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22/03/2017 | FRANCE | N°15-20469;15-20470;15-20472;15-20474;15-20475;15-20476;15-20477;15-20485

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mars 2017, 15-20469 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 15-20.469, K 15-20.470, N 15-20.472, Q 15-20.474, R 15-20.475, S 15-20.476, T 15-20.477, B 15-20.485 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes du 10 août 2011, M. [M] et trente et un autres salariés de la société Etablissements Bocahut ont saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir, notamment, la condamnation de leur employeur à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de

la violation du principe d'égalité de traitement ; que le syndicat CGT Boca...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 15-20.469, K 15-20.470, N 15-20.472, Q 15-20.474, R 15-20.475, S 15-20.476, T 15-20.477, B 15-20.485 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes du 10 août 2011, M. [M] et trente et un autres salariés de la société Etablissements Bocahut ont saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir, notamment, la condamnation de leur employeur à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation du principe d'égalité de traitement ; que le syndicat CGT Bocahut est intervenu volontairement à ces instances ; que par jugements du 27 janvier 2014, le conseil de prud'hommes a fait droit à ces demandes ;

Sur le premier et le second moyens des pourvois principaux de l'employeur :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique des pourvois incidents des salariés :

Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que, pour rejeter la demande de fixation du salaire pour l'avenir, l'arrêt énonce qu'il n'incombe pas au juge de fixer, en l'absence de litige et donc de données d'un litige, le salaire, élément du contrat ;

Attendu, cependant, que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si les salariés ne continuaient pas à subir, au moment où elle statuait, une rupture d'égalité qu'il lui appartenait alors de réparer, ainsi qu'il lui était demandé, en fixant le salaire dû pour l'avenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent les salariés de leur demande de fixation du salaire pour l'avenir, les arrêts rendus le 24 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société Etablissements Bocahut aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Etablissements Bocahut à payer à MM. [M], [C], [T], [N], [F], [Z], [S], [U] et au syndicat CGT Bocahut SAS chacun la somme de 200 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par Mme Slove, conseiller le plus ancien non empêché, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal n° J 15-20.469 par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, et en conséquence, avant dire droit, d'avoir ordonné la production par la société Bocahut de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2009, dit que passé le délai de deux mois après la notification du présent arrêt, une astreinte de 100 € par jour de retard, courra ;

AUX MOTIFS D'UNE PART, QUE
La demande de rappel de salaire en application de la règle « à travail égal, salaire égal ».
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.
La preuve de l'inégalité de traitement.
En l'espèce, Monsieur [M] se prévaut des données communiquées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, pour en conclure à l'existence à son détriment d'une inégalité de traitement et-calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l'expert-comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission. Au surplus, en l'espèce, l'expert-comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé. Une telle constatation rendait d'autant plus fondée l'analyse critiquée.
C'est donc à bon droit que l'expert-comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'engin.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L. 2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L. 2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert-comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. S'agissant des conducteurs d'engins, nombre de salariés sont demeurés non identifiés. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, et donc qu'une éventuelle atteinte à la vie privée était proportionnelle au but recherché, il convient de considérer que l'expert-comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L. 2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, le salarié fait la preuve que, exerçant les fonctions de conducteur d'engin 2 selon l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire, classé au même niveau 3 que les autres conducteurs d'engin, emploi figurant sur leur bulletin de paie, il est en conséquence dans une situation identique au regard de l'emploi et de la classification. Selon l'accord du 10 juillet 2008 portant révision de la classification professionnelle de la convention collective, le conducteur d'engin 2 niveau 3 doit effectuer les chargements de camions, la reprise de matériaux abattus, des travaux de découverte, d'extraction... et, au titre des compétences, disposer des autorisations obligatoires, avoir une parfaite maîtrise de la conduite de son ou de ses engins dans les différentes conditions d'utilisation, savoir identifier les différents matériaux, connaître les techniques d'extraction sur le site, et connaître les règles de sécurité et de circulation sur le site, ainsi que les règles de chargement.
Dès lors, les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale.
Il incombe en conséquence à l'employeur de faire la preuve que les disparités de rémunération du travail entre différents conducteurs d'engin 2, niveau 3, sont justifiées par des éléments objectifs.
A cet égard, celui-ci n'apporte aucune justification pour chacun des salariés concernés. Il distingue de manière générale, onze postes différents de conducteurs d'engins de niveau 3 amenés à intervenir sur le site d'extraction, sans toutefois préciser le salaire afférent à chacun. Au-delà du fait que la définition de ces postes date de 2012, est interne à l'entreprise, faite unilatéralement par l'employeur, n'est le fruit d'aucune négociation collective ni n'a été portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel, le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008, fait ressortir pour trente-six conducteurs d'engins 2, en 2008, vingt-neuf niveaux différents de salaire mensuel, indépendamment de la prime d'ancienneté versée par ailleurs. Sur les cinq conducteurs recrutés en 2008, seuls deux perçoivent cette année-là, un salaire de base d'un montant identique. Il est par ailleurs établi que pour tenir compte de la spécificité de la conduite de la chargeuse front de taille, une prime est versée en sus du salaire de base, répartie entre les ouvriers au prorata du nombre de jours de conduite de cet engin dans le mois, les causes de cette prime ne faisant l'objet d'aucune justification particulière par la société. Une telle répartition dont le salarié fait la preuve concrète, accrédite la thèse selon laquelle tous les conducteurs d'engins sont amenés à conduire les différents engins, correspondant selon l'employeur à différents postes. Même si les attestations des salariés eux-mêmes parties à une instance tendant aux mêmes fins, sans être irrecevables, doivent néanmoins être examinées avec une particulière circonspection compte tenu de l'intérêt de leurs auteurs à la solution du litige, il n'en demeure pas moins que la société Bocahut ne dément pas la matérialité des affirmations selon lesquelles les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires pour la conduite des différents engins, et où ils étaient couramment amenés à se remplacer, une telle affirmation étant corroborée par la menace de sanction pour insubordination notifiée le 19 septembre 2014 à Monsieur [M] en cas de refus de conduite d'un véhicule autre que celui qu'il conduit habituellement.
Par ailleurs, si l'employeur justifie de l'attribution en 2009 à Monsieur [M], du coefficient 3, en raison des fonctions de tutorat exercées, la cour n'est pas en mesure de vérifier, faute de communication de tous les bulletins de paie, et des justificatifs afférents que tel est bien le cas de tous les salariés bénéficiant de ce coefficient.
Les explications fournies par l'employeur sont en conséquence insuffisantes et inopérantes à justifier des différences de rémunération entre les différents conducteurs d'engin dont les postes ne sont par ailleurs pas précisés au regard des distinctions opérées par l'employeur. En outre, dans la mesure où ces disparités ne sont pas justifiées, celles relatives aux seules différentes classifications attribuées à partir de 2007, sont également inopérantes.
Enfin, la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais, a écrit le 20 juin 2012 : « concernant l'état des rémunérations des ouvriers, j'ai constaté des différences de rémunération et d'augmentation entre salariés occupant le même poste, il n'a pu m'être apporté aucune explication au cours du contrôle, les différences entre salariés effectuant un même travail, ne peuvent être fondées que sur des éléments objectifs, et non discriminatoires, aucun justificatif de tels éléments ne m'a été fourni. ».
Il en résulte que faute d'éléments objectifs justifiant les vingt-neuf niveaux de salaires différents en 2008, faute également d'éléments permettant de vérifier le respect du principe de l'égalité de traitement entre 2008 et 2014, l'employeur au surplus n'opérant aucune distinction entre les différentes périodes, il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, une telle mesure si elle était susceptible de porter atteinte à la vie privée des salariés concernés, étant proportionnée à l'objectif recherché.
Une astreinte courra à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les conducteurs d'engins 2 accomplissent tous un travail de valeur égale », la cour d'appel s'est d'abord référée à l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire et aux définitions données par l'accord du 10 juillet 2008 des missions et compétences du conducteur d'engin II, niveau 3, et en a déduit que « les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie conducteurs d'engin 2, niveau 3 suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE la situation du salarié qui prétend à une inégalité de salaire ne peut être comparée qu'aux seuls salariés ayant la même classification, étant affectés à la même activité et exerçant les mêmes fonctions dans le cadre du même poste de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait et démontrait que les conducteurs d'engins sont affectés à des postes liés à des activités techniquement spécifiques, impliquant des responsabilités et des conditions de travail diversifiées, notamment relativement à la charge nerveuse ou physique, en fonction de leur intervention dans le déroulement du process de production, justifiant ainsi les différences de salaire dénoncées ; qu'en reprochant à la société Bocahut de n'apporter aucune justification pour chacun des salariés concernés, comme de ne pas préciser les postes des différents conducteurs au regard des distinctions opérées, quand il était versé aux débats les fiches descriptives détaillées des différents postes de conducteurs d'engins ainsi qu'une note établie par un expert judiciaire décrivant les différents postes de conducteurs d'engins en fonction des étapes du process de production et qu'il était également précisé pour chaque salarié le poste occupé ainsi que la nature des fonctions exercées et procédé à des comparaisons de postes entre différents conducteurs d'engins 2, niveau 3, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

7°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir (conclusions n° 2, p. 16) d'abord que le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008 ne prenait pas en compte les classifications en vigueur sur cette période qui pouvaient être, selon le cas, OS3 coefficient 150, OQ coefficient 160 ou OQ2 coefficient 170, ce qui excluait qu'il y ait eu une identité de classification pour l'ensemble des conducteurs d'engins 2, et ensuite qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'accord de 10 juillet 2008, il existait trois échelons de classification parmi les conducteurs d'engins 2, N3E1, N3E2 et N3E3 ; qu'en se basant sur ce tableau pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence au sein de cette catégorie des différents échelons de classification n'était pas justifiée par des différences de tâches et de fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » et de l'article 1315 du Code civil ;

