CIV.3
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 janvier 2017
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10038 F
Pourvoi n° H 16-10.121
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par :
1°/ M. [I] [W], domicilié chez Madame [U] [W], [Adresse 1],
2°/ M. [W] [W],
3°/ M. [J] [W],
domiciliés tous deux chez Madame [A] [P], [Adresse 2],
contre l'arrêt rendu le 12 mars 2015 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre, section AO1), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [T] [X],
2°/ à Mme [L] [T], épouse [X],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 décembre 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Guillaudier, conseiller référendaire rapporteur, M. Nivôse, conseiller, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat des consorts [W], de la SCP Richard, avocat de M. et Mme [X] ;
Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts [W] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts [W] ; les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme [X] ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour les consorts [W].
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts [W] de leur demande de condamnation de paiement des époux [X] de la somme de 19 092,98 euros au titre des intérêts de retard du prix de vente de l'immeuble à compter de sa prise de possession jusqu'au paiement du capital entre les mains du notaire, soit les intérêts de la somme de 260 000 euros entre le 12 avril 2005 et le 5 juin 2006, et des frais supplémentaires des taxes foncières pour les périodes d'avril à décembre 2005 et de janvier à décembre 2006 ;
AUX MOTIFS QUE « - Sur le paiement des intérêts du prix de vente : M. [W] demande le paiement des intérêts du prix de vente de l'immeuble à compter de sa prise de possession, le 12 avril 2005, par les époux [X] jusqu'au paiement du capital entre les mains du notaire le 5 juin 2006. Par jugement du 17 mars 2005, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 14 mars 2006, le tribunal de grande instance de Narbonne a dit que la vente de l'immeuble entre les époux [X] et M. [W] était parfaite, a condamné M. [W] à délivrer l'immeuble sous astreinte, a prononcé son expulsion et l'a condamné à payer aux époux [X] la somme de 13 000 euros à titre de clause pénale. En application de cette décision assortie du bénéfice de l'exécution provisoire les époux [X], le 12 avril 2005, en présence d'un huissier de justice, ont obtenu de M. [W] la remise des clés de l'immeuble dont ils ont pris possession. Cependant les acquéreurs n'ont pas payé le prix de vente en application des dispositions de l'article 1651 du code civil. En effet M. [W], le 15 avril 2005, avait relevé appel général du jugement du 17 mars 2005. Par conclusions déposées au mois de décembre 2005 il a cependant cantonné son appel au paiement de la clause pénale et au coût du procès-verbal de défaut du 13 janvier 2005. Mais l'ensemble du litige déterminé en première instance étant, par un appel non limité à certains chefs, dévolu en totalité à la juridiction du second degré, la portée des conclusions pouvait, jusqu'à l'achèvement de la procédure d'appel, être élargie à toutes les prétentions initiales. Les époux [X] ont fait application à juste titre des dispositions de l'article 1653 du code civil en suspendant le paiement du prix de vente jusqu'à la disparition de la menace d'éviction. En effet cet article, dont les termes ont un caractère énonciatif, est applicable toutes les fois que le paiement du prix est réclamé à un acheteur contre lequel est dirigée une action qui peut avoir pour résultat de l'évincer. Même en présence d'une décision ayant force exécutoire, un recours atteste la persistance de la prétention du revendiquant et son intention de la faire valoir en justice. Cette circonstance constitue pour l'acquéreur une menace et un trouble justifiant la suspension du paiement du prix. En outre, le prix de vente devait être acquitté au moyen d'un prêt consenti par la BNP Paribas. Or les époux [X] n'avaient plus la disponibilité des fonds restitués, à leur demande, à la banque par le notaire au regard des dispositions des articles L 313-12 et L 312-14 du code de la consommation. Par courrier du 24 février 2005 la banque avait précisé au notaire que les fonds seraient débloqués après jugement définitif sur la validité de la vente permettant l'inscription à son bénéfice d'un privilège de prêteur de deniers. Par courrier du 30 janvier 2006 le notaire précisait qu'il n'avait pas pu procéder au dépôt du jugement en vue de sa publicité en l'état de l'appel de M. [W] entraînant l'impossibilité de garantir la banque par l'inscription d'une