LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article R. 5015-59 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure au décret n° 95-284 du 14 mars 1995 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...épouse Y..., engagée le 1er février 1986 en qualité de pharmacienne assistante par Mme Z... et dont le contrat de travail, qui comportait une clause de non-concurrence ne prévoyant pas de contrepartie pécuniaire, a été transféré à la société Pharmacie A...
Z... Caroline, a été licenciée pour faute grave par lettre du 17 février 2011 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts au titre de la nullité de la clause de non-concurrence ; que la cour d'appel a retenu que la clause de non-concurrence entrait dans le cadre des dispositions de l'article R. 5015-59 du code de la santé publique relatives à la profession de pharmacien ; que par arrêt du 15 janvier 2015, la Cour a, d'une part rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt en ce qu'il a dit le licenciement justifié par une faute grave et rejeté les demandes de la salariée au titre de la rupture, d'autre part renvoyé l'une ou l'autre des parties à saisir la juridiction administrative aux fins d'appréciation de la légalité de l'article R. 5015-59 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige ; que par arrêt du 17 octobre 2016, le Conseil d'Etat a déclaré que l'exception d'illégalité des dispositions de l'article R. 5015-59 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure au décret n° 95-284 du 14 mars 1995, n'était pas fondée ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes tendant à l'annulation de la clause de non-concurrence et à l'allocation de dommages-intérêts au titre de l'illicéité de cette clause, l'arrêt retient que la clause stipulée dans le contrat de travail entre dans le cadre des articles R. 4235-37 et R. 5015-59 du code de la santé publique qui instaurent pour le pharmacien collaborateur une interdiction d'exploiter une officine pendant deux ans en un lieu où sa présence permet de concurrencer directement le confrère secondé, qu'une installation de la salariée dans un périmètre restreint d'un kilomètre a pu être considérée par les parties comme concurrentielle à l'activité de l'employeur, que la définition d'un périmètre géographique à cette clause n'a pas pour effet de placer les parties en dehors de prescriptions légales qui ne prévoient pas de contrepartie financière ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions réglementaires, supplétives de la volonté des parties, et partant non applicables dès lors que les parties ont elles-mêmes stipulé une clause de non-concurrence, ne sauraient permettre à celles-ci d'éluder la condition, tirée de l'existence d'une contrepartie financière, essentielle à la validité d'une telle clause, la cour d'appel, qui a constaté que la clause ne comportait pas de contrepartie, a violé le principe et le texte susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes tendant à l'annulation de la clause de non-concurrence et à l'allocation de dommages-intérêts au titre de l'illicéité de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 28 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Pharmacie A...
Z... Caroline aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pharmacie A...
Z... Caroline à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'AVOIR jugé que la clause de non installation stipulée dans le contrat de Mme Y... était valable et, en tout état de cause, de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts de 30 000, 00 Euros en réparation du préjudice qu'elle a nécessairement subi du fait de cette clause illicite.
AUX MOTIFS PROPRES QUE, Sur les demandes de la salariée relatives à la clause de non installation : le contrat de travail de Mme Laurence Y... dispose : « En application de l'article R. 5 015-59 du code de la santé publique, en cas de rupture de contrat par l'une ou l'autre des parties pour quelque cause que ce soit, Mme Laurence Y... s'engage à ne pas exercer en qualité de titulaire (propriétaire, copropriétaire ou associé) dans un rayon de 1 km de l'officine de Mme Z... pendant deux années à compter de la date effective de la cessation de ses fonctions. Toutefois, un aménagement à cette disposition peut intervenir d'un commun accord entre les parties » ; ces dispositions contractuelles entrent dans le cadre des articles R. 4235-37 et R. 5015-59 du code de la santé publique qui instaurent pour les pharmaciens collaborateurs une interdiction d'exploiter une officine pendant 2 ans en un lieu « où sa présence permet de concurrencer directement le confrère secondé " ; une installation de Mme Laurence Y... dans un périmètre restreint de 1 km a pu être jugée par les parties concurrentielle à l'activité de l'employeur ; en tout état de cause, la salariée pouvait saisir son ordre pour trancher un éventuel litige sur ce point ; la définition d'un périmètre géographique à cette clause n'a pas pour effet de placer les parties en dehors de prescriptions légales qui ne prévoient pas de contrepartie financière ; il s'en déduit que Mme Laurence Y... doit être déboutée de ses demandes ;
AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE, Mme Laurence Y... réclame 30 000 Euros au titre de dommages et intérêts au titre de la clause de non concurrence figurant à son contrat de travail. Au contrat de travail il est stipulé : « En cas de rupture de ce contrat par l'une ou l'autre des parties pour quelque cause que ce soit, Melle X... s'engage à ne pas exercer en qualité de titulaire (propriétaire, copropriétaire ou associé) dans un rayon de un kilomètre de l'officine de Mlle Z... pendant deux années à compter de la date effective de la cessation de ses fonctions. Toutefois un aménagement à cette disposition peut intervenir d'un commun accord entre les parties ». A l'époque de la signature, en 1986, la jurisprudence ne prévoyait aucune contrepartie financière pour la clause de non concurrence. A ce sujet, le contrat de travail n'a pas été réactualisé. En outre, il convient de déclarer nulle la distance imposée de un kilomètre interdisant une éventuelle activité. Cette clause particulière au contrat de travail doit être considérée nulle, il convient de débouter Mme Laurence Y... de sa demande de dommages et intérêts.
ALORS D'UNE PART QUE, en application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, de l'article L. 1121-1 du Code du travail et de l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, toute clause de non concurrence n'est licite qu'à la condition, notamment, de comporter une contrepartie financière ; qu'il en est ainsi y compris lorsque la clause du contrat ne fait que reprendre l'interdiction de concurrence d'un texte législatif ou réglementaire qui n'exige pas expressément une telle contrepartie ; que pour débouter Mme Laurence Y... de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a nécessairement subi du fait d'une clause de non-concurrence illicite, faute de contrepartie financière, la Cour d'appel a affirmé que l'interdiction de non concurrence était prévue par des prescriptions légales qui ne prévoient pas de contrepartie financière ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, l'article L. 1121-1 du Code du travail, ensemble l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966.
ALORS D'AUTRE PART QUE, l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répondant à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle et l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit, un salarié peut invoquer l'illicéité de sa clause de non-concurrence du fait de l'absence de contrepartie financière, même quand la clause de non concurrence a été convenue à un moment où cette contrepartie n'était pas exigée ; que débouter Mme Laurence Y... de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a nécessairement subi du fait de sa clause de non-concurrence illicite, faute de contrepartie financière, les juges du fond ont également affirmé qu'à l'époque de la signature de la clause de non-concurrence, en 1986, la jurisprudence ne prévoyait aucune contrepartie financière ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont, de nouveau, violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.
ALORS, AUSSI QU'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que pour débouter Mme Laurence Y... de ses demandes, la Cour d'appel s'est contentée d'affirmer qu'une installation de celle-ci dans un périmètre restreint de 1 Km a pu être jugée par les parties concurrentielle à l'activité de l'employeur ; qu'en statuant ainsi, alors qu'outre le fait qu'elle ne comportait pas de contrepartie financière, la clause de non concurrence avait une durée de deux ans, la Cour d'appel, qui aurait dû rechercher si la clause ne portait pas une atteinte excessive à la liberté professionnelle de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du Code du travail ;
ET ALORS QU'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, la nullité de la clause de non concurrence crée nécessairement un préjudice au salarié à qui elle est imposée ; qu'en refusant d'indemniser la salariée après avoir constaté que la clause était nulle quant à la distance imposée, les juges du fond ont violé les principes susvisés ensemble l'article L 1121-1 du Code du travail.