La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2017 | FRANCE | N°15-28.926

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 19 janvier 2017, 15-28.926


CIV. 2

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2017




Rejet non spécialement motivé


M. PRÉTOT, conseiller doyen faisant fonction de président



Décision n° 10035 F

Pourvoi n° B 15-28.926






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision sui

vante :

Vu le pourvoi formé par M. [Q] [E], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur de l'établissement public en liquidation Charbonnages de France,
...

CIV. 2

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2017




Rejet non spécialement motivé


M. PRÉTOT, conseiller doyen faisant fonction de président



Décision n° 10035 F

Pourvoi n° B 15-28.926






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par M. [Q] [E], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur de l'établissement public en liquidation Charbonnages de France,

contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2015 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 3 - sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [K], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), dont le siège est [Adresse 3], ayant pour mandataire de gestion la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, Assurance maladie des mines,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 décembre 2016, où étaient présents : M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cadiot, conseiller rapporteur, M. Poirotte, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de M. [E], ès qualités, de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. [K] ;

Sur le rapport de M. Cadiot, conseiller, l'avis de Mme Lapasset, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [E] ès qualités aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [E] ès qualités et le condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. [E] ès qualités.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir dit que CdF avait commis une faute inexcusable ayant entraîné la maladie professionnelle de M. [K], inscrite au tableau 25 et, en conséquence, d'avoir fixé au maximum l'indemnité en capital attribué à M. [K], dit que, dans l'hypothèse d'une aggravation de l'état de santé de M. [K] modifiant le taux d'incapacité, la rente sera majorée à son maximum et cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle, dit qu'en cas de décès des conséquences de sa maladie professionnelle, la rente versée au conjoint survivant sera majorée au maximum, dit que la majoration de rente sera directement versée à M. [K] par la Carmi de l'Est, fixé l'indemnisation due à M. [K] aux sommes suivantes : 20 000 € en réparation du préjudice moral, 10 000 € en réparation de ses souffrances physiques, 5 000 € en réparation de son préjudice d'agrément, et dit que la CANSSM, représentée par la CPAM de Moselle, versera la somme de 35 000 € directement entre les mains de M. [K] ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger ; qu'il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures de protection qui s'imposaient ; qu'ainsi que le révèlent les premiers juges, l'exposition au risque de M. [K] n'est pas contestée ; que Charbonnages de France reconnaît et même revendique la conscience que les Houillères avaient de ce que ses salariés étaient exposés à des risques sanitaires importants ; que c'est donc en toute conscience que les Houillères faisaient travailler au fond des jeunes hommes à peine âgés de 16 ans, qui était à l'âge de M. [K] au moment de son embauche ; que s'agissant des mesures individuelles et collectives que Charbonnages de France soutient avoir prises durant l'exploitation des mines de charbon, dont celles où travaillait M. [K], les premiers juges ont, par des motifs sérieux et pertinents, que la cour adopte, considéré qu'elles étaient tardives et insuffisantes, et qu'elles n'étaient pas nécessairement mises en oeuvre ni appliquées ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit la maladie déclarée par M. [K] due à la faute inexcusable de l'employeur et ordonné la majoration au maximum du capital versé par la caisse ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. [W] [K], né le [Date naissance 1] 1945, a travaillé en qualité d'apprenti mineur fond, de boiseur foudroyeur fond, de boiseur foudroyeur piqueur fond, d'élargisseur galeries fond, de piqueur traçage et montage fond, de transp. Aide instal. Taille fond, de piqueur boiseur foudroyeur fond, de bowet et raucheur et élargiss. Gal fond, de piqueur instal. Taille et raucheur fond, de transp. Et piqueur et cond. [F]. [U]. Fond, de piqueur et ouvr. Annexe TP et instal. Tail. Fond, d'élargisseur galerie fond, de piqueur trac et boulonneur chantier fond, au sein des Houillères du bassin de Lorraine du 23 octobre 1961 au 2 septembre 1964, puis du 3 janvier 1966 au 7 avril 1975, puis du 31 mai 1977 au 2 juillet 1995 ; que M. [W] [K] a été exposé au risque du 23 octobre 1961 jusqu'au 2 juillet 1995, selon l'attestation obtenue le 13 avril 2011 par l'Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs ; que la maladie déclarée par M. [W] [K] au titre du tableau des maladies professionnelles n°25, concerne les « affections consécutives à l'inhalation de poussières minérales renfermant de la silice cristalline (quartz cristobalite, tridymite), des silicates cristallines (kaolin, talc) du graphite ou de la houille » ; que les attestations de la part de collègues de travail de M. [W] [K] produites attestent de ses conditions de travail, établissent qu'il a été exposé au risque, qu'il n'a pas bénéficié d'un équipement de protection sous forme de masque avant début 1966, que si après 1966 les masques étaient présents, il manquait des filtres en quantité suffisante, que la médecine du travail n'était pas présente au fond ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il