8°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes des « conclusions déposées et reprises par les parties qui ont été entendues en leurs plaidoiries », l'employeur expliquait encore (conclusions n° 2, p. 23) que le versement d'une prime « chargeuse » versée au conducteur de la chargeuse front de taille avait été créée en 1985 afin d'inciter les ouvriers affectés à sa conduite à en prendre particulièrement soin, s'agissant d'une machine plus volumineuse et plus coûteuse que les autres engins, et qu'il s'agissait de la seule prime de cette nature ; qu'en affirmant que l'employeur ne donnait aucune justification particulière sur les causes de cette prime, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE l'employeur rappelait encore (conclusions p. 20-21) qu'il existe pas moins de neuf engins différents dont certains sont affectés à trois postes distincts et qu'il résultait des propres productions du salarié que les conducteurs d'engins ne sont pas tous titulaires des mêmes CACES, ni des mêmes autorisations de conduire ; qu'en invoquant, pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, le fait que les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires à la conduite des différents engins et pouvaient être amenés à se remplacer, ce qui n'établissait pas pour autant que les conducteurs d'engins ne soient pas affectés à des activités et des postes différents correspondant aux diverses étapes du process de production, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

10°) ALORS QU'en invoquant l'absence de réponse fournie à la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais en 2012 quant aux écarts de rémunérations pour affirmer que les conducteurs d'engins 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égal, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°) ALORS QU'après avoir affirmé qu'il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, la cour d'appel, qui ordonne ensuite la production par l'employeur de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2009, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action du syndicat CGT Bocahut, et d'avoir condamné la société Bocahut à lui payer la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles, ainsi que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
Il lui sera alloué la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraine la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison de l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles ;

ALORS QUE l'article L. 2132-3 du Code du travail donne qualité à agir au syndicat dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en affirmant que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.Moyens produits au pourvoi principal n° K 15-20.470 par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, et en conséquence, avant dire droit, d'avoir ordonné la production par la société Bocahut de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2014, dit que passé le délai de deux mois après la notification du présent arrêt, une astreinte de 100 € par jour de retard, courra ;

AUX MOTIFS D'UNE PART, QUE
La demande de rappel de salaire en application de la règle « à travail égal, salaire égal ».
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.
La preuve de l'inégalité de traitement.
En l'espèce, Monsieur [C] se prévaut des données communiquées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, pour en conclure à l'existence à son détriment d'une inégalité de traitement et-calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l'expert-comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission. Au surplus, en l'espèce, l'expert-comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé. Une telle constatation rendait d'autant plus fondée l'analyse critiquée.
C'est donc à bon droit que l'expert-comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'engin.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L. 2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L. 2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert-comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. S'agissant des conducteurs d'engins, nombre de salariés sont demeurés non identifiés. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, et donc qu'une éventuelle atteinte à la vie privée était proportionnelle au but recherché, il convient de considérer que l'expert-comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L. 2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, le salarié fait la preuve que, exerçant les fonctions de conducteur d'engin 2 selon l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire, classé au même niveau 3 que les autres conducteurs d'engin, emploi figurant sur leur bulletin de paie, il est en conséquence dans une situation identique au regard de l'emploi et de la classification. Selon l'accord du 10 juillet 2008 portant des révisions de la classification professionnelles de la convention collective, le conducteur d'engin 2 niveau 3 doit effectuer les chargements de camions, la reprise de matériaux abattus, des travaux de découverte, d'extraction... et, au titre des compétences, disposer des autorisations obligatoires, avoir une parfaite maîtrise de la conduite de son ou de ses engins dans les différentes conditions d'utilisation, savoir identifier les différents matériaux, connaître les techniques d'extraction sur le site, et connaître les règles de sécurité et de circulation sur le site, ainsi que les règles de chargement.
Dès lors, les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale.
Il incombe en conséquence à l'employeur de faire la preuve que les disparités de rémunération du travail entre différents conducteurs d'engin 2, niveau 3, sont justifiées par des éléments objectifs.
A cet égard, celui-ci n'apporte aucune justification pour chacun des salariés concernés. Il distingue de manière générale, onze postes différents de conducteurs d'engins de niveau 3 amenés à intervenir sur le site d'extraction, sans toutefois préciser le salaire afférent à chacun. Au-delà du fait que la définition de ces postes date de 2012, est interne à l'entreprise, faite unilatéralement par l'employeur, n'est le fruit d'aucune négociation collective ni n'a été portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel, le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008, fait ressortir pour trente-six conducteurs d'engins 2, en 2008, vingt-neuf niveaux différents de salaire mensuel, indépendamment de la prime d'ancienneté versée par ailleurs. Sur les cinq conducteurs recrutés en 2008, seuls deux perçoivent cette année-là, un salaire de base d'un montant identique. Il est par ailleurs établi que pour tenir compte de la spécificité de la conduite de la chargeuse front de taille, une prime est versée en sus du salaire de base, répartie entre les ouvriers au prorata du nombre de jours de conduite de cet engin dans le mois, les causes de cette prime ne faisant l'objet d'aucune justification particulière par la société. Une telle répartition dont le salarié fait la preuve concrète, accrédite la thèse selon laquelle tous les conducteurs d'engins sont amenés à conduire les différents engins, correspondant selon l'employeur à différents postes. Même si les attestations des salariés eux-mêmes parties à une instance tendant aux mêmes fins, sans être irrecevables, doivent néanmoins être examinées avec une particulière circonspection compte tenu de l'intérêt de leurs auteurs à la solution du litige, il n'en demeure pas moins que la société Bocahut ne dément pas la matérialité des affirmations selon lesquelles les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires pour la conduite des différents engins, et où ils étaient couramment amenés à se remplacer, une telle affirmation étant corroborée par la menace de sanction pour insubordination notifiée le 19 septembre 2014 à Monsieur [U] en cas de refus de conduite d'un véhicule autre que celui qu'il conduit habituellement. Monsieur [C] était enfin titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, dont la chargeuse.
Par ailleurs, si l'employeur justifie de l'attribution en 2009 à Monsieur [U], du coefficient 3, en raison des fonctions de tutorat exercées, la cour n'est pas en mesure de vérifier, faute de communication de tous les bulletins de paie, et des justificatifs afférents que tel est bien le cas de tous les salariés bénéficiant de ce coefficient.
Les explications fournies par l'employeur sont en conséquence insuffisantes et inopérantes à justifier des différences de rémunération entre les différents conducteurs d'engin dont les postes ne sont par ailleurs pas précisés au regard des distinctions opérées par l'employeur. En outre, Dans la mesure où ces disparités ne sont pas justifiées, celles relatives aux seules différentes classifications attribuées à partir de 2007, sont également inopérantes.
Enfin, la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais, a écrit le 20 juin 2012 : « concernant l'état des rémunérations des ouvriers, j'ai constaté des différences de rémunération et d'augmentation entre salariés occupant le même poste, il n'a pu m'être apporté aucune explication au cours du contrôle, les différences entre salariés effectuant un même travail, ne peuvent être fondées que sur des éléments objectifs, et non discriminatoires, aucun justificatif de tels éléments ne m'a été fourni. ».
Il en résulte que faute d'éléments objectifs justifiant les vingt-neuf niveaux de salaires différents en 2008, faute également d'éléments permettant de vérifier le respect du principe de l'égalité de traitement entre 2008 et 2014, l'employeur au surplus n'opérant aucune distinction entre les différentes périodes, il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, une telle mesure dans la mesure où elle serait susceptible de porter atteinte à la vie privée des salariés concernés, étant proportionnée à l'objectif recherché.
Une astreinte courra à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les conducteurs d'engins 2 accomplissent tous un travail de valeur égale », la cour d'appel s'est d'abord référée à l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire et aux définitions données par l'accord du 10 juillet 2008 des missions et compétences du conducteur d'engin II, niveau 3, et en a déduit que « les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie conducteurs d'engin 2, niveau 3 suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE la situation du salarié qui prétend à une inégalité de salaire ne peut être comparée qu'aux seuls salariés ayant la même classification, étant affectés à la même activité et exerçant les mêmes fonctions dans le cadre du même poste de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait et démontrait que les conducteurs d'engins sont affectés à des postes liés à des activités techniquement spécifiques, impliquant des responsabilités et des conditions de travail diversifiées, notamment relativement à la charge nerveuse ou physique, en fonction de leur intervention dans le déroulement du process de production, justifiant ainsi les différences de salaire dénoncées ; qu'en reprochant à la société Bocahut de n'apporter aucune justification pour chacun des salariés concernés, comme de ne pas préciser les postes des différents conducteurs au regard des distinctions opérées, quand il était versé aux débats les fiches descriptives détaillées des différents postes de conducteurs d'engins ainsi qu'une note établie par un expert judiciaire décrivant les différents postes de conducteurs d'engins en fonction des étapes du process de production et qu'il était également précisé pour chaque salarié le poste occupé ainsi que la nature des fonctions exercées et procédé à des comparaisons de postes entre différents conducteurs d'engins 2, niveau 3, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

7°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir (conclusions n° 2, p. 16) d'abord que le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008 ne prenait pas en compte les classifications en vigueur sur cette période qui pouvaient être, selon le cas, OS3 coefficient 150, OQ coefficient 160 ou OQ2 coefficient 170, ce qui excluait qu'il y ait eu une identité de classification pour l'ensemble des conducteurs d'engins 2, et ensuite qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'accord de 10 juillet 2008, il existait trois échelons de classification parmi les conducteurs d'engins 2, N3E1, N3E2 et N3E3 ; qu'en se basant sur ce tableau pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence au sein de cette catégorie des différents échelons de classification n'était pas justifiée par des différences de tâches et de fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » et de l'article 1315 du Code civil ;

