LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Orléans, 9 avril 2015) que M. X..., engagé le 3 décembre 2007 par la société France 3, devenue la société France télévisions, en qualité de journaliste reporter d'images puis promu rédacteur en chef adjoint à Orléans à compter du 1er mars 2011, a été licencié le 13 décembre 2012 pour avoir proféré des menaces sur le téléphone personnel d'une collaboratrice ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter en conséquence de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors selon le moyen :
1°/ qu'un fait de la vie personnelle du salarié, même s'il occasionne un trouble dans l'entreprise, ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. X... avait proféré des menaces à l'encontre d'une autre salariée de l'entreprise, dont il n'était pas le supérieur hiérarchique, dans un cadre privé puisque laissées sur un téléphone personnel, a néanmoins, pour dire que le licenciement pour faute reposait sur une cause réelle et sérieuse, énoncé que ces menaces étaient de nature à créer un trouble dans l'entreprise puisque la salariée avait pu craindre qu'il mette ses menaces à exécution en faisant courir des bruits sur elle et en la déconsidérant auprès de ses collègues de travail, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le fait reproché au salarié était étranger à ses fonctions de rédacteur en chef, relevait de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations professionnelles, de sorte qu'il ne pouvait justifier une sanction disciplinaire, violant ainsi l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble l'article 9 du code civil ;
2°/ que les juges du fond qui apprécient le bien fondé d'un licenciement doivent s'en tenir uniquement aux faits mentionnés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que la cour d'appel, en se fondant néanmoins, pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, sur la circonstance que l'appel téléphonique de M. X... était en lien avec le harcèlement sexuel dont Mme Y... s'était plainte auprès du médecin du travail, circonstance non visée dans la lettre de licenciement, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°/ que l'employeur ne peut, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son auteur ; que la cour d'appel en se fondant néanmoins, pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, sur le contenu du message téléphonique laissé par M. X... sur le téléphone personnel [de] Mme Y..., a violé l'article 9 du code civil, ensemble le principe du secret des correspondances privées ;
4°/ qu'en tout état de cause, sont dépourvues de caractère fautif les menaces proférées dans un moment d'humeur par un salarié se trouvant sous le coup de l'émotion en réaction à l'intrusion de leur destinataire dans sa vie privée ; qu'en se bornant, pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, à énoncer que M. X... avait proféré des menaces sur la messagerie téléphonique d'une autre salariée de l'entreprise après que celle-ci eut rapporté à sa compagne des propos qu'il lui aurait tenus concernant sa vie privée, sans rechercher, comme il le lui était demandé si la circonstance que cette salariée, en rapportant des propos de l'exposant, se trouvait à l'origine de la rupture du couple ne privait pas l'attitude du salarié de tout caractère fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, examinant les seuls griefs énoncés dans la lettre de licenciement et ayant relevé que le salarié, rédacteur en chef adjoint, avait proféré des menaces sur le téléphone personnel d'une collaboratrice qu'il avait menacée de détruire de façon très professionnelle et de faire circuler des bruits sur elle et que le médecin du travail avait invité l'employeur à prendre des mesures de protection à son égard, a fait ressortir que ces menaces s'inscrivaient dans le contexte du travail et constituaient un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le moyen, nouveau en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk Lament, avocat aux Conseils, pour M. X...
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté en conséquence de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE l'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute existe, il profite au salarié ; que la cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité ; qu'elle doit être existante et exacte ce qui oblige le juge à vérifier que d'autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement ; que la cause sérieuse est celle d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles ; que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « (...) A l'issue de la séance vous avez été informé de la proposition de sanction soumise au vote des commissaires paritaires et du résultat de ce vote. Compte tenu du dossier disciplinaire et après avoir pris connaissance des positions adoptés par les commissaires, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute ave préavis tel que prévu par le 5) de l'article 42 bis 1 de l'avenant audiovisuel à la convention collective nationale de travail des journalistes aux motifs suivants ; Les menaces que vous avez proférées à l'encontre d'une collaboratrice ainsi que les propos obscènes sur votre vie privée que vous avez tenus de façon régulière sur votre lieu de travail à différents salariés de la station sont particulièrement inacceptables compte tenu notamment de vos responsabilités hiérarchiques et de votre qualité de membre de l'encadrement de la rédaction de France 3 centre (...) » ; que la réalité et la gravité des griefs reprochés au salarié seront examinés successivement ci-après ; que sur les menaces : la société France Télévisions produit un procès-verbal d'huissier dressé le 19 septembre 2012, à la demande de Mme Carole Y..., salariée de France 3 Centre à Orléans, contenant la retranscription d'un message téléphonique que lui a laissé M. X..., dont la teneur est la suivante : « Bonjour Carole Y.... Jean pierre X... à l'appareil. Bien, écoute si tu as un tout petit peu de courage, mais un tout petit peu, ce dont je doute fort, parce que tu n'es pas vraiment une nana qui a du courage, donc tu me rappelles, parce que, tu vois, ce que tu viens de faire vient de détruire un couple. Je trouve ça ignoble, alors maintenant, moi, je vais te détruire. Je vais faire la même chose mais, moi, ça va être très professionnel ce que je vais te faire. Donc si tu as un tout petit peu de courage, rappelle moi pour qu'on puisse se parler de vive voix, ce que je doute fortement parce que quand on est capable de faire ce que tu as fait et de raconter ce que tu as raconte à Valérie, et tu as cassé, vraiment cassé un couple (... inaudible...) moi, tu m'as détruit parce que je pense que je vais pas finir ma vie dans très très longtemps. Tu as cassé Valérie avec qui j'avais reconstruit quelque chose parce que je m'étais engagé sur certains trucs et toi, tu as été raconter des trucs qui sont ignobles. Donc, crois moi que je sais beaucoup de chose sur toi que je vais commencer à faire courir tous les bruits que je sais sur toi. Et puis, et puis, je vais surtout, je vais surtout, vraiment, vraiment, je vais surtout faire en sorte que tu puisses me parler (... inaudible...) et que tu ais un tout petit peu de courage pour me regarder en face et dire ce que tu as dit parce que franchement, franchement, Carole, je pense que tu es la nana la plus ignoble qui existe sur terre. T'es vraiment la personne la pire qu'on puisse connaître et vraiment et franchement, tu me dégoûtes, tu me fais gerber, tu vois. Donc écoute bien Carole Y... : on va (... inaudible...) croise un jour ou l'autre ça va te faire tout drôle parce que je te jure, le regard que je vais te lancer, et bien il va vraiment te glacer le sang, parce que si tu savais ce que je pense de toi au plus profond de moi, ça te ferait pleurer. Donc si tu as un tout petit peu de courage, tu me rappelles Ciao » ; que ces menaces proférées dans un cadre privé, puisque laissées sur un téléphone personnel, étaient toutefois de nature à créer un trouble dans l'entreprise, dans la mesure où, même s'il n'était pas le supérieur hiérarchique de Mme Y..., celle-ci a pu craindre que M. X... mette ses menaces à exécution dans le cadre professionnel, puisqu'il l'a menacé expressément de faire courir des bruits sur elle et de la détruire, et que cela impliquait qu'il puisse tenter de la déconsidérer auprès de ses collègues de travail ; qu'il est d'ailleurs démontré que ces menaces ont eu un retentissement sur la vie professionnelle de Mme Y... puisque celle-ci a consulté le médecin du travail le 14 septembre 2012, qui a alerté le directeur des ressources humaines de France 3 sur sa situation, son état de santé et la nécessité de la protéger en faisant en sorte qu'elle ne soit plus en contact avec M. X... ; que si le médecin fait référence à une plainte de Mme Y... concernant des faits de harcèlement sexuel qui ne sont pas repris dans la lettre de licenciement, ces menaces s'intègrent dans l'ensemble de faits qu'elle a dénoncés mettant en cause M. X... ; qu'il ressort en effet clairement du compte rendu de la commission paritaire que l'appel téléphonique de M. X... est en lien avec le harcèlement dont s'est plaint Mme Y..., puisque celle-ci a expliqué que celui-ci lui avait confié que sa compagne ne souhaitait plus avoir de relations sexuelles depuis la naissance de leur enfant en janvier et qu'il avait commencé à la harceler tous les jours par des propos et des attouchements à partir du mois de mars, qu'elle avait toujours repoussé ses avances mais qu'étant dégoûtée et en colère, elle avait fini par en informer sa compagne dont elle était proche ; que ce grief est retenu ; [...] que le fait retenu d'avoir proféré des menaces dans un cadre privé à l'encontre d'une salariée, qui étaient de nature à causer un trouble dans l'entreprise puisque M. X... a menacé Mme Y... de la détruire de façon très professionnelle et de faire circuler des bruits sur elles, ce qui a conduit entre autre, le médecin du travail, a inviter l'employeur à prendre des mesures de protection de la salariée, constitue de la part d'un cadre, une faute qui justifie son licenciement ;
1°) ALORS QU'un fait de la vie personnelle du salarié, même s'il occasionne un trouble dans l'entreprise, ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. X... avait proféré des menaces à l'encontre d'une autre salariée de l'entreprise, dont il n'était pas le supérieur hiérarchique, dans un cadre privé puisque laissées sur un téléphone personnel, a néanmoins, pour dire que le licenciement pour faute reposait sur une cause réelle et sérieuse, énoncé que ces menaces étaient de nature à créer un trouble dans l'entreprise puisque la salariée avait pu craindre qu'il mette ses menaces à exécution en faisant courir des bruits sur elle et en la déconsidérant auprès de ses collègues de travail, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le fait reproché au salarié était étranger à ses fonctions de rédacteur en chef, relevait de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations professionnelles, de sorte qu'il ne pouvait justifier une sanction disciplinaire, violant ainsi l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble l'article 9 du code civil ;
2°) ALORS QUE les juges du fond qui apprécient le bien fondé d'un licenciement doivent s'en tenir uniquement aux faits mentionnés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que la cour d'appel, en se fondant néanmoins, pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, sur la circonstance que l'appel téléphonique de M. X... était en lien avec le harcèlement sexuel dont Mme Y... s'était plainte auprès du médecin du travail, circonstance non visée dans la lettre de licenciement, a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°) ALORS QUE l'employeur ne peut, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son auteur ; que la cour d'appel en se fondant néanmoins, pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, sur le contenu du message téléphonique laissé par M. X... sur le téléphone personnel Mme Y..., a violé l'article 9 du code civil, ensemble le principe du secret des correspondances privées ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, sont dépourvues de caractère fautif les menaces proférées dans un moment d'humeur par un salarié se trouvant sous le coup de l'émotion en réaction à l'intrusion de leur destinataire dans sa vie privée ; qu'en se bornant, pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, à énoncer que M. X... avait proféré des menaces sur la messagerie téléphonique d'une autre salariée de l'entreprise après que celle-ci eut rapporté à sa compagne des propos qu'il lui aurait tenus concernant sa vie privée, sans rechercher, comme il le lui était demandé si la circonstance que cette salariée, en rapportant des propos de l'exposant, se trouvait à l'origine de la rupture du couple ne privait pas l'attitude du salarié de tout caractère fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail.