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22/03/2017 | FRANCE | N°15-20478;15-20479;15-20480

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mars 2017, 15-20478 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 15-20.478, V 15-20.479 et W 15-20.480 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes du 10 août 2011, M. [P] et 31 autres salariés de la société Etablissements Bocahut ont saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir, notamment, la condamnation de leur employeur à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation du principe d'égalité de traitement ; que le syndicat CGT

Bocahut est intervenu volontairement à ces instances ; que par jugements du 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 15-20.478, V 15-20.479 et W 15-20.480 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes du 10 août 2011, M. [P] et 31 autres salariés de la société Etablissements Bocahut ont saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir, notamment, la condamnation de leur employeur à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation du principe d'égalité de traitement ; que le syndicat CGT Bocahut est intervenu volontairement à ces instances ; que par jugements du 27 janvier 2014, le conseil de prud'hommes a fait droit à ces demandes ;

Sur le premier et le second moyen des pourvois principaux de l'employeur :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique des pourvois incidents des salariés :

Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que pour rejeter la demande de fixation du salaire pour l'avenir, l'arrêt énonce qu'il n'incombe pas au juge de fixer, en l'absence de litige et donc de données d'un litige, le salaire, élément du contrat ;

Attendu cependant que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si les salariés ne continuaient pas à subir, au moment où elle statuait, une rupture d'égalité qu'il lui appartenait alors de réparer, ainsi qu'il lui était demandé, en fixant le salaire dû pour l'avenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les salariés de leur demande de fixation du salaire pour l'avenir, l'arrêt rendu le 24 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société Etablissements Bocahut aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Etablissements Bocahut à payer à MM . [P], [U], [D] et au syndicat CGT Bocahut SAS chacun la somme de 200 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par Mme Slove, conseiller le plus ancien non empêché, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi principal n° U 15-20.78, par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les opérateurs de production accomplissent un travail égal de valeur égale, et, avant dire droit, d'avoir ordonné la production par la société BOCAHUT de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité d'opérateurs de production sur la période 2006-2014 et dit que passé le délai de deux mois après la notification du présent arrêt, une astreinte de 100€ par jour de retard, courra ;

AUX MOTIFS QUE

La demande de rappel de salaire en application de la règle« à travail égal, salaire égal»
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.
La preuve de l'inégalité de traitement
En l'espèce, Monsieur [P] se prévaut des données communiquées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, données relatives à la rémunération des ouvriers de la filière maçon-électricien-agents d'entretien pour en conclure à l'existence à son détriment d'une inégalité de traitement et calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l' expert -comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission. Ce d'autant qu'en l'espèce, l'expert-comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé.

C'est donc à bon droit que l'expert comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'installation.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. Il en résulte que les salariés concernés ne pouvaient le cas échéant être identifiés que par des proches.
Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non respect de la règle« à travail égal, salaire égal», et étaient détenus par l'employeur, il convient de considérer que l'expert comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L.2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU' en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU' en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE

Par ailleurs, Monsieur [S] [P] demande avant dire droit sur sa demande de rappel de salaire faite en application du principe « à travail égal, salaire égal » la communication de l'ensemble des bulletins de paie de tous les opérateurs de production sur la période 2006 - 2014 afin de procéder au calcul exact de sa demande.
A défaut, il forme sa demande de rappel de salaire en se fondant sur la rémunération perçue par Monsieur [R] [P], l'opérateur de production de niveau 3 le mieux rémunéré de tous ceux ayant saisi le conseil de prud'hommes et dont il connaît la rémunération.
La société BOCAHUT s'oppose à la demande de communication de l'ensemble des bulletins de paie de tous les opérateurs de production, au motif que le principe même de la discrimination n'est pas démontré, la seule référence à l'emploi d'opérateur de production n'étant pas suffisante à caractériser une identité de situation dès lors qu'il existe plusieurs niveaux de classification.