8°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes des « conclusions déposées et reprises par les parties qui ont été entendues en leurs plaidoiries », l'employeur expliquait encore (conclusions n° 2, p. 23) que le versement d'une prime « chargeuse » versée au conducteur de la chargeuse front de taille avait été créée en 1985 afin d'inciter les ouvriers affectés à sa conduite à en prendre particulièrement soin, s'agissant d'une machine plus volumineuse et plus coûteuse que les autres engins, et qu'il s'agissait de la seule prime de cette nature ; qu'en affirmant que l'employeur ne donnait aucune justification particulière sur les causes de cette prime, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE l'employeur rappelait encore (conclusions p. 20-21) qu'il existe pas moins de neuf engins différents dont certains sont affectés à trois postes distincts et qu'il résultait des propres productions du salarié que les conducteurs d'engins ne sont pas tous titulaires des mêmes CACES, ni des mêmes autorisations de conduire ; qu'en invoquant, pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, le fait que les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires à la conduite des différents engins et pouvaient être amenés à se remplacer, comme le fait que M. [C] était titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, dont la chargeuse, ce qui n'établissait pas pour autant que les conducteurs d'engins ne soient pas affectés à des activités et des postes différents correspondant aux diverses étapes du process de production, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

10°) ALORS QU'en invoquant l'absence de réponse fournie à la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais en 2012 quant aux écarts de rémunérations pour affirmer que les conducteurs d'engins 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égal, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°) ALORS QU'après avoir affirmé qu'il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, la cour d'appel, qui ordonne ensuite la production par l'employeur de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2014, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action du syndicat CGT Bocahut, et d'avoir condamné la société Bocahut à lui payer la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles, ainsi que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
Il lui sera alloué la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison de l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles ;

ALORS QUE l'article L. 2132-3 du Code du travail donne qualité à agir au syndicat dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en affirmant que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.Moyens produits au pourvoi principal n° N 15-20.472 par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, et en conséquence, avant dire droit, d'avoir ordonné a ordonné la communication à Monsieur [T] des bulletins de paie de l'ensemble des conducteurs d'engins 2 niveau 3 sur la période 2006-2014 ;

AUX MOTIFS D'UNE PART, QUE
La demande de rappel de salaire en application de la règle « à travail égal, salaire égal ».
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.
La preuve de l'inégalité de traitement.
En l'espèce, Monsieur [T] se prévaut des données communiquées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, pour en conclure à l'existence à son détriment d'une inégalité de traitement et-calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l'expert-comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission. Au surplus, en l'espèce, l'expert-comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé. Une telle constatation rendait d'autant plus fondée l'analyse critiquée.
C'est donc à bon droit que l'expert-comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'engin.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L. 2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L. 2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert-comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. S'agissant des conducteurs d'engins, nombre de salariés sont demeurés non identifiés. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, et donc qu'une éventuelle atteinte à la vie privée était proportionnelle au but recherché, il convient de considérer que l'expert-comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L. 2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, le salarié fait la preuve que, exerçant les fonctions de conducteur d'engin 2 selon l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire, classé au même niveau 3 que les autres conducteurs d'engin, emploi figurant sur leur bulletin de paie, il est en conséquence dans une situation identique au regard de l'emploi et de la classification. Selon l'accord du 10 juillet 2008 portant des révisions de la classification professionnelle de la convention collective, le conducteur d'engin 2 niveau 3 doit effectuer les chargements de camions, la reprise de matériaux abattus, des travaux de découverte, d'extraction... et, au titre des compétences, disposer des autorisations obligatoires, avoir une parfaite maîtrise de la conduite de son ou de ses engins dans les différentes conditions d'utilisation, savoir identifier les différents matériaux, connaître les techniques d'extraction sur le site, et connaître les règles de sécurité et de circulation sur le site, ainsi que les règles de chargement.
Dès lors, les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale.
Il incombe en conséquence à l'employeur de faire la preuve que les disparités de rémunération du travail entre différents conducteurs d'engin 2, niveau 3, sont justifiées par des éléments objectifs.
A cet égard, celui-ci n'apporte aucune justification pour chacun des salariés concernés. Il distingue de manière générale, onze postes différents de conducteurs d'engins de niveau 3 amenés à intervenir sur le site d'extraction, sans toutefois préciser le salaire afférent à chacun. Au-delà du fait que la définition de ces postes date de 2012, est interne à l'entreprise, faite unilatéralement par l'employeur, n'est le fruit d'aucune négociation collective ni n'a été portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel, le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008, fait ressortir pour trente-six conducteurs d'engins 2, en 2008, vingt-neuf niveaux différents de salaire mensuel, indépendamment de la prime d'ancienneté versée par ailleurs. Sur les cinq conducteurs recrutés en 2008, seuls deux perçoivent cette année-là, un salaire de base d'un montant identique. Il est par ailleurs établi que pour tenir compte de la spécificité de la conduite de la chargeuse front de taille, une prime est versée en sus du salaire de base, répartie entre les ouvriers au prorata du nombre de jours de conduite de cet engin dans le mois, les causes de cette prime ne faisant l'objet d'aucune justification objective particulière par la société. Une telle répartition dont le salarié fait la preuve concrète, accrédite la thèse selon laquelle tous les conducteurs d'engins sont amenés à conduire les différents engins, correspondant selon l'employeur à différents postes. Même si les attestations des salariés eux-mêmes parties à une instance tendant aux mêmes fins, sans être irrecevables, doivent néanmoins être examinées avec une particulière circonspection compte tenu de l'intérêt de leurs auteurs à la solution du litige, il n'en demeure pas moins que la société Bocahut ne dément pas la matérialité des affirmations selon lesquelles les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires pour la conduite des différents engins, et où ils étaient couramment amenés à se remplacer, une telle affirmation étant corroborée par la menace de sanction pour insubordination notifiée le 19 septembre 2014 à Monsieur [T] en cas de refus de conduite d'un véhicule autre que celui qu'il conduit habituellement. Monsieur [T] était enfin titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, dont la chargeuse.
Par ailleurs, si l'employeur justifie de l'attribution en 2009 à Monsieur [U], du coefficient 3, en raison des fonctions de tutorat exercées, la cour n'est pas en mesure de vérifier, faute de communication de tous les bulletins de paie, et des justificatifs afférents que tel est bien le cas de tous les salariés bénéficiant de ce coefficient.
Les explications fournies par l'employeur sont en conséquence insuffisantes et inopérantes à justifier des différences de rémunération entre les différents conducteurs d'engin dont les postes ne sont par ailleurs pas précisés au regard des distinctions opérées par l'employeur. En outre, dans la mesure où ces disparités ne sont pas justifiées, celles relatives aux seules différentes classifications attribuées à partir de 2007, sont également inopérantes.
Enfin, la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais, a écrit le 20 juin 2012 : « concernant l'état des rémunérations des ouvriers, j'ai constaté des différences de rémunération et d'augmentation entre salariés occupant le même poste, il n'a pu m'être apporté aucune explication au cours du contrôle, les différences entre salariés effectuant un même travail, ne peuvent être fondées que sur des éléments objectifs, et non discriminatoires, aucun justificatif de tels éléments ne m'a été fourni. ».
De ce qui précède, il résulte que faute d'éléments objectifs justifiant les vingt-neuf niveaux de salaires différents en 2008, faute également d'éléments permettant de vérifier le respect du principe de l'égalité de traitement entre 2008 et 2014, l'employeur au surplus n'opérant aucune distinction entre les différentes périodes, il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, une telle mesure au regard du respect de la vie privée, étant proportionnée à l'objectif recherché.
Pour les besoins de la réouverture des débats, le salarié devra, après examen des différents bulletins de paie, sélectionner et communiquer à l'adversaire les bulletins de paie de celui ou ceux de ses collègues auquel il se compare et souhaite à titre principal et le cas échéant subsidiaire, l'alignement de sa rémunération, l'employeur n'étant alors tenu éventuellement de ne justifier la différence de rémunération que par rapport à ces seuls salariés.
L'obligation de communiquer les bulletins de paie sera assortie d'une astreinte qui commencera à courir à l'expiration d'un délai de deux mois après la notification du présent arrêt.
Une astreinte courra à l'expiration d'un délai de deux mois après la notification du présent arrêt ;

5°) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les conducteurs d'engins 2 accomplissent tous un travail de valeur égale », la cour d'appel s'est d'abord référée à l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire et aux définitions données par l'accord du 10 juillet 2008 des missions et compétences du conducteur d'engin II, niveau 3, et en a déduit que « les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie conducteurs d'engin 2, niveau 3 suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE la situation du salarié qui prétend à une inégalité de salaire ne peut être comparée qu'aux seuls salariés ayant la même classification, étant affectés à la même activité et exerçant les mêmes fonctions dans le cadre du même poste de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait et démontrait que les conducteurs d'engins sont affectés à des postes liés à des activités techniquement spécifiques, impliquant des responsabilités et des conditions de travail diversifiées, notamment relativement à la charge nerveuse ou physique, en fonction de leur intervention dans le déroulement du process de production, justifiant ainsi les différences de salaire dénoncées ; qu'en reprochant à la société Bocahut de n'apporter aucune justification pour chacun des salariés concernés, comme de ne pas préciser les postes des différents conducteurs au regard des distinctions opérées, quand il était versé aux débats les fiches descriptives détaillées des différents postes de conducteurs d'engins ainsi qu'une note établie par un expert judiciaire décrivant les différents postes de conducteurs d'engins en fonction des étapes du process de production et qu'il était également précisé pour chaque salarié le poste occupé ainsi que la nature des fonctions exercées et procédé à des comparaisons de postes entre différents conducteurs d'engins 2, niveau 3, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

