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18/01/2017 | FRANCE | N°15-27730

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2017, 15-27730


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que les sociétés ESR et ESR Consulting forment en application d'un accord collectif du 1er août 2006 une unité économique et sociale comprenant au plan des institutions représentatives du personnel un comité d'entreprise et deux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) mis en place sur une base géographique, le CHSCT « Velizy » et le CHSCT « Lyon » ; que le renouvellement des mandats des membres de ces CHSCT a été organisé à partir du 30

mai 2015 et que les élections se sont déroulées le 1er juillet suivant ; qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que les sociétés ESR et ESR Consulting forment en application d'un accord collectif du 1er août 2006 une unité économique et sociale comprenant au plan des institutions représentatives du personnel un comité d'entreprise et deux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) mis en place sur une base géographique, le CHSCT « Velizy » et le CHSCT « Lyon » ; que le renouvellement des mandats des membres de ces CHSCT a été organisé à partir du 30 mai 2015 et que les élections se sont déroulées le 1er juillet suivant ; que le 15 juillet 2015, la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention CGT (la Fédération CGT) et M. X... ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de ces élections ;

Sur la recevabilité du premier moyen, contestée par la défense :
Vu l'article 80 du code de procédure civile ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, lorsque le juge se prononce sur sa compétence, sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit ;

Attendu que le moyen, qui conteste le jugement sur l'incompétence territoriale du tribunal d'instance de Versailles pour connaître de la contestation de l'élection du CHSCT « Lyon », n'est pas recevable, en l'absence d'une décision rendue sur contredit ;

Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article L. 4613-1 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;
Attendu que pour valider l'élection de la délégation du personnel au CHSCT « Velizy », le tribunal d'instance relève que s'il est établi que le résultat d'un des collèges était connu par les électeurs avant de voter pour l'autre collège, les demandeurs ne démontrent pas en quoi ce procédé aurait influencé les résultats du scrutin ;
Attendu cependant que, lorsque le collège spécial unique procède à la désignation des membres du CHSCT par deux scrutins séparés dont l'un est destiné à l'élection du ou des salariés appartenant au personnel de maîtrise ou d'encadrement, il doit être procédé à un vote concomitant pour chacun des scrutins et le dépouillement ne peut intervenir qu'après la fin de tous les votes, la connaissance par les membres du collège désignatif des résultats du scrutin précédent étant de nature à influer sur le choix fait lors du second scrutin et donc à fausser la sincérité de l'élection ;
Qu'en statuant comme il a fait, le tribunal d'instance a violé les texte et principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la Fédération nationale des personnels des sociétés d'études, de conseils et de prévention CGT, Mme A... et MM. X..., B..., C..., D..., E... et F... de leur demande tendant à l'annulation de l'élection des membres du CHSCT « Velizy » des sociétés ESR et ESR Consulting, le jugement rendu le 17 novembre 2015, entre les parties, par le tribunal d'instance de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme A... et MM. X..., B..., C..., D..., E... et F....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué de s'être déclaré incompétent pour connaître de la contestation de l'élection du CHSCT « Lyon » des sociétés ESR Consulting et ESR et d'avoir désigné comme juridiction compétente le tribunal d'instance de Lyon ;
AUX MOTIFS QUE Sur l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés ESR Consulting et ESR : qu'en droit, le tribunal d'instance territorialement compétent est celui de la mise en place du CHSVT et si plusieurs CHSCT donnent lieu à un litige de nature identique, plusieurs tribunaux d'instance devront être saisis, puisque chaque élection est mise en cause ; qu'en l'espèce, il est demandé l'annulation de l'élection des deux CHSCT de Vélizy et de Lyon ; qu'or, il s'agit de deux CHSCT distincts : l'ensemble des documents relatifs aux désignations est différent, l'implantation des CHSCT est distincte, les réunions ont eu lieu à Lyon et Vélizy ; que, dès lors, si le tribunal d'instance de Versailles est compétent pour statuer que la validité de l'élection concernant le CHSCT de Vélizy, seul le tribunal d'instance de Lyon est compétent pour connaître de la contestation concernant l'élection du CHSCT de Lyon ; qu'en conséquence, il y a lieu de se déclarer incompétent ratione loci pour connaître de la contestation concernant l'élection du CHSCT de Lyon et de désigner comme juridiction compétente, le tribunal d'instance de Lyon ;

ALORS QU'en cas de pluralité de CHSCT, le tribunal d'instance territorialement compétent pour statuer sur les contestations relatives aux élections de leurs membres est celui dans le ressort duquel a eu lieu la proclamation des résultats des élections ; qu'en se déclarant incompétent ratione loci pour connaître de la contestation concernant l'élection du CHSCT de Lyon, le tribunal d'instance de Versailles a considéré que les deux CHSCT, de Vélizy et de Lyon étaient distincts, que l'ensemble des documents relatifs aux désignations est différent et que les réunions ont eu lieu à Lyon et à Vélizy ; qu'en statuant ainsi quand le regroupement des votes, leur dépouillement et la proclamation des résultats ont eu lieu à Vélizy-Villacoublay le 1er juillet 2015, le tribunal d'instance a violé l'article R. 4613-11 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la Fédération Nationale CGT des personnels des sociétés d'études, de conseil et de prévention, Mme A..., MM. X..., B..., C..., D..., E... et F... de leur demande tendant à l'annulation de l'élection des membres du CHSCT « Vélizy » des sociétés ESR Consulting et ESR ;
AUX MOTIFS QUE Sur la contestation de l'élection : que 4 arguments sont présentés à l'appui de la demande d'annulation de l'élection :- non respect de l'appel à candidature ;- non respect de l'ordre du jour de la seconde réunion du collège désignatif-non respect du protocole d'accord établi lors de la première réunion du collège désignatif-défaut de validité de pouvoirs donnée à Mme J... dans l'organisation de l'élection ; 1. Sur le respect de la date d'appel à candidature qu'il revient en principe au collège désignatif de procéder à l'appel à candidature et d'en fixer les modalités ; que l'appel à candidatures a été effectué par la direction le 10 juin 2015 alors que la date fixée était celle du 8 juin 2015 ; que les sociétés ESR Consulting et ESR expliquent les raisons de ce retard par le fait que lors de la réunion du 3 juin 2015, la direction a communiqué un décompte des effectifs à fin avril 2015 et que le 7 juin 2015, le collège désignatif a sollicité un décompte des effectifs à fin mai 2015 avant l'envoi des appels à candidatures ; que force est de constater que l'appel à candidature a été effectué plus de 16 jours avant la date limite de dépôt des candidatures permettant aux candidats de se manifester ; aucune incidence sur les résultats du scrutin n'est dès lors démontrée ; qu'or, les irrégularités dans le processus électoral ne sont sanctionnées par l'annulation du scrutin qu'à la condition d'avoir une incidence sur les résultats de l'élection ; que le moyen doit être écarté ; 2. Sur la fixation d'un scrutin de liste avec représentation à la plus forte moyenne à un tour à votre séparé par catégorie que les demandeurs soutiennent que lors de la réunion du 3 juin 2015, le collège désignatif avait, à l'unanimité, décidé que le vote aurait lieu par scrutin unique, que dès lors le recours au vote séparé invalidait le scrutin ; qu'ils soutiennent que la modification du vote était déloyale et contraire aux principes du droit électoral ; qu'ils n'apportent toutefois aucun élément de preuve à l'appui de leur allégation et le procès-verbal de la réunion du 3 juin 2015 fait apparaître que ce point n'a pas été arbitré ; que, le 1er juillet 2015, au cours de la deuxième réunion, en l'absence d'unanimité et après qu'il ait été procédé à un vote, la majorité des membres du collège désignatif s'est exprimée pour un vote séparé par catégorie et il était proposé de scinder les listes en distinguant les candidats cadres et les candidats non cadres ; qu'aucune régularité n'étant démontrée, cet argument doit être rejeté ; 3. Sur les opérations de dépouillement que les demandeurs soutiennent que l'élection des membres du CHSCT encourt la nullité dans la mesure où le dépouillement n'a pas été effectué de manière simultanée ; qu'il convient toutefois de constater que c'est le collège désignatif, y compris les demandeurs, qui a piloté le déroulé des opérations de vote et sans qu'aucune objection ne soit formulée sur le procès-verbal ; que les votes ont eu lieu à bulletin secret ; que s'il est établi que le résultat d'un des collèges était connu par les électeurs avant de voter dans l'autre collège, les demandeurs ne démontrent pas en quoi ce procédé aurait influencé les résultats du scrutin ; que le moyen sera écarté ; 4. Sur la délégation de pouvoir de Mme J... que les demandeurs soutiennent que Mme J... aurait mis en oeuvre le processus de désignation des membres du CHSCT sans disposer d'un quelconque mandat pour organiser ce processus ; qu'il appartient en principe au seul collège désignatif d'organiser l'élection ; que les sociétés ESR Consulting et ESR démontrent que Mme J... préside le CHSCT depuis plusieurs années sans que sa qualité de représentante de l'employeur ne soit remise en cause ; que celle-ci n'a pas l'obligation de disposer d'une délégation écrite ; qu'il est établi que Mme J... jouissait d'une délégation de par la nature même de ses fonctions et ses compétences ;