L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, l'employeur communique une seule fiche de poste d'« opérateur de production», ce qui suffit à faire présumer l'identité de situation entre les différents opérateurs d'un niveau identique.
Il incombe dans ces conditions à l'employeur qui seul dispose de la classification, de justifier d'éléments objectifs et pertinents permettant au juge de vérifier concrètement la pertinence de l'inégalité de traitement en matière de rémunération.
En l'espèce, douze salariés occupaient en 2008, lors des opérations d'expertise pour le comité d'entreprise, les fonctions d'opérateur de production pour dix montants de salaire de salaire distincts, sans que même l'ancienneté, rémunérée par ailleurs par une prime, suffise à expliquer ces différences.
L'employeur ne fournit d'élément que concernant Monsieur [R] [P], salarié le mieux rémunéré en 2008, en affirmant c'est en raison de responsabilités antérieurement exercées.
Mais outre qu'aucun élément probant n'est fourni concernant ces responsabilités et leur rémunération, les attestations des salariés de l'entreprise étant à elles seules insuffisantes dans la mesure où l'employeur n'explique pas pourquoi il ne fournit pas d'éléments concrets objectifs, ni concernant l'évolution à la hausse de la rémunération de Monsieur [R] [P], après son affectation en qualité d'opérateur de production, il convient, en l'absence d'élément propre à justifier les disparités entre l'ensemble des opérateurs de production, de dire que le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération n'a pas été respecté.
Dans ces conditions, la cour considère que l'intimé doit pouvoir disposer de l'ensemble des éléments permettant de faire le calcul des rappels de salaires dus, et que la demande de communication de l'ensemble des bulletins de paie, sous astreinte, est en conséquence fondée ;

5°) ALORS QU' il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les opérateurs de production accomplissent un travail de valeur égale », la cour d'appel a retenu que « l'employeur communique une seule fiche de poste d'« opérateur de production», ce qui suffit à faire présumer l'identité de situation entre les différents opérateurs d'un niveau identique » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie d'opérateur de production suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QU' en l'espèce, il résultait des éléments du débat que M. [S] [P] bénéficiait du deuxième salaire le plus élevé de la catégorie des opérateurs de production, juste après celui de M. [R] [P], et que, tant le salaire de M. [S] [P] que celui de M. [R] [P] ont évolué à la hausse dans les mêmes proportions à compter de 2006, année où les deux salariés ont occupé le poste d'opérateur de production ; que, dès lors, en reprochant à la société Bocahut de ne pas fournir d'éléments concernant l'évolution à la hausse de la rémunération de M. [R] [P], comme de ne pas justifier des disparités entre l'ensemble des opérateurs de production, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; que la société Bocahut, d'une part, rappelait que M. [R] [P] occupait jusqu'en 2005 le poste de « responsable de l'installation primaire », ce qui engendrait des responsabilités supplémentaires justifiant un salaire supérieur à ceux des opérateurs de production et que, suite à cette perte de responsabilité, le niveau de sa rémunération lui avait été maintenue et, d'autre part, produisait aux débats les bulletins de salaire de ce dernier ainsi que les attestations du chef de carrière et du contremaître de production ; qu'en décidant que ces attestations étaient insuffisantes à démontrer la réalité des responsabilités antérieurement exercées par M. [R] [P] et justifiant son salaire plus élevé que ceux des autres opérateurs de production, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ensemble le principe susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Bocahut à payer au syndicat CGT Bocahut la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles, ainsi que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
Il lui sera alloué la somme de 250€ à titre de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison de l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles ;

2°) ALORS QUE l'article L 2132-3 du Code du travail donne qualité à agir au syndicat dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en affirmant que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.Moyens produits, au pourvoi principal n° V 15-20.479, par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les opérateurs de production accomplissent un travail égal de valeur égale, et, avant dire droit, d'avoir ordonné la production par la société Bocahut de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité d'opérateurs de production sur la période 2006-2014 et dit que passé le délai de deux mois après la notification du présent arrêt, une astreinte de 100€ par jour de retard, courra ;

AUX MOTIFS QUE
La demande de rappel de salaire en application de la règle« à travail égal, salaire égal»
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.
La preuve de l'inégalité de traitement
En l'espèce, Monsieur [U] se prévaut des données communiquées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, pour en conclure à l'existence à son détriment d'une inégalité de traitement et calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l'expert-comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission,. Au surplus, en l'espèce, l'expert comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé. Une telle constatation rendait d'autant plus fondée l'analyse critiquée.
C'est donc à bon droit que l'expert comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'installation.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert-comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. Il en résulte que les salariés concernés ne pouvaient le cas échéant être identifiés que par des proches. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, il convient de considérer que l'expert comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L.2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU' en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU' en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE

Par ailleurs, Monsieur [U] demande avant dire droit sur sa demande de rappel de salaire faite en application du principe « à travail égal, salaire égal » la communication de l'ensemble des bulletins de paie de tous les opérateurs de production sur la période 2006-2014 afin de procéder au calcul exact de sa demande.
A défaut, il forme sa demande de rappel de salaire en se fondant sur la rémunération perçue par Monsieur [U] [P], l'opérateur de production de niveau 2 le mieux rémunéré de tous ceux ayant saisi le conseil de prud'hommes et dont il connaît la rémunération.
La société BOCAHUT s'oppose à la demande de communication de l'ensemble des bulletins de paie de tous les opérateurs de production, au motif que le principe même de la discrimination n'est pas démontré, la seule référence à l'emploi d'opérateur de production n'étant pas suffisante à caractériser une identité de situation dès lors qu'il existe plusieurs niveaux de classification.
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, l'employeur communique une seule fiche de poste d'« opérateur de production », ce qui suffit à faire présumer l'identité de situation entre les différents opérateurs.
Il en résulte au vu du texte susvisé, que la différence de classification est à elle seule inopérante à justifier une différence de traitement pour un emploi identique.
Il incombe dans ces conditions à l'employeur de justifier d'éléments objectifs et pertinents permettant au juge de vérifier concrètement la pertinence de l'inégalité de traitement en matière de rémunération.
En l'espèce, douze salariés occupaient en 2008, lors des opérations d'expertise pour le comité d'entreprise, les fonctions d'opérateur de production pour dix montants de salaire distincts, sans que même l'ancienneté, rémunérée par ailleurs par une prime, suffise à expliquer ces différences.
L'employeur ne fournit d'élément que concernant Monsieur [R] [P], salarié le mieux rémunéré en 2008, en affirmant que c'est en raison de responsabilités antérieurement exercées.
Mais outre qu'aucun élément probant n'est fourni concernant ces responsabilités et leur rémunération, les attestations des salariés de l'entreprise étant à elles seules insuffisantes, ni concernant l'évolution à la hausse de la rémunération de Monsieur [R] [P], après son affectation en qualité d'opérateur de production, il convient, en l'absence d'élément propre à justifier les disparités entre l'ensemble des opérateurs de production, de dire que le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération n'a pas été respecté.
Dans ces conditions, la cour considère que l'intimé doit pouvoir disposer de l'ensemble des éléments permettant de faire le calcul des rappels de salaires dus, et que la demande de communication de l'ensemble des bulletins de paie, sous astreinte, est en conséquence fondée, une telle mesure étant proportionnée à l'objectif recherché ;

5°) ALORS QU' il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les opérateurs de production accomplissent un travail de valeur égale », la cour d'appel a retenu que « l'employeur communique une seule fiche de poste d' « opérateur de production», ce qui suffit à faire présumer l'identité de situation entre les différents opérateurs » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie d'opérateur de production suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; que la société Bocahut expliquait et démontrait en produisant les plannings du personnel de production et les attestations du chef de carrière et du contremaître de production, qu'antérieurement au départ de M. [U] [P], auquel il entendait se comparer, M. [U] était cantonné au nettoyage des installations, quand son collègue effectuait des tâches plus complexes au poste de production primaire/secondaire ou au poste de chargement des camions, et qu'ensuite, il a échoué à l'examen final du CACES et est resté cantonné au nettoyage des installations ; qu'en affirmant que la société Bocahut ne fournissait d'éléments que concernant M. [R] [P] et que ces attestations étaient insuffisantes, quand elles étaient corroborées par les plannings du personnel de la production également produits, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ensemble le principe susvisé ;

7°) ALORS QU'enfin, il résultait des propres constatations de l'arrêt que M. [U] entendait se comparer à M. [U] [P], opérateur de production de niveau 2 le mieux rémunéré ; que, dès lors, en reprochant à la société Bocahut de n'avoir produit aucun élément probant concernant l'évolution de la hausse de la rémunération de Monsieur [R] [P], auquel M. [U] n'entendait pas comparer sa situation, la cour d'appel a statué aux termes d'un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Bocahut à payer au syndicat CGT Bocahut la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société des Etablissements BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais le non respect du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, par l'application de critères inconnus, dont le caractère objectif et pertinent n'est pas démontré, n'ayant fait l'objet d'aucune information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession et justifie l'intervention du syndicat.
Il lui sera alloué la somme de 250€ à titre de dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison de l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles ;

2°) ALORS QUE l'article L 2132-3 du Code du travail donne qualité à agir au syndicat dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en affirmant que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.Moyens produits, au pourvoi principal n° W 15-20.480, par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les opérateurs de production accomplissent un travail égal de valeur égale, et, avant dire droit, d'avoir ordonné la production par la société Bocahut de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité d'opérateurs de production sur la période 2006-2014 et dit que passé le délai de deux mois après la notification du présent arrêt, une astreinte de 100€ par jour de retard, courra ;

AUX MOTIFS QUE

La demande de rappel de salaire en application de la règle « à travail égal, salaire égal»
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.