7°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir (conclusions n° 2, p. 17) d'abord que le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008 ne prenait pas en compte les classifications en vigueur sur cette période qui pouvaient être, selon le cas, OS3 coefficient 150, OQ coefficient 160 ou OQ2 coefficient 170, ce qui excluait qu'il y ait eu une identité de classification pour l'ensemble des conducteurs d'engins 2, et ensuite qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'accord de 10 juillet 2008, il existait trois échelons de classification parmi les conducteurs d'engins 2, N3E1, N3E2 et N3E3 ; qu'en se basant sur ce tableau pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence au sein de cette catégorie des différents échelons de classification n'était pas justifiée par des différences de tâches et de fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » et de l'article 1315 du Code civil ;

8°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes des « conclusions déposées et reprises par les parties qui ont été entendues en leurs plaidoiries », l'employeur expliquait encore (conclusions n° 2, p. 24) que le versement d'une prime « chargeuse » versée au conducteur de la chargeuse front de taille avait été créée en 1985 afin d'inciter les ouvriers affectés à sa conduite à en prendre particulièrement soin, s'agissant d'une machine plus volumineuse et plus coûteuse que les autres engins, et qu'il s'agissait de la seule prime de cette nature ; qu'en affirmant que l'employeur ne donnait aucune justification particulière sur les causes de cette prime, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE l'employeur rappelait encore (conclusions p. 21-22) qu'il existe pas moins de neuf engins différents dont certains sont affectés à trois postes distincts et qu'il résultait des propres productions du salarié que les conducteurs d'engins ne sont pas tous titulaires des mêmes CACES, ni des mêmes autorisations de conduire ; qu'en invoquant, pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, le fait que les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires à la conduite des différents engins et pouvaient être amenés à se remplacer, comme le fait que M. [T] était titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, ce qui n'établissait pas pour autant que les conducteurs d'engins ne soient pas affectés à des activités et des postes différents correspondant aux diverses étapes du process de production, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

10°) ALORS QU'en invoquant l'absence de réponse fournie à la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais en 2012 quant aux écarts de rémunérations pour affirmer que les conducteurs d'engins 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égal, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action du syndicat CGT Bocahut, et d'avoir condamné la société Bocahut à lui payer la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais le non-respect du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, de manière répétée, concernant une proportion importante des ouvriers, porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession et justifie l'intervention du syndicat.
Il lui sera alloué la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison du non-respect du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération ;Moyens produits au pourvoi principal n° Q 15-20.474 par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, et en conséquence, avant dire droit, d'avoir ordonné la production par la société Bocahut de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2014, dit que passé le délai de deux mois après la notification du présent arrêt, une astreinte de 100 € par jour de retard, courra ;

AUX MOTIFS D'UNE PART, QUE
La demande de rappel de salaire en application de la règle « à travail égal, salaire égal ».
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.
La preuve de l'inégalité de traitement.
En l'espèce, Monsieur [N] se prévaut des données communiquées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, pour en conclure à l'existence à son détriment d'une inégalité de traitement et calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l'expert-comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission. Au surplus, en l'espèce, l'expert-comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé. Une telle constatation rendait d'autant plus fondée l'analyse critiquée.
C'est donc à bon droit que l'expert-comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'engin.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L. 2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L. 2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert-comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. S'agissant des conducteurs d'engins, nombre de salariés sont demeurés non identifiés. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, et donc qu'une éventuelle atteinte à la vie privée était proportionnelle au but recherché, il convient de considérer que l'expert-comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L. 2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, le salarié fait la preuve que, exerçant les fonctions de conducteur d'engin 2 selon l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire, classé au même niveau 3 que les autres conducteurs d'engin, emploi figurant sur leur bulletin de paie, il est en conséquence dans une situation identique au regard de l'emploi et de la classification. Selon l'accord du 10 juillet 2008 portant des révisions de la classification professionnelles de la convention collective, le conducteur d'engin 2 niveau 3 doit effectuer les chargements de camions, la reprise de matériaux abattus, des travaux de découverte, d'extraction... et, au titre des compétences, disposer des autorisations obligatoires, avoir une parfaite maîtrise de la conduite de son ou de ses engins dans les différentes conditions d'utilisation, savoir identifier les différents matériaux, connaître les techniques d'extraction sur le site, et connaître les règles de sécurité et de circulation sur le site, ainsi que les règles de chargement.
Dès lors, les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale.
Il incombe en conséquence à l'employeur de faire la preuve que les disparités de rémunération du travail entre différents conducteurs d'engin 2, niveau 3, sont justifiées par des éléments objectifs.
A cet égard, celui-ci n'apporte aucune justification pour chacun des salariés concernés. Il distingue de manière générale, onze postes différents de conducteurs d'engins de niveau 3 amenés à intervenir sur le site d'extraction, sans toutefois préciser le salaire afférent à chacun. Au-delà du fait que la définition de ces postes date de 2012, est interne à l'entreprise, faite unilatéralement par l'employeur, n'est le fruit d'aucune négociation collective ni n'a été portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel, le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008, fait ressortir pour trente-six conducteurs d'engins 2, en 2008, vingt-neuf niveaux différents de salaire mensuel, indépendamment de la prime d'ancienneté versée par ailleurs. Sur les cinq conducteurs recrutés en 2008, seuls deux perçoivent cette année-là, un salaire de base d'un montant identique. Il est par ailleurs établi que pour tenir compte de la spécificité de la conduite de la chargeuse front de taille, une prime est versée en sus du salaire de base, répartie entre les ouvriers au prorata du nombre de jours de conduite de cet engin dans le mois, les causes de cette prime ne faisant l'objet d'aucune justification particulière par la société. Une telle répartition dont le salarié fait la preuve concrète, accrédite la thèse selon laquelle tous les conducteurs d'engins sont amenés à conduire les différents engins, correspondant selon l'employeur à différents postes. Même si les attestations des salariés eux-mêmes parties à une instance tendant aux mêmes fins, sans être irrecevables, doivent néanmoins être examinées avec une particulière circonspection compte tenu de l'intérêt de leurs auteurs à la solution du litige, il n'en demeure pas moins que la société Bocahut ne dément pas la matérialité des affirmations selon lesquelles les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires pour la conduite des différents engins, et où ils étaient couramment amenés à se remplacer, une telle affirmation étant corroborée par la menace de sanction pour insubordination notifiée le 19 septembre 2014 à Monsieur [U] en cas de refus de conduite d'un véhicule autre que celui qu'il conduit habituellement. Monsieur [N] était enfin titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, dont la chargeuse.
Par ailleurs, si l'employeur justifie de l'attribution en 2009 à Monsieur [U], du coefficient 3, en raison des fonctions de tutorat exercées, la cour n'est pas en mesure de vérifier, faute de communication de tous les bulletins de paie, et des justificatifs afférents que tel est bien le cas de tous les salariés bénéficiant de ce coefficient.
Les explications fournies par l'employeur sont en conséquence insuffisantes et inopérantes à justifier des différences de rémunération entre les différents conducteurs d'engin dont les postes ne sont par ailleurs pas précisés au regard des distinctions opérées par l'employeur. En outre, dans la mesure où ces disparités ne sont pas justifiées, celles relatives aux seules différentes classifications attribuées à partir de 2007, sont également inopérantes.
Enfin, la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais, a écrit le 20 juin 2012 : « concernant l'état des rémunérations des ouvriers, j'ai constaté des différences de rémunération et d'augmentation entre salariés occupant le même poste, il n'a pu m'être apporté aucune explication au cours du contrôle, les différences entre salariés effectuant un même travail, ne peuvent être fondées que sur des éléments objectifs, et non discriminatoires, aucun justificatif de tels éléments ne m'a été fourni. ».
De ce qui précède, il résulte que faute d'éléments objectifs justifiant les vingt-neuf niveaux de salaires différents en 2008, faute également d'éléments permettant de vérifier le respect du principe de l'égalité de traitement entre 2008 et 2014, l'employeur au surplus n'opérant aucune distinction entre les différentes périodes, il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, une telle mesure étant, dans la mesure où elle serait susceptible de porter atteinte à la privée d'autres salariés, proportionnée à l'objectif recherché.
Une astreinte courra à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les conducteurs d'engins 2 accomplissent tous un travail de valeur égale », la cour d'appel s'est d'abord référée à l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire et aux définitions données par l'accord du 10 juillet 2008 des missions et compétences du conducteur d'engin II, niveau 3, et en a déduit que « les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie conducteurs d'engin 2, niveau 3 suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE la situation du salarié qui prétend à une inégalité de salaire ne peut être comparée qu'aux seuls salariés ayant la même classification, étant affectés à la même activité et exerçant les mêmes fonctions dans le cadre du même poste de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait et démontrait que les conducteurs d'engins sont affectés à des postes liés à des activités techniquement spécifiques, impliquant des responsabilités et des conditions de travail diversifiées, notamment relativement à la charge nerveuse ou physique, en fonction de leur intervention dans le déroulement du process de production, justifiant ainsi les différences de salaire dénoncées ; qu'en reprochant à la société Bocahut de n'apporter aucune justification pour chacun des salariés concernés, comme de ne pas préciser les postes des différents conducteurs au regard des distinctions opérées, quand il était versé aux débats les fiches descriptives détaillées des différents postes de conducteurs d'engins ainsi qu'une note établie par un expert judiciaire décrivant les différents postes de conducteurs d'engins en fonction des étapes du process de production et qu'il était également précisé pour chaque salarié le poste occupé ainsi que la nature des fonctions exercées et procédé à des comparaisons de postes entre différents conducteurs d'engins 2, niveau 3, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

