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19/10/2016 | FRANCE | N°15-23504

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2016, 15-23504


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 novembre 2014), que Mme X...a été engagée le 18 avril 2006 par la société Hyparlo, gérant l'hypermarché Carrefour de Saint-Egrève, en qualité de manager de rayon ; qu'elle a été mutée le 14 juillet 2008 au sein du magasin Carrefour de Nîmes au poste de manager métier, les contrats de travail successifs prévoyant une convention de forfait annuel en jours ; qu'elle a été licenciée le 17 avril 2009 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demande

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 novembre 2014), que Mme X...a été engagée le 18 avril 2006 par la société Hyparlo, gérant l'hypermarché Carrefour de Saint-Egrève, en qualité de manager de rayon ; qu'elle a été mutée le 14 juillet 2008 au sein du magasin Carrefour de Nîmes au poste de manager métier, les contrats de travail successifs prévoyant une convention de forfait annuel en jours ; qu'elle a été licenciée le 17 avril 2009 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité de repos compensateur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que la salariée, cadre manager, était soumise à une convention de forfait en jours, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit, au pourvoi principal, par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs, de l'indemnisation des sujétions excessives et du travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que le contrat de travail de Mme X... prévoit son embauche le 18 avril 2006 en qualité de manager du rayon, statut cadre, niveau 7 de l'annexe III de la convention collective nationale du commerce de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, " sur la base d'un forfait annuel de 216 jours travaillés par référence à l'accord cadre relatif à : l'aménagement et la réduction du temps de travail du 18 mars 1999 et ses avenants " avec une rémunération mensuelle brute forfaitaire lissée, dont il est précisé qu'elle constitue une convention de forfait " quel que soit l'horaire accompli pour mener à bien sa/ Onction " : que cette convention de forfait jour n'a pas été modifiée par l'avenant ensuite conclu le I'juin 2007 pour son embauche en qualité de stagiaire manager métier, cadre niveau VI, " au regard de l'autonomie dont vous disposez ", autrement qu'en portant le forfait jour à 215 jours, et a été aussi maintenue par l'avenant de mutation géographique venant la muter le 14 juillet 2008 au sein du magasin Carrefour de Nîmes au poste de manager métier, niveau VII B de la convention collective ; La salariée, qui ne remet pas en cause son statut de cadre, prétend qu'à compter de sa mutation en juillet 2008 et en raison des conditions de l'encadrement de sa supérieure hiérarchique Mme Sylvie Y..., qu'elle assimile par ailleurs à un comportement de harcèlement, elle ne dispose plus de l'autonomie nécessaire à l'application de la convention de forfait ; Selon l'article L. 3121-43 du Code du travail,'peuvent conclure une convention de forfait en jours les cadres qui disposent d'une autonomie clans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés. " ; En l'espèce Mme X..., qui en supporte la charge, ne démontre pas que l'autonomie intrinsèque à son statut de cadre manager métier dans une grande surface de distribution et exprimée dans la définition conventionnelle de la fonction, à travers les responsabilités inhérentes à l'encadrement de son équipe, définies comme suit : " Met en place, organise et contrôle les ressources requises pour satisfaire les clients, développer les ventes et favoriser la progression de son équipe ; Met en place les outils et les méthodes en vue de valoriser la puissance commerciale de l'enseigne. Recrute, forme et motive son équipe. Analyse les données mises à sa disposition Fixe des objectifs à ses collaborateurs... ", ait été réduite au quotidien de manière habituelle et constante telle qu'elle aurait dû se voir appliquer les horaires collectifs pratiqués pour les autres salariés, du fait de sa dépendance hiérarchique ; prévue contractuellement pour notamment toute personne déléguée par le directeur du magasin pour répercuter ses instructions à l'effet d'assurer la bonne marche du rayon confié, et en l'espèce sa supérieure hiérarchique Mme Y..., en sa qualité de chef du secteur non alimentaire ; Elle produit en effet à l'appui, pour invoquer sur la période des temps de permanence importants conduisant à certaines journées travaillées selon elle de 12 h 30 ou de 13 heures, ses bulletins