LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° C 14-26. 186, F 14-26. 189 à G 14-26. 191, M 14-26. 194 à S 14-26. 199 et X 14-26. 204 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société V et H cosmetics qui exploitait son activité dans un établissement situé à Bergerac, a été rachetée en 2006 par le groupe Fareva, qui a pour filiale la société Interspray située à Neuvic-sur-l'Isle ; qu'au mois de juin 2007, les salariés ont été informés de la concentration de la fabrication des produits de maquillage au sein d'une autre filiale du groupe Fareva située en région parisienne, l'activité du site de Bergerac étant alors orientée vers le conditionnement de produits de soin et exploitée par la société Interspray ; qu'il a été demandé aux salariés de démissionner de leur emploi et de signer avec la société Interspray de nouveaux contrats de travail qui comportaient une clause de mobilité stipulant que leur mission pouvait être exercée sur le site de Bergerac et sur celui de Neuvic sur l'Isle ; que courant 2011, la société Interspray a décidé de transférer les activités de Bergerac vers Neuvic-sur-l'Isle et a remis aux salariés une lettre leur notifiant leur nouveau lieu de travail et les informant de la fermeture du site de Bergerac ; que Mme X...et dix salariés ont refusé de rejoindre leur nouveau lieu de travail à Neuvic-sur-l'Isle et ont été licenciés pour insubordination le 20 octobre 2011 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :
Attendu que la société fait grief aux arrêts de dire que les licenciements ne reposent pas sur une cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser aux salariés des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des conclusions des parties, ni des motifs de l'arrêt que l'interprétation de l'article du contrat de travail relatif au lieu de travail était discutée ; qu'il résulte au contraire des conclusions d'appel de la salariée et des mentions de l'arrêt, que la salariée ne contestait pas que cet article constituait une clause de mobilité qui, à la supposer valable, permettait à l'employeur de la muter sans son accord sur le site de Neuvic ; que la salariée soutenait uniquement l'inopposabilité de cette clause, en raison des circonstances dans lesquelles elle a été insérée au contrat ; qu'en relevant d'office que l'article du contrat relatif au lieu de travail ne peut s'analyser en une clause de mobilité, dès lors qu'il prévoit expressément l'accord des deux parties, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur l'interprétation de cette clause et en particulière la référence à un « commun accord des parties », la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il résulte des conclusions des parties et des motifs de l'arrêt qu'aucune des deux parties ne s'est prévalue des dispositions conventionnelles relatives à l'engagement du salarié et à la modification de l'un des éléments figurant dans sa lettre d'engagement ; qu'en relevant d'office que l'article 2 « engagement » de la convention collective prévoit que tout engagement précise la fonction et les lieux où elle s'exerce et que toute modification apportée à l'un de ces éléments fait préalablement l'objet d'une notification écrite, pour conforter l'interprétation donnée à l'article précité du contrat de travail de la salariée, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a encore violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont applicables qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et conserve son identité ; qu'en l'espèce, la société Interspray expliquait qu'en 2007, l'activité Maquillage de la société V et H cosmétiques, exercée sur le site de Creysse, avait été reprise par la société Cosmeva, une autre entité du groupe implantée à Savigny-Le-Temple et que le site de Creysse avait alors été transformé en un atelier de conditionnement, dont l'exploitation lui avait été confiée ; que la reprise de ce site n'emportait donc pas transfert d'une entité économique autonome, puisque l'activité principale de ce site avait été reprise par la société Cosmeva et que l'activité de conditionnement maintenue ne présentait pas d'autonomie, ni n'était affectée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels propres ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas applicables et il avait été convenu, pour assurer un transfert volontaire des contrats des salariés du site de Creysse, que ces derniers rompraient leur contrat avec leur ancien employeur et concluraient parallèlement un nouveau contrat avec la société Interspray, prévoyant la reprise de leur ancienneté ; qu'en reprochant à la société Interspray d'avoir cherché à s'affranchir des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, pour imposer aux salariés une clause de mobilité, sans aucunement faire apparaître la reprise, par la société Interspray, d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
4°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits dont il a eu connaissance par des investigations personnelles ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la salariée ne soutenait pas que les établissements de Neuvic-sur-l'Isle et de Creysse relèvent de secteurs géographiques différents, ni ne se prévalait de l'appartenance de ces deux sites à des bassins d'emplois différents selon la nomenclature de l'INSEE ; qu'il résulte des bordereaux de communication des pièces produits par les deux parties qu'aucun élément relatif aux bassins d'emplois définis par l'INSEE n'était versé aux débats ; qu'en retenant cependant, pour dire que la mutation de la salariée de Creysse à Neuvic-sur-l'Isle emporte modification du contrat de travail, que « selon les critères de l'insee, l'établissement de Creysse se trouve dans le périmètre d'emploi de Bergerac (n° 7201) et celui de Neuvic-sur-l'Isle dans la zone d'emploi de Périgueux (n° 7202) », la cour d'appel s'est fondée sur des éléments issus d'investigations personnelles, qui n'étaient pas dans le débat, a violé l'article 7 du code de procédure civile ;