7°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir (conclusions n° 2, p. 17) d'abord que le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008 ne prenait pas en compte les classifications en vigueur sur cette période qui pouvaient être, selon le cas, OS3 coefficient 150, OQ coefficient 160 ou OQ2 coefficient 170, ce qui excluait qu'il y ait eu une identité de classification pour l'ensemble des conducteurs d'engins 2, et ensuite qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'accord de 10 juillet 2008, il existait trois échelons de classification parmi les conducteurs d'engins 2, N3E1, N3E2 et N3E3 ; qu'en se basant sur ce tableau pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence au sein de cette catégorie des différents échelons de classification n'était pas justifiée par des différences de tâches et de fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » et de l'article 1315 du Code civil ;

8°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes des « conclusions déposées et reprises par les parties qui ont été entendues en leurs plaidoiries », l'employeur expliquait encore (conclusions n° 2, p. 24) que le versement d'une prime « chargeuse » versée au conducteur de la chargeuse front de taille avait été créée en 1985 afin d'inciter les ouvriers affectés à sa conduite à en prendre particulièrement soin, s'agissant d'une machine plus volumineuse et plus coûteuse que les autres engins, et qu'il s'agissait de la seule prime de cette nature ; qu'en affirmant que l'employeur ne donnait aucune justification particulière sur les causes de cette prime, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE l'employeur rappelait encore (conclusions p. 21) qu'il existe pas moins de neuf engins différents dont certains sont affectés à trois postes distincts et qu'il résultait des propres productions du salarié que les conducteurs d'engins ne sont pas tous titulaires des mêmes CACES, ni des mêmes autorisations de conduire ; qu'en invoquant, pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, le fait que les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires à la conduite des différents engins et pouvaient être amenés à se remplacer, comme le fait que M. [N] était titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, ce qui n'établissait pas pour autant que les conducteurs d'engins ne soient pas affectés à des activités et des postes différents correspondant aux diverses étapes du process de production, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

10°) ALORS QU'en invoquant l'absence de réponse fournie à la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais en 2012 quant aux écarts de rémunérations pour affirmer que les conducteurs d'engins 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égal, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°) ALORS QU'après avoir affirmé qu'il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, la cour d'appel, qui ordonne ensuite la production par l'employeur de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2014, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action du syndicat CGT Bocahut, et d'avoir condamné la société Bocahut à lui payer la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles, ainsi que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
Il lui sera alloué la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraine la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison de l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles ;

ALORS QUE l'article L. 2132-3 du Code du travail donne qualité à agir au syndicat dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en affirmant que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.Moyens produits au pourvoi principal n° R 15-20.475 par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, et en conséquence, avant dire droit, d'avoir ordonné la production par la société Bocahut de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2014, dit que passé le délai de deux mois après la notification du présent arrêt, une astreinte de 100 € par jour de retard, courra ;

AUX MOTIFS D'UNE PART, QUE
La demande de rappel de salaire en application de la règle « à travail égal, salaire égal ».
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.
La preuve de l'inégalité de traitement.
En l'espèce, Monsieur [F] se prévaut des données communiquées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, pour en conclure à l'existence à son détriment d'une inégalité de traitement et calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l'expert-comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission. Au surplus, en l'espèce, l'expert-comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé. Une telle constatation rendait d'autant plus fondée l'analyse critiquée.
C'est donc à bon droit que l'expert-comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'engin.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L. 2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L. 2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert-comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. S'agissant des conducteurs d'engins, nombre de salariés sont demeurés non identifiés. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, et donc qu'une éventuelle atteinte à la vie privée était proportionnelle au but recherché, il convient de considérer que l'expert-comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L. 2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, le salarié fait la preuve que, exerçant les fonctions de conducteur d'engin 2 selon l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire, classé au même niveau 3 que les autres conducteurs d'engin, emploi figurant sur leur bulletin de paie, il est en conséquence dans une situation identique au regard de l'emploi et de la classification. Selon l'accord du 10 juillet 2008 portant des révisions de la classification professionnelles de la convention collective, le conducteur d'engin 2 niveau 3 doit effectuer les chargements de camions, la reprise de matériaux abattus, des travaux de découverte, d'extraction... et, au titre des compétences, disposer des autorisations obligatoires, avoir une parfaite maîtrise de la conduite de son ou de ses engins dans les différentes conditions d'utilisation, savoir identifier les différents matériaux, connaître les techniques d'extraction sur le site, et connaître les règles de sécurité et de circulation sur le site, ainsi que les règles de chargement.
Dès lors, les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale.
Il incombe en conséquence à l'employeur de faire la preuve que les disparités de rémunération du travail entre différents conducteurs d'engin 2, niveau 3, sont justifiées par des éléments objectifs.
A cet égard, celui-ci n'apporte aucune justification pour chacun des salariés concernés. Il distingue de manière générale, onze postes différents de conducteurs d'engins de niveau 3 amenés à intervenir sur le site d'extraction, sans toutefois préciser le salaire afférent à chacun. Au-delà du fait que la définition de ces postes date de 2012, est interne à l'entreprise, faite unilatéralement par l'employeur, n'est le fruit d'aucune négociation collective ni n'a été portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel, le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008, fait ressortir pour trente-six conducteurs d'engins 2, en 2008, vingt-neuf niveaux différents de salaire mensuel, indépendamment de la prime d'ancienneté versée par ailleurs. Sur les cinq conducteurs recrutés en 2008, seuls deux perçoivent cette année-là, un salaire de base d'un montant identique. Il est par ailleurs établi que pour tenir compte de la spécificité de la conduite de la chargeuse front de taille, une prime est versée en sus du salaire de base, répartie entre les ouvriers au prorata du nombre de jours de conduite de cet engin dans le mois, les causes de cette prime ne faisant l'objet d'aucune justification particulière par la société. Une telle répartition dont le salarié fait la preuve concrète, accrédite la thèse selon laquelle tous les conducteurs d'engins sont amenés à conduire les différents engins, correspondant selon l'employeur à différents postes. Même si les attestations des salariés eux-mêmes parties à une instance tendant aux mêmes fins, sans être irrecevables, doivent néanmoins être examinées avec une particulière circonspection compte tenu de l'intérêt de leurs auteurs à la solution du litige, il n'en demeure pas moins que la société Bocahut ne dément pas la matérialité des affirmations selon lesquelles les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires pour la conduite des différents engins, et où ils étaient couramment amenés à se remplacer, une telle affirmation étant corroborée par la menace de sanction pour insubordination notifiée le 19 septembre 2014 à Monsieur [U] en cas de refus de conduite d'un véhicule autre que celui qu'il conduit habituellement. Monsieur [F] était enfin titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, dont la chargeuse.
Par ailleurs, si l'employeur justifie de l'attribution en 2009 à Monsieur [U], du coefficient 3, en raison des fonctions de tutorat exercées, la cour n'est pas en mesure de vérifier, faute de communication de tous les bulletins de paie, et des justificatifs afférents que tel est bien le cas de tous les salariés bénéficiant de ce coefficient.
Les explications fournies par l'employeur sont en conséquence insuffisantes et inopérantes à justifier des différences de rémunération entre les différents conducteurs d'engin dont les postes ne sont par ailleurs pas précisés au regard des distinctions opérées par l'employeur. En outre, Dans la mesure où ces disparités ne sont pas justifiées, celles relatives aux seules différentes classifications attribuées à partir de 2007, sont également inopérantes.
Enfin, la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais, a écrit le 20 juin 2012 : « concernant l'état des rémunérations des ouvriers, j'ai constaté des différences de rémunération et d'augmentation entre salariés occupant le même poste, il n'a pu m'être apporté aucune explication au cours du contrôle, les différences entre salariés effectuant un même travail, ne peuvent être fondées que sur des éléments objectifs, et non discriminatoires, aucun justificatif de tels éléments ne m'a été fourni. ».
Il en résulte que faute d'éléments objectifs justifiant les vingt-neuf niveaux de salaires différents en 2008, faute également d'éléments permettant de vérifier le respect du principe de l'égalité de traitement entre 2008 et 2014, l'employeur au surplus n'opérant aucune distinction entre les différentes périodes, il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû.
Une astreinte courra à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les conducteurs d'engins 2 accomplissent tous un travail de valeur égale », la cour d'appel s'est d'abord référée à l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire et aux définitions données par l'accord du 10 juillet 2008 des missions et compétences du conducteur d'engin II, niveau 3, et en a déduit que « les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie conducteurs d'engin 2, niveau 3 suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE la situation du salarié qui prétend à une inégalité de salaire ne peut être comparée qu'aux seuls salariés ayant la même classification, étant affectés à la même activité et exerçant les mêmes fonctions dans le cadre du même poste de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait et démontrait que les conducteurs d'engins sont affectés à des postes liés à des activités techniquement spécifiques, impliquant des responsabilités et des conditions de travail diversifiées, notamment relativement à la charge nerveuse ou physique, en fonction de leur intervention dans le déroulement du process de production, justifiant ainsi les différences de salaire dénoncées ; qu'en reprochant à la société Bocahut de n'apporter aucune justification pour chacun des salariés concernés, comme de ne pas préciser les postes des différents conducteurs au regard des distinctions opérées, quand il était versé aux débats les fiches descriptives détaillées des différents postes de conducteurs d'engins ainsi qu'une note établie par un expert judiciaire décrivant les différents postes de conducteurs d'engins en fonction des étapes du process de production et qu'il était également précisé pour chaque salarié le poste occupé ainsi que la nature des fonctions exercées et procédé à des comparaisons de postes entre différents conducteurs d'engins 2, niveau 3, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

7°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir (conclusions n° 2, p. 17) d'abord que le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008 ne prenait pas en compte les classifications en vigueur sur cette période qui pouvaient être, selon le cas, OS3 coefficient 150, OQ coefficient 160 ou OQ2 coefficient 170, ce qui excluait qu'il y ait eu une identité de classification pour l'ensemble des conducteurs d'engins 2, et ensuite qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'accord de 10 juillet 2008, il existait trois échelons de classification parmi les conducteurs d'engins 2, N3E1, N3E2 et N3E3 ; qu'en se basant sur ce tableau pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence au sein de cette catégorie des différents échelons de classification n'était pas justifiée par des différences de tâches et de fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » et de l'article 1315 du Code civil ;

8°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes des « conclusions déposées et reprises par les parties qui ont été entendues en leurs plaidoiries », l'employeur expliquait encore (conclusions n° 2, p. 24) que le versement d'une prime « chargeuse » versée au conducteur de la chargeuse front de taille avait été créée en 1985 afin d'inciter les ouvriers affectés à sa conduite à en prendre particulièrement soin, s'agissant d'une machine plus volumineuse et plus coûteuse que les autres engins, et qu'il s'agissait de la seule prime de cette nature ; qu'en affirmant que l'employeur ne donnait aucune justification particulière sur les causes de cette prime, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE l'employeur rappelait encore (conclusions p. 21-22) qu'il existe pas moins de neuf engins différents dont certains sont affectés à trois postes distincts et qu'il résultait des propres productions du salarié que les conducteurs d'engins ne sont pas tous titulaires des mêmes CACES, ni des mêmes autorisations de conduire ; qu'en invoquant, pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, le fait que les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires à la conduite des différents engins et pouvaient être amenés à se remplacer, comme le fait que M. [F] était titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, ce qui n'établissait pas pour autant que les conducteurs d'engins ne soient pas affectés à des activités et des postes différents correspondant aux diverses étapes du process de production, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

10°) ALORS QU'en invoquant l'absence de réponse fournie à la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais en 2012 quant aux écarts de rémunérations pour affirmer que les conducteurs d'engins 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égal, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°) ALORS QU'après avoir affirmé qu'il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, la cour d'appel, qui ordonne ensuite la production par l'employeur de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2014, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action du syndicat CGT Bocahut, et d'avoir condamné la société Bocahut à lui payer la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles, ainsi que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
Il lui sera alloué la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison de l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles ;

ALORS QUE l'article L. 2132-3 du Code du travail donne qualité à agir au syndicat dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en affirmant que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.Moyen produit au pourvoi principal n° S 15-20.476 par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 font un travail de valeur égale, et en conséquence, avant dire droit, d'avoir ordonné a ordonné la communication à Monsieur [Z] des bulletins de paie de l'ensemble des conducteurs d'engins 2 niveau 3 sur la période 2006-2014 ;

AUX MOTIFS D'UNE PART, QUE
La demande de rappel de salaire en application de la règle « à travail égal, salaire égal ».
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission. Au surplus, en l'espèce, l'expert-comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé. Une telle constatation rendait d'autant plus fondée l'analyse critiquée.
C'est donc à bon droit que l'expert-comptable s'est penché sur l'éventail des rémunérations versées aux ouvriers occupant le même emploi de conducteur d'installation.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L. 2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L. 2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert-comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. S'agissant des conducteurs d'engins, nombre de salariés sont demeurés non identifiés. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, et donc qu'une éventuelle atteinte à la vie privée était proportionnelle au but recherché, il convient de considérer que l'expert-comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L. 2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse.
En l'espèce, le salarié fait la preuve que, exerçant les fonctions de conducteur d'engin 2 selon l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire, classé au même niveau 3 que les autres conducteurs d'engin, emploi figurant sur leur bulletin de paie, il est en conséquence dans une situation identique au regard de l'emploi et de la classification. Selon l'accord du 10 juillet 2008 portant des révisions de la classification professionnelles de la convention collective, le conducteur d'engin 2 niveau 3 doit effectuer les chargements de camions, la reprise de matériaux abattus, des travaux de découverte, d'extraction... et, au titre des compétences, disposer des autorisations obligatoires, avoir une parfaite maîtrise de la conduite de son ou de ses engins dans les différentes conditions d'utilisation, savoir identifier les différents matériaux, connaître les techniques d'extraction sur le site, et connaître les règles de sécurité et de circulation sur le site, ainsi que les règles de chargement.
Dès lors, les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale.
Il incombe en conséquence à l'employeur de faire la preuve que les disparités de rémunération du travail entre différents conducteurs d'engin 2, niveau 3, sont justifiées par des éléments objectifs.
A cet égard, celui-ci n'apporte aucune justification pour chacun des salariés concernés. Il distingue de manière générale, onze postes différents de conducteurs d'engins de niveau 3 amenés à intervenir sur le site d'extraction, sans toutefois préciser le salaire afférent à chacun. Au-delà du fait que la définition de ces postes date de 2012, est interne à l'entreprise, faite unilatéralement par l'employeur, n'est le fruit d'aucune négociation collective ni n'a été portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel, le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008, fait ressortir pour trente-six conducteurs d'engins 2, en 2008, vingt-neuf niveaux différents de salaire mensuel, indépendamment de la prime d'ancienneté versée par ailleurs. Sur les cinq conducteurs recrutés en 2008, seuls deux perçoivent cette année-là, un salaire de base d'un montant identique. Il est par ailleurs établi que pour tenir compte de la spécificité de la conduite de la chargeuse front de taille, une prime est versée en sus du salaire de base, répartie entre les ouvriers au prorata du nombre de jours de conduite de cet engin dans le mois, les causes de cette prime ne faisant l'objet d'aucune justification objective particulière par la société. Une telle répartition dont le salarié fait la preuve concrète, accrédite la thèse selon laquelle tous les conducteurs d'engins sont amenés à conduire les différents engins, correspondant selon l'employeur à différents postes. Même si les attestations des salariés eux-mêmes parties à une instance tendant aux mêmes fins, sans être irrecevables, doivent néanmoins être examinées avec une particulière circonspection compte tenu de l'intérêt de leurs auteurs à la solution du litige, il n'en demeure pas moins que la société Bocahut ne dément pas la matérialité des affirmations selon lesquelles les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires pour la conduite des différents engins, et où ils étaient couramment amenés à se remplacer, une telle affirmation étant corroborée par la menace de sanction pour insubordination notifiée le 19 septembre 2014 à Monsieur [U] en cas de refus de conduite d'un véhicule autre que celui qu'il conduit habituellement. Monsieur [Z] était enfin titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins.
Par ailleurs, si l'employeur justifie de l'attribution en 2009 à Monsieur [U], du coefficient 3, en raison des fonctions de tutorat exercées, la cour n'est pas en mesure de vérifier, faute de communication de tous les bulletins de paie, et des justificatifs afférents que tous les salariés bénéficiant de ce coefficient en remplissent effectivement les conditions.
Les différences de classification au regard de l'ancienne grille, outre qu'elles ne sont détaillées que pour certains salariés notamment ceux auxquels l'intimé se compare, et que leur bien-fondé est discuté au regard de la rémunération effective, ne seraient pertinentes que dans la mesure où elles s'appuient sur des critères objectifs, mais que l'employeur ne précise pas.
Les explications fournies par l'employeur sont en conséquence insuffisantes et inopérantes à justifier des différences de rémunération entre les différents conducteurs d'engin dont les postes ne sont par ailleurs pas précisés au regard des distinctions opérées par l'employeur, ni les différences de classification.
Enfin, la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais, a écrit le 20 juin 2012 : « concernant l'état des rémunérations des ouvriers, j'ai constaté des différences de rémunération et d'augmentation entre salariés occupant le même poste, il n'a pu m'être apporté aucune explication au cours du contrôle, les différences entre salariés effectuant un même travail, ne peuvent être fondées que sur des éléments objectifs, et non discriminatoires, aucun justificatif de tels éléments ne m'a été fourni. ».
De ce qui précède, il résulte que faute d'éléments objectifs justifiant les vingt-neuf niveaux de salaires différents en 2008, faute également d'éléments permettant de vérifier le respect du principe de l'égalité de traitement entre 2008 et 2014, l'employeur au surplus n'opérant aucune distinction entre les différentes périodes, il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, une telle mesure, au regard du respect de la vie privée, étant proportionnée à l'objectif recherché.
Pour les besoins de la réouverture des débats, le salarié devra, après examen des différents bulletins de paie, sélectionner et communiquer à l'adversaire les bulletins de paie de celui ou ceux de ses collègues auquel il se compare et souhaite à titre principal et le cas échéant subsidiaire, l'alignement de sa rémunération, l'employeur n'étant alors tenu éventuellement de ne justifier la différence de rémunération que par rapport à ces seuls salariés.
L'obligation de communiquer les bulletins de paie sera assortie d'une astreinte qui commencera à courir à l'expiration d'un délai de deux mois après la notification du présent arrêt.
Une astreinte courra à l'expiration d'un délai de deux mois après la notification du présent arrêt ;

5°) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les conducteurs d'engins 2 accomplissent tous un travail de valeur égale », la cour d'appel s'est d'abord référée à l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire et aux définitions données par l'accord du 10 juillet 2008 des missions et compétences du conducteur d'engin II, niveau 3, et en a déduit que « les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie conducteurs d'engin 2, niveau 3 suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE la situation du salarié qui prétend à une inégalité de salaire ne peut être comparée qu'aux seuls salariés ayant la même classification, étant affectés à la même activité et exerçant les mêmes fonctions dans le cadre du même poste de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait et démontrait que les conducteurs d'engins sont affectés à des postes liés à des activités techniquement spécifiques, impliquant des responsabilités et des conditions de travail diversifiées, notamment relativement à la charge nerveuse ou physique, en fonction de leur intervention dans le déroulement du process de production, justifiant ainsi les différences de salaire dénoncées ; qu'en reprochant à la société Bocahut de n'apporter aucune justification pour chacun des salariés concernés, comme de ne pas préciser les postes des différents conducteurs au regard des distinctions opérées, quand il était versé aux débats les fiches descriptives détaillées des différents postes de conducteurs d'engins ainsi qu'une note établie par un expert judiciaire décrivant les différents postes de conducteurs d'engins en fonction des étapes du process de production et qu'il était également précisé pour chaque salarié le poste occupé ainsi que la nature des fonctions exercées et procédé à des comparaisons de postes entre différents conducteurs d'engins 2, niveau 3, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