convient de rappeler que la preuve de la faute inexcusable incombe à la victime ou à ses ayants droit en leur qualité de demandeur à l'instance ; que la conscience du danger renvoie à l'exigence de prévision raisonnable des risques, ne suppose pas une connaissance effective de la situation créée, mais la conscience que l'employeur devait ou aurait dû normalement avoir du danger, laquelle suppose de prendre les mesures nécessaires à la préservation du salarié dudit danger ; que M. [W] [K] invoque que : - l'exposition au risque est indiscutable puisque le caractère professionnel de la maladie déclarée a été reconnu ; - que les Charbonnages de France ont eu une conscience du danger particulièrement concrète, en raison de la législation existante en la matière depuis très longtemps et du fait qu'ils disposaient d'un service de médecine du travail particulièrement développé, ainsi que d'un centre d'études et de recherche actif ; - que les attestations de collègues de travail confirment son exposition au risque ; que les Charbonnages de France, EPIC en liquidation, invoquent que : - les Houillères du Bassin de Lorraine avaient parfaitement conscience du danger représenté par les poussières nocives (de quartz et de charbon), mais de plus elles revendiquent cette conscience du risque ; que l'exploitant s'est toujours adapté aux évolutions techniques disponibles commercialisées et il a été lui-même à l'origine d'amélioration notables dans les systèmes de protection des équipements miniers en collaboration avec les fournisseurs ; qu'il en résulte que les Charbonnages de France, venant aux droits des Houillères du bassin de Lorraine, ont eu conscience du risque auquel ils exposaient les salariés qu'ils employaient, et en particulier M. [W] [K] ; que quant aux mesures mises en place pour préserver les salariés exposés du risque, les Charbonnages de France, venant aux droits des Houillères du bassin de Lorraine, invoquent d'importants efforts, compte tenu : - du rôle majeur donné à la prévention médicale au sein de l'entreprise, en collaboration avec le Centre d'études et de recherche des Charbonnages de France ; - que de la protection individuelle sous forme de masques anti-poussières mise en place au sein de l'entreprise ; - que de la protection collective par la mise en place de dispositifs permettant de contrôler et de lutter contre l'empoussiérage ; qu'il convient de rappeler que le problème de l'inhalation des poussières a été connu très tôt, et dès 1893, une règlementation sur les prescriptions de sécurité en matière d'évacuation des poussières a été mise en place, pour aboutir à la création en 1945 du tableau n°25 des maladies professionnelles, que le décret du 4 mai 1951 qui dispose dans son article 187 que concernant « la mise en suspension ou l'accumulation de poussières, des mesures doivent être prises pour y remédier » , a été suivi du décret du 24 décembre 1954 et de l'instruction du 30 novembre 1956, relatifs à la prévention de la silicose ; que cependant, il résulte des documents produits que : - s'il existait bien, au sein de l'entreprise, une médecine du travail et un centre de recherches spécialisé effectuant des études sur la population des mineurs en vue de codifier les risques et aptitudes, rien n'est indiqué concernant l'impact de ces études sur le travail du personnel en contact direct avec le risque, autrement que par une surveillance médicale statistique qui, certes est importante lors de l'apparition et l'évolution de la maladie, mais ne suffit pas à justifier l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur ; - qu'il n'est pas établi que la médecine du travail a, lors des visites médicales, sensibilisé le personnel au risque, ni que tout le monde employé au fond a été bénéficiaire de visites médicales ; - que des masques de protection étaient utilisés dans l'entreprise dès 1947-1950 mais que le port du masque n'a pas été obligatoire et réservé à certains sites ou services, que les masques n'étaient pas performants, que leur distribution était aléatoire et insuffisante ; - que le choix des Houillères du Bassin de Lorraine a été d'inciter au port du masque, alors que l'absence de port du masque n'était pas suivi de sanction efficace, ce qui ruinait, en conséquence, l'incitation mise en place ; - que des contrôles de poussières produites ont été développés à partir de 1989 et des systèmes de protection collective sous forme de dispositifs d'arrosage et d'apport d'eau ont été mis en place progressivement au sein de l'entreprise ; - que si des améliorations ont été apportées aux machines utilisées et des innovations à l'exploitation, rien n'est indiqué concernant l'efficacité sur l'élimination des poussières autrement que par une preuve statistique d'une évolution à la baisse de l'empoussiérage, ce qui ne permet pas de justifier de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, alors que les textes en vigueur, rappelés plus haut, imposent des mesures pour y remédier ; que par ailleurs, il ne résulte pas des documents produits que M. [W] [K] ait été informé du risque silicose lié à la respiration des poussières nocives, ni qu'il a été formé à la sécurité préventive spécifiquement audit risque, ni qu'il a bénéficié d'un suivi médical spécifique aux salariés exposés aux risques ; qu'il convient, en conséquence, de conclure que les Charbonnages de France n'ont pas pris toutes les mesures de protection nécessaires à mettre en oeuvre à l'égard de M. [W] [K] ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'organisation du travail de M. [W] [K] par les Charbonnages de France, venant aux droits des Houillères du bassin de Lorraine, et la gestion des risques en découlant, n'ont pas été effectuées par appréciation du risque global de son emploi ; qu'il convient, en conséquence, de dire que les Charbonnages de France ont commis une faute inexcusable ayant entraîné la maladie professionnelle de M. [W] [K], inscrite au tableau 25 ;