de paie du mois d'août 2008 au mois d'avril 2009, annotés par elle, pour tirer de la moyenne qu'elle effectue de son temps de travail, un dépassement excédant selon elle le forfait jour convenu, sans pour autant démontrer qu'elle était tenue d'appliquer sur consigne de l'employeur des horaires stricts, comme contrainte aussi de travailler comme les autres salariés aux heures d'ouverture du magasin ; de même, elle verse des tableaux récapitulatifs établis par elle-même des heures travaillées notamment pour les années 2008 et 2009, en prenant pour exemple dans son argumentation des périodes spécifiques de fêtes de fin d'année 2008 et de soldes en mars 2009 qui ne permettent pas une extrapolation sur l'ensemble de la période revendiquée ; Elle ne peut enfin invoquer de manière générale l'amplitude quotidienne de travail, dont l'importance est seulement mise en avant dans les attestations de trois anciens cadres managers, Mme Nathalie Z..., qui atteste seulement pour elle-même, concernant la supérieure hiérarchique Mme Y... : " je faisais toujours plus d'heures, je pouvais venir à 2 heures du matin sous ses ordres pour terminer le soir à 22 heures... ", et M. Christian A..., qui indique sans autre précision : "... de plus Mine Y... imposait de longue amplitude horaire de travail. " La charge de travail plus importante imposant des temps de permanence résulte de plages de temps de travail spécifiques, inhérentes à l'objet d'une entreprise de grande distribution, à travers des périodes d'inventaires, de commercialisation des fêtes de fin d'année et de soldes, pour lesquelles les directives aussi spécifiques données ne font pas non plus disparaître l'autonomie de la fonction occupée par Mme X... et celle-ci ne peut tirer argument suffisant du seul exemple du retrait ponctuel par sa supérieure hiérarchique de cinq jours de congés en 2009 pour démontrer une privation, générale d'autonomie dans une fonction pour laquelle le compte-rendu de son dernier entretien d'évaluation des compétences effectué le 20 janvier 2009 met en avant ses problèmes importants " d'organisation, d'anticipation et de planification dans son travail de manager métier " ; Pour les motifs susvisés, la convention de forfait jour existant devait trouver application pour la salariée et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef ; Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs : Pour les mêmes motifs et tenant l'applicabilité de la convention de forfait jour, Mme X... ne peut donc être retenue comme astreinte à des horaires collectifs lui ouvrant droit à la prise en compte d'heures supplémentaires, qu'elle revendique pour la période de juillet 2008 à avril 2009 à hauteur de 478 heures supplémentaires, excédant selon elle la moyenne mensuelle des heures supplémentaires résultant de la convention de forfait, il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef ; Surabondemment, s'il résulte de l'article L. 3171 — 4 du Code du travail, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, ce que ne fait pas la salariée qui ne présente pas de décompte suffisamment précis et établi hebdomadairement des heures alléguées mais seulement un tableau récapitulatif dépourvu d'explication et indication complémentaire autre que son raisonnement sur l'amplitude de travail invoquée sur certaines périodes ; Sur l'indemnisation au titre des sujétions excessives Mme X... formule sa demande pour la période de juin 2007 à juin 2008, donc antérieure à sa mutation dans l'établissement Carrefour de Nîmes, et sur le fondement de l'article L. 3121-50 du Code du travail, qui énonce :- Lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours ne bénéficie pas d'une réduction effective de sa durée de travail ou perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les, sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi eu égard notamment au niveau du salaire minimum conventionnel applicable ou, à deuil, de celui pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à sa qualification " ; S'il doit être retenu que les dispositions de cet article trouvent application comme encore en vigueur sur la période considérée, n'ayant été abrogé que postérieurement, par l'entrée en vigueur de'la. loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant réforme en la matière, il n'en reste pas moins, tenant les constatations susvisées, que la salariée n'apporte aucun élément suffisamment précis, autres que les documents susvisés établis par elle-même, pour venir étayer sa demande et permettre de retenir que, sur cette période antérieure, les temps de repos et de pause n'étaient pas respectés par l'employeur et que celui-ci l'aurait empêchée de manière habituelle d'en bénéficier en imposant une amplitude de travail excessive, conduisant à ce que les sujétions imposées étaient telles qu'au regard de la convention de forfait existant elle aurait dû bénéficier d'une réduction effective de sa durée de travail ou percevoir en conséquence une rémunération réajustée ; il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef ; Sur le travail dissimulé Pour les motifs susvisés, aucun travail dissimulé ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur, permettant de donner droit à l'indemnité prévue à ce titre par l'article L. 8821-. 