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06/07/2016 | FRANCE | N°15-15685

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2016, 15-15685


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 janvier 2015), que la société 3 Suisses France faisait partie du groupe 3 Suisses international lequel était détenu à 51 % par le groupe de droit allemand Otto ; que le groupe 3 Suisses international était structuré en quatre domaines d'activité dont le commerce à destination des particuliers exercé par la société Commerce BtoC devenue 3SI BtoC puis 3SI Commerce, laquelle contrôlait plusieurs enseignes et sociétés dont la société 3

Suisses France ; qu'à partir du mois de décembre 2010, la société 3 Suisses Fr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 janvier 2015), que la société 3 Suisses France faisait partie du groupe 3 Suisses international lequel était détenu à 51 % par le groupe de droit allemand Otto ; que le groupe 3 Suisses international était structuré en quatre domaines d'activité dont le commerce à destination des particuliers exercé par la société Commerce BtoC devenue 3SI BtoC puis 3SI Commerce, laquelle contrôlait plusieurs enseignes et sociétés dont la société 3 Suisses France ; qu'à partir du mois de décembre 2010, la société 3 Suisses France a réuni son comité d'entreprise en vue de la présentation d'un projet de réorganisation emportant fermeture des espaces boutiques et le licenciement économique de l'ensemble des salariés qui y travaillaient ; que Mme X..., responsable d'espace, licenciée dans le cadre de ce projet par lettre du 26 janvier 2012 a contesté la validité de son licenciement pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et demandé la condamnation in solidum des sociétés 3 Suisses France, 3 Suisses international devenue Argosyn ;

Attendu que la société Argosyn fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est, avec la société 3 Suisses France, coemployeur de Mme X... et de la condamner in solidum avec la société 3 Suisses France à verser à la salariée une somme à titre d'indemnité du fait de la nullité de son licenciement, alors selon le moyen :

1°/ que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre société de ce groupe, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que la fixation, par la direction d'un groupe, de la stratégie d'ensemble du groupe et des objectifs des différentes entités qui le composent ne prive pas les filiales de ce groupe de toute autonomie dans la définition et la mise en oeuvre de leur politique commerciale et, plus généralement, dans la gestion de leur activité économique ; qu'en se bornant en l'espèce à relever, pour affirmer que la société 3 Suisses France ne disposait d'aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale, que le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d'administration ses objectifs et ses plans à trois ans pour l'ensemble des enseignes du groupe, ce qui est insuffisant à faire ressortir une immixtion de la direction du groupe dans la gestion économique de la société 3 Suisses France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que la centralisation des fonctions supports des différentes filiales opérationnelles d'un groupe au sein d'une société holding et la conclusion de conventions d'assistance technique entre ces filiales opérationnelles et la société holding n'ont pas pour effet de transférer la gestion économique et sociale de ces filiales à la société holding, ni par suite de créer une situation de co-emploi ; qu'en se bornant à relever, pour caractériser une immixtion de la société 3 Suisses international dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France, qu'un contrat de prestation de services administratifs et d'assistance technique, conclu avec la société 3 Suisses international et mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC, prévoyait la fourniture d'une assistance à la société 3 Suisses France dans différents domaines moyennant rémunération et que des services relevant auparavant des différentes enseignes de la division « B to C » ont été centralisés au sein de la société 3 SI BtoC entraînant le transfert des équipes informatiques, ressources humaines et comptables au sein de cette société, sans constater qu'au-delà de la simple assistance technique prévue au contrat, la société 3 Suisses international se serait substituée à la société 3 Suisses France dans la gestion économique et sociale de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ qu'en se bornant à relever que les services prévus au contrat d'assistance technique conclu avec la société Argosyn et mis en oeuvre par la société 3 SI Commerce consistaient notamment en « l'assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement », en une « assistance à la mise en place et au développement d'outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu'en la mise en place d'un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation, mobilité », la cour d'appel n'a fait ressortir ni que ce contrat aurait excédé un domaine purement technique, ni qu'il aurait conduit à déposséder la société 3 Suisses France de toute autonomie dans les domaines économique et social ; qu'elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ qu'une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d'une autre société du même groupe qu'en cas d'immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu'en se bornant à relever que le contrat d'assistance mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC conduisait au transfert des équipes ressources humaines en son sein, que le directeur des ressources humaines de la société 3 SI BtoC avait indiqué disposer d'un « pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant du domaine (B to C) dont la société 3 Suisses France » et vouloir centraliser l'organisation du recrutement afin de disposer d'une vision globale des postes à pourvoir, ce qui est insuffisant à faire ressortir une prise en main générale et permanente, par la société 3 SI BtoC, et à travers elle par la société 3 Suisses international devenue Argosyn, de la gestion sociale de la société 3 Suisses France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que la mise en place de procédures harmonisées ou d'outils de gestion visant à homogénéiser les pratiques au sein d'un groupe, qui procède de la simple coordination des actions économiques des sociétés appartenant à un même groupe, ne crée pas une situation de co-emploi ; qu'en relevant encore, pour attribuer la qualité de co-employeur à la société 3 Suisses international devenue Argosyn, la mise en place d'un « système d'information intéressant les ressources humaines » concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont la société 3 Suisses France, et la diffusion, par le secrétaire général du groupe, d'un support d'entretien annuel d'évaluation destiné à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d'entretien, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