sûreté réelle. Cependant aucune lettre de refus de dépôt ou de publicité du conservateur n'est produite aux débats. Or un jugement, même susceptible d'appel, constitue par nature un titre authentique susceptible de publication destinée à l'information des tiers. Toutefois il n'appartenait pas aux époux [X] de remettre en cause la réponse écrite du notaire concernant le refus de publicité ou celle de la banque s'opposant au déblocage des fonds en l'absence d'inscription de son privilège. Ils n'ont donc commis aucune faute en se dessaisissant des fonds prêtés par la BNP Paribas. Après confirmation par la cour, dans son arrêt du 14 mars 2006, du caractère parfait de la vente le notaire a reçu de la BNP Paribas les fonds prêtés le 5 juin 2006 et les a transmis à M. [W]. La demande de ce dernier en paiement des intérêts de retard sur le prix de vente doit donc être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le paiement des taxes foncières des années 2005 et 2006 : La taxe foncière de l'année 2005 s'élevait à la somme de 1.302 euros. Les époux [X] entrés en possession de l'immeuble le 12 avril 2005, sont redevables, prorata temporis de la somme de 942,48 euros. Le montant de la taxe foncière de l'année 2006 était de 1.342 euros devant être intégralement supportée par les acquéreurs. Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur les intérêts de retard. Attendu que pour financer l'acquisition du bien immobilier litigieux, les acquéreurs ont eu recours à un prêt et il est résulté des pièces mises au débat que la BNP Paribas a adressé les fonds au notaire le 7 janvier 2005 ; Que les fonds n'ont cependant pas pu être libérés, en l'état de la non-réitération de l'acte de vente devant le notaire suite à l'absence de M. [W], constatée par procès-verbal de défaut du 12 janvier 2005 ; Que par ailleurs, l'inscription d'une sûreté réelle sur le bien au profit de l'organisme prêteur n'a pas été possible en l'état de l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement du 17 mars 2005 ; Que finalement, le caractère parfait de la vente a été confirmé par la cour dans son arrêt du 14 mars 2006, signifié le 31 mars suivant et offrant donc un délai de pourvoi expirant le 31 mai 2006 ; Qu'il convient de rappeler que l'inscription d'une sûreté réelle au bénéfice de la banque prêteur de deniers, suppose que soit préalablement publié le titre propriété de l'emprunteur ; Qu'en l'état de l'appel général formé par M. [W], cette formalité d'inscription n'a pu se faire et le délai imparti aux acquéreurs pour se libérer des fonds n'a expiré qu'à la date du 31 juillet 2006 ; Qu'il est constant que le notaire chargé de l'acte a reçu les fonds le 5 juin 2006 ; Qu'il importe peu que ceux-ci n'aient été versés à M. [W] que le 10 août 2006, dès lors qu'il est établi que les époux [X] se sont valablement libérés entre les mains du notaire plus de deux mois auparavant ; que la demande des consorts [W] relative aux intérêts de retard doit donc être rejetée ;
Sur les taxes foncières 2005 et 2006. Attendu qu'il est constant que l'acte sous seing privé prévoit que : « l'acquéreur s'oblige à acquitter à compter du jour de l'entrée en jouissance tous les impôts, charges et contributions de toute nature mis ou à mettre sur le bien vendu, ainsi que les redevances et cotisations pouvant le cas échéant concerner l'eau, le gaz et l'électricité. Que M. [W] n'a remis les clés de l'immeuble aux époux [X] que le 12 avril 2005, de sorte que la taxe foncière au titre de l'année 2005 n'est due par eux qu'à compter de cette date, c'est-à-dire au prorata temporis, soit 942,48 euros ; Qu'il est constant que la taxe de 2006 s'élève à 1 342 euros et qu'elle doit être intégralement supportée par les acquéreurs ; Qu'en revanche, les frais réclamés par les consorts [W] ne sauraient être dus par les époux [X], dès lors que comme il a été vu plus haut, le vendeur a reçu les fonds le 10 août 2006 et qu'en mai 2007 il n'avait toujours pas réglé la taxe foncière 206, alors que sa date limite de paiement était au 15 octobre 2006 ; Qu'il convient en outre de rappeler que le retard des époux [X] à payer le prix de vente est imputable à l'appel de M. [W], qui a empêché la BNP Paribas d'inscrire son hypothèque et, par suite, à libérer les fonds ; Que les frais réclamés sont, en tout état de cause, non des impôts ou des taxes afférents au bien vendu, mais sanctionnent un retard de paiement auprès de l'administration fiscale ; Que dans ces conditions, ils doivent rester à la charge su seul retardataire, M. [W], étant au surplus précisé que ce dernier n'a jamais réclamé aux acquéreurs le règlement de ces frais jusqu'à l'introduction de la présente procédure ».
