LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 2131-3 et R. 2131-1 du code du travail, ensemble l'article 32 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que les élections en vue du renouvellement des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise ont eu lieu le 28 mai 2015 au sein de l'établissement Saint-Joseph de Thann de l'association Groupe Saint Sauveur ; que les résultats, tels qu'ils résultent des procès-verbaux établis et signés par les membres du bureau de vote le 28 mai 2015, ont été proclamés et affichés dans l'entreprise le 29 mai 2015 ; qu'un nouvel affichage, comportant des noms différents en ce qui concerne le comité d'entreprise, a eu lieu le 2 juin 2015 ; que le syndicat CGT de l'établissement Saint Joseph de Thann a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de cette « seconde promulgation » ;
Attendu que pour dire l'action du syndicat CGT de l'établissement Saint Joseph de Thann recevable, le tribunal retient que la preuve n'est pas rapportée du dépôt de ses statuts en mairie, que cette circonstance ne peut conduire à considérer que la production des statuts n'est pas suffisamment probante, qu'en effet cela revient à alléguer que le syndicat et le cas échéant son avocat useraient d'un faux et en tout cas se prévaudraient d'une fausse qualité, que l'argument parait de pure forme, dès lors qu'il n'est pas prolongé d'une démarche au plan pénal, et doit être écarté ;
Attendu cependant qu'il appartient au syndicat, dont la capacité d'agir en justice est contestée, de justifier du dépôt de ses statuts en mairie ;
qu'en statuant comme il a fait le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 septembre 2015, entre les parties, par le tribunal d'instance de Thann ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Mulhouse ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour l'union départementale des syndicats Force ouvrière du Haut-Rhin et M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR rejeté l'exception tirée du défaut de capacité à agir du syndicat CGT de l'établissement Saint-Joseph du Thann ;
AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de la requête au regard de la capacité du syndicat CGT de l'établissement Saint-Joseph Thann à agir en justice : que le syndicat CGT a produit ses statuts aux débats ; que sous l'article 4, il est stipulé que le syndicat a vocation à ester en justice, ceci « tant pour la défense des intérêts individuels et collectifs de ses membres que de sa propre défense organique » ; que s'il peut être relevé, comme l'objectent l'association Groupe Saint-Sauveur ainsi que l'Union départementale des syndicats Force Ouvrière du Haut-Rhin, que la preuve n'est pas rapportée du dépôt de ces statuts en mairie de Thann, cette circonstance ne peut conduire à considérer que la production de la pièce demandée par le jugement avant dire droit ne serait pas suffisamment probante ; que ceci revient en effet à alléguer que le syndicat CGT de l'établissement Saint-Joseph Thann, le cas échéant son avocat, useraient d'un faux, en tout cas se prévaudraient d'une fausse qualité sciemment en intervenant au nom d'une entité qui serait sans existence légale ; que l'argument qui paraît de pure forme, dès lors qu'il n'est pas prolongé d'une démarche au plan pénal doit être écarté, de même s'agissant du compte-rendu du comité exécutif en date du 4 juin 2015, cosigné de ses membres, qui décide d'agir en contestation de la seconde promulgation des résultats des élections professionnelles du 28 mai 2015 ; que le syndicat CGT justifie suffisamment de sa capacité et de son intérêt à agir au regard de la présente procédure ;
ALORS QU'un syndicat n'a d'existence légale que du jour du dépôt de ses statuts en mairie ; qu'en considérant que le syndicat CGT justifiait suffisamment de sa capacité et de son intérêt à agir, après avoir pourtant relevé que la preuve du dépôt en mairie de ses statuts n'était pas rapportée, le tribunal d'instance, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 2131-3 et R. 2131-1 du code du travail, ensemble l'article 32 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré nulle et de nul effet la seconde proclamation du résultat des élections au comité d'entreprise et des délégués du personnel pour le scrutin du 28 mai 2015 et D'AVOIR validé les résultats tels qu'issus de l'affichage réalisé le 29 mai 2015 selon les procès-verbaux établis le 28 mai 2015 à l'issue du scrutin et D'AVOIR, en conséquence, réitéré cette proclamation dans les termes suivants : ont été élus à l'issue du scrutin du 28 mai 2015 : au comité d'entreprise, membres titulaires : Mme Y..., M. Z..., M. A..., M. B... ; membres suppléants : Mme C..., Mme D..., M. E..., Mme F... ; les délégués du personnel, membres titulaires : Mme G..., M. H..., Mme I... ; membres suppléants : Mme J..., Mme K..., Mme L... ;