6°/ qu'en se bornant à relever, s'agissant de la gestion économique de la société 3 Suisses France, que les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France étaient gérés par le service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC, et que le service juridique de la société 3 Suisses international est intervenu, à deux reprises, dans la gestion de difficultés d'ordre juridique intéressant la société 3 Suisses France, la cour d'appel n'a pas caractérisé une immixtion générale et permanente des sociétés 3 Suisses international et 3 SI BtoC dans la gestion économique de la société 3 Suisses France et a, en conséquence, encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

7°/ qu'en relevant encore, pour affirmer que la société 3 Suisses international doit être considérée comme co-employeur de la société 3 Suisses France, l'existence d'une « confusion » ou d'une « distinction malaisée » entre la société 3 SI BtoC et la société 3 Suisses international, la cour d'appel s'est encore fondée sur des motifs impropres à faire ressortir une situation de co-emploi avec la société 3 Suisses France, privant encore sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

8°/ qu'en l'espèce, pour qualifier la société Argosyn de co-employeur de Mme X..., la cour d'appel a relevé que « la société Commerce BtoC, devenue 3SI BtoC à la suite d'un changement de dénomination en 2012, se confondait totalement avec la société 3 Suisses international devenue Argosyn, dont elle n'était qu'une émanation, tout d'abord comme le démontre le pourcentage du capital détenu par cette dernière » ; qu'en statuant ainsi, sans même préciser le pourcentage de capital social de la société 3 SI BtoC détenu par la société Argosyn, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'au moment de la réorganisation, la société 3SI Commerce anciennement dénommée Commerce BtoC se confondait totalement avec la société 3 Suisses international, dont elle n'était qu'une émanation et n'avait pour objet que de faciliter la transformation de la société 3 Suisses France et des autres sociétés du domaine en de simples « business unit » relevant directement du groupe, que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 Suisses international était particulièrement malaisée comme en atteste le fait que les contrats d'assistance, mis en oeuvre par la société Commerce BtoC, avaient été conclus avec la société 3 Suisses international ; que cette réorganisation a conduit à une immixtion de la société BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France par le transfert de ses équipes informatiques, comptables et surtout de ressources humaines notamment dans la formation, la mobilité et le recrutement ; qu'ainsi au cours d'une réunion du comité d'entreprise le 10 novembre 2010, tant le directeur général de la société 3 Suisses France et membre du comité de direction BtoC que le directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC rappelaient que ce dernier disposait d'un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 Suisses France ; que ce même directeur mentionnait au cours de cette réunion que l'organisation du recrutement était centralisée afin qu'il puisse disposer d'une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 Suisses France étant totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement ; qu'il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu le seul interlocuteur par l'effet d'une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 Suisses France afin que son dirigeant ne s'occupe plus désormais que de l'opérationnel ; qu'en outre la société Commerce BtoC, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire dont le contrôle s'exerçait jusqu'aux feuilles de caisse mensuelles que les responsables des espaces 3 Suisses France devaient transmettre régulièrement à ce service ; qu'enfin, c'est le service juridique de la société 3 Suisses international qui a substitué la société 3 Suisses France dans ses démarches auprès du parquet à l'occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses prévenues de détournement d'argent au préjudice de la société 3 Suisses France et a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l'occasion de la fermeture des espaces ;

Qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a ainsi caractérisé, au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activité et de direction se manifestant par une immixtion des sociétés 3 Suisses International devenue Argosyn et Commerce BtoC devenue 3SI Commerce dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Argosyn aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 600 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Argosyn.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sociétés 3 SUISSES FRANCE et 3 SUISSES INTERNATIONAL devenue ARGOSYN sont les employeurs de Mme X..., condamné in solidum les sociétés 3 SUISSES FRANCE et ARGOSYN, anciennement dénommée 3 SUISSES INTERNATIONAL, à verser à la salariée la somme de 110. 000 euros à titre d'indemnité du fait de la nullité du licenciement, ainsi que la somme de 1. 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L1221-1 du code du travail que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'il résulte notamment des informations communiquées au comité d'entreprise lors de sa réunion du 29 septembre 2011 que la société 3 SUISSES France faisait partie, par le biais du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, du groupe de droit allemand OTTO organisé au travers de trois domaines d'activité, le commerce dit multi-canal (« multichannel retail »), les services financiers et les services aux entreprises ; que celui-ci détenait 51 % du capital social du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, la majeure partie du reste du capital social appartenant à la société FIPAR, elle-même détenue par le groupe de la famille Mulliez ; que le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL était lui-même structuré en quatre domaines d'activité, dont en particulier le domaine BtoC (« business to consumer » dénommé commerce à destination des particuliers) composé des enseignes grand public des entreprises suivantes : 3 SUISSES FRANCE, Blancheporte, Becquet, Arianta, Helline, Witt International, Venca, 3Pagen, Saint Brice et Unigro ; qu'à la tête de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL avait été nommé par les sociétés OTTO et FIPAR un directeur exécutif dont la mission consistait à piloter la marche du groupe et son développement ; que le ter janvier 2014, la société a fait l'objet d'une cession de ses activités e-commerce BtoC et Services au e-commerce, regroupées dans une entité détenue à 100 % par le groupe Otto ; qu'elle est désormais articulée en deux entités une holding et le groupe Argosyn ; que la société 3 SUISSES France ne disposait d'aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale puisque, selon le projet de transformation et de modernisation de la société, le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d'administration ses objectifs et ses plans à trois ans et ce pour l'ensemble des enseignes du groupe ; que la confusion d'intérêts, d'activités et de direction tant avec la société BtoC qu'avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL est mise en évidence par la conclusion avec cette dernière le 28 octobre 2009, avec effet à compter du 1er janvier 2010, d'un contrat de prestation de services administratifs et d'assistance technique ; que les motifs exposés dans le contrat pour le justifier sont l'importance de l'activité de la société et le montant de ses charges en matière de prestation de services et d'assistance particulière auprès de ses filiales, nécessitant l'établissement d'une refacturation ; que ce contrat excédait un domaine purement technique ; qu'en effet, aux termes de l'article 1 er relatif à la définition des prestations de services, celles-ci consistaient en premier lieu en l'assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement ; qu'elles comprenaient également le contrôle de gestion consistant en une assistance à la mise en place et au développement d'outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu'en la mise en place d'un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation, mobilité ; que cette assistance proposée et mise en oeuvre par la fonction support de groupe, attribuée à la société Commerce B to C créée à la même date, conduisait à une véritable immixtion de cette dernière société dans la gestion économique et sociale de la société 3 SUISSES France notamment, puisqu'elle entraînait le transfert des équipes informatiques, des équipes ressources humaines et des équipes comptables de l'ensemble des sociétés du domaine, dont la société 3 SUISSES France, en son sein ; qu'à l'occasion de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise, le 17 décembre 2009, Khélaf Y..., administrateur de la société et exerçant les fonctions de directeur des ressources humaines, avait annoncé le regroupement des activités informatiques et des activités ressources humaines au sein du domaine dénommé BtoC dont il allait prendre la direction, tous les directeurs étant en outre rassemblés au sein d'un comité de direction BtoC ; que lors de la réunion du même comité, le 10 novembre 2010, tant Laurence Z..., directeur général de la société 3 SUISSES France et membre du comité de direction B to C, que Khélaf Y...rappelaient qu'en sa qualité de directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC celui-ci disposait d'un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 SUISSES France ; que ce dernier mentionnait au cours de cette même réunion que l'organisation du recrutement était centralisée afin qu'il puisse disposer d'une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 SUISSES France étant totalement dépossédée de son pouvoir, de recrutement ; qu'il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu seul interlocuteur par l'effet d'une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 SUISSES France afin que son dirigeant ne s'occupe plus désormais que de l'opérationnel ; que dans ce cadre s'inscrit également la mise en place d'un système d'information intéressant les ressources humaines à compter du 1er juillet et du 1er octobre 2010 concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont 3 SUISSES France ; que de même la société Commerce BtoC, dont Laurence Z...était également la salariée, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 SUISSES France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire ; qu'ainsi Patrick A..., responsable de ce service, s'occupait notamment du paiement des factures, était même destinataire de devis intéressant la livraison de matériels qui devaient être soumis à sa signature ; qu'à cette occasion il lui arrivait de prendre directement attache avec les responsables des espaces boutiques ; que ce contrôle s'étendait jusqu'aux feuilles de caisse mensuels que les responsables d'espaces devaient transmettre régulièrement à ce service ; que la société Commerce BtoC, devenue 3SI BtoC, à la suite d'un changement de dénomination en 2012, puis 3 SI Commerce, se confondait totalement avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, dont elle n'était qu'une émanation comme le démontre tout d'abord le pourcentage du capital détenu par cette dernière ; qu'ayant repris le patrimoine de la société VAD Holding dont elle était l'associés unique, à l'occasion de la dissolution de cette dernière, elle a été introduite dans le domaine homonyme BtoC, peu après la constitution de celui-ci, aux côtés des sociétés détentrices d'enseignes ; qu'elle avait pour seule vocation de centraliser des services relevant jusque-là de chaque société durant la période de transition initiée avec la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi et de faciliter la transformation de la société 3 SUISSES France et des autres sociétés du domaine en de simples « business unit » relevant directement du groupe reposant désormais sur deux piliers, le commerce et les services, comme le fait apparaitre la brochure intitulée Vision 2020, dans lesquels elle serait intégrée ; que Khélaf Y..., devenu ultérieurement directeur des ressources humaines du groupe, précisait, au cours de la réunion du comité d'entreprise du 10 novembre 2010, que la société BtoC ne réalisait pas de chiffre d'affaires en tant que tel mais procédait à une refacturation des coûts auprès des enseignes résultant de la centralisation des services ; que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL était particulièrement malaisée, même par ses dirigeants, Khélaf Y..., qualifiant cette société de sousholding pour la gestion des actifs, comme le rