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22/03/2017 | FRANCE | N°16-11490

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mars 2017, 16-11490


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [F] a été engagé le 17 septembre 2003 par la société Binam, ayant pour gérant M. [P], en qualité d'agent de surveillance à temps partiel et que son contrat de travail a pris fin le 31 juillet 2004 ; que M. [F] a été immatriculé avec effet du 1er août 2004 comme travailleur indépendant ; qu'à compter du 1er août 2004, il a continué à travailler comme agent de surveillance en facturant ses heures de travail à la société Binam, puis à compter du 1er octobre 2006,

à l'entreprise Leloche Sécurité exploitée en nom personnel par M. [P] ; que ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [F] a été engagé le 17 septembre 2003 par la société Binam, ayant pour gérant M. [P], en qualité d'agent de surveillance à temps partiel et que son contrat de travail a pris fin le 31 juillet 2004 ; que M. [F] a été immatriculé avec effet du 1er août 2004 comme travailleur indépendant ; qu'à compter du 1er août 2004, il a continué à travailler comme agent de surveillance en facturant ses heures de travail à la société Binam, puis à compter du 1er octobre 2006, à l'entreprise Leloche Sécurité exploitée en nom personnel par M. [P] ; que les relations de travail entre M. [P] et M. [F] ont pris fin en octobre 2007 ; que M. [P] a été pénalement sanctionné le 2 mai 2008 pour avoir employé M. [F] sous l'apparence d'un travailleur indépendant alors qu'il travaillait dans un lien de subordination ; que la société Binam a été admise le 4 avril 2011 au bénéfice du redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 28 novembre 2011, M. [A] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur de la société ; que M. [F] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande dirigée contre M. [P] aux fins de voir requalifier la relation contractuelle du 1er octobre 2006 au 31 octobre 2007 en relation de travail et d'une demande dirigée contre la société Binam aux fins de voir juger qu'il se trouvait dans une relation de travail avec cette société du 1er août 2004 au 30 septembre 2006, que la rupture des relations contractuelles survenue le 30 septembre 2006 constitue un licenciement, lequel est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, et obtenir le règlement d'heures complémentaires et de diverses indemnités, sollicitant la condamnation de la société Binam à la régularisation des cotisations salariales et patronales ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. [F] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à fixer les créances dues par la SARL Binam au titre de la majoration due pour heures supplémentaires sur la période allant du mois d'août 2005 au mois de septembre 2006, au titre d'indemnité de repos compensateur pour l'année 2006 et au titre d'indemnité compensatrice de congés payés alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel reprises oralement à l'audience, M. [F] sollicitait la condamnation de l'employeur à lui verser un rappel de salaire de 3 330,85 euros net au titre de la majoration due pour heures supplémentaires sur la période allant du mois d'août 2005 au mois de septembre 2006 ; qu'au soutien de sa prétention, M. [F] justifiait du nombre d'heures travaillées sur la période considérée et exposait que des majorations de salaires auraient dû être appliquées sur les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail si l'employeur ne s'était pas livré à du travail dissimulé ; que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a considéré que « le salarié appelant réclame des arriérés de rémunération en alléguant d'heures de travail accomplies au-delà de celles qui lui ont effectivement été payées » ; qu'en dénaturant de la sorte les écritures d'appel du salarié, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, M. [F] exposait, d'une part, avoir travaillé à raison de 160 à 274,45 heures par mois sur la période allant du mois d'août 2005 au mois de septembre 2006 - à l'exception du mois de mars 2006 -, ce dont il résultait que des majorations de salaires auraient dû être appliquées sur les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail si l'employeur ne s'était pas livré à du travail dissimulé ; qu'il justifiait de ses prétentions par la production de factures adressées en sa qualité de travailleur indépendant à la société Binam ; que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a relevé que « les factures, que M. [F] a lui-même établies, ne précisent pas les horaires auxquels le salarié prétend s'être soumis ; que faute de permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés, elles n'étayent pas la demande » ; qu'en statuant ainsi, cependant que les factures indiquaient le nombre d'heures réalisées par mois, de sorte que l'employeur pouvait y répondre en produisant ses propres éléments, et que ce dernier ne produisait aucun élément contraire, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve versés aux débats, que le salarié produisait des plans de travail établis à compter du mois de janvier 2007, qui étaient postérieurs à la relation de travail qu'il revendiquait avec la société Binam du 17 septembre 2003 au 30 septembre 2006, que le seul plan de travail concerné par la période avait été établi pour le mois d'août 2006, mais qu'il ne faisait pas apparaître d'heures supplémentaires ou complémentaires et que les factures que M. [F] avaient lui-même établies ne précisaient pas les horaires auxquels le salarié prétendait s'être soumis, la cour d'appel a pu décider, sans modifier l'objet du litige, que faute de permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés, ces éléments n'étayaient pas la demande qui devait être rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 12 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter M. [F] de ses demandes tendant notamment à voir juger que la rupture des relations survenue le 30 septembre 2006 constitue un licenciement et que ce licenciement est irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si la démission ne se présume pas, il appartient au salarié qui prétend avoir fait l'objet d'un licenciement d'apporter la preuve de faits propres à établir que l'employeur a pris l'initiative de rompre le contrat de travail, que pour tenter d'établir cette preuve, le salarié se limite à affirmer que la société Binam ne lui a plus demandé aucune fourniture de service à partir du 1er octobre 2006, qu'il n'apporte cependant aucun élément au soutien de son assertion, que faute pour lui de satisfaire à son obligation probatoire, l'existence d'un licenciement ne peut être retenue et qu'indépendamment de la question de savoir quelle est la nature de la rupture, le contrat de travail avec la société Binam a pris fin le 30 septembre 2006 au soir ;

Qu'en statuant ainsi, sans décider, comme elle y était invitée, qui du salarié ou de l'employeur avait rompu le contrat de travail, la cour d'appel a méconnu son office et violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter M. [F] de sa demande tendant à faire ordonner au mandataire-liquidateur de régulariser les cotisations salariales et patronales et de le débouter de sa demande subsidiaire tendant à fixer au rang des créances dues par la société Binam une somme au titre du préjudice subi pour non régularisation des cotisations salariales et patronales sur les salaires perçus et à percevoir, l'arrêt retient que le salarié est irrecevable en sa prétention à la régularisation de cotisations sociales qui correspondent à des créances du seul organisme de recouvrement chargé de les encaisser ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu'elles soient d'origine légale ou conventionnelle, est pour l'employeur une obligation résultant de l'exécution du contrat de travail et que, dès lors, le salarié a un intérêt à agir à l'encontre de son employeur en paiement des cotisations sociales dues aux organismes sociaux en raison de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande tendant à voir juger que la rupture des relations survenue le 30 septembre 2006 constitue un licenciement irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes tendant à fixer les créances dues par la société Binam à 1 381,32 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, à 7 426,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à 742,64 euros à titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande et à 24 792,30 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et sauf en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande tendant à faire ordonner au mandataire-liquidateur de régulariser les cotisations salariales et patronales sur la somme de 51 585,29 euros sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de sa demande subsidiaire tendant à fixer au rang des créances dues par la société Binam la somme de 17 000 euros au titre du préjudice subi pour non régularisation des cotisations salariales et patronales sur les salaires perçus et à percevoir, l'arrêt rendu le 10 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. [A], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Binam aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [A], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Binam à payer à la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par Mme Slove, conseiller, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021du code de procédure civile, en remplacement du président et du conseiller rapporteur empêchés, en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. [F]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [F] de ses demandes tendant à voir dire et juger que la rupture des relations survenue le 30 septembre 2006 constitue un licenciement et que ce licenciement est irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR débouté Monsieur [F] de ses demandes tendant à fixer les créances dues par la Sarl Binam à Monsieur [F] à 1.381,32 € à titre d'indemnité légale de licenciement, à 7.426,46 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, à 742,64 € à titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la demande (31 août 2010) et à 24.792,30 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