7°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir (conclusions n° 2, p. 16) d'abord que le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008 ne prenait pas en compte les classifications en vigueur sur cette période qui pouvaient être, selon le cas, OS3 coefficient 150, OQ coefficient 160 ou OQ2 coefficient 170, ce qui excluait qu'il y ait eu une identité de classification pour l'ensemble des conducteurs d'engins 2, et ensuite qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'accord de 10 juillet 2008, il existait trois échelons de classification parmi les conducteurs d'engins 2, N3E1, N3E2 et N3E3 ; qu'en se basant sur ce tableau pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence au sein de cette catégorie des différents échelons de classification n'était pas justifiée par des différences de tâches et de fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » et de l'article 1315 du Code civil ;

8°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes des « conclusions déposées et reprises par les parties qui ont été entendues en leurs plaidoiries », l'employeur expliquait encore (conclusions n° 2, p. 23) que le versement d'une prime « chargeuse » versée au conducteur de la chargeuse front de taille avait été créée en 1985 afin d'inciter les ouvriers affectés à sa conduite à en prendre particulièrement soin, s'agissant d'une machine plus volumineuse et plus coûteuse que les autres engins, et qu'il s'agissait de la seule prime de cette nature ; qu'en affirmant que l'employeur ne donnait aucune justification particulière sur les causes de cette prime, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE l'employeur rappelait encore (conclusions p. 20) qu'il existe pas moins de neuf engins différents dont certains sont affectés à trois postes distincts et qu'il résultait des propres productions du salarié que les conducteurs d'engins ne sont pas tous titulaires des mêmes CACES, ni des mêmes autorisations de conduire ; qu'en invoquant, pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, le fait que les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires à la conduite des différents engins et pouvaient être amenés à se remplacer, comme le fait que M. [Z] était titulaire de l'autorisation de conduire plusieurs engins, ce qui n'établissaient pas pour autant que les conducteurs d'engins ne soient pas affectés à des activités et des postes différents correspondant aux diverses étapes du process de production, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

10°) ALORS QU'en invoquant l'absence de réponse fournie à la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais en 2012 quant aux écarts de rémunérations pour affirmer que les conducteurs d'engins 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égal, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile.Moyens produits au pourvoi principal n° T 15-20.477 par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements Bocahut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conducteurs d'engin 2 accomplissent tous un travail de valeur égale, et en conséquence, avant dire droit, d'avoir ordonné la production des bulletins de paie de l'ensemble des conducteurs d'engins sur la période 2006-2014 ;

AUX MOTIFS D'UNE PART, QUE
La demande de rappel de salaire en application de la règle « à travail égal, salaire égal ».
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale et il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité.
La preuve de l'inégalité de traitement En l'espèce, Monsieur [V] [S] se prévaut des données communiquées par l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, pour en conclure à l'existence à son détriment inégalité de traitement et calculer le rappel de salaire.
L'employeur estime que ces éléments constituent un mode de preuve illicite en ce que l'expert-comptable d'une part, est sorti du cadre de sa mission en procédant au contrôle du respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération, d'autre part a violé le secret professionnel et l'obligation de confidentialité auxquels il est tenu en les communiquant au comité d'entreprise.
La mission de l'expert-comptable désigné en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise et l'analyse des fichiers relatifs à la rémunération du personnel relève de cette mission. Ce d'autant qu'en l'espèce, l'expert-comptable avait relevé une situation sociale marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé.
De même, il ne peut lui être reproché d'en avoir fait part aux membres du comité d'entreprise, dès lors que c'est cette instance qui lui a confié sa mission.
S'agissant du secret, l'expert du comité d'entreprise est tenu dans les termes de l'article L. 2325-42 du code du travail, au secret et à l'obligation de discrétion définis à l'article L. 2325-5 applicable aux membres du comité d'entreprise. Il s'agit d'une application particulière à l'expert missionné par le comité d'entreprise du secret professionnel édicté par le code de déontologie. C'est donc au regard du code du travail qu'il convient d'en apprécier le respect par le cabinet Alter.
Le dit code distingue le secret professionnel applicable aux secrets de fabrication et le devoir de discrétion concernant toute information revêtant un caractère confidentiel et présentée comme telle par l'employeur.
Dans la mesure où l'employeur n'a pas en l'espèce, présenté les tableaux litigieux comme confidentiels, seule la confidentialité attachée à l'obligation générale de respecter la vie privée s'impose à l'expert-comptable, la défense de ce droit appartenant à leur titulaire.
En l'espèce, les tableaux reprenaient les éléments relatifs à l'âge, à la date d'entrée dans l'entreprise, l'emploi et la classification, à la filière, au niveau de l'emploi, au montant du salaire sur les trois dernières années. Seuls l'âge et la date d'entrée, ainsi que le salaire, diffèrent. S'agissant des conducteurs d'engins, nombre de salariés sont demeurés non identifiés. Etant par ailleurs observé que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », et étaient détenus par l'employeur, et donc qu'une éventuelle atteinte à la vie privée était proportionnelle au but recherché, il convient de considérer que l'expert-comptable a respecté son obligation de discrétion.
En outre, l'employeur n'a fait l'objet d'aucune critique de la part des salariés dont l'identité aurait ainsi été dévoilée, ni aucune poursuite engagée à l'encontre des salariés parties à l'instance.
Dès lors les éléments communiqués par le cabinet d'expertise comptable constituent un mode de preuve loyal et recevable ;

1°) ALORS QUE le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix, en vue de l'examen annuel des comptes prévu aux articles L. 2323-8 et L. 2323-9 du code du travail, dont la mission porte alors sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'ainsi, si l'étude de la structure des rémunérations du personnel destinée à fournir au comité des explications cohérentes sur la situation de l'entreprise relève de la mission de l'expert-comptable désigné en vue de l'examen annuel des comptes et des documents prévisionnels, de même que l'étude des charges du personnel et du système de rémunération, l'analyse de la situation comparée des salariés au sein de l'entreprise, qui est nécessairement de nature juridique, ne peut relever d'une telle mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en retenant par ailleurs que la constatation par l'expert d'une situation sociale au sein de l'entreprise marquée par une judiciarisation des relations collectives témoignant d'un passif social non soldé justifiait que l'expert-comptable ait été investi d'une mission de contrôle du principe d'égalité de traitement en matière de rémunération au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en retenant encore, pour justifier la communication par l'expert-comptable au comité d'entreprise des tableaux litigieux, que seuls les éléments analysés permettaient de faire la preuve du non-respect de la règle « à travail égal, salaire égal », quand il n'incombait pas à l'expert-comptable d'apporter une telle preuve, la cour d'appel a de plus fort violé les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'employeur est tenu de veiller en toutes circonstances au respect de la vie privée de ses salariés, notamment quant aux montants de leurs rémunérations ; qu'en retenant que les tableaux transmis par l'employeur à l'expert-comptable puis par ce dernier au comité d'entreprise, et enfin aux salariés, constituaient un mode de preuve loyal et recevable, au motif inopérant que ces salariés, dont le montant des rémunérations étaient ainsi dévoilés, ne s'en étaient pas plaints, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART, QUE
Monsieur [V] [S] demande un rappel de salaire fondé sur le principe « à travail égal, salaire égal », jusqu'en 2013, lorsqu'il était opérateur de production, et à partir du début de l'année 2013, lorsqu'il a été affecté au poste de conducteur d'engin.
L'employeur a pour obligation de verser la même rémunération aux travailleurs accomplissant un travail égal ou de valeur égale. En vertu de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, et de charge physique et nerveuse ; … ;
S'agissant des fonctions de conducteur d'engin 2, le salarié fait la preuve que, exerçant les fonctions de conducteur d'engin 2 selon l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire, classé au même niveau 3 que les autres conducteurs d'engin, emploi figurant sur leur bulletin de paie, il est en conséquence dans une situation identique au regard de l'emploi et de la classification. Selon l'accord du 10 juillet 2008 portant des révisions de la classification professionnelle de la convention collective, le conducteur d'engin 2 niveau 3 doit effectue les chargements de camions, la reprise de matériaux abattus, des travaux de découverte, d'extraction... et, au titre des compétences, disposer des autorisations obligatoires, avoir une parfaite maîtrise de la conduite de son ou de ses engins dans les différentes conditions d'utilisation, savoir identifier les différents matériaux, connaître les techniques d'extraction sur le site, et connaître les règles de sécurité et de circulation sur le site, ainsi que les règles de chargement.
Dès lors, les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale.
Il incombe en conséquence à l'employeur de faire la preuve que les disparités de rémunération du travail entre différents conducteurs d'engin 2, niveau 3, sont justifiées par des éléments objectifs.
A cet égard, celui-ci n'apporte aucune justification pour chacun des salariés concernés. Il distingue de manière générale, onze postes différents de conducteurs d'engins de niveau 3 amenés à intervenir sur le site d'extraction, sans toutefois préciser le salaire afférent à chacun. Au-delà du fait que la définition de ces postes date de 2012, est interne à l'entreprise, faite unilatéralement par l'employeur, n'est le fruit d'aucune négociation collective ni n'a été portée à la connaissance des institutions représentatives du personnel, le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008, fait ressortir pour trente-six conducteurs d'engins 2, en 2008, vingt-neuf niveaux différents de salaire mensuel, indépendamment de la prime d'ancienneté versée par ailleurs. Sur les cinq conducteurs recrutés en 2008, seuls deux perçoivent cette année-là, un salaire de base d'un montant identique. Il est par ailleurs établi que pour tenir compte de la spécificité de la conduite de la chargeuse front de taille, une prime est versée en sus du salaire de base, répartie entre les ouvriers au prorata du nombre de jours de conduite de cet engin dans le mois, les causes de cette prime ne faisant l'objet d'aucune justification objective particulière par la société. Une telle répartition dont le salarié fait la preuve concrète, accrédite la thèse selon laquelle tous les conducteurs d'engins sont amenés à conduire les différents engins, correspondant selon l'employeur à différents postes. Même si les attestations des salariés eux-mêmes parties à une instance tendant aux mêmes fins, sans être irrecevables, doivent néanmoins être examinées avec une particulière circonspection compte tenu de l'intérêt de leurs auteurs à la solution du litige, il n'en demeure pas moins que la société Bocahut ne dément pas la matérialité des affirmations selon lesquelles les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires pour la conduite des différents engins, et où ils étaient couramment amenés à se remplacer, une telle affirmation étant corroborée par la menace de sanction pour insubordination notifiée le 19 septembre 2014 à Monsieur [U] en cas de refus de conduite d'un véhicule autre que celui qu'il conduit habituellement.
Par ailleurs, si l'employeur justifie de l'attribution en 2009 à Monsieur [U], du coefficient 3, en raison des fonctions de tutorat exercées, la cour n'est pas en mesure de vérifier, faute de communication de tous les bulletins de paie, et des justificatifs afférents que tel est bien le cas de tous les salariés bénéficiant de ce coefficient.
Les explications fournies par l'employeur sont en conséquence insuffisantes et inopérantes à justifier des différences de rémunération entre les différents conducteurs d'engin dont les postes ne sont par ailleurs pas précisés au regard des distinctions opérées par l'employeur. En outre, dans la mesure où ces disparités ne sont pas justifiées, celles relatives aux seules différentes classifications attribuées à partir de 2007, sont également inopérantes.
Enfin, la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais, a écrit le 20 juin 2012 : « concernant l'état des rémunérations des ouvriers, j'ai constaté des différences de rémunération et d'augmentation entre salariés occupant le même poste, il n'a pu m'être apporté aucune explication au cours du contrôle, les différences entre salariés effectuant un même travail, ne peuvent être fondées que sur des éléments objectifs, et non discriminatoires, aucun justificatif de tels éléments ne m'a été fourni. ».
De ce qui précède, il résulte que faute d'éléments objectifs justifiant les vingt-neuf niveaux de salaires différents en 2008, faute également d'éléments permettant de vérifier le respect du principe de l'égalité de traitement entre 2008 et 2014, l'employeur au surplus n'opérant aucune distinction entre les différentes périodes, il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû.
Une astreinte courra à l'expiration d'un délai de deux mois après la notification du présent arrêt ;

5°) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; qu'en l'espèce pour conclure que « les conducteurs d'engins 2 accomplissent tous un travail de valeur égale », la cour d'appel s'est d'abord référée à l'emploi mentionné sur le bulletin de salaire et aux définitions données par l'accord du 10 juillet 2008 des missions et compétences du conducteur d'engin II, niveau 3, et en a déduit que « les similitudes relevées font présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale » ; qu'en retenant ainsi que la seule appartenance du salarié à la catégorie conducteurs d'engin 2, niveau 3 suffisait à faire présumer l'accomplissement d'un travail de valeur égale, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

6°) ALORS QUE la situation du salarié qui prétend à une inégalité de salaire ne peut être comparée qu'aux seuls salariés ayant la même classification, étant affectés à la même activité et exerçant les mêmes fonctions dans le cadre du même poste de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait et démontrait que les conducteurs d'engins sont affectés à des postes liés à des activités techniquement spécifiques, impliquant des responsabilités et des conditions de travail diversifiées, notamment relativement à la charge nerveuse ou physique, en fonction de leur intervention dans le déroulement du process de production, justifiant ainsi les différences de salaire dénoncées ; qu'en reprochant à la société Bocahut de n'apporter aucune justification pour chacun des salariés concernés, comme de ne pas préciser les postes des différents conducteurs au regard des distinctions opérées, quand il était versé aux débats les fiches descriptives détaillées des différents postes de conducteurs d'engins ainsi qu'une note établie par un expert judiciaire décrivant les différents postes de conducteurs d'engins en fonction des étapes du process de production et qu'il était également précisé pour chaque salarié le poste occupé ainsi que la nature des fonctions exercées et procédé à des comparaisons de postes entre différents conducteurs d'engins 2, niveau 3, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

7°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir (conclusions n° 2, p. 17) d'abord que le tableau établi par l'expert-comptable pour les années 2006-2007-2008 ne prenait pas en compte les classifications en vigueur sur cette période qui pouvaient être, selon le cas, OS3 coefficient 150, OQ coefficient 160 ou OQ2 coefficient 170, ce qui excluait qu'il y ait eu une identité de classification pour l'ensemble des conducteurs d'engins 2, et ensuite qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'accord de 10 juillet 2008, il existait trois échelons de classification parmi les conducteurs d'engins 2, N3E1, N3E2 et N3E3 ; qu'en se basant sur ce tableau pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence au sein de cette catégorie des différents échelons de classification n'était pas justifiée par des différences de tâches et de fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » et de l'article 1315 du Code civil ;

8°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes des « conclusions déposées et reprises par les parties qui ont été entendues en leurs plaidoiries », l'employeur expliquait encore (conclusions n° 2, p. 24) que le versement d'une prime « chargeuse » versée au conducteur de la chargeuse front de taille avait été créée en 1985 afin d'inciter les ouvriers affectés à sa conduite à en prendre particulièrement soin, s'agissant d'une machine plus volumineuse et plus coûteuse que les autres engins, et qu'il s'agissait de la seule prime de cette nature ; qu'en affirmant que l'employeur ne donnait aucune justification particulière sur les causes de cette prime, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE l'employeur rappelait encore (conclusions p. 21) qu'il existe pas moins de neuf engins différents dont certains sont affectés à trois postes distincts et qu'il résultait des propres productions du salarié que les conducteurs d'engins ne sont pas tous titulaires des mêmes CACES, ni des mêmes autorisations de conduire ; qu'en invoquant, pour affirmer que les conducteurs d'engin 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égale, le fait que les conducteurs d'engins devaient passer les différents CACES nécessaires à la conduite des différents engins et pouvaient être amenés à se remplacer, ce qui n'établissait pas pour autant que les conducteurs d'engins ne soient pas affectés à des activités et des postes différents correspondant aux diverses étapes du process de production, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et l'article 1315 du Code civil ;

10°) ALORS QU'en invoquant l'absence de réponse fournie à la directrice adjointe du travail de la région Nord Pas de Calais en 2012 quant aux écarts de rémunérations pour affirmer que les conducteurs d'engins 2 niveau 3 accomplissent tous un travail de valeur égal, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°) ALORS QU'après avoir affirmé qu'il convient de faire droit à la demande du salarié de communication de l'ensemble des bulletins de paie des conducteurs d'engin 2 niveau 3 et de lui permettre de calculer le rappel de salaires dû, la cour d'appel, qui ordonne ensuite la production par l'employeur de l'ensemble des bulletins de paie de l'ensemble des salariés employés en qualité de conducteurs d'engins sur la période 2006-2014, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit recevable l'action du syndicat CGT Bocahut, et d'avoir condamné la société Bocahut à lui payer la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE
L'action du syndicat CGT
La société BOCAHUT estime que le syndicat ne fait pas la preuve d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.
Mais l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles, ainsi que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
Il lui sera alloué la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ne pourra qu'entraîner la cassation du chef de l'arrêt relatif à l'indemnisation du syndicat en raison de l'absence de critères objectifs pour la fixation des rémunérations individuelles ;

ALORS QUE l'article L. 2132-3 du Code du travail donne qualité à agir au syndicat dans l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'en affirmant que l'absence d'information effective des institutions représentatives du personnel, porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession, sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.Moyen produit aux pourvois incidents n° J 15-20.469, K 15-20.470, N 15-20.472, Q 15-20.474, R 15-20.475, S 15-20.476, T 15-20.477, B 15-20.485, rédigé en termes identiques, par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour MM. [M], [C], [T], [N], [F], [Z], [S], [U] et le syndicat CGT Bocahut SAS

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le salarié mal fondé en sa demande de fixation du salaire pour l'avenir et l'en avoir débouté ;

AUX MOTIFS QUE il n'appartient pas au juge de fixer, pour l'avenir, le salaire dû ;

1°) ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à affirmer, sans aucune justification, qu'il n'appartient pas au juge de fixer, pour l'avenir, le salaire dû, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'EN TOUT ETAT la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en déboutant le salarié de sa demande tendant à la fixation de son salaire pour l'avenir, aux motifs qu'il n'appartenait pas au juge, de fixer pour l'avenir, le salaire dû, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs au titre de la réparation de la violation du principe « à travail égal, salaire égal » qu'elle constatait, en méconnaissance du principe susvisé ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-20469;15-20470;15-20472;15-20474;15-20475;15-20476;15-20477;15-20485
Date de la décision : 22/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 24 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 mar. 2017, pourvoi n°15-20469;15-20470;15-20472;15-20474;15-20475;15-20476;15-20477;15-20485


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.20469
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