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31/05/2017 | FRANCE | N°15-21546

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2017, 15-21546


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'après avoir constaté qu'à la demande de l'employeur, le salarié lui avait remis chaque mois des relevés d'heures de travail, au sujet desquels l'employeur n'avait émis aucune critique, la cour d'appel, qui a fait ressortir que celui-ci avait donné son accord à l'accomplissement d'heures supplémentaires, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que le rejet du premier moyen rend sans port

ée le deuxième moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Sur le troisi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'après avoir constaté qu'à la demande de l'employeur, le salarié lui avait remis chaque mois des relevés d'heures de travail, au sujet desquels l'employeur n'avait émis aucune critique, la cour d'appel, qui a fait ressortir que celui-ci avait donné son accord à l'accomplissement d'heures supplémentaires, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le deuxième moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait dissimulé en tant que telle l'existence d'heures supplémentaires et n'avait pas mis fin à cette situation malgré la mise en demeure qui lui avait été adressée, a pu retenir que ces manquements étaient suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Frigom aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Frigom à payer à M. X... la somme de 3 000 € et la déboute de sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Frigom

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Frigom à verser à M. X... 37. 218 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période de juin 2005 à décembre 2009, outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile ; que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, Monsieur X... expose avoir fait de nombreuses heures supplémentaires qui ne figurent pas sur ses bulletins de paie puisque l'employeur les a rémunérées par le biais de primes ou frais ; que pour étayer ses dires, il produit notamment pour la période de juin 2005 à septembre 2009 les relevés d'heures que l'employeur demandait aux salariés de remplir ; qu'il produit trois tableaux établis par l'employeur à partir des relevés communiqués ainsi que ses bulletins de salaire et expose que pour le mois d'août 2006 notamment, l'employeur a comptabilisé 169 heures normales, 34, 5 heures supplémentaires majorées à 25 %, de sorte qu'il n'a été payés que pour 169 heures de travail, l'employeur lui ayant payé en outre une prime exceptionnelle de 1. 277, 00 euros ; qu'il produit des comparaisons similaires pour le mois de septembre 2006 où l'employeur ne l'a rémunéré que pour 169 heures de travail, avec une bonification à 25 % pour les heures effectuées entre 35 et 39 heures, et lui a versé en sus une prime exceptionnelle de 650 euros et la valeur de 20 paniers repas alors qu'il n'en avait demandé que 13, ainsi qu'une prime de salissure d'un montant de 178 euros ; qu'il produit l'ensemble de ses bulletins de salaire sur la période de juin 2005 à décembre 2009 faisant état du versement régulier d'une prime exceptionnelle et d'une prime de salissure, d'un montant variable chaque mois ; que le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ; que l'employeur expose dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience que les heures supplémentaires ont toutes été rémunérées sur la base de primes des suites d'un usage d'entreprise parfaitement approuvé et porté à la connaissance du salarié ; qu'il conteste le montant réclamé par M. X..., correspondant aux primes perçues, en faisant valoir que les primes de salissures étaient valables et ne peuvent être retenues comme cachant des heures supplémentaires et que les relevés d'heures établis par le salarié ne sont pas toujours le reflet de la réalité ainsi qu'il s'en est rendu compte en effectuant des vérifications dans le cadre du présent litige ; qu'il produit des feuilles de chantier remplies par le salarié et signées par le client pour l'année 2009 et les confronte avec les relevés d'heures remis par M. X... pour relever des anomalies et en conclure que le salarié a « inventé des heures » ; qu'il apparait cependant que ces feuilles de chantier, signées par les clients, étaient principalement destinées à la facturation, qu'elles ne concernent pas spécifiquement M. X... puisque sur certaines figurent le nom de plusieurs intervenants et qu'elles ne mentionnent pas toutes le nombre d'heures d'intervention ; qu'il s'ensuit que la confrontation de ces feuilles de chantier avec les feuilles d'heures produites par le salarié n'est pas pertinente pour critiquer, a posteriori, lesdits relevés qui ont été remis chaque mois à l'employeur et au sujet desquels il n'avait jusqu'alors émis aucune critique ; qu'au demeurant, l'employeur ne s'explique pas sur les tableaux récapitulatifs établis par ses soins pour les mois d'août, septembre et octobre 2006 qui retiennent un volume d'heures supplémentaires conformes aux relevés d'heures établis par le salarié ; que les relevés d'heures produits par le salarié mentionnent des repas, ainsi que des frais de pension et des frais kilométriques, de sorte que les sommes qui lui ont été payées à ce titre ne peuvent pas être considérées comme ayant servi à payer des heures supplémentaires ; que l'employeur ne conteste pas avoir rémunéré des heures supplémentaires au moyen de primes diverses, sans pour autant indiquer de façon précise de quelle prime il s'agit et pour quel montant ; que si la convention collective nationale du caoutchouc prévoit une prime de salissure fixée dans chaque entreprise pour les salariés exposés à des travaux salissants, la société ne fournit cependant aucune explication sur l'exposition de M. X... à de tels travaux ni sur les montants versés, variables d'un mois à l'autre ; qu'en tout état de cause, il produit une décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Montpellier du 16 février 2004 qui avait reconnu le bien-fondé pour les salariés exposés à des travaux salissants de « l'attribution d'une prime à hauteur de 790 euros par salarié et par an exonérée de cotisations » ; qu'or les montants versés à M. X... qui varient pour les années en cause entre 1. 663, 34 euros et 2. 206, 60 euros excède largement cette somme ; que l'employeur ne justifie donc pas que les primes de salissures versées à M. X... pour un montant global de 9. 618, 00 euros sur la période considérée étaient réellement causées par l'exposition à des travaux salissants ; que la société ne conteste pas avoir versé sur cette même période un montant de primes exceptionnelles d'un montant de 27. 000, 00 euros ; que le versement, même volontaire, de primes ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, aucune compensation ne pouvant être effectuée entre les primes ainsi versées et les sommes dues au titre des heures supplémentaires ; qu'au vu des éléments produits par l'un et par l'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, il apparait que M. X... a bien effectué de juin 2005 à décembre 2009 des heures supplémentaires non rémunérées à hauteur, majorations comprises, de 37. 218, 00 euros bruts outre 3. 721, 80 euros de congés payés afférents ; qu'il y a donc lieu, réformant en cela la décision déférée, de condamner la société Frigom au paiement de ces sommes » ;

