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11/05/2017 | FRANCE | N°15-16758;15-16759

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mai 2017, 15-16758 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 15-16.758 et 15-16.759 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Chambéry, 17 février 2015), que Mme Y... et Mme Z... ont été engagées par la société Genty Record, devenue la société Distribution Casino France, en qualité d'employées libre service ; qu'elles ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution de leur contrat de travail ; que l'union locale CGT d'Albertville est intervenue à l'instance ;<

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Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariées...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° 15-16.758 et 15-16.759 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Chambéry, 17 février 2015), que Mme Y... et Mme Z... ont été engagées par la société Genty Record, devenue la société Distribution Casino France, en qualité d'employées libre service ; qu'elles ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution de leur contrat de travail ; que l'union locale CGT d'Albertville est intervenue à l'instance ;

Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariées des dommages-intérêts pour privation des repos supplémentaires et à l'union locale CGT d'Albertville des dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application de la convention collective et des accords conclus au sein de l'entreprise, la société casino a voulu garantir à ses salariés en sus du jour hebdomadaire légal de repos, au moins une journée supplémentaire de repos, que cette journée supplémentaire soit prise en une seule fois ou en deux fois par demi-journées ; que l'organisation du temps de travail pour tous les salariés a été telle qu'ils sont assurés de tous disposer au moins d'une journée complète ou de deux demi-journées complémentaires de repos ; qu'en l'espèce, de par l'organisation de sa semaine, les salariées bénéficiaient de tous leurs après-midi de liberté à partir de 11 heures, leur temps de travail étant fixé de 5 heures à 11 heures, six jours par semaine ; qu'en affirmant que cette organisation n'était pas respectueuse des accords collectifs et que les salariées auraient dû bénéficier en outre de deux demi-journées de repos supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 5.13 de la convention collective nationale de commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire et l'article 1/C du titre I de l'accord d'entreprise Casino France du 19 décembre 1996 ;

2°/ que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à relever, que l'employeur « a régularisé la situation » ; qu'en retenant ainsi à l'encontre de l'employeur l'existence d'un aveu de sa part, sans constater la volonté claire et non équivoque de l'employeur de reconnaître, par cette prétendue régularisation, qu'il avait méconnu les dispositions conventionnelles antérieurement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1354 et 1356 du code civil ;

Mais attendu que, selon l'article 1/C du titre I de l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996, chaque salarié bénéficie, en sus du jour de repos hebdomadaire, d'une journée ou de deux demi-journées de repos supplémentaires et qu'on entend par demi-journée (amplitude n'excédant pas six heures, durée du travail effectif n'excédant pas cinq heures) les plages horaires situées avant et après la pause du déjeuner (13 heures) ; que la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas contesté que les salariées travaillaient six jours par semaine pendant cinq heures trente-six, soit une durée effective supérieure à la durée maximale de cinq heures, en a exactement déduit que les intéressées n'avaient pu bénéficier des deux demi-journées de repos supplémentaires prévues par le texte susvisé ; que le moyen, qui vise en sa seconde branche un motif surabondant, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Distribution Casino France et condamne celle-ci à payer à Mme Y..., Mme Z... et à l'Union locale CGT d'Albertville la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° A 15-16.758 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Distribution Casino France à verser à Mme Y... la somme de 4 500 euros de dommages et intérêts outre 300 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, d'AVOIR condamné l'employeur à verser à l'Union Local CGT Albertville la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de l'AVOIR condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de Mme Y...
L'accord d'entreprise prévoit dans son article 5-1.6 que 'chaque salarié bénéficie, en sus de son repos hebdomadaire, d'une journée ou de deux journées de repos supplémentaires'.
En l'espèce, la salariée travaille six heures par jour, de 5 heures à 11 heures du matin. De fait, elle a tous ses après-midis de libre.
Pour autant, il ne peut être considéré qu'elle bénéficie pour cette seule raison de repos supplémentaires. En effet, un salarié qui terminerait sa journée après 13 heures, aurait quant à lui, dans cette hypothèse, droit à des repos supplémentaires, contrairement à l'intimée, et ce, pour un travail équivalent.
La prise de poste tôt le matin ne doit pas pénaliser la salariée concernée, dès lors qu'est effectuée une journée normale de travail, ce qui est le cas en l'occurrence. Le fait que la salariée puisse s'absenter l'après-midi durant plus de cinq heures consécutives non travaillées ne saurait signifier qu'il s'agit là de repos supplémentaires, ces plages horaires libres résultant de l'organisation du travail de la société CASINO, et non de la volonté de donner à l'intimée des droits supplémentaires.
Le préjudice subi par la salariée résulte de l'impossibilité pour elle d'avoir pu bénéficier de repos supplémentaires. Il ne peut donc être calculé d'après le salaire horaire, l'intimée ayant perçu sa rémunération conformément à son contrat de travail et aux horaires effectués.
La Cour trouve dans le dossier les éléments suffisants pour fixer le préjudice subi par la salariée, étant précisé que désormais la situation est régularisée, à la somme de 4 500 euros.
L'abus du droit d'ester en justice n'étant pas suffisamment démontré, il n'y a pas lieu à dommages intérêts pour résistance abusive.
Sur l'intervention de l'Union Locale CGT d'Albertville
Aux termes de l'article 11 de ses statuts, l'Union Locale CGT d'Albertville a qualité pour agir en justice, notamment pour intervenir dans une procédure et réclamer des dommages intérêts.
Par ailleurs, pouvoir a été donné par le secrétaire général de l'Union départementale CGT à M. C... pour représenter le syndicat CGT à l'audience.
Son intervention sera ainsi déclarée recevable.
Il résulte des débats que le syndicat CGT est intervenu à plusieurs reprises auprès de l'employeur, avant que la présente procédure soit engagée et qu'il a assisté la salariée concernée, tant en première instance qu'en cause d'appel.
Il sera alloué au syndicat CGT la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.
Sur les frais irrépétibles
Mme Y... ayant été défendue par un défenseur syndical, qui a agi aussi pour le compte de l'Union Locale CGT, il sera alloué au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et en première instance à chacun la somme de 300 euros » ;

1°) ALORS QU'en application de la convention collective et des accords conclus au sein de l'entreprise, la société casino a voulu garantir à ses salariés en sus du jour hebdomadaire légal de repos, au moins une journée supplémentaire de repos, que cette journée supplémentaire soit prise en une seule fois ou en deux fois par demi-journées ; que l'organisation du temps de travail pour tous les salariés a été telle qu'ils sont assurés de tous disposer au moins d'une journée complète ou de deux demi-journées complémentaires de repos ; qu'en l'espèce, de par l'organisation de sa semaine, la salariée bénéficiait de tous ses après-midi de liberté à partir de 11 heures, son temps de travail étant fixé de 5 heures à 11 heures, 6 jours par semaine ; qu'en affirmant que cette organisation n'était pas respectueuse des accords collectifs et que le salarié aurait dû bénéficier en outre de deux demi-journées de repos supplémentaires, la Cour d'appel a violé l'article 5.13 de la convention collective nationale de commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire et de l'article 1/C du Titre I de l'accord d'entreprise Casino France du 19 décembre 1996 ;

2°) ALORS QUE l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel s'est bornée à relever, que l'employeur « a régularisé la situation » ; qu'en retenant ainsi à l'encontre de l'employeur l'existence d'un aveu de sa part, sans constater la volonté claire et non équivoque de l'employeur de reconnaître par cette prétendue régularisation, qu'il avait méconnu les dispositions conventionnelles antérieurement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1354 et 1356 du Code civil ;
Moyen produit au pourvoi n° B 15-16.759 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Distribution Casino France à verser à Mme Z... la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts outre 300 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, d'AVOIR condamné l'employeur à verser à l'Union Local CGT Albertville la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de l'AVOIR condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de Mme Z...
L'accord d'entreprise prévoit dans son article 5-1.6 que 'chaque salarié bénéficie, en sus de son repos hebdomadaire, d'une journée ou de deux journées de repos supplémentaires'.
En l'espèce, la salariée travaille six heures par jour, de 5 heures à 11 heures du matin. De fait, elle a tous ses après-midis de libre.
Pour autant, il ne peut être considéré qu'elle bénéficie pour cette seule raison de repos supplémentaires. En effet, un salarié qui terminerait sa journée après 13 heures, aurait quant à lui, dans cette hypothèse, droit à des repos supplémentaires, contrairement à l'intimée, et ce, pour un travail équivalent.
La prise de poste tôt le matin ne doit pas pénaliser la salariée concernée, dès lors qu'est effectuée une journée normale de travail, ce qui est le cas en l'occurrence. Le fait que la salariée puisse s'absenter l'après-midi durant plus de cinq heures consécutives non travaillées ne saurait signifier qu'il s'agit là de repos supplémentaires, ces plages horaires libres résultant de l'organisation du travail de la société CASINO, et non de la volonté de donner à l'intimée des droits supplémentaires.
Le préjudice subi par la salariée résulte de l'impossibilité pour elle d'avoir pu bénéficier de repos supplémentaires. Il ne peut donc être calculé d'après le salaire horaire, l'intimée ayant perçu sa rémunération conformément à son contrat de travail et aux horaires effectués.
La Cour trouve dans le dossier les éléments suffisants pour fixer le préjudice subi par la salariée, étant précisé que désormais la situation est régularisée, à la somme de 3 000 euros.
L'abus du droit d'ester en justice n'étant pas suffisamment démontré, il n'y a pas lieu à dommages intérêts pour résistance abusive.
Sur l'intervention de l'Union Locale CGT d'Albertville
Aux termes de l'article 11 de ses statuts, l'Union Locale CGT d'Albertville a qualité pour agir en justice, notamment pour intervenir dans une procédure et réclamer des dommages intérêts.
Par ailleurs, pouvoir a été donné par le secrétaire général de l'Union départementale CGT à M. C... pour représenter le syndicat CGT à l'audience.
Son intervention sera ainsi déclarée recevable.
Il résulte des débats que le syndicat CGT est intervenu à plusieurs reprises auprès de l'employeur, avant que la présente procédure soit engagée et qu'il a assisté la salariée concernée, tant en première instance qu'en cause d'appel.
Il sera alloué au syndicat CGT la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.
Sur les frais irrépétibles
Mme Z... ayant été défendue par un défenseur syndical, qui a agi aussi pour le compte de l'Union Locale CGT, il sera alloué au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et en première instance à chacun la somme de 300 euros » ;

1°) ALORS QU'en application de la convention collective et des accords conclus au sein de l'entreprise, la société casino a voulu garantir à ses salariés en sus du jour hebdomadaire légal de repos, au moins une journée supplémentaire de repos, que cette journée supplémentaire soit prise en une seule fois ou en deux fois par demi-journées ; que l'organisation du temps de travail pour tous les salariés a été telle qu'ils sont assurés de tous disposer au moins d'une journée complète ou de deux demi-journées complémentaires de repos ; qu'en l'espèce, de par l'organisation de sa semaine, la salariée bénéficiait de tous ses après-midi de liberté à partir de 11 heures, son temps de travail étant fixé de 5 heures à 11 heures, 6 jours par semaine ; qu'en affirmant que cette organisation n'était pas respectueuse des accords collectifs et que le salarié aurait dû bénéficier en outre de deux demi-journées de repos supplémentaires, la Cour d'appel a violé l'article 5.13 de la convention collective nationale de commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire et de l'article 1/C du Titre I de l'accord d'entreprise Casino France du 19 décembre 1996 ;

2°) ALORS QUE l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel s'est bornée à relever, que l'employeur « a régularisé la situation » ; qu'en retenant ainsi à l'encontre de l'employeur l'existence d'un aveu de sa part, sans constater la volonté claire et non équivoque de l'employeur de reconnaître par cette prétendue régularisation, qu'il avait méconnu les dispositions conventionnelles antérieurement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1354 et 1356 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-16758;15-16759
Date de la décision : 11/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Accords collectifs - Accords d'entreprise - Société Distribution Casino France - Accord du 19 décembre 1996 - Titre I - Article 1/C - Durée de travail - Jours de repos supplémentaires - Bénéfice - Conditions - Cas

Selon l'article 1/C du titre I de l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996, applicable dans la société Distribution Casino France, chaque salarié bénéficie en sus du jour de repos hebdomadaire, d'une journée ou de deux demi-journées de repos supplémentaires et l'on entend par demi-journée (amplitude n'excédant pas six heures, durée du travail effectif n'excédant pas cinq heures) les plages horaires situées avant et après la pause du déjeuner (13 heures). Une cour d'appel, devant laquelle il n'était pas contesté que les salariés, dont les horaires de travail étaient fixés de cinq heures à onze heures, six jours par semaine, travaillaient effectivement chacun de ces jours pendant cinq heures trente-six, soit une durée effective supérieure à la durée maximale de cinq heures, en a exactement déduit que les intéressés devaient bénéficier des deux demi-journées de repos supplémentaires prévues par l'accord


Références :

article 1/C du titre 1 de l'accord du 19 décembre 1996 signé au sein de la société Distribution Casino France

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 17 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 mai. 2017, pourvoi n°15-16758;15-16759, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.16758
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