5 du Code du travail, pour laquelle, surabondamment, l'élément intentionnel exigé n'est pas démontré ; il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat de travail de Mme X... prévoit un poste de cadre stagiaire métier niveau VI et l'application d'un forfait annuel de 215 jours travaillés ; l'avenant à son contrat de travail du 14 juillet 2008 lui confirme sa mutation en qualité de manager métier niveau VIIB, la convention de forfait continuant à s'appliquer ; l'article L. 3121-43 du code du travail prévoit que « peuvent conclure une convention de forfait en jours les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif de travail applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés » ; l'article D. 3171-10 prévoit que « la durée du travail des salariés mentionnés à l'article L. 3121-43 est décomptée chaque armée par récapitulation du nombre de journées ou demi-journées travaillées par chaque salarié » ; l'article L. 8221-5 stipule qu'« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention... » ; Mme Corinne X... n'apporte pas d'élément probant pouvant mettre en cause son obligation de suivre les horaires collectifs de son service ; Mme Corinne X... n'a jamais contesté au cours de la durée de son contrat de travail l'application de son forfait jour ; Mme Corinne X... ne présente, pour prouver la réalisation d'heures supplémentaires, que des bulletins de paie indiquant des jours de travail, comme prévu par application de son forfait jours, annotés de sa main par quelques mentions horaires ; c'est à bon droit que Carrefour Hypermarchés France SAS a fait apparaître sur les bulletins de travail de Mme Corinne X... un nombre de jours de travail et pas un nombre d'heures. Le conseil rejette en conséquence les demandes de Mme Corinne X... sur l'application du forfait jour, le rappel d'heures supplémentaires et le travail dissimulé ;

1°)- ALORS QUE la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le contrat de travail n'était pas muet sur le nombre d'heures supplémentaires inclus dans la rémunération forfaitaire, de sorte que la convention de forfait était inopposable à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3122-22 du code du travail et 1134 du code civil ;

2°) – ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'un tableau mentionnant des heures supplémentaires permet à l'employeur de répondre, peu important qu'il ne mentionne pas l'horaire hebdomadaire ; qu'en estimant un tel tableau insuffisant, et sans constater qu'il ne permettait pas à l'employeur de répondre à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3171-4 du code du travail.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Carrefour Hypermarché

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR réformé le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du harcèlement moral et en indemnisation de la rupture, d'AVOIR dit que la SAS Carrefour et Mme Sylvie Y... se sont rendues coupables d'agissements de harcèlement moral à l'encontre de Mme Corinne B...épouse X..., d'AVOIR déclaré nulle le licenciement de Mme Corinne B...épouse X... notifié par la SAS Carrefour le 17 avril 2009 pour cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné in solidum la SAS Carrefour et Mme Sylvie Y... à payer à Mme Corinne B...épouse X... la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral, d'AVOIR condamné la SAS Carrefour aux dépens et à payer à Mme Corinne B...