LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 24 novembre 2015) que M. X...a été engagé à compter du 1er novembre 2003 par l'Association hospitalière Sainte-Marie (la clinique) en qualité de médecin généraliste affecté au sein du pôle suivi somatique et addictologie au centre hospitalier Sainte-Marie sur la base d'un contrat de travail à temps partiel ; que le salarié a été désigné " militant syndical " par le syndicat CGT ; que revendiquant le statut de salarié protégé en vertu d'un accord d'entreprise du 5 septembre 1973 et invoquant une modification de son contrat de travail unilatéralement imposée dans le cadre d'un projet de réorganisation des services, l'intéressé a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 7 mai 2013 ; que contestant cette rupture, la clinique a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu qu'il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt ou des pièces de la procédure qu'il ait été invoqué par le salarié l'existence d'une rupture d'égalité de traitement ; que ce grief, nouveau et mélangé de fait et de droit, est donc irrecevable ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé :
Attendu que le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, déduit que le salarié n'établissait pas de faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte produit les effets d'une démission et de le condamner au paiement d'une indemnité de préavis au profit de l'employeur alors, selon le moyen, qu'en l'absence de protection particulière aucun salarié ne peut se voir imposer une modification du contrat de travail, laquelle requiert son accord express ; qu'en jugeant, pour requalifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en démission, que le rattachement du salarié au pôle psychiatrique et la réorganisation du service devaient être tenus pour une simple modification de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur au motif que la lettre de notification de l'employeur du 22 avril 2013 rappelle qu'aucune modification, point non discuté, n'est apportée au statut, à la qualification, au temps de travail et à la rémunération de l'intéressé et que ses fonctions, avaient, selon l'avenant du 26 avril 2009, « une nature évolutive tenant aux impératifs d'adaptation de l'entreprise... », sans rechercher, comme le soutenait le salarié, s'il n'en résultait pas la création d'un niveau hiérarchique supplémentaire, entraînant modification du contrat de travail justifiant la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du code civil et L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu que la création d'un échelon hiérarchique intermédiaire n'entraînant en soi aucun déclassement du salarié et donc aucune modification de son contrat de travail, la cour d'appel, qui a relevé que le rattachement du salarié au pôle psychiatrique, dénué de toute modification sur son statut, sa qualification, son temps de travail et sa rémunération, ne constituait qu'un changement de ses conditions de travail, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de M. Franck X... en date du 7 mai 1013 produisait les effets d'une démission et de l'avoir condamné à payer à l'Association hospitalière Sainte-Marie la somme de 13 598, 16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
AUX MOTIFS QUE Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, l'ensemble des griefs invoqués par le salarié devant être examinés, y compris ceux ne figurant pas dans la lettre de prise d'acte ;
Attendu que M. Franck X..., médecin spécialiste du pôle suivi somatique et addictologie qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 7 mai 2013, à la suite de la réorganisation de ce service, effective à compter du 6 mai 2013, formule, dans la lettre de prise d'acte et dans ses conclusions en cause d'appel, les reproches suivants à l'encontre de l'employeur :
1) la violation du statut de salarié protégé
Attendu que M. Franck X... soutient dans ses conclusions en cause d'appel que l'Association hospitalière Sainte-Marie ne pouvait lui imposer une modification de ses conditions de travail du fait qu'en sa qualité de militant syndical, il bénéficiait du statut de salarié protégé en vertu d'un accord d'entreprise du 5 septembre 1973 l'octroyant aux militants syndicaux déclarés auprès de l'inspection du travail ; que cependant, il doit être observé que t'article 01. 01. 2 de l'accord susvisé précise que celui-ci «... s'applique à tout le personnel laïc, permanent ou temporaire à l'exclusion du corps médical, des dentistes des pharmaciens, des personnes payées à la vacation... » ; qu'en sa qualité de médecin, M. Franck X... appartient sans discussion possible au corps médical, peu important le périmètre, contesté, de cette catégorie ; que l'accord ne lui étant pas ainsi applicable, la qualité de salarié protégé ne saurait lui être reconnue ; que la décision prud'homale ayant dit que ce statut a été violé par l'employeur, doit, sur ce point, être infirmée ;
2) le harcèlement et des agissements répétés de la direction attentatoires à la dignité
Attendu que lettre de prise d'acte évoque « un long processus de harcèlement » visant à pousser M. Franck X... et l'ensemble de l'équipe médicale du pôle suivi somatique et addictologie, à la démission et les écritures en cause d'appel des agissements répétés de la direction ayant
porté atteinte à sa dignité (des contrôles d'horaires inopinés en 2011 et la remise en cause des repas gratuits à l'internat) ;
Attendu que l'Association hospitalière Sainte-Marie justifie par un rapport de l'inspection générale des affaires sociales du 20 janvier 2011 et des lettres de l'agence régionale de santé des 8 février et 4 juillet 2011 (ses pièces 15, 19, 27, 29) pointant diverses difficultés de fonctionnement du pôle suivi somatique et addictologie, de raisons objectives et non arbitraires l'ayant conduite à mettre en oeuvre la réorganisation de ce service à laquelle les médecins du pôle se sont opposés de façon vive et frontale à partir de l'année 2011 ;
que dans le cadre du processus de réorganisation, long, approximativement 2 ans, et complexe, M. Maurice Y..., responsable du pôle suivi somatique et addictologie, et les médecins qui y étaient affectés, ont eu l'occasion, à maintes reprises, d'exprimer leurs avis, objections et propositions ainsi qu'en témoignent les correspondances et documents produits par l'employeur (ses pièces 36 à 40) ; qu'en outre, s'il a bien été proposé aux médecins du pôle, le 7 décembre 2012, ainsi que l'évoque la lettre de prise d'acte, une modification de leurs contrats de travail, avec réduction d'horaire, refusée par les intéressés, il s'avère que l'employeur a parfaitement respecté leur décision de refus en renonçant à sa proposition et n'a pas, non plus, donné suite aux demandes de rupture conventionnelle des contrats de travail dont il avait été saisi (pièce 11 du salarié) ; que par ailleurs, aucun élément ne permet de vérifier la réalité d'une intensification des contrôles de présence du personnel du pôle somatique et addictologie, contestée par l'Association hospitalière Sainte-Marie, à partir de l'année 2011 ; que la mise un terme, en 2012, à l'usage de la gratuité des repas pris à l'internat, ne saurait, d'autre part, être interprétée comme une manoeuvre de déstabilisation, une lettre collective des médecins du 26 juin 2012 (pièce 7) reconnaissant qu'ils ne souhaitaient pas bénéficier de cette gratuité, résultant d'un « oubli » dans leurs contrats de travail ; que l'ensemble de ces constatations, ne permet pas de retenir qu'au-delà de la vive opposition qu'il a pu susciter, le projet de réorganisation du pôle suivi somatique et addictologie et les conditions de sa mise en oeuvre, caractérisent un usage abusif et brutal du pouvoir de direction de l'employeur visant à pousser l'intimé à la démission, comme une situation de harcèlement ou d'atteinte à sa dignité ;
3) la modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur
Attendu que M. Franck X... soutient que la réorganisation du pôle suivi somatique et addictologie, effective le 7 mai 2013, constitue une modification des éléments essentiels de son contrat de travail (nouveau rattachement hiérarchique, modification de la structure du personnel, nouveau locaux extra-hospitaliers, dégradations de la qualité des soins offerts et mise en danger des patients) ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites que dans le cadre de la réorganisation du pôle suivi somatique et addictologie, les médecins A..., B..., X...et C..., ont été placés sous la subordination du pôle psychiatrie au sein du centre hospitalier Sainte Marie, tandis que les médecins D..., E..., H...et I... ont été affectés dans des locaux extérieurs situés boulevard Raimbaldi à Nice ; que la lettre de notification de l'employeur du 22 avril 2013 rappelle qu'aucune modification, point non discuté, n'est apportée au statut, à la qualification, au temps de travail et à la rémunération de M. Franck X..., continuant à exercer, au sein de l'hôpital Sainte-Marie, ses fonctions, ayant, selon l'avenant du 26 avril 2009, « une nature évolutive tenant... aux impératifs d'adaptation de l'entreprise... » ; que son rattachement au pôle psychiatrique et la réorganisation du service doivent ainsi être tenus pour une simple modification de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ;