La preuve de l'inégalité de traitement
En l'espèce, Monsieur [D] se prévaut des données communiquées par l'expert comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, pour en conclure à l'existence à son détriment d'une inégalité de traitement et calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l'expert-comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission,. Au surplus, en l'espèce, l'expert comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé. Une telle constatation rendait d'autant plus fondée l'analyse critiquée.
C'est donc à bon droit que l'expert comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'installation.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L2325-5 aux membres du comité Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et devoir de discrétion concernant toute information revêtant un confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. Il en résulte que les salariés concernés ne pouvaient le cas échéant être identifiés que par des proches. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, il convient de considérer que l'expert comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable.
Par ailleurs, Monsieur [D] demande avant dire droit sur sa demande de rappel de salaire faite en application du principe « à travail égal, salaire égal » la communication de l'ensemble des bulletins de paie de tous les opérateurs de production sur la période 2006-2014 afin de procéder au calcul exact de sa demande.
A défaut, il forme sa demande de rappel de salaire en se fondant sur la rémunération perçue par Monsieur [R] [P], l'opérateur de production de niveau 3, comme lui, le mieux rémunéré de tous ceux ayant saisi le conseil de prud'hommes et dont il connaît la rémunération.
La société BOCAHUT s'oppose à la demande de communication de l'ensemble des bulletins de paie de tous les opérateurs de production, au motif que le principe même de la discrimination n'est pas démontré, la seule référence à l'emploi d'opérateur de production n'étant pas suffisante à caractériser une identité de situation dès lors qu'il existe plusieurs niveaux de classification ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L.2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU' en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU' en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, l'employeur communique une seule fiche de poste d'« opérateur de production », ce qui suffit à faire présumer l'identité de situation entre les différents opérateurs classés au même niveau.
Il dans ces conditions à l'employeur de justifier objectifs et pertinents permettant au juge de vérifier concrètement pertinence de l'inégalité traitement en matière de rémunération.
En l'espèce, douze salariés occupaient en 2008, lors des opérations d'expertise pour le comité d'entreprise, les fonctions d'opérateur de production pour dix montants de salaire distincts, sans que même l'ancienneté, rémunérée par ailleurs par une prime, suffise à expliquer ces différences.
L'employeur fait valoir que Messieurs [R] et [S] [P], salariés le mieux rémunérés en 2008, justifient d'une expertise particulière, en raison d'une expérience liée à son ancienneté, très supérieure à celle de l'intimé et exercent des responsabilités plus importantes au sein de l'équipe.
Mais la cour relève que si l'intimé est affecté beaucoup plus souvent aux tâches de nettoyage, pour autant, il est parfois également affecté à celles de « primaire/secondaire », occupées principalement par Monsieur [P], sans qu'aucun élément objectif concret ne vienne justifier qu'un opérateur de production classé au même niveau 3, soit affecté à des tâches de moindre responsabilité.
Par ailleurs, aucun élément probant n'est fourni concernant des responsabilités particulières, ni une expérience autre que celle acquise par l'ancienneté par ailleurs déjà rémunérée, de Monsieur [R] [P], ni l'augmentation de sa rémunération après son passage aux fonctions d'opérateur de production. Les attestations des salariés de l'entreprise sont à elles seules insuffisantes, dans la mesure où l'employeur n'explique pas pourquoi il ne fournit pas d'éléments concrets objectifs. Dès lors, il convient, en l'absence d'élément propre à justifier les disparités entre l'ensemble des opérateurs de production, de dire que le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération n'a pas été respecté.
Dans ces conditions, la cour considère que l'intimé doit pouvoir disposer de l'ensemble des éléments permettant de faire le calcul des rappels de salaires dus, et que la demande de communication de l'ensemble des bulletins de paie, sous astreinte, est en conséquence fondée, une telle mesure étant proportionnée à l'objectif recherché.

5°) ALORS QU' il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les opérateurs de production accomplissent un travail égal de valeur égale », la cour d'appel a retenu que « l'employeur communique une seule fiche de poste d' « opérateur de production», ce qui suffit à faire présumer l'identité de situation entre les différents opérateurs classés au même niveau » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie d'opérateur de production suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE M. [D] ne reprochait pas à la société Bocahut d'être affecté à des tâches subalternes mais prétendait que le fait d'exécuter de manière tout à fait ponctuelle certaines tâches relevant de la compétence de MM. [R] et [S] [P] lui permettait de revendiquer le principe « à travail égal, salaire égal » ; qu'en reprochant à la société Bocahut de ne pas fournir d'élément concret justifiant qu'un opérateur de production classé au même niveau 3 soit affecté à des tâches de moindre responsabilité, ce que ne prétendait pas M. [D], la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; que la société Bocahut, d'une part, rappelait que M. [R] [P] occupait jusqu'en 2005 le poste de « responsable de l'installation primaire », ce qui engendrait des responsabilités supplémentaires justifiant un salaire supérieur à ceux des opérateurs de production et que, suite à cette perte de responsabilité, le niveau de sa rémunération lui avait été maintenue et, d'autre part, produisait aux débats les bulletins de salaire de ce dernier ainsi que les attestations du chef de carrière et du contremaître de production ; qu'en décidant que ces attestations étaient insuffisantes à démontrer la réalité des responsabilités antérieurement exercées par M. [R] [P] et justifiant son salaire plus élevé que ceux des autres opérateurs de production, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ensemble le principe susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Bocahut à payer au syndicat CGT Bocahut la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société des Etablissements BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais le non respect du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, par l'application de critères inconnus, dont le caractère objectif et pertinent n'est pas démontré, n'ayant fait l'objet d'aucune information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession et justifie l'intervention du syndicat.
Il lui sera alloué la somme de 250€ à titre de dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison de l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles ;

2°) ALORS QUE l'article L 2132-3 du Code du travail donne qualité à agir au syndicat dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en affirmant que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.Moyen produit, au pourvoi incident n° U 15-20.478, par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils pour M. [P] et le syndicat CGT Bocahut

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le salarié mal fondé en sa demande de fixation du salaire pour l'avenir et l'en avoir débouté ;

AUX MOTIFS QUE le salaire est un élément du contrat ; qu'il n'appartient pas au juge, en l'absence, par hypothèse, de données d'un éventuel litige, de fixer pour l'avenir, le salaire dû ;

ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant à la fixation de son salaire pour l'avenir, aux motifs qu'il n'appartenait pas au juge, en l'absence, par hypothèse, de données d'un éventuel litige, de fixer pour l'avenir, le salaire dû, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs au titre de la réparation de la violation du principe « à travail égal, salaire égal » qu'elle constatait, en violation du principe susvisé ;Moyen produit, au pourvoi incident n° V 15-20.479, par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils pour M. [U] et le syndicat CGT Bocahut

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le salarié mal fondé en sa demande de fixation du salaire pour l'avenir et l'en avoir débouté ;

AUX MOTIFS QUE le salaire est un élément du contrat ; qu'il n'appartient pas au juge, en l'absence, par hypothèse, de données d'un éventuel litige, de fixer pour l'avenir, le salaire dû ;

ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant à la fixation de son salaire pour l'avenir, aux motifs qu'il n'appartenait pas au juge, en l'absence, par hypothèse, de données d'un éventuel litige, de fixer pour l'avenir, le salaire dû, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs au titre de la réparation de la violation du principe « à travail égal, salaire égal » qu'elle constatait, en violation du principe susvisé ;Moyen produit, au pourvoi incident n° W 15-20.480, par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils pour M. [D] et le syndicat CGT Bocahut

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le salarié mal fondé en sa demande de fixation du salaire pour l'avenir et l'en avoir débouté ;

AUX MOTIFS QUE le salaire est un élément du contrat ; qu'il n'appartient pas au juge, en l'absence, par hypothèse, de données d'un éventuel litige, de fixer pour l'avenir, le salaire dû ;

ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant à la fixation de son salaire pour l'avenir, aux motifs qu'il n'appartenait pas au juge, en l'absence, par hypothèse, de données d'un éventuel litige, de fixer pour l'avenir, le salaire dû, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs au titre de la réparation de la violation du principe « à travail égal, salaire égal » qu'elle constatait, en violation du principe susvisé ;


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 24 avril 2015


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 22 mar. 2017, pourvoi n°15-20478;15-20479;15-20480

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Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 22/03/2017
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15-20478;15-20479;15-20480
Numéro NOR : JURITEXT000034282363 ?
Numéro d'affaires : 15-20478, 15-20479, 15-20480
Numéro de décision : 51700561
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2017-03-22;15.20478 ?
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