ALORS QUE seul le travail commandé peut donner lieu au paiement d'heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, la société Frigom faisait valoir que les heures supplémentaires revendiquées par M. X... ne correspondaient pas à une activité connue de l'employeur ; qu'en se bornant à affirmer que le salarié n'avait pas inventé d'heures supplémentaires, sans rechercher si la société Frigom avait consenti, même implicitement, à l'accomplissement des heures supplémentaires litigieuses, ni même relever que ces heures auraient été nécessaires à l'accomplissement des fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-11 et L. 3171-4 du Code du travail ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Frigom à verser à M. X... la somme de 14. 302, 20 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 8221-1 du Code du travail prohibe le travail notamment ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 relatif à la dissimulation d'emploi salarié ; qu'aux termes de l'article L 8223-1 du Code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité égale à six mois de salaire ; qu'en l'espèce, le caractère intentionnel de la mention sur les bulletins de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli est caractérisé tant par l'importance du nombre d'heures supplémentaires omises et la durée pendant laquelle cette dissimulation a été mise en oeuvre que par la mention volontairement erronée sur les bulletins de paie du terme « prime exceptionnelle » ou « prime de salissure » à la place de celui d'« heures supplémentaires » ; que l'indemnité forfaitaire doit être calculée en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail ; que la décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a condamné la société Frigom à payer à M. X... la somme de 14. 302, 20 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé » ;

ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « l'article L. 8221-5 du Code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité le fait pour tout employeur : « […] de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail » ; que la seule volonté de l'employeur de présenter comme le remboursement de frais par l'octroi de primes la rémunération des heures supplémentaires suffit à caractériser l'élément intentionnel, cette intention résultant des propres déclarations de l'employeur qui font état de l'accord du salarié pour bénéficier d'un tel paiement ; qu'il sera en conséquence fait droit à la demande en indemnité de ce chef par application des dispositions de l'article L. 8223-1 du Code du travail et la société sera condamnée au paiement de la somme de 14. 302, 20 euros nets ;

ALORS QUE la cassation de l'arrêt sur le fondement du premier moyen en ce qu'il a jugé que M. X... pouvait prétendre à un rappel d'heures supplémentaires entraînera automatiquement en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société Frigom à verser au salarié la somme de 14. 302, 20 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Frigom à verser à M. X... les sommes de 4. 767, 40 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 476, 74 euros de congés payés afférents, 12. 395, 25 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement et 10. 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produits les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ; que dans son courrier du 3 mai 2010, M. X... déplore l'absence de proposition de l'employeur pour le règlement de ses heures supplémentaires (malgré la mise en oeuvre du 8 avril 2010) et le fait que la situation anormale qui dure depuis trop longtemps est devenue impossible pour lui ; que les heures supplémentaires ne donnent pas lieu uniquement au paiement d'un salaire majoré mais doivent s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel et ouvrent droit à contrepartie en repos ; qu'une partie de l'activité salariée de M. X... n'a pas donné lieu à cotisation pour l'assurance vieillesse ; qu'il est manifeste qu'en dissimulant de telles heures supplémentaires effectuées par M. X... l'employeur a méconnu ses obligations contractuelles à l'égard du salarié lui causant un préjudice ; que compte tenu du caractère frauduleux de la dissimulation, M. X... a pu légitimement considérer que cette situation anormale et préjudiciable, qui perdurait malgré la mise en demeure adressée à l'employeur, était devenue impossible pour lui et empêchait par conséquence la poursuite du contrat de travail ; que dans ces conditions, les manquements avérés de l'employeur en matière d'heures supplémentaires sont suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs » ;

1°) ALORS QUE la cassation de l'arrêt sur le fondement du premier et deuxièmes moyens en ce qu'ils ont jugé que la société Frigom avait omis de rémunérer les heures supplémentaires du salarié et les avait sciemment dissimulées entraînera automatiquement en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile la cassation de l'arrêt en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2°) ALORS QU'il appartient au juge du fond de vérifier concrètement si le manquement allégué au soutien de sa prise d'acte de la rupture du contrat aux torts de l'employeur est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour faire produire à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que le salarié avait pu légitimement considérer que le défaut de paiement des heures supplémentaires empêchait la continuation des relations contractuelles ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il s'agissait objectivement d'un manquement suffisamment grave de la société Frigom de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1235-2 et L. 1237-1 du Code du travail ;

3°) ET ALORS QUE ne constitue pas un manquement suffisamment grave de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail le paiement d'heures supplémentaires sous forme de primes ; qu'en l'espèce pour faire produire à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la société Frigom avait rémunéré les heures supplémentaires de M. X... sous forme de primes diverses ; qu'en statuant ainsi, quand le salarié n'avait pas été privé du paiement de ses heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1235-2 et L. 1237-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-21546
Date de la décision : 31/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 13 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2017, pourvoi n°15-21546


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.21546
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