1°) ALORS QU'il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et de ce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en se fondant sur les pièces produites par CdF pour considérer que l'employeur n'avait pas pris toutes les mesures de protection nécessaires à mettre en oeuvre à l'égard de M. [K], quand il incombait à M. [K] de prouver que son employeur, qui reconnaissait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1315 du code civil ;

2°) ALORS QU'en se bornant à adopter les motifs des premiers juges retenant « qu'il ne résulte pas des documents produits que M. [W] [K] ait été informé du risque silicose lié à la respiration des poussières nocives, ni qu'il a été formé à la sécurité préventive spécifiquement audit risque », sans s'expliquer sur les conclusions circonstanciées de l'employeur, étayées par de nombreuses pièces, démontrant qu'il avait formé et informé son personnel tout au long de la période de travail sur le danger présenté par l'exposition aux poussières, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) ALORS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que les mesures de protection, tant individuelles que collectives, mises en oeuvre par l'employeur doivent s'apprécier au regard des connaissances scientifiques et techniques en la matière au cours de la période pendant laquelle le salarié a été exposé ; qu'en se fondant sur le manque de performance des masques distribués aux salariés, pour retenir la faute inexcusable de CdF, sans rechercher si les connaissances techniques et des progrès scientifiques de l'époque permettaient une meilleure protection du salarié que celle offerte par CdF à son personnel, tout en constatant que des améliorations avaient été apportées aux machines utilisées et des innovations à l'exploitation, la cour d'appel a, une nouvelle fois, entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 15-28.926
Date de la décision : 19/01/2017
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Deuxième chambre civile, arrêt n°15-28.926 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 19 jan. 2017, pourvoi n°15-28.926, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28.926
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award