1°) ALORS QUE les modalités d'organisation du scrutin des membres de la délégation au CHSCT sont déterminées à l'unanimité par le collège désignatif lors de sa première réunion et ne peuvent être modifiées que dans le strict respect des principes généraux du droit électoral ; que, pour refuser d'annuler les élections qui se sont déroulées le 1er juillet 2015 par vote séparé, le tribunal d'instance a retenu qu'à cette même date, au cours de la seconde réunion, la majorité des membres du collège désignatif s'était exprimée par un vote séparé par catégorie ; qu'en statuant ainsi quand seule une décision unanime pouvait modifier la règle du vote unique adoptée à l'unanimité par le collège désignatif lors de la première réunion du 3 juin 2015, le tribunal a violé l'article L. 4613-1 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en l'absence de fixation expresse du mode de scrutin par le collège désignatif et à défaut d'accord unanime en décidant autrement, les élections doivent se dérouler selon un scrutin unique ; qu'en décidant que le procès-verbal de la réunion du 3 juin 2015 fait apparaître que ce point n'avait pas été arbitré quand il résultait de ce document qu'aucune dérogation à la règle du scrutin unique n'avait été votée à l'unanimité du collège désignatif, le tribunal d'instance a dénaturé ce procès-verbal en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QU'en retenant qu'il n'est pas démontré que lors de la réunion du 3 juin 2015, le comité désignatif avait décidé que le vote aurait lieu par scrutin unique, sans vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, quelles informations avaient été fournies aux candidats dans le cadre de l'appel à candidature, à l'issue de la réunion du 3 juin 2015, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4613-21 du code du travail ;
4°) ALORS QUE, dans leurs conclusions, les demandeurs faisaient valoir que la modification du mode de scrutin, le jour même du vote, soit après l'information donnée aux salariés dans le cadre de l'appel à candidature et à la date butoir fixée pour le dépôt des listes était déloyale et contraire aux principes généraux du droit électoral (cf. conclusions p. 8) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'en cas de scrutin séparés le vote de chaque collège doit être organisé de façon concomitante et le dépouillement ne peut avoir lieu qu'après la fin de tous les votes ; que, pour valider l'élection le tribunal d'instance a retenu que s'il est établi que le résultat d'un collège était connu des électeurs avant de voter dans l'autre collège, les demandeurs ne démontrent pas en quoi ce procédé aurait influencé les résultats du scrutin ; qu'en statuant ainsi quand la connaissance par les électeurs des résultats du vote précédent est de nature à fausser la sincérité du scrutin, le tribunal d'instance a violé l'article L. 4613-1 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

6°) ALORS QUE, dans leurs conclusions, les exposants faisaient valoir que Mme J..., responsable des ressources humaines, n'avait pas de mandat pour organiser le processus de désignation des membres du CHSCT puisque les deux délégations de pouvoir étaient datées du 8 juillet 2015 avec un effet rétroactif au 1er juillet 2015, soit postérieurement aux réunions du collège désignatif ; qu'en validant l'élection aux motifs inopérants que Mme J... représentait l'employeur au CHSCT depuis plusieurs années sans contestation et qu'elle jouissait d'une telle délégation de par la nature de ses fonctions et de ses compétences, sans répondre à ces conclusions, le tribunal a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-27730
Date de la décision : 18/01/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Délégation du personnel - Désignation - Scrutin - Mode de scrutin - Représentation spéciale des cadres et agents de maîtrise - Scrutin séparé - Organisation des scrutins - Portée

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Délégation du personnel - Désignation - Scrutin - Organisation du scrutin - Modalités - Détermination - Portée

Lorsque le collège spécial unique procède à la désignation des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) par deux scrutins séparés dont l'un est destiné à l'élection du ou des salariés appartenant au personnel de maîtrise ou d'encadrement, il doit être procédé à un vote concomitant pour chacun des scrutins et le dépouillement ne peut intervenir qu'après la fin de tous les votes, la connaissance par les membres du collège désignatif des résultats du scrutin précédent étant de nature à influer sur le choix fait lors du second scrutin et donc à fausser la sincérité de l'élection


Références :

article L. 4613-1 du code du travail ensemble les principes généraux du droit électoral

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Versailles, 17 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2017, pourvoi n°15-27730, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27730
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