épouse X... la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du licenciement nul et ordonné la délivrance par la SAS Carrefour de l'attestation Pôle emploi rectifiée, et d'AVOIR condamné in solidum la SAS Carrefour et Mme Sylvie Y... par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement moral. Selon l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de cet article et de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; En l'espèce, Mme X..., dont le licenciement pour cause réelle et sérieuse lui a été notifié le 17 avril 2009 par le directeur du magasin hypermarché Carrefour, au sein duquel elle était mutée d'un précédent magasin de l'enseigne depuis le mois de juillet 2008, a adressé le 5 août 2009 à la direction parisienne de la société un courrier de dénonciation du comportement de harcèlement à son égard de sa supérieure hiérarchique Mme Sylvie Y..., chef du Secteur non alimentaire de l'établissement, qu'elle présente comme ayant « téléguidé » son licenciement, en précisant qu'« il faut bien le reconnaître, c'est Mademoiselle Y... qui avec un caractère exécrable harcèle ses subordonnés. J'ai cependant fait l'impossible pour tenter de ne pas lui déplaire. " ; La salariée avait auparavant saisi son directeur régional par un court-courrier peu explicite sur sa « situation particulière que je gère positivement grâce positivement grâce à mon état d'esprit optimiste, en espérant de meilleures relations professionnelles avec ma hiérarchie directe Mme Y... Sylvie », adressé en recommandé le 31 mars 2009 et lui transmettant pour information un courrier du 10 mars 2009 du directeur de son magasin la rappelant à l'ordre sur le manquement responsabilité principale dans sa fonction de manager métier ; Mme X... produit à l'appui :- le compte rendu de son évaluation fin 2008 par sa supérieure hiérarchique Mme Y...,- le compte rendu de son entretien préalable en avril 2009 en présence de la même supérieure hiérarchique,- deux courriers syndicaux adressés les 7 mars 2008 et 2 avril 2009 de questionnement de l'employeur sur les méthodes de cette salariée,- deux courriers de dénonciation adressés le 18 septembre 2009 au directeur régional de la société et le 10 novembre 2009 à l'inspection du travail,- une prescription médicale du 15 avril 2009 pour des médicaments Megamag et Lysanxia,- deux attestations de proches, dont l'une de son ex-conjoint, témoignant de la perte de motivation et de l'affection émotionnelle de la salariée face à une attitude méprisante et de mise au placard émanant de sa responsable hiérarchique, ainsi que de la dégradation de son état de santé physique comme psychique,- plusieurs attestations d'anciens collègues salariés dénonçant les propos et le comportement au travail de Mme Y... et dont il ressort principalement que : M. Clément C..., cadre, relate : « Lors de mes fonctions de manager (cadre) au sein du magasin Carrefour Nîmes Sud, j'ai pu constater des agissements intolérables envers Corinne X..., de la part de notre chef de secteur commune Mlle Sylvie Y.... Ces agissements se traduisent par des humiliations devant les salariés, des pressions constantes, création de situations déstabilisantes ou de contre-vérités dans le but de monter les autres salariés contre elle. Elle donnait également des propos irrespectueux : " je veux que tu te sens comme une merde ", des propos blessants et choquants ! ! ! C'était du harcèlement. Difficile à endurer, l'état de santé psychologique de Corinne était inquiétant : peur de venir travailler, stress intense, idées malsaines, mal-être profond. » M. Christian A..., cadre, rapporte : « le 5 mars 2009, lors d'une réunion stratégie d'encadrement, M. Joël D..., directeur du magasin Carrefour Nîmes Sud tient les propos suivants : " trois cadres de trop dans le magasin ". De plus, je certifie que Mme Y... Sylvie, cadre supérieur fonction chefs de secteur non alimentaire du magasin Carrefour Nîmes sud fait acte de harcèlement moral sur les cadres sous ses ordres et notamment sur Mlle Corinne X..., par des paroles et actes déstabilisants, de plus Mme Y... imposait de longue amplitude horaire de travail. » Mme Nathalie Z..., cadre, prédécesseur de la salariée sur son poste, indique : « J'ai constaté du harcèlement et de l'abus de pouvoir sur moi, d'autres cadres d'autres cadres ainsi que mes employés. J'ai travaillé 10 ans à Carrefour, j'ai construit ma carrière petite à petit jusqu'à l'arrivée de Sylvie E...ma chef de secteur qui, par ses pressions permanentes, a réussi à me faire quitter l'entreprise (…) elle humiliait les employés jusqu'à ce qu'ils partent en maladie (3 sur 4 en 2 mois) (...) en quelques mois elle avait fait partir 5 cadres et quelques employés ». Mme Hélène F..., employée, précise : « Je déclare sur l'honneur que Mme Y... Sylvie est irrespectable (sic) et parle mal à son personnel, ainsi qu'à son encadrement, j'ai assisté à la façon de faire plusieurs fois et même me concernant (...). Même une fois, elle a comploté (...) sur Sophie G...ma manager textile qui s'occupait du rayon bébé enfants et la chaussure. Elle essayait de mettre ses employés contre elle jusqu'à ce qu'elle craque et parte (...) Il y a beaucoup de personnes qui ne l'aiment pas car elles se comportent