ALORS, D'UNE PART, QUE l'effet dévolutif est limité par l'acte d'appel et par les conclusions déposées en défense ; que le juge d'appel ne peut connaître que des chefs de demande qui lui sont soumis ; qu'après avoir constaté que M. [W] avait cantonné son appel au paiement de la clause pénale et au coût du procès-verbal de défaut du 13 janvier 2005 et accepté le principe de la vente, tout en déduisant que l'appel n'était pas limité à certains chefs et qu'ainsi la vente pouvait être remise en cause, les juges du fond qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations ont violé l'article 562 du code de procédure civile.
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs : que M. [W] avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que « ne contestant point le bien-fondé de l'action de vente forcée engagée par les époux [X], M. [I] [W] a relevé appel (du) jugement le 15 avril 2005, pour tenter d'échapper au paiement de la somme de 13 000 euros au titre de la clause pénale et du procès-verbal de défaut du 13 janvier 2005. Par courrier en date du 22 avril 2005, le précédent Conseil de M. [I] [W] lui indiquait qu'il se rapprochait de Me [Y] pour savoir ce qu'il comptait faire des fonds lui revenant à la suite du jugement. Par courrier en date du 9 mai 2005, Me [Y] informait [K] de la répartition des fonds qu'il détenait à son étude. Surtout force est de constater que dans leurs conclusions d'appel établies le 9 décembre 2005, les époux [X] ont reconnu par l'intermédiaire de leur conseil et ce, de manière certaine, que l'appel de M. [I] [W] était « cantonné à l'allocution de la somme de 13.000 euros au titre de la clause pénale et au paiement du procès-verbal de défaut du 13 janvier 2005 » (pièce 11 : page 3 « II- OBJET DE L'APPEL). Or, il résulte de l'article 1356 du code civil que l'aveu fait pleine foi contre celui qui l'a fait et il en est ainsi même dans le cas où la preuve doit être administrée par écrit. D'ailleurs, dans son arrêt, la Cour a également noté que les conclusions d'appel de M. [W] ne portaient exclusivement que sur sa condamnation au paiement de la clause pénale et du coût du procès-verbal de défaut (pièce 26). Les consorts [X] savaient donc parfaitement que M. [W] ne remettait pas en cause leur droit de propriété, la vente ayant été déclarée parfaite en application de l'article 1583 du code civil » (production n° 2, p. 9 et p. 10) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à influer sur la solution du litige dans la mesure où si l'effet dévolutif de l'appel ne s'appliquait pas à la question de la vente, celle-ci étant parfaite dès le jugement du 17 mars 2005 ordonnant l'exécution provisoire, seul devait être pris en compte comme date de point de départ de la somme afférente au prix de vente due par les époux [X], celle de la prise de possession du bien découlant de l'exécution provisoire dudit jugement, soit le 12 avril 2005, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE si l'acheteur est troublé ou craint d'être troublé par une action, soit hypothécaire, soit en revendication, il peut suspendre le paiement du prix jusqu'à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n'aime celui-ci donner caution, ou à moins qu'il n'ait été stipulé que, nonobstant le trouble, l'acheteur payera ; qu'en se bornant à retenir que les époux [X] avaient fait application à juste titre des dispositions de l'article 1653 du code civil en suspendant le paiement du prix de vente jusqu'à la disparition de la menace d'éviction, sans rechercher ainsi qu'il lui était demandé si l'appel de M. [W] portant exclusivement sur la clause pénale et le coût du procès-verbal de défaut du 13 janvier 2005 ne constituait aucun risque d'éviction, les juges du fond ont privé de base légale leur décision au regard l'article 1653 du code civil.
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la principale obligation de l'acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente ; que dès lors que la matérialité des livraisons est reconnue, l'acquéreur ayant utilisé et conservé les marchandises, il lui incombe d'en payer le prix et il doit l'intérêt du prix de la vente jusqu'au payement du capital si la chose vendue et livrée produit des fruits ou autres revenus, si l'acheteur a été sommé de payer ; que par jugement en date du 17 mars 2005, le tribunal de grande instance de Narbonne a ordonné l'exécution provisoire entraînant ainsi la mise à disposition du bien par le vendeur auprès de l'acquéreur mais celui-ci a toutefois demandé au notaire de restituer les fonds libérés par la banque auprès du notaire ; qu'après avoir constaté que les époux [X] avaient pris possession du bien le 12 avril 2005 suite au jugement du 17 mars 2005 dont l'appel était cantonné au paiement de la clause pénale et au coût du procès-verbal de défaut du 13 janvier 2005, mais n'avaient pas payé le prix de vente et avaient demandé à leur notaire de restituer les fonds à la banque, sans les condamner au paiement des intérêts de retard portant sur le prix de vente de l'immeuble et des frais supplémentaires des taxes foncières, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de leurs propres constations et partant ont violé les articles 1650 et 1652 du code civil.