ALORS QUE, saisi d'une contestation relative à la régularité des élections professionnelles, le tribunal d'instance statue sur simple avertissement donné trois jours à l'avance à toutes les parties intéressées ; que la demande d'annulation des élections ne peut être examinée sans que soient appelés dans la cause tous candidats dont l'élection est contestée ; qu'en examinant le litige relatif à l'annulation des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel sans avoir convoqué l'ensemble des parties intéressées à l'audience parmi lesquelles figurait M. X... dont l'élection était contestée par le syndicat CGT, le tribunal d'instance a violé les articles R. 2314-29 et R. 2324-25 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR déclaré nulle et de nul effet la seconde proclamation du résultat des élections au comité d'entreprise et des délégués du personnel pour le scrutin du 28 mai 2015, D'AVOIR validé les résultats tels qu'issus de l'affichage réalisé le 29 mai 2015 selon les procès-verbaux établis le 28 mai 2015 à l'issue du scrutin et D'AVOIR, en conséquence, réitéré cette proclamation dans les termes suivants : ont été élus à l'issue du scrutin du 28 mai 2015 : au comité d'entreprise, membres titulaires : Mme Y..., M. Z..., M. A..., M. B... ; membres suppléants : Mme C..., Mme D..., M. E..., Mme F... ; les délégués du personnel, membres titulaires : Mme G..., M. H..., Mme I... ; membres suppléants : Mme J..., Mme K..., Mme L... ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande d'annulation de la seconde promulgation des résultats des élections et de confirmation de la première promulgation, il est constant que des élections des délégués du personnel et représentants au comité d'entreprise ont eu lieu le 28 mai 2015 au sein de l'établissement Saint-Joseph de Thann, ceci dans les conditions prévues par le protocole préélectoral du 14 avril 2015 ; qu'il est établi par la production des documents correspondants, qu'à l'issue du scrutin et du dépouillement des suffrages, les quatre procès-verbaux (DP titulaires et suppléants, CE titulaires et suppléants) sur formulaire Cerfa ont été établis ainsi que co-signés par les trois membres du bureau de vote ainsi que les représentants des syndicats CGT (M. Z...) et FO (M. B...), ce dernier portant la mention manuscrite « sous réserve de vérification » ; que notamment, aux termes du formulaire correspondant aux membres titulaires au comité d'entreprise se trouvaient notés comme étant élus ; Mme M... (CGT), M. Z... (CGT), M. N... (CGT), M. B... (FO) ; qu'il est par ailleurs établi par différents témoignages écrits de salariés de l'entreprise, mais également en ce que cette circonstance n'est pas en tant que telle contestée, que les résultats du scrutin conformément à ces quatre procès-verbaux signés le 28 mai 2015 dans la soirée à l'issue du dépouillement et des décomptes de voix, ont fait l'objet d'un affichage dans l'entreprise, ceci dans le tableau d'informations, le 29 mai 2015 au matin, réalisant ainsi la proclamation des résultats de ce scrutin ; qu'il est établi, par témoignages et par l'absence de contestation sur ce point également, que cet affichage a été retiré, passées quelques heures (a priori vers 14 heures), par la secrétaire de direction, en présence de trois des élus ; que quelque puisse être l'élément ayant motivé ce retrait d'affichage, dont il paraît établi qu'il s'agissait d'une volonté de rectifier une erreur dans la méthode de décompte des voix, il n'appartenait ni à l'employeur, ni aux salariés élus, ni même au bureau de vote d'annuler ainsi le résultat d'une élection proclamée au terme d'un processus électoral régulier ; que dès lors qu'une partie entendait voir annuler l'élection telle que proclamée, il lui appartenait de saisir le tribunal d'instance dans le délai légal ; qu'il en résulte d'une part que la seconde proclamation du résultat de l'élection, par l'affichage réalisé a priori le 2 juin 2015 (ou le 3 juin), conduisant à des résultats différents pour l'élection des membres titulaires au comité d'entreprise, doit être regardée comme irrégulière, celle-ci au surplus régularisée a posteriori par de nouveaux procès-verbaux « rectificatifs » signés le 9 juin 2015 soit 12 jours après le scrutin ; que cette seconde proclamation doit être déclarée nulle et de nul effet ; que d'autre part, il s'évince de ce qui précède que la proclamation des résultats selon les procès-verbaux établis et signés le 28 mai 2015 à l'issue du scrutin, et leur affichage durant plusieurs heures le 29 mai 2015, qui n'ont fait l'objet d'aucun recours dans le délai légal doit être tenue pour définitive ; qu'en tant que de besoin, la proclamation de ces résultats pourra être réitérée par la présente décision conformément aux énonciations de son dispositif ;
ALORS QU'il appartient au tribunal d'instance de déclarer élu le candidat qui devait l'être, en rectifiant l'erreur commise par le bureau de vote dans la proclamation des résultats, qu'en estimant, pour déclarer nulle la seconde proclamation et valider les résultats tels qu'issus de l'affichage réalisé le 29 mai 2015, que, quel que puisse être l'élément ayant motivé ce retrait d'affichage dont il paraît établi qu'il s'agissait d'une volonté de rectifier une erreur dans la méthode de décompte des voix, il n'appartenait ni à l'employeur ni aux élus, ni même au bureau de vote d'annuler ainsi le résultat d'une élection proclamée au terme d'un processus électoral régulier, sans rechercher, comme il y était invité, si les résultats issus de l'affichage réalisé le 29 mai 2015 étaient ou non erronés afin, le cas échéant, de rectifier l'erreur commise par le bureau de vote dans la proclamation des résultats et de déclarer élus les candidats qui devaient l'être conformément au dépouillement, le tribunal d'instance, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les articles L. 2314-25 et R. 2324-23 du code du travail.