Attendu enfin, que le salarié ne saurait être suivi dans son argumentation relative à une dégradation de ses conditions de travail comme de la sécurité des patients, induite par la réorganisation du pôle suivi somatique et addictologie, en l'absence de pièce permettant une comparaison utile, exhaustive, et objective de l'offre de soins et de son fonctionnement avant et après la réorganisation, la cour observant que M. Franck X... ne peut se prévaloir, sur ce point, pour la période postérieure au 6 mai 2013, d'aucune expérience personnelle et directe dès lors qu'il a pris acte, sans préavis, de la rupture de son contrat de travail le 7 mai 2013 et que les difficultés de fonctionnement évoquées qui ont pu survenir postérieurement, paraissent avoir été, au premier chef, causées par la prise d'acte simultanée et collective de l'ensemble des médecins du pôle ;
Attendu qu'en l'état de l'ensemble de ces constatations, il n'est pas rapporté la preuve de manquements contractuels de l'Association hospitalière Sainte-Marie dont la gravité autorise à faire produire à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que celle-ci produisant les effets d'une démission, M. Franck X... sera condamné au paiement des salaires correspondant à la période du préavis soit 13 598, 16 €, somme portant intérêt au taux légal à compter de cette décision, constitutive de droits,
ALORS QUE la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; que doit être requalifiée en licenciement nul la prise d'acte d'un salarié bénéficiant d'une protection auquel l'employeur a imposé un changement de son contrat de travail et de ses conditions de travail et qu'il a refusé ; qu'en déboutant M. X... de sa demande tendant à ce que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul dès lors que l'Association Sainte Marie lui avait imposé une modification de son contrat et de ses conditions de travail en dépit de son
statut de militant syndical et donc de salarié protégé aux motifs que selon l'article 01. 01. 2 de l'accord d'entreprise du 5 décembre 1973- mis à jour au 1er mars 2005 après insertion d'avenants-le statut de militant syndical «... s'applique à tout le personnel laïc, permanent ou temporaire à l'exclusion du corps médical, des dentistes, des pharmaciens, des personnes payées à la vacation … » et qu'en sa qualité de médecin M. X... qui appartient au corps médical se trouve exclu de ce statut, sans relever l'existence de circonstances objectives justifiant de traiter différemment les personnels du corps médical des autres salariés et de les priver de cette qualité de militant syndical et de la protection s'y rapportant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1232-1 du code du travail,
ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement mais que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en écartant les faits de harcèlement moral et d'atteinte à la dignité, tout en omettant d'examiner les faits précis et justifiés (conclusions p. 16 et s et plus particulièrement p. 19 et 20) selon lesquels, malgré leurs nombreux courriers d'alerte et leur refus annoncé de modifier leur contrat, la direction de l'hôpital n'avait adressé aucune réponse aux médecins ni organisé une quelconque réunion pour leur donner des informations sur leurs nouvelles fonctions et leur nouveau lieu de travail ; que M. X... avait été, ainsi que trois autres médecins, contrôlé le 6 mai 2013 par un huissier de justice accompagné du responsable de la sécurité de Sainte Marie à son arrivée sur son nouveau lieu d'affectation où il avait constaté que seuls trois médecins étaient présents pour assurer le suivi somatique des 413 patients, ce qui impliquait un bouleversement de l'économie de son contrat et surtout une charge de travail supplémentaire telle qu'elle comportait des risques de mise en danger des patients hospitalisés, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1232-1 du code du travail,
ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QU'en l'absence de protection particulière aucun salarié ne peut se voir imposer une modification du contrat de travail, laquelle requiert son accord express ; qu'en jugeant, pour requalifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en démission, que le rattachement de M. X... au pôle psychiatrique et la réorganisation du service devaient être tenus pour une simple modification de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur au motif que la lettre de notification de l'employeur du 22 avril 2013 rappelle qu'aucune modification, point non discuté, n'est apportée au statut, à la qualification, au temps de travail et à la rémunération de l'intéressé et que ses fonctions, avaient, selon l'avenant du 26 avril 2009, « une nature évolutive tenant... aux impératifs d'adaptation de l'entreprise... », sans rechercher, comme le soutenait M. X..., s'il n'en résultait pas la création d'un niveau hiérarchique supplémentaire, entrainant modification du contrat de travail justifiant la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du code civil et L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1234-1 du code du travail.