mal avec que, il y a une mauvaise ambiance... » Ces éléments, pris dans leur ensemble, constituent des faits matériellement vérifiables laissant présumer d'un harcèlement, auxquels sont tenus de répondre et l'employeur et la supérieure hiérarchique de la salariée, appelée en cause par cette dernière ; A cet égard, la SAS Carrefour produit notamment le compte rendu, non daté et non signé, de la réunion du CHSCT de l'entreprise faisant suite à l'exercice par le salarié attestataire M. C...de son droit de retrait le 8 septembre 2009 et qui, après avoir notamment décrit Mme Y... comme « exigeante, professionnelle, franche directe, pète-sec », avant de retenir que le mal-être du salarié « est lié aux exigences de travail demandées par sa hiérarchie et les difficultés personnelles qu'il a à gérer ses tâches. » et d'écarter la réalité d'un harcèlement en constant que « c'est plus un choc de personnalité qu'un harcèlement avéré. » ; Outre que le même compte-rendu fait état de l'existence, chez Mme Y..., « d'un manque de diplomatie avéré qui heurte un grand nombre de ses collaborateurs », en soulignant le caractère non intentionnel et non destiné à vexer, et devant être rappelé que cet élément intentionnel n'est pas exigé dans la définition du harcèlement moral, le document produit, comme les décisions prudhommales ou d'appel ayant débouté ce salarié comme un autre salarié du magasin de leurs demandes au titre du harcèlement moral de la même supérieure hiérarchique ne viennent pas détruire la matérialité des propos précis imputés à Mme Y... à l'égard de Mme X... dans l'attestation de M. C..., que rien ne permet d'écarter en raison d'un conflit prudhommal ; Le caractère répété de ces propos et des pressions et situations qualifiées d'humiliantes et déstabilisantes, soit vis-à-vis de la salariée, soit de ses collègues, est aussi confirmé par les autres attestations produites qui doivent aussi être retenues, traduisant un comportement généralisé à l'égard de membres du personnel d'encadrement comme d'autres salariés, au-delà de simples méthodes de management et indépendamment de situations de stress inhérentes au milieu du travail et notamment au sein d'une grande surface de distribution ; La production aussi de l'entretien d'évaluation pour l'année 2008 de la salariée, établi le 20 janvier 2009 par Mme Y..., que chacune des parties ne conteste pas avoir été tendu et qui relève des insuffisances professionnelles de la salariée, dans le suivi du courrier recommandé de remontrances et de recadrage qui lui a été adressé, bien que non retiré, le 22 décembre 2008, avant le second courrier de même nature ensuite adressé le 10 mars 2009, ne suffit à contredire la matérialité des agissements susvisés qui ont contribué à la déstabilisation de la relation de travail entre les protagonistes, ni à les légitimer ; Tenant la brièveté de la période avant l'initiation ensuite le 3 avril 2009 par le directeur du magasin de la procédure de licenciement, sans autre sanction intermédiaire plus mesurée qui l'ait précédée, intervient dans le droit fil des évaluations faites par la supérieure hiérarchique et dans le contexte de son comportement envers la salariée, qui ont ainsi bien eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme X..., susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; Pour les mêmes motifs, Mme Y... échoue comme l'employeur dans sa démonstration que les seules insuffisances professionnelles de la salariée constitueraient des motifs étrangers à tout harcèlement, que ne viennent pas suffisamment contredire les évaluations élogieuses la concernant comme les attestations qu'elle produit, émanant de plusieurs salariés, dont il convient de constater par ailleurs que partie n'ont été embauchés que postérieurement au licenciement de Mme X... ; celles-ci ne viennent en effet pas faire disparaître les comportements dénoncés qui doivent être tenus comme excédant les méthodes de gestion adoptées pendant la période de présence de la salariée entre les mois de juillet 2008 et d'avri12009, dans un comportement au-delà de la mesure acceptable pour une supérieure hiérarchique et pour lequel l'intention de nuire n'est pas exigée, dont le caractère manifestement général vis-à-vis d'autres salariés que Mme X... ne vient pas revêtir une valeur exonératoire ; Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef ; Le harcèlement moral étant retenu, il convient en premier lieu de faire droit à la demande distincte d'indemnisation du préjudice moral occasionné et celle-ci étant dirigée à la fois contre l'employeur et contre Mme Y... en sa qualité de supérieure hiérarchique, il convient d'allouer