LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2015), que Mme X...épouse Y...a été engagée par Mme Z..., expert comptable, commissaire aux comptes, en qualité de chef de mission par contrat à durée indéterminée du 5 janvier 2009 ; que, le même jour, Mme Z... s'est engagée, en qualité de maître de stage, à respecter les obligations liées au stage de professionnalisation d'une durée de trois années ; que, par courrier du 11 mars 2011, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison notamment de la démission de Mme Z... de ses fonctions de maître de stage ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer certaines sommes alors, selon le moyen, que seul un manquement grave de l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail permet au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat ; que la convention de stage conclue entre un maître de stage et un salarié en formation n'étant pas indissociable du contrat de travail liant, le cas échéant, les mêmes parties en leurs qualités respectives d'employeur et de salarié et n'ayant pas le même objet que ce contrat, la rupture de la convention de stage n'a pas pour effet de faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; que, pour décider que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme Y... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé que la décision de Mme Z... de mettre un terme à ses fonctions de maître de stage était mal fondée et avait causé un préjudice à Mme Y... en l'exposant à un risque d'échec à l'examen de fin de formation, et en a déduit qu'il s'agissait de manquements graves de la part de l'employeur ayant empêché la poursuite du contrat de travail ; qu'en statuant par ces motifs impropres à caractériser en quoi les manquements reprochés à Mme Z..., en sa seule qualité de maître de stage, étaient de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble les articles L 1237-2 et L. 1235-1 de ce code ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le stage de professionnalisation d'une durée trois ans présentait un caractère obligatoire pour la salariée candidate à l'examen d'aptitude aux fonctions d'expert comptable et retenu que l'employeur avait, quelques mois avant son terme, mis fin au stage de manière brutale et injustifiée plaçant la salariée dans une situation de risque d'échec à l'examen faute de lui permettre de valider son stage lequel présentait un lien étroit avec le contrat de travail, la cour d'appel a pu décider que ces faits constituaient des manquements graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Z... à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour Mme Z...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR décidé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Madame Y... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné Madame Z... à lui payer les sommes de 12. 450 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1. 245 € au titre des congés payés afférents, 1. 245 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 24. 900 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 383, 09 € de rappel de salaire outre 38, 30 € de congés payés ;
AUX MOTIFS QUE lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail à durée indéterminée pour des faits qu'il reproche à son employeur, il lui appartient de rapporter la preuve de ses allégations, à défaut de quoi la rupture produit les effets d'une démission ; qu'il incombe au juge de vérifier si les faits invoqués par ce salarié sont ou non constitutifs d'une faute grave qui seule permet de rompre le contrat avant l'échéance de son terme ; que s'agissant du premier grief lié à l'arrêt du stage de formation aux fonctions d'expert comptable, qu'il est établi par le courrier envoyé le 15 février 2011 par Mme Z... à l'Ordre des experts comptables de la région Paris Ile de France, que celle-ci a indiqué souhaiter « mettre fin à (ses) fonctions de maître de stage de Madame Aurore Y... » après avoir été « informée le 7 février dernier de sa grossesse et de sa date d'accouchement prévue le 24 septembre prochain » ; qu'au motif de « la réorganisation de son planning au mieux, pour tenir compte des absences programmées de sa salariée », et souhaitant « disposer de toutes les ressources de travail pour respecter les engagements vis-à-vis des clients », elle a informé l'Ordre que ses fonctions de maître de stage avaient cessé au 18 décembre 2010, date du départ en congés de sa salariée pour trois semaines ; que, contrairement à ce que tente de démontrer Madame Z..., les termes de ce courrier établissent que celle-ci a, de manière unilatérale, mis un terme au stage de 3 ans de Madame Y... ; que ce désengagement brutal, sans concertation préalable, était de nature à faire grief à sa salariée, celui-ci intervenant à quelques mois du terme du stage obligatoire pour permettre de passer l'examen d'aptitude aux fonctions d'expert comptable ; qu'elle plaçait ainsi cette salariée stagiaire dans une situation de risque d'échec à l'examen, faute de lui permettre de valider son stage et l'installer dans une situation professionnelle délicate, ce stage étant en liaison étroite avec le contrat de travail ; qu'en outre, le seule motif tiré de l'état de grossesse de la salariée comme justification de cet arrêt de formation, en raison de futures absences, longues ou brèves, prévues ou imprévues, était sans fondement, le congé maternité devant intervenir après la fin du stage et Madame Z... n'ayant pas justifié qu'au moment de son désengagement, les rares absences de Madame Y... pour effectuer divers examens médicaux avaient revêtu un caractère excessif, ou exorbitant des droits accordés aux femmes enceintes qui rendait impossible la continuation de la formation ; que ces seuls faits, sans qu'il soit besoin d'analyser les autres motifs, établissent des manquements graves de la part de l'employeur qui ont empêché la poursuite du contrat de travail, lesquels ont justifié la prise d'acte de la rupture par Madame Y... ; qu'il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235-1 du Code du travail que cette prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse (arrêt, page 3) ;
ALORS, d'une part, QUE dans ses conclusions d'appel, développées oralement à l'audience (pages 10 et 11), Madame Z... faisait valoir que son courrier du 15 février 2011, dans lequel elle indiquait cesser ses fonctions de maître de stage « jusqu'à nouvel ordre », n'emportait que suspension temporaire de ces fonctions sans remettre en cause le déroulement du stage comme en atteste le courrier de l'Ordre des experts-comptables ayant, à réception de cette lettre, adressé tant à Madame Y... qu'à Madame Z... le calendrier des journées de formation pour l'ensemble de l'année 2011 ; qu'en considérant que les termes de ce courrier établissaient que Madame Z... avait, de manière unilatérale, mis un terme au stage de 3 ans de Madame Y..., sans répondre à ces conclusions démontrant que la poursuite du stage n'était aucunement affectée par la décision de Madame Z..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS, d'autre part, QUE dans son courrier du 15 février 2011, Madame Z... se bornait à indiquer qu'elle cessait ses fonctions de maître de stage « jusqu'à nouvel ordre », ce qui n'impliquait pas qu'elle mettait un terme à ses fonctions et ce qui ne mettait pas en péril l'achèvement du stage de Madame Y... ; qu'en retenant que les termes de ce courrier établissaient que Madame Z... avait, de manière unilatérale, mis un terme au stage de 3 ans, la cour d'appel en a dénaturé les termes, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, enfin, QUE seul un manquement grave de l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail permet au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat ; que la convention de stage conclue entre un maître de stage et un salarié en formation n'étant pas indissociable du contrat de travail liant le cas échéant les mêmes parties en leurs qualités respectives d'employeur et de salarié et n'ayant pas le même objet que ce contrat, la rupture de la convention de stage n'a pas pour effet de faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; que pour décider que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Madame Y... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé que la décision de Madame Z... de mettre un terme à ses fonctions de maître de stage était mal fondée et avait causé un préjudice à Madame Y... en l'exposant à un risque d'échec à l'examen de fin de formation, et en a déduit qu'il s'agissait de manquements graves de la part de l'employeur ayant empêché la poursuite du contrat de travail ; qu'en statuant par ces motifs impropres à caractériser en quoi les manquements reprochés à Madame Z..., en sa seule qualité de maître de stage, étaient de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 1231-1 du Code du travail, ensemble les articles L 1237-2 et L 1235-1 de ce Code.