AUX MOTIFS QUE « 3. sur la demande en déclaration d'un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, et sur les demandes subséquentes : Attendu qu'un licenciement est une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ; Attendu que si la démission ne se présume pas, il appartient au salarié qui prétend avoir fait l'objet d'un licenciement, d'apporter la preuve de faits propres à établir que l'employeur a pris l'initiative de rompre le contrat de travail ; Attendu qu'en l'espèce, la charge de cette preuve pèse sur le salarié appelant qui invoque un licenciement irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse à la date du 30 septembre 2006 ; Attendu que pour tenter d'imputer à son employeur l'initiative de la rupture de son contrat de travail, le salarié appelant se limite à affirmer que la société Binam ne lui a plus demandé aucune fourniture de service à partir du 1er octobre 2006 ; Que le salarié appelant n'apporte cependant aucun élément au soutien de son assertion; Attendu que faute pour le salarié appelant de satisfaire à son obligation probatoire, l'existence d'un licenciement ne peut être retenue ; Attendu que le salarié appelant est dès lors mal fondé en ses prétentions à des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et pour absence de cause réelle et sérieuse, comme en ses prétentions subséquentes au titre d'un préavis et de l'indemnité de licenciement 4. sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : Attendu qu'en application de l'article L 8223-1 du code du travail, un salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire lorsque son employeur a dissimulé son activité ou l'emploi d'une part, et que la relation de travail est rompue d'autre part ; Attendu que le salarié appelant qui présente une demande sur ce fondement à l'encontre de la société Binam, a déjà bénéficié de la décision du 29 mars 2012 par laquelle le conseil de prud'hommes a condamné M. [A] [P] personnellement à verser à M. [M] [F] une indemnité forfaitaire de 19.704 € en application des mêmes dispositions de l'article L 8223-1 du code du travail ; Que le jugement du 29 mars 2012 a cependant statué sur la relation de travail ayant existé entre M. [A] [P] et M. [M] [F] du 1er octobre 2006 au 31 octobre 2007 ; Que même si M. [A] [P] était le dirigeant de la société Binam, la condamnation prononcée le 29 mars 2012 ne fait pas obstacle à la présente demande qui concerne la relation de travail ayant antérieurement existé entre la société Binam et M. [M][F] ; Attendu que concernant la condition de dissimulation, il résulte des énonciations du jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg en date du 2 mai 2008 que l'emploi de M. [M] [F] a été dissimulé à partir du mois de septembre 2004 ; Que la condition de dissimulation est donc établie par autorité de la chose jugée ; Attendu que concernant la condition de rupture du contrat de travail, il doit être relevé que l'indemnité forfaitaire est due quel que soit le mode de rupture de la relation de travail ; Que l'absence de démonstration de l'existence d'un licenciement, comme il est dit ci-dessus, ne fait donc pas non plus obstacle à la recevabilité de la demande ; Attendu que pour s'opposer à la demande, les parties intimées tentent de contester la rupture en invoquant un transfert du contrat de travail à l'entreprise Leloche Sécurité à partir du 1er octobre 2006 ; Que si l'article L. 1224-1 du code du travail prévoit le transfert du contrat de travail en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, son application suppose la transmission d'une entité économique autonome ; que même s'il est admis que M. [M] [F] a travaillé pour le compte de l'entreprise Leloche Sécurité à partir du 1er octobre 2006, il n'est pas rapporté de transmission de l'entité économique exploitée par la société Binam ; Que si la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité prévoit, à l'article 2.3.1 de son avenant relatif à la reprise du personnel, les modalités du transfert des salariés attachés à l'exécution d'un contrat de prestations de service qui change de titulaire, la modification des contrats de travail suppose l'accord exprès des salariés concernés ; Qu'à partir du 1er octobre 2006, M. [M] [F] a certes adressé des factures de prestations de service à l'entreprise Leloche Sécurité ; mais que contrairement à ce que les premiers juges ont considéré, cette seule circonstance est insuffisante à caractériser un accord exprès du salarié appelant à une modification du contrat de travail qu'il avait souscrit avec la société Binam ; Attendu qu'il résulte cependant des énonciations du jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg en date du 2 mai 2008 que M. [M] [F] a également été victime d'une dissimulation de son emploi salarié au service de l'entreprise Leloche Sécurité exploitée en nom personnel par M. [A] [P] ; Qu'il est constant que M. [M] [F] a commencé à travailler pour le compte de l'entreprise Leloche Sécurité le 1er octobre 2006 ; Qu'il s'en déduit, indépendamment de la question de savoir quelle est la nature de la rupture, que le contrat de travail avec la société Binam a pris fin le 30 septembre 2006 au soir ; Attendu que sont donc réunies les deux conditions cumulatives d'application de l'article L 8223-1 du code du travail » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque le juge constate que le contrat de travail a été rompu, il lui incombe de trancher le litige en décidant de l'imputabilité de cette rupture ; qu'en l'espèce, Monsieur [F] soutenait avoir fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 30 septembre 2006, la société Binam ayant cessé de lui fournir du travail à compter du 1er octobre 2006 (concl. p. 12) ; que la cour d'appel a constaté qu'« indépendamment de la question de savoir quelle est la nature de la rupture, […] le contrat de travail avec la société Binam a pris fin le 30 septembre 2006 au soir » (arrêt, p. 8, al. 10) ; que, dès lors, en se contentant de débouter Monsieur [F] de ses demandes au motif qu'il ne rapportait pas la preuve qu'il avait été licencié, sans décider, comme elle y était invitée, qui du salarié ou de l'employeur avait rompu le contrat de travail, la cour d'appel a méconnu son office et violé les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE les manquements de l'employeur à ses obligations de fournir du travail et de verser en contrepartie une rémunération au salarié caractérise une rupture de fait du contrat de travail qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'« le contrat de travail avec la société Binam a pris fin le 30 septembre 2006 au soir » (arrêt, p. 8, al. 10) ; qu'en déboutant Monsieur [F] de ses demandes tendant à voir dire que la rupture de son contrat de travail s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes à ce titre, au motif qu'il ne rapportait pas la preuve qu'il avait été licencié, sans vérifier si, comme le soutenait l'exposant, la relation de travail avait cessé au 1er octobre 2006 du fait de la société Binam, qui avait cessé de lui fournir du travail (concl. p.12), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1232-6 du code du travail ;