5°/ que les prétentions respectives des parties fixent les limites du litige ; qu'en l'espèce, la société Interspray soutenait que les sites de Creysse et de Neuvic-sur-l'Isle sont distants de seulement 39 kilomètres ; que, de son côté, la salariée évoquait elle-même une distance de 39 kilomètres entre les deux sites ; qu'en affirmant cependant que les deux sites sont distants de 45 kilomètres, pour dire qu'ils n'appartiennent pas au même secteur géographique, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
6°/ qu'à défaut de clause contractuelle claire et précise stipulant que le salarié exécutera son travail exclusivement dans un lieu, le changement de lieu de travail intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail ; que, pour déterminer si la mutation d'un salarié intervient dans le même secteur géographique, les juges doivent tenir compte de la distance séparant son précédent lieu de travail du nouveau ainsi que des facilités de transport entre ceux deux lieux ; que ni l'appartenance des deux lieux de travail successifs à des bassins d'emploi différents selon les critères de l'INSEE, ni l'absence de transport en commun entre ces deux sites ne suffisent à exclure leur appartenance à un même secteur géographique ; qu'en l'espèce, la société Interspray justifiait de ce que le site de Creysse où travaillait jusqu'alors la salariée et le site de Neuvic-sur-l'Isle où elle avait décidé de regrouper ses activités sont situés dans le même département et distants de seulement 39 kilomètres, dont une partie sur voie rapide et le reste sur une route départementale, et que le temps de trajet entre ces deux sites est d'environ 37 minutes ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la mutation de la salariée emportait modification du contrat, que les deux sites sont situés dans deux bassins d'emploi différents et que le site de Neuvic-sur-l'Isle n'est pas desservi par les transports en commun, sans rechercher si la distance entre les deux sites et la durée du trajet en voiture n'impliquait pas leur appartenance à un même secteur géographique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
7°/ que même lorsque la mutation d'un salarié intervient dans le même secteur géographique, l'employeur peut décider de verser au salarié une indemnité de transport pour prendre en charge les frais inhérents à l'allongement du trajet entre son domicile et son lieu de travail ou lui accorder une indemnité de déménagement, s'il décide de s'installer plus près de son nouveau lieu de travail ; que l'octroi de tels avantages n'implique pas la reconnaissance, par l'employeur, de ce que la mutation emporte modification du contrat, mais simplement reconnaissance des inconvénients et des frais supplémentaires que cette mutation peut entraîner pour le salarié ; qu'en relevant encore, pour retenir que la mutation emportait modification du contrat, que la société Interspray a proposé une indemnité de transport durant les dix premiers mois, transformable en indemnité de déménagement, reconnaissant par là même qu'il s'agissait bien d'une mutation, la cour d'appel s'est encore fondée sur un motif radicalement inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu d'une part, qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, les moyens retenus d'office par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience ;
Attendu d'autre part, que la cour d'appel a retenu que la clause de mobilité introduite dans les contrats de travail en 2007 prévoit expressément l'accord des deux parties pour sa mise en oeuvre, ce qui implique que le changement de lieu de travail constitue bien, en l'espèce, une modification du contrat de travail et non une simple modification des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deuxième à septième branches en ce qu'il critique des motifs surabondants, ne peut être accueilli en sa première branche ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal des salariés :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu que pour dire les licenciements sans cause réelle et sérieuse et rejeter les demandes des salariés au titre d'un licenciement nul, les arrêts retiennent que la mutation des salariés sur le site de Neuvic-sur-l'Isle emportait modification de leur contrat de travail qu'ils pouvaient légalement refuser, qu'un audit ne relève aucune motivation économique à la délocalisation, que les emplois proposés aux salariés de Bergerac n'ont pas été supprimés et que les licenciements ne trouvent pas leur cause dans un motif économique ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la modification proposée par l'employeur reposait sur un motif non inhérent à la personne des salariés et que la rupture motivée par leur refus de l'accepter constituait un licenciement pour motif économique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que les licenciements ne reposent pas sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu'ils condamnent la société Interspray à verser aux salariés des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'ils rejettent les demandes des salariés au titre d'un licenciement nul, les arrêts rendus le 10 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Interspray aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 1 000 euros à Me Occhipinti à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat et la somme de 2 000 euros aux salariés à l'exception de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen commun produit aux pourvois principaux par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mmes X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., E..., F..., G..., H...et M. D....
