LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 octobre 2015), que M. [T], employé en qualité d'agent du service commercial de l'établissement public industriel et commercial SNCF, devenu SNCF mobilités, a fait l'objet d'une mise à pied d'un jour avec sursis pour avoir eu, sur la période du 1er janvier au 31 août 2010, une activité très insuffisante concernant la vérification des titres, la lecture des cartes Pastel, les procès-verbaux et l'usage de "TPE" pour régler les transactions ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en contestation de cette sanction et pour obtenir des dommages et intérêts et être placé dans un positionnement avec une rémunération supérieure ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'agent fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en annulation de la mise à pied disciplinaire et en condamnation de l'employeur à lui verser des dommages et intérêts pour sanction abusive, alors, selon le moyen :
1°) que l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute ; qu'en se fondant, pour estimer que la sanction disciplinaire était justifiée, sur le fait que M. [T] ne réalisait que 0,8 opérations par jour tandis que la moyenne de l'équipe était de 3,35 et sur son activité insuffisante concernant la vérification des titres, la lecture des cartes Pastel, les procès verbaux et l'usage de TPE, cependant que de tels manquements, dont elle n'a pas constaté qu'ils révélaient la mauvaise volonté délibérée du salarié, ne pouvaient tout au plus caractériser qu'une insuffisance professionnelle et non une faute susceptible de justifier une sanction disciplinaire, la cour d'appel, qui n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, a violé l'article L. 1331-1 du code du travail.
2°) que l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute ; qu'en retenant que les agissements de M. [T] étaient constitutifs d'une faute justifiant la mise à pied disciplinaire dont il avait fait l'objet, au regard du faible nombre d'opérations réalisé par rapport à celui réalisé par ses collègues, sans rechercher si ces carences étaient dues à une mauvaise volonté délibérée du salarié, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une mauvaise volonté délibérée du salarié, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail ;
3°) qu'en s'abstenant de répondre au moyen pertinent soulevé par M. [T] qui faisait valoir que les agents n'avaient aucun objectif à réaliser et que, au contraire, l'agent devait contrôler les clients si ce contrôle était nécessaire, ce dont il résultait que la faute ne pouvait être aucunement fondée sur la non atteinte d'objectifs inexistants, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté qu'en septembre 2010, le nombre d'opérations réalisées par le salarié tant au niveau de la vérification des titres de transport que de l'établissement de procès-verbaux était nettement inférieur à la moyenne de celui de ses collègues et qu'il n'utilisait pas les appareils informatiques afin de régler les transactions, a pu retenir, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la carence de l'agent était fautive et que sa poursuite sur une longue période malgré les suivis professionnels justifiait la sanction ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'agent fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de requalification C, niveau II 13 et de ses demandes de versement rétroactif des salaires dus à ce titre depuis janvier 2011, alors, selon le moyen, qu'il faisait valoir, dans ses écritures, qu'une partie des positions est attribuée automatiquement aux salariés les plus anciens, qui relèvent, en tant que tels, du contingent prioritaire ; que, pour que tel ne soit pas le cas, il est nécessaire de produire une « objection motivée du service » ; qu'ils faisaient partie de ce contingent prioritaire, ce qui n'était pas contesté par l'employeur, et qu'aucune objection motivée du service n'avait été produite par ce dernier ; qu'il s'en déduisait qu'ils auraient donc dû bénéficier de la position de rémunération demandée ; qu'en ne répondant pas à ce chef de conclusions pourtant déterminant de la solution du litige, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'il résultait de l'article 13-4 du chapitre 6 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel que "le choix des agents susceptibles de bénéficier du classement sur la position supérieure est fait en fonction de la qualité des services et de l'expérience acquise", la cour d'appel a relevé que l'agent avait été sanctionné à plusieurs reprises depuis 2005 et qu'en 2011, il avait obtenu, pour l'ensemble de ses activités, une note de 38 sur 215 alors que les agents qui avaient été promus à cette même période avaient bénéficié de notes comprises entre 140 et 204 et a pu décider, répondant aux conclusions, que l'agent ne pouvait pas bénéficier d'une promotion ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. [T].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [T] de sa demande tendant à voir annuler la mise à pied disciplinaire qui lui a été notifiée le 2 décembre 2010 et à la condamnation de l'employeur à lui verser des dommages et intérêts pour sanction abusive.