ALORS, ENFIN, ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que méconnaît les termes du litige, le juge qui, pour rejeter une prétention, se fonde sur l'insuffisance de preuve d'un fait dont l'existence même n'est pas sujette à contestation ; qu'en l'espèce, Monsieur [F] soutenait qu'il avait fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 30 septembre 2006, la société Binam ayant cessé de lui fournir du travail à compter du 1er octobre 2006 (concl. p.12) ; que ce fait n'était pas contesté par la société Binam, laquelle se bornait à alléguer un prétendu transfert du contrat de travail du salarié à la société Leloche Sécurité à compter du 1er octobre 2006 (concl. adv. pp.3-4) ; qu'en retenant, pour considérer que Monsieur [F] n'avait pas été licencié, que ce dernier ne rapportait pas la preuve que la société Binam « ne lui a plus demandé aucune fourniture de service à partir du 1er octobre 2006 » (arrêt, p. 7, al. 5-6), cependant que ce fait constant avait été implicitement admis par la société Binam, qui, du moins, ne l'avait pas contesté, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [F] de ses demandes tendant à fixer les créances dues par la Sarl Binam à Monsieur [F] à 3.330,85 € à titre de la majoration due pour heures supplémentaires sur la période allant du mois d'août 2005 au mois de septembre 2006, à 5. 415,35 € à titre d'indemnité de repos compensateur pour l'année 2006 et à 3.946,92 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