Il est reproché aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que les licenciements des salariés ne reposaient pas sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR limité leur indemnisation ;
1°)- ALORS QUE constitue un licenciement économique celui consécutif au refus d'un salarié d'accepter une modification de leurs contrats de travail imposée pour un motif non inhérent à sa personne ; que la cour d'appel a constaté qu'une modification de leurs contrats de travail avait été imposée aux salariés, qui l'avaient refusée, et que la motivation de l'employeur pour ce faire était l'intérêt de l'entreprise et la nécessité de répondre aux attentes de ses clients ; qu'en niant tout caractère économique à ce licenciement, qui n'avait pas été prononcé pour un motif inhérent à la personne des salariés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 1233-3 du code du travail ;
2°) – ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'employeur n'avait pas déclaré de façon répétée dans des documents remis aux salariés qu'il convenait de fermer le site de Bergerac et de modifier le contrat de travail des salariés en les mutant à Neuvic, et ce en raison des carences du site de Bergerac qui n'était plus viable et n'était pas accepté par les clients de l'entreprise, et si la société Interspray ne connaissait pas en 2011 des difficultés économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3 du code du travail.
Moyen commun produit aux pourvois incidents par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils pour la société Interspray.
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que les licenciements des salariés ne reposent pas sur une cause réelle, et sérieuse et d'AVOIR condamné la société INTERSPRAY à verser aux salariés une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme à titre de rappel de salaire sur le mois de septembre 2011 et une somme au titre des congés payés afférents et une somme en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
1. ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni des conclusions des parties, ni des motifs de l'arrêt que l'interprétation de l'article du contrat de travail relatif au lieu de travail était discutée ; qu'il résulte au contraire des conclusions d'appel des salariés et des mentions de l'arrêt, que les salariés ne contestaient pas que cet article constituait une clause de mobilité qui, à la supposer valable, permettait à l'employeur de la muter sans son accord sur le site de Neuvic ; que les salariés soutenaient uniquement l'inopposabilité de cette clause, en raison des circonstances dans lesquelles elle a été insérée au contrat ; qu'en relevant d'office que l'article du contrat relatif au lieu de travail ne peut s'analyser en une clause de mobilité, dès lors qu'il prévoit expressément l'accord des deux parties, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur l'interprétation de cette clause et en particulière la référence à un « commun accord des parties », la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il résulte des conclusions des parties et des motifs des arrêts qu'aucune des deux parties ne s'est prévalue des dispositions conventionnelles relatives à l'engagement du salarié et à la modification de l'un des éléments figurant dans sa lettre d'engagement ; qu'en relevant d'office que l'article 2 « engagement » de la convention collective prévoit que tout engagement précise la fonction et les lieux où elle s'exerce et que toute modification apportée à l'un de ces éléments fait préalablement l'objet d'une notification écrite, pour conforter l'interprétation donnée à l'article précité du contrat de travail des salariés, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a encore violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QUE les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail ne sont applicables qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et conserve son identité ; qu'en l'espèce, la société INTERSPRAY expliquait qu'en 2007, l'activité Maquillage de la société V et H COSMETIQUES, exercée sur le site de Creysse, avait été reprise par la société COSMEVA, une autre entité du groupe implantée à Savigny-Le-Temple et que le site de Creysse avait alors été transformé en un atelier de conditionnement, dont l'exploitation lui avait été confiée ; que la reprise de ce site n'emportait donc pas transfert d'une entité économique autonome, puisque l'activité principale de ce site avait été reprise par la société COSMEVA et que l'activité de conditionnement maintenue ne présentait pas d'autonomie, ni n'était affectée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels propres ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail n'étaient pas applicables et il avait été convenu, pour assurer un transfert volontaire des contrats des salariés du site de Creysse, que ces derniers rompraient leur contrat avec leur ancien employeur et concluraient parallèlement un nouveau contrat avec la société INTERSPRAY, prévoyant la reprise de leur ancienneté ; qu'en reprochant à la société INTERSPRAY d'avoir cherché à s'affranchir des dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail, pour imposer aux salariés une clause de mobilité, sans aucunement faire apparaître la reprise, par la société INTERSPRAY, d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
4. ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits dont il a eu connaissance par des investigations personnelles ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, les salariés ne soutenaient pas que les établissements de Neuvic sur L'Isle et de Creysse relèvent de secteurs géographiques différents, ni ne se prévalaient de l'appartenance de ces deux sites à des bassins d'emplois différents selon la nomenclature de l'INSEE ; qu'il résulte des bordereaux de communication des pièces produits par les deux parties qu'aucun élément relatif aux bassins d'emplois définis par l'INSEE n'était versé aux débats ; qu'en retenant cependant, pour dire que la mutation des salariés de Creysse à Neuvic sur L'Isle emporte modification du contrat de travail, que « selon les critères de l'insee, l'établissement de Creysse se trouve dans le périmètre d'emploi de Bergerac (n° 7201) et celui de Neuvic sur l'Isle dans la zone d'emploi de Périgueux (n° 7202) », la cour d'appel s'est fondée sur des éléments issus d'investigations personnelles, qui n'étaient pas dans le débat, a violé l'article 7 du Code de procédure civile ;
5. ALORS, AU SURPLUS, QUE les prétentions respectives des parties fixent les limites du litige ; qu'en l'espèce, la société INTERSPRAY soutenait que les sites de Creysse et de Neuvic sur L'Isle sont distants de seulement 39 kilomètres ; que, de son côté, les salariés évoquaient eux-mêmes une distance de 39 kilomètres entre les deux sites ; qu'en affirmant cependant que les deux sites sont distants de 45 kilomètres, pour dire qu'ils n'appartiennent pas au même secteur géographique, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
6. ALORS QU'à défaut de clause contractuelle claire et précise stipulant que le salarié exécutera son travail exclusivement dans un lieu, le changement de lieu de travail intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail ; que, pour déterminer si la mutation d'un salarié intervient dans le même secteur géographique, les juges doivent tenir compte de la distance séparant son précédent lieu de travail du nouveau ainsi que des facilités de transport entre ceux deux lieux ; que ni l'appartenance des deux lieux de travail successifs à des bassins d'emploi différents selon les critères de l'INSEE, ni l'absence de transport en commun entre ces deux sites ne suffisent à exclure leur appartenance à un même secteur géographique ; qu'en l'espèce, la société INTERSPRAY justifiait de ce que le site de Creysse où travaillaient jusqu'alors les salariés et le site de Neuvic sur L'Isle où elle avait décidé de regrouper ses activités sont situés dans le même département et distants de seulement 39 kilomètres, dont une partie sur voie rapide et le reste sur une route départementale, et que le temps de trajet entre ces deux sites est d'environ 37 minutes ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la mutation des salariés emportait modification du contrat, que les deux sites sont situés dans deux bassins d'emploi différents et que le site de Neuvic sur L'Isle n'est pas desservi par les transports en commun, sans rechercher si la distance entre les deux sites et la durée du trajet en voiture n'impliquait pas leur appartenance à un même secteur géographique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;
7. ALORS, ENFIN, QUE même lorsque la mutation d'un salarié intervient dans le même secteur géographique, l'employeur peut décider de verser au salarié une indemnité de transport pour prendre en charge les frais inhérents à l'allongement du trajet entre son domicile et son lieu de travail ou lui accorder une indemnité de déménagement, s'il décide de s'installer plus près de son nouveau lieu de travail ; que l'octroi de tels avantages n'implique pas la reconnaissance, par l'employeur, de ce que la mutation emporte modification du contrat, mais simplement reconnaissance des inconvénients et des frais supplémentaires que cette mutation peut entraîner pour le salarié ; qu'en relevant encore, pour retenir que la mutation emportait modification du contrat, que la société INTERSPRAY a proposé une indemnité de transport durant les 10 premiers mois, transformable en indemnité de déménagement, reconnaissant par là même qu'il s'agissait bien d'une mutation, la cour d'appel s'est encore fondée sur un motif radicalement inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail.