LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 février 2015), que le syndicat CFDT Chimie énergie Lorraine a saisi un tribunal de grande instance afin d'obtenir la condamnation de la société Vitherm France à payer le temps de pause des salariés postés ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à rémunérer en sus du salaire de base les salariés postés dont le temps de pause d'une demi-heure n'est pas assimilé à du temps de travail effectif et de dire qu'elle peut intégrer dans le salaire de base des autres salariés postés la rémunération du temps de pause d'une demi-heure qui est assimilée à du temps de travail effectif, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur est en droit d'intégrer un élément de rémunération obligatoire dans le salaire de base, même s'il ne correspond pas à un travail effectif, à charge pour lui de démontrer que le salarié a effectivement été rempli de ses droits, c'est-à-dire que le salaire, après intégration de l'avantage, correspond effectivement au salaire conventionnel majoré de cet avantage ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que tous les salariés postés, conformément aux prescriptions légales et conventionnelles applicables, bénéficiaient de la rémunération de leur temps de pause qui représentait, pour certains d'entre eux seulement, du temps de travail effectif ; que cette rémunération était intégrée dans leur salaire de base ; qu'en condamnant cependant la société Vitherm France à "…rémunérer ce temps de pause en sus du salaire de base…" au profit des seuls salariés pour qui il ne représentait pas du temps de travail effectif, motif pris que "la rémunération du temps de pause non assimilé à du temps de travail effectif ne peut pas être intégrée dans le salaire de base", la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du code civil, L. 3121-1, L. 3121-2 du code du travail et 4 de l'avenant du 15 mai 1991 à la convention collective de la plasturgie ;
2°/ que l'employeur est en droit d'intégrer un élément de rémunération obligatoire dans le salaire de base, même s'il ne correspond pas à du temps de travail effectif, à charge pour lui de démontrer que le salarié a effectivement été rempli de ses droits, c'est-à-dire que le salaire, après intégration de l'avantage, correspond effectivement au salaire conventionnel majoré de cet avantage ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Vitherm France avait fait valoir qu'avant l'intervention de l'accord du 29 décembre 2000, son personnel posté était rémunéré pour 39 heures hebdomadaires, correspondant à une durée de travail effectif de 36 heures 30 et à 2 heures 30 de temps de pause ; que l'accord du 29 décembre 2000 avait intégralement maintenu cette rémunération pour 35 heures de travail effectif et 2 heures 30 de temps de pause, l'horaire collectif antérieur demeurant inchangé et les jour de réduction du temps de travail, étant calculés à partir d'une durée du travail effectif de 36 heures 30 ; que cette organisation, dont il résultait que les temps de pause étaient effectivement inclus et rémunérés dans le salaire de base d'un montant correspondant à 39 heures servi pour 35 heures de travail effectif, remplissait les salariés de leurs droits légaux et conventionnels ; qu'en condamnant cependant la société Vitherm France à "rémunérer en sus du salaire de base les salariés postés dont le temps de pause d'une demi-heure n'est pas du temps de travail effectif", sans répondre à ces conclusions dont il résultait que ces salariés avaient effectivement été remplis de leur droits au titre de la rémunération des temps de pause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 10 de la convention collective nationale de la plasturgie du 1er juillet 1960 que le bulletin de paie doit mentionner, d'une part, la période et le nombre d'heures de travail auxquelles se rapporte la rémunération versée, en mentionnant séparément, le cas échéant, celles qui sont payées au taux normal et, pour celles qui comportent une majoration au titre des heures supplémentaires, le ou les taux de majoration appliqués et le nombre d'heures correspondant, et, d'autre part, la nature et le montant des diverses primes s'ajoutant à la rémunération ; qu'il en résulte que la rémunération des temps de pause non assimilés à du temps de travail effectif doit faire l'objet d'une mention distincte sur le bulletin de paie ;
Et attendu que c'est par une exacte application des dispositions conventionnelles que la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande de rappel de salaire en raison de l'intégration des temps de pause dans le salaire de base et n'avait aucun compte à faire, a décidé que la rémunération des temps de pause qui ne constituent pas du temps de travail effectif devait être payé distinctement du salaire de base ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vitherm France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Vitherm France à payer au syndicat CFDT Chimie énergie Lorraine la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Vitherm France
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR "condamné la SAS Vitherm France à rémunérer en sus du salaire de base les salariés postés dont le temps de pause d'une demi-heure n'est pas assimilé à du temps de travail effectif", dit "que la SAS Vitherm France peut intégrer dans le salaire de base des autres salariés postés la rémunération du temps de pause d'une demi-heure qui est assimilée à du temps de travail effectif", et à payer au Syndicat CFDT Chimie Energie Lorraine une somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE "L'article L.3121-1 du code du travail dispose que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;
QUE l'article 4 de l'avenant à la convention collective de la plasturgie, du 15 mai 1991, définit le "travail par poste comme l'organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d'une seule traite et en équipe successive (tel que les 2 x 8, les 3 x 8 ...)" ; qu'il précise ensuite que "les collaborateurs travaillant de façon ininterrompue dans un poste bénéficieront de une demi-heure d'arrêt qui leur sera payée sur la base de leur salaire réel" ; qu'il ajoute que "pour l'application du présent article, le travail effectué devra être d'un minimum de six heures" ; que la commission paritaire nationale d'interprétation a donné, en ce qui concerne cet article 4, l'avis suivant : "La demi-heure d'arrêt doit être rémunérée pour les salariés travaillant en équipes successives quels que soient l'organisation et le moment de la prise de la pause dès lors que l'amplitude du poste, dans le cadre de l'organisation du travail, est égale ou supérieure à six heures" ;
QUE L'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail passé le 29 décembre 2000 entre la société Vitherm France et le syndicat C.F.D.T. contient, en son article 7 relatif au temps de pause, un principe et une exception : - Principe : l'ensemble du personnel travaillant en service posté bénéficie d'un temps de pause quotidien, selon les dispositions conventionnelles, de trente minutes au cours desquelles il peut vaquer à ses occupations personnelles. En conséquence, ce temps de pause n'est pas assimilé à du temps de travail effectif. Si le salarié quitte l'établissement pendant son temps de pause, il devra obligatoirement pointer à son départ et à son retour ; - Exception : le personnel peut être astreint exceptionnellement de rester pendant le temps de pause à la disposition de l'employeur pour répondre à toute intervention présentant un caractère d'urgence. Dans ces circonstances, le salarié concerné fera signer à son responsable hiérarchique, préalablement, un bordereau confirmant l'accord de ce dernier. Un exemplaire du document sera conservé par chacun des intéressés, un troisième exemplaire sera transmis au service du personnel. Dans cette situation, le temps de pause sera considéré comme du temps de travail effectif ;
QUE L'article 13 de ce même accord prévoit encore que durant la prise de la pause, les salariés occupés au service de l'extrusion ne peuvent pas vaquer librement à des occupations personnelles, mais doivent au contraire maintenir une situation de veille qui, tout en leur permettant d'utiliser leur temps de repos à des fins personnelles, les oblige à rester à proximité de leur atelier ; qu'en conséquence, le temps de pause de ces salariés doit être considéré comme du temps de travail effectif ;
QU'il résulte de ces éléments qu'une distinction doit être faite parmi les salariés postés entre d'une part ceux dont le temps de pause n'est pas assimilé à du temps de travail effectif, bien qu'il soit rémunéré, parce qu'il n'est pas la contrepartie d'un travail, et d'autre part ceux dont le temps de pause est au contraire assimilé à du temps de travail effectif parce qu'ils ne peuvent s'éloigner de leur lieu de travail pour pouvoir intervenir en cas de besoin, et doivent donc rester à disposition de leur employeur ; qu'en conséquence, il convient aussi de distinguer entre d'une part la rémunération du temps de pause, assimilé à du temps de travail effectif, qui peut être intégrée au salaire de base, et d'autre part la rémunération du temps de pause, non assimilé à du temps de travail effectif, qui ne peut pas l'être ;
QU'ainsi, s'agissant des salariés travaillant en service posté, et dont le temps de pause d'une demi-heure n'est pas assimilé à du temps de travail effectif, l'employeur doit être considéré comme tenu de rémunérer ce temps de pause en sus du salaire de base sans être tenu à la même obligation en ce qui concerne les salariés postés dont le temps de pause est assimilé à du temps de travail ; que la société Vitherm sera donc condamnée à se conformer à cette obligation sans qu'il soit nécessaire d'assortir celle-ci d'une astreinte ; que le jugement sera infirmé en ce sens (…)" ;
1°) ALORS QUE l'employeur est en droit d'intégrer un élément de rémunération obligatoire dans le salaire de base, même s'il ne correspond pas à un travail effectif, à charge pour lui de démontrer que le salarié a effectivement été rempli de ses droits, c'est à dire que le salaire après intégration de l'avantage correspond effectivement au salaire conventionnel majoré de cet avantage ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que tous les salariés postés, conformément aux prescriptions légales et conventionnelles applicables, bénéficiaient de la rémunération de leur temps de pause qui représentait, pour certains d'entre eux seulement, du temps de travail effectif ; que cette rémunération était intégrée dans leur salaire de base ; qu'en condamnant cependant la SAS Vitherm France à "…rémunérer ce temps de pause en sus du salaire de base…" au profit des seuls salariés pour qui il ne représentait pas du temps de travail effectif, motif pris que "la rémunération du temps de pause non assimilé à du temps de travail effectif ne peut pas être intégrée dans le salaire de base" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du Code civil, L.3121-1, L.3121-2 du Code du travail et 4 de l'avenant du 15 mai 1991 à la convention collective de la plasturgie ;
2°) ALORS QUE l'employeur est en droit d'intégrer un élément de rémunération obligatoire dans le salaire de base, même s'il ne correspond pas à du temps de travail effectif, à charge pour lui de démontrer que le salarié a effectivement été rempli de ses droits, c'est à dire que le salaire après intégration de l'avantage correspond effectivement au salaire conventionnel majoré de cet avantage ; que, dans ses conclusions d'appel (p.6, p.11 et 12), la Société Vitherm France avait fait valoir qu'avant l'intervention de l'accord du 29 décembre 2000, son personnel posté était rémunéré pour 39 heures hebdomadaires, correspondant à une durée de travail effectif de 36 h 30 et à 2 h 30 de temps de pause ; que l'accord du 29 décembre 2000 avait intégralement maintenu cette rémunération pour 35 heures de travail effectif et 2 h 30 de temps de pause, l'horaire collectif antérieur demeurant inchangé et les jours de réduction du temps de travail, étant calculés à partir d'une durée du travail effectif de 36 h 30 ; que cette organisation, dont il résultait que les temps de pause étaient effectivement inclus et rémunérés dans le salaire de base d'un montant correspondant à 39 heures servi pour 35 heures de travail effectif, remplissait les salariés de leurs droits légaux et conventionnels ; qu'en condamnant cependant la SAS Vitherm France à "rémunérer en sus du salaire de base les salariés postés dont le temps de pause d'une demi-heure n'est pas du temps de travail effectif" sans répondre à ces conclusions dont il résultait que ces salariés avaient effectivement été remplis de leur droits au titre de la rémunération des temps de pause, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.