AUX MOTIFS QUE : « M. [M] [F] a été immatriculé avec effet du 1er août 2004 comme travailleur indépendant sous l'enseigne "MCD Informatique" avec déclaration d'activité de secrétariat-traduction. En réalité et à compter du 1er août 2004, M. [F] a continué à travailler comme agent de surveillance en facturant ses heures de travail à la société Binam, puis à compter du 1er octobre 2006, à l'entreprise Leloche Sécurité exploitée en nom personnel par M. [P] […] Attendu que le salarié appelant justifie de la poursuite de ses relations avec la société Binam, par la production de factures adressées à cette dernière, jusqu'au mois de septembre 2006 compris […] 2. sur les demandes de rappel de salaire et sur les demandes subséquentes : Attendu que le salarié appelant réclame des arriérés de rémunération en alléguant d'heures de travail accomplies au-delà de celles qui lui ont effectivement été payées ; Attendu qu'en application de l'article L 3171-4 du code du travail, dès lors que le litige vient à porter sur le nombre d'heures accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; Attendu que, d'une part, à l'appui de sa demande d'arriéré de salaire de base, pour la période du mois de septembre 2005 au mois de septembre 2006 non couverte par la prescription quinquennale, le salarié appelant invoque une présomption d'emploi à plein temps comme résultant d'une absence de contrat écrit ; Que la relation de travail est cependant née de la souscription d'un acte contractuel en date du 17 septembre 2003 prévoyant expressément et par écrit un emploi à temps partiel ; que cette stipulation n'a pas été modifiée même si l'emploi a été ultérieurement dissimulé ; Que le salarié appelant est donc mal fondé à revendiquer une présomption d'emploi à temps plein ; Que faute pour lui de démontrer s'être constamment tenu à la disposition de son employeur, sa demande n'est pas étayée et elle doit être rejetée ; Attendu que, d'autre part, à l'appui de sa demande de rémunération de 658,31 heures supplémentaires en 2006, le salarié se réfère à des plans de travail et à ses propres factures ; Que le salarié appelant produit en réalité des plans de travail établis à compter du mois de janvier 2007 qui sont postérieurs à la relation de travail qu'il revendique avec la société Binam du 17 septembre 2003 au 30 septembre 2006 ; Que le seul plan de travail concerné par la période a été établi pour le mois d'août 2006, mais qu'il ne fait pas apparaître d'heures supplémentaires ou complémentaires ; Que les factures, que M. [M] [F] a lui-même établies, ne précisent pas les horaires auxquels le salarié prétend s'être soumis ; que faute de permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés, elles n'étayent pas la demande ; Attendu que le salarié appelant doit donc être débouté de ses prétentions en rappel de salaires, comme en ses prétentions subséquentes au titre des repos compensateurs et des congés payés y afférents » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel reprises oralement à l'audience (arrêt, p.4, al. 6), Monsieur [F] sollicitait la condamnation de l'employeur à lui verser un rappel de salaire de 3.330,85 € net au titre de la majoration due pour heures supplémentaires sur la période allant du mois d'août 2005 au mois de septembre 2006 (arrêt, p. 3, al. 7) ; qu'au soutien de sa prétention, Monsieur [F] justifiait du nombre d'heures travaillées sur la période considérée et exposait que des majorations de salaires auraient dû être appliquées sur les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail si l'employeur ne s'était pas livré à du travail dissimulé (concl. p.22) ; que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a considéré que « le salarié appelant réclame des arriérés de rémunération en alléguant d'heures de travail accomplies au-delà de celles qui lui ont effectivement été payées » (arrêt, p. 6, al. 3) ; qu'en dénaturant de la sorte les écritures d'appel du salarié, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, Monsieur [F] exposait, d'une part, avoir travaillé à raison de 160 à 274,45 heures par mois sur la période allant du mois d'août 2005 au mois de septembre 2006 - à l'exception du mois de mars 2006 -, ce dont il résultait que des majorations de salaires auraient dû être appliquées sur les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail si l'employeur ne s'était pas livré à du travail dissimulé (concl. p.22) ; qu'il justifiait de ses prétentions par la production de factures adressées en sa qualité de travailleur indépendant à la société Binam ; que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a relevé que « les factures, que M. [M] [F] a lui-même établies, ne précisent pas les horaires auxquels le salarié prétend s'être soumis ; que faute de permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés, elles n'étayent pas la demande » ; qu'en statuant ainsi, cependant que les factures indiquaient le nombre d'heures réalisées par mois, de sorte que l'employeur pouvait y répondre en produisant ses propres éléments, et que ce dernier ne produisait aucun élément contraire, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [F] de sa demande tendant à faire ordonner à Me [A] de régulariser les cotisations salariales et patronales sur la somme de 51. 585,29 €, sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et d'AVOIR débouté Monsieur [F] de sa demande subsidiaire tendant à fixer au rang des créances dues par la Sarl Binam à Monsieur [F] 17.000 € au titre du préjudice subi pour non régularisation des cotisations salariales et patronales sur les salaires perçus et à percevoir ;

AUX MOTIFS QUE « Attendu que le salarié appelant est cependant irrecevable en sa prétention à la régularisation de cotisations sociales qui correspondent à des créances du seul organisme de recouvrement chargé de les encaisser » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu'elles soient d'origine légale ou conventionnelle, est pour l'employeur une obligation résultant de l'exécution du contrat de travail ; que dès lors, le salarié a un intérêt à agir à l'encontre de son employeur en paiement des cotisations sociales dues aux organismes sociaux en raison de son contrat de travail ; qu'en déboutant Monsieur [F] de sa demande au motif que « le salarié appelant est cependant irrecevable en sa prétention à la régularisation de cotisations sociales qui correspondent à des créances du seul organisme de recouvrement chargé de les encaisser » (arrêt, p.9, al.3), cependant qu'elle avait reconnu l'existence d'un contrat de travail liant Monsieur [F] et la société Binam du 17 septembre 2003 au 30 septembre 2006 (arrêt, p. 6, al.1), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'imposaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, les articles 1134 et 1147 du code civil et l'article 31 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en déboutant Monsieur [F] de sa demande tendant à fixer au rang des créances dues par la Sarl Binam à Monsieur [F] 17.000 € au titre du préjudice subi pour non régularisation des cotisations salariales et patronales sur les salaires perçus et à percevoir sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-11490
Date de la décision : 22/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 10 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 mar. 2017, pourvoi n°16-11490


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.11490
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