à Mme X..., en tenant compte de la période de neuf mois considérée pendant laquelle se sont répétés les agissements relevés, la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts, au paiement de laquelle il convient de condamner in solidum la SAS Carrefour et Mme Y... ; Sur la rupture : Il s'ensuit que le licenciement ensuite prononcé le 17 avril 2009 pour cause réelle et sérieuse au motif des griefs d'insuffisances professionnelles de la salariée dans sa fonction de manager métier doit être déclaré nul, en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail ; il convient en conséquence aussi d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté des demandes d'indemnisation au titre de la rupture ; La sanction du licenciement illicite ouvre droit pour la salariée, outre les indemnités de rupture déjà perçues, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice en résultant, qui ne peut être inférieure à six mois de salaire ; il convient, tenant l'ancienneté de trois ans de Mme X... au sein de l'entreprise, son âge de 40 ans à la date de la rupture et son évolution professionnelle prévisible, d'allouer, sur la base du salaire mensuel brut perçu et tenant les difficultés inhérentes à la recherche d'un nouvel emploi et la justification de la perception des indemnités de chômage sur la période de septembre 2009 à mars 2011, la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, à laquelle il convient de condamner la SAS Carrefour » ;

1) ALORS QUE c'est seulement lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'ainsi, lorsqu'un salarié se plaint du comportement de son supérieur, il lui incombe d'établir des exemples précis, le concernant personnellement, de ce comportement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu l'existence de « faits matériellement vérifiables laissant présumer d'un harcèlement » au regard d'éléments ne révélant aucun fait précis concernant les relations entre Mme X... et Y..., M. C...rapportant tout au plus, sans dater l'événement ni le contextualiser, une unique phrase qui auraient été prononcée par Mme Y... ; qu'en statuant ainsi par des motifs ne caractérisant pas qu'était établie la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE si un harcèlement moral peut être caractérisé par les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique vis-à-vis de tous ses subordonnés, encore faut-il qu'elles se soient manifestées, pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel a retenu que les attestations versées aux débats révélaient un comportement généralisé de Mme Y... à l'égard de ses subordonnés au-delà de simples méthodes de management et de la mesure acceptable, elle n'a pas caractérisé que ce comportement s'était manifesté, à l'encontre de Mme X..., par des agissements précis répétés caractérisant un harcèlement ; qu'il en résulte que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 L. 1152-3, et L. 1154-1 du code du travail ;

3) ALORS QUE le harcèlement moral suppose que soient caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le comportement de Mme Y... aurait eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme X... susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, au seul prétexte que la procédure de licenciement était intervenue dans le droit fil des évaluations faites par la supérieure hiérarchique et dans le contexte de son comportement envers la salariée ; qu'en statuant ainsi sans caractériser que l'attitude de Mme Y... avait eu pour objet ou pour effet une incidence sur la qualité du travail de Mme X... et avait ainsi pu provoquer les rappels à l'ordre et licenciement dont la cour d'appel n'a pas davantage constaté qu'ils auraient été injustifiés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;

4) ALORS en tout état de cause QU'en jugeant nul le licenciement de Mme X... par des motifs ne caractérisant pas qu'il était en lien avec le harcèlement qui aurait été le fait de Mme Y... faute de constater, soit que le comportement de Mme Y... avait empêché Mme X... de travailler normalement et provoqué les manquements professionnels fondant la rupture, soit que ces manquements n'existaient pas, l'employeur n'ayant cru à leur réalité qu'à raison du comportement de Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-23504
Date de la décision : 19/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 18 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 oct. 2016, pourvoi n°15-23504


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, Me Occhipinti, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.23504
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