AUX MOTIFS propres QUE le juge du contrat de travail saisi de la contestation sur le bien fondé d'une sanction disciplinaire peut l'annuler si elle apparait irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée. L'employeur doit fournir au juge les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction: le salarié fournit, également, les éléments qui viennent à l'appui de ses allégations. En l'espèce, selon les termes même du courrier de notification au salarié de la sanction litigieuse, les faits qui lui sont reprochés tiennent, sur la période du 1er janvier au 31 août 2010, à une activité très insuffisante concernant la vérification des titres, la lecture des cartes Pastel, les procès verbaux et l'usage de TPE afin de régler les transactions. Quatre missions sont dévolues aux agents du service commercial des trains (ASCT); - la sécurité (opérations liées au départ des trains, à l'arrêt des trains en pleine voie, rondes...) -la sûreté (connaissances réglementaires, positionnement.) - le service (gestion des annonces, port de la tenue, accueil des clients.....) - la sauvegarde des recettes (contrôle des titres de transport et régularisation des voyageurs sans titre de transport valable). A l'appui de la sanction infligée à M. [U] [T], la SNCF produit, notamment aux débats le dossier "suivi des signalements, réclamations - inactivité à bord du train (vérification des titres et service d'hôte)" relatif à l'intimé ayant donné lieu à l'entretien du 1er décembre 2010 portant les appréciations suivantes sur le comportement de J'intéressé :- à la date du 30 septembre 2010 : ''sur la période allant du 1/1/2010 au 31/8/2010, il a été constaté une inactivité de votre part concernant la vérification des titres. En effet, votre moyenne de nombre opérations par journée de travail est de 0, 82 alors que la moyenne de votre équipe est de 3,24. Vous avez lu 29 cartes pastel alors que votre équipe cumule un total de 24226 cartes lues sur cette même période soit une moyenne de 1 345 cartes par agent. Vous avez établi sur cette période un nombre total de 07 procès verbaux alors que l'équipe en totalise 1004 soit une moyenne de 55 par agent. Depuis, le 1er janv1er on constate également que vous n'avez pas fait usage du TPE afin de régler les transactions''_ -à la date du.1erdécembre 2010, aucune amélioration n'était constatée. Ces différents chiffres et ratios ne sont pas critiqués par l'intimé. Il résulte, en outre, du dossier qu'en 2010, M [T] a réalisé 0,88 opérations par jour alors que la moyenne de son équipe s'élevait dans le même temps à 3,35. La carence fautive invoquée par l'employeur relativement à son activité commerciale est, donc, avérée et sa persistance sur une période d'une année nonobstant les suivis professionnels justifie le bien fondé de la sanction qui lui a été notifiée.
ALORS QUE l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute ; qu'en se fondant, pour estimer que la sanction disciplinaire était justifiée, sur le fait que M. [T] ne réalisait que 0,8 opérations par jour tandis que la moyenne de l'équipe était de 3, 35 et sur son activité insuffisante concernant la vérification des titres, la lecture des cartes Pastel, les procès verbaux et l'usage de TPE, cependant que de tels manquements, dont elle n'a pas constaté qu'ils révélaient la mauvaise volonté délibérée du salarié, ne pouvaient tout au plus caractériser qu'une insuffisance professionnelle et non une faute susceptible de justifier une sanction disciplinaire, la cour d'appel, qui n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, a violé l'article L 1331-1 du code du travail.
Et ALORS QUE l'insuffisance professionnelle, sauf mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute ; qu'en retenant que les agissements de M. [T] étaient constitutifs d'une faute justifiant la mise à pied disciplinaire dont il avait fait l'objet, au regard du faible nombre d'opérations réalisé par rapport à celui réalisé par ses collègues, sans rechercher si ces carences étaient dues à une mauvaise volonté délibérée du salarié, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une mauvaise volonté délibérée du salarié, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1331-1 du code du travail.
ALORS QU'en s'abstenant de répondre au moyen pertinent soulevé par M. [T] qui faisait valoir que les agents n'avaient aucun objectif à réaliser et que, au contraire, l'agent devait contrôler les clients si ce contrôle était nécessaire, ce dont il résultait que la faute ne pouvait être aucunement fondée sur la non atteinte d'objectifs inexistants, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [T] de sa demande de requalification au niveau C II 13 et de sa demande de versement rétroactif des salaires dus à ce titre depuis janvier 2011.
AUX MOTIFS QUE la carence fautive invoquée par l'employeur relativement à son activité commerciale est, donc, avérée et sa persistance sur une période d'une année nonobstant les suivis professionnels justifie le bien fondé de la sanction qui lui a été notifiée. M. [U] [T] soutient, par ailleurs, que faisant partie du contingent prioritaire pour l'année 2011, un passage à une position de rémunération supérieure aurait dû être effectué à son bénéfice. Cependant ainsi qu'Il résulte de l'article 13-4 du chapitre 6 du statut des relatons collectives entre la SNCF et son personnel : "le choix des agents susceptibles de bénéficier du classement sur la position supérieure est fait en fonction de la qualité des services et de l'expérience acquise......" Or il ressort des pièces du dossier que :- M. [U] [T] a été sanctionné à six reprises depuis 2005 (absence à la P.S. non-respect de la procédure de la séquence de départ, pas de port de casquette, absence signalée sur un train, activité insuffisante concernant la vérification des titres, la lecture des cartes pastel et l'usage de TPE afin de régler les transactions). - en 2011, pour l'ensemble de ses activités, (notamment sauvegarde des recettes mais aussi respect du temps d'accueil, respect des règles telles la reconnaissance de la rame ou la visibilité aux arrêts, rapports de voyage), il a obtenu la note 38 sur 215, étant relevé que les agents qui ont été promus, à cette même période, ont obtenu des notes comprises entre 140 et 204. Dans ces conditions, M. [U] [T] ne peut être que débouté de l'ensemble de ses demandes au titre de sa promotion.
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE Monsieur [T] [U] occupe les fonctions d'agent du service commercial des trains. Monsieur [T] [U] soutient qu'il n'a jamais bénéficié de la qualification C II 13 alors que celle-ci aurait dû lui être attribuée dès l'année 2011. Il considère que le ·fait de ne pas lui avoir attribué cette position de rémunération relève d'une sanction disciplinaire déguisée voire même d'une double sanction. La S.N.C.F quant à elle vient soutenir qu'effectivement Monsieur [T] [U] n'a pas • assuré un service satisfaisant ayant été sanctionné à six reprises, dont six fois pour des problèmes de · sécurité (non-respect des procédures de sécurité, refus d'accuser réception d'une consigne). ll convient donc de déterminer si la décision de ne pas attribuer à. Monsieur [T] [U] la position 13 de rémunération au mois de janvier 2011 relevait ou non d'une sanction disciplinaire · déguisée. Les dispositions de l'article 13-4 du statut des relations collectives entre la S.N.C.F et son personnel régissant la progression de carrière des agents de la S.N.C.F est ainsi rédigé : « Le choix des agents susceptibles de bénéficier du classement sur la position supérieure est fait en · fonction de la qualité des services assurés et de l'expérience acquise. Toutefois, sont classés par · priorité sur la position supérieure sous réserve d'assurer un service satisfaisant, les agents les plus· anciens en positon à concurrence d'une fraction du nombre N, ci-dessus égale à:1/2 pour Je personnel • A, B, C, TA et TB ». A la date de saisine du Conseil, Monsieur [T] [U] était déjà placé au second niveau de la qualification C, position de rémunération 12. Il est certain que compte tenu de son ancienneté, Monsieur [T] [U] pouvait être placé en position prioritaire début de l'année 2011. Toutefois, la lecture des dispositions du statut permet de dire que le placement dans la position. Supérieure constitue une promotion qui ne dépend pas de la seule ancienneté, ni même d'une position · prioritaire. En l'espèce, si l'ancienneté assure effectivement cette position prioritaire, il n'en demeure • pas moins que le classement dans la position supérieur demeure une promotion choisie sur des critères. de choix par l'employeur, en particulier la qualité des services assurés et l'expérience acquise. Compte tenu des éléments versés aux débats et dossiers par les parties, il s'en déduit que le fait de ne pas accorder en .2011 cette position à Monsieur [T] [U] ne relève pas d'une sanction disciplinaire déguisée. En effet, il n'en demeure pas moins que le fait de ne pas attribuer la position 13 à Monsieur [T] [U] ne peut être considéré comme fautif au regard de la position prioritaire de ce dernier au· regard de son ancienneté et des entretiens d'évaluation. Par ailleurs, il n'est pas justifié d'une quelconque disparité de traitement avec d'autres salariés, étant observé que Monsieur [T] [U] a connu un certain déroulement de carrière normal depuis son embauche le 1er février 1981, puisqu'il a une progression certaine, étant en 2010 en position. C II, position 12. En conséquence, Monsieur. [T] [U] sera débouté de ses demandes au titre de sa qualification.
ALORS QUE M. [T] faisait valoir, dans ses écritures, qu'une partie des positions est attribuée automatiquement aux salariés les plus anciens, qui relèvent, en tant que tels, du contingent prioritaire ; que, pour que tel ne soit pas le cas, il est nécessaire de produire une « objection motivée du service » ; que M. [T] faisait partie de ce contingent prioritaire, ce qui n'était pas contesté par l'employeur, et qu'aucune objection motivée du service n'avait été produite par ce dernier ; qu'il s'en déduisait que M. [T] aurait donc dû bénéficier de la position de rémunération demandée ; qu'en ne répondant pas à ce chef de conclusions pourtant déterminant de la solution du litige, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile.