit ; que dès lors, en relevant que l'employeur ne produisait aucune offre de reclassement écrite dans les entreprises Fromont et PPL qui aurait été adressée au salarié et reçu par celui-ci, la mention de ces offres dans la lettre de licenciement corroborée par le témoignage du délégué du personnel apparaissant dès lors insuffisantes, la Cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et a violé le texte précité ;