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20/04/2017 | FRANCE | N°15-23850

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 avril 2017, 15-23850


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 juin 2015), que Mme [B], engagée le 27 avril 1998 par la société Conf-Dist en qualité d'hôtesse de caisse, s'est déclarée en grève au cours de la journée du 15 septembre 2012 ; que licenciée pour faute grave par lettre du 9 octobre 2012, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en nullité du licenciement et en paiement de diverses sommes ; que l'union locale CGT de Homecourt est intervenue à l'instance ;

Attendu que la

société fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement, d'ordonner...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 juin 2015), que Mme [B], engagée le 27 avril 1998 par la société Conf-Dist en qualité d'hôtesse de caisse, s'est déclarée en grève au cours de la journée du 15 septembre 2012 ; que licenciée pour faute grave par lettre du 9 octobre 2012, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en nullité du licenciement et en paiement de diverses sommes ; que l'union locale CGT de Homecourt est intervenue à l'instance ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement, d'ordonner la réintégration sous astreinte de la salariée et de la condamner à lui payer des sommes à titre de rappels de salaire et de dommages et intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que la protection destinée aux salariés grévistes bénéficie aux salariés qui exercent un droit de grève soutenu par des revendications professionnelles ; qu'il n'était pas contesté que le mouvement de grève litigieux avait commencé le 15 septembre 2012 au matin mais que Mme [B] avait régulièrement pris son poste à 13 h 06 et n'avait déclaré être en grève qu'à compter de 15 h 39, la société Conf-Dist ayant observé tant dans la lettre de licenciement que dans ses conclusions d'appel que la salariée avait déclaré être en grève après qu'il lui avait été demandé de rejoindre une ligne de caisse vers 15 h 30, en raison de l'affluence et de l'insuffisance des hôtesses, demande à laquelle elle avait satisfait à plusieurs reprises précédemment ; que la société Conf-Dist avait également fait valoir que la motivation de Mme [B] pour se déclarer en grève relevait d'un opportunisme étonnant et qu'elle ne voulait tout simplement pas aller prêter main forte à ses collègues en ligne de caisse et a prétendu se mettre en grève pour éviter d'avoir à assumer ses obligations ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que Mme [B] s'était prévalue de revendications professionnelles, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 2511-1 du code du travail ;

2°/ que la grève cesse lorsque les revendications professionnelles sont jugées satisfaites par la majorité du personnel ; qu'il n'était pas contesté que le piquet de grève avait été retiré à 16 heures ; qu'en énonçant que la grève avait duré au-delà, affirmation contestée par la société Conf-Dist, sans caractériser la poursuite d'une action étayée par des revendications professionnelles non satisfaites, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 2511-1 du code du travail ;

3°/ que subsidiairement les juges du fond ne peuvent statuer par la voie d'une simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que la salariée avait forcément subi un préjudice du fait du manquement de l'employeur aux règles protectrices, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant retenu que la salariée, après en avoir averti sa hiérarchie, s'était mise en grève le 15 septembre 2012 à 15 h 39 en rejoignant le mouvement de grève ayant débuté le matin même, faisant ressortir qu'elle s'était ainsi associée aux revendications professionnelles correspondant à ce mouvement, et constaté que ce dernier s'était poursuivi après la levée du piquet de grève jusqu'à la fermeture du magasin à 20 h 15, de sorte que la salariée avait été gréviste jusqu'à la fin de son service, la cour d'appel, procédant aux recherches invoquées, a exactement décidé que l'intéressée pouvait se prévaloir de la protection attachée au droit de grève ;

Attendu, ensuite, que sous couvert du grief non fondé de violation de la loi, la troisième branche du moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont, par motifs propres et adoptés, retenu l'existence d'un préjudice moral et financier dont ils ont souverainement évalué le montant ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Conf-Dist aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme [B] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Conf-Dist

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du licenciement intervenu le 9 octobre 2012, d'avoir ordonné la réintégration sous astreinte de Mme [B] et d'avoir condamné la société Conf-Dist à lui payer les sommes de 21 457,64 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant du 12 octobre 2012 au 27 janvier 2014, de 2 145,76 euros au titre des congés payés afférents, de 1 168,58 euros au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire, de 556 euros à titre de remboursement de la prime conventionnelle, de 2 777 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement : les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige ; qu'en l'espèce, il est reproché à Mme [B] la faute, qualifiée de grave, suivante : - ne pas avoir repris son poste de travail à l'issue de la grève, alors que sa journée de travail devait prendre fin à 20 heures, en abandonnant son poste de travail de 16 heures à 20 heures sans autorisation de la part de la direction, - ne pas avoir respecté les règles élémentaires de mise en sécurité des espèces et des biens appartenant à la société lorsqu'elle a abandonné son poste de travail ; qu'il n'est pas contesté que Mme [B] s'est mise en grève le 15 septembre 2012 à 15 h 39 en rejoignant le mouvement de grève ayant débuté le matin même ; que l'employeur soutient que la grève du 15 septembre 2012 a cessé à 16 heures, les piquets de grève ayant été levés à cette heure ; que la salariée produit : - 4 attestations de collègues témoignant que la grève du 15 septembre 2012 a duré toute la journée et qu'elles n'ont pas repris le travail après la levée des piquets de grève, - l'attestation de la déléguée syndicale CGT de l'entreprise qui confirme que la grève a duré toute la journée et qu'aucun salarié en grève n'a repris le travail après la levée du piquet de grève ; que de plus selon les documents produits, les bulletins de paie des grévistes indiquent une déduction de salaire pour absence non payée le 15 septembre 2012 sur la totalité de l'horaire qui aurait dû être travaillé et non seulement jusqu'à 16 heures ; qu'au vu de ces éléments, le personnel gréviste de la société Conf-Dist était en grève le samedi 15 septembre 2012 toute la journée, et pas seulement jusqu'à 16 heures ; que l'article L.1132-2 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève ; que l'employeur n'a pu, en conséquence, procéder au licenciement de Mme [B] qui n'a pas abandonné son poste de travail à 15 h 39, mais s'est mise en grève ; que par ailleurs, et conformément aux dispositions de l'article L.2511-1 du code du travail, seule une faute lourde peut justifier le licenciement d'un salarié gréviste ; qu'en l'espèce, Mme [B] a été licenciée pour faute grave, en contradiction avec les dispositions de l'article L.2511-1 du code du travail, de sorte que le licenciement est nul ; […] ; que par ailleurs, la salariée a forcément subi un préjudice du fait du manquement de l'employeur aux règles protectrices, qu'il convient d'indemniser à hauteur de la somme de 2 777 euros telle qu'accordée par les premiers juges ;

1) ALORS QUE la protection destinée aux salariés grévistes bénéficie aux salariés qui exercent un droit de grève soutenu par des revendications professionnelles ; qu'il n'était pas contesté que le mouvement de grève litigieux avait commencé le 15 septembre 2012 au matin mais que Mme [B] avait régulièrement pris son poste à 13h06 et n'avait déclaré être en grève qu'à compter de 15h39, la société Conf-Dist ayant observé tant dans la lettre de licenciement que dans ses conclusions d'appel que la salariée avait déclaré être en grève après qu'il lui avait été demandé de rejoindre une ligne de caisse vers 15h30, en raison de l'affluence et de l'insuffisance des hôtesses, demande à laquelle elle avait satisfait à plusieurs reprises précédemment ; que la société Conf-Dist avait également fait valoir que la motivation de Mme [B] pour se déclarer en grève relevait d'un opportunisme étonnant et qu'elle ne voulait tout simplement pas aller prêter main forte à ses collègues en ligne de caisse et a prétendu se mettre en grève pour éviter d'avoir à assumer ses obligations ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que Mme [B] s'était prévalue de revendications professionnelles, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.2511-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE la grève cesse lorsque les revendications professionnelles sont jugées satisfaites par la majorité du personnel ; qu'il n'était pas contesté que le piquet de grève avait été retiré à 16 heures ; qu'en énonçant que la grève avait duré au-delà, affirmation contestée par la société Conf-Dist, sans caractériser la poursuite d'une action étayée par des revendications professionnelles non satisfaites, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.2511-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE subsidiairement, les juges du fond ne peuvent statuer par la voie d'une simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que la salariée avait forcément subi un préjudice du fait du manquement de l'employeur aux règles protectrices, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-23850
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 19 juin 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 avr. 2017, pourvoi n°15-23850


Composition du Tribunal
Président : Mme Aubert-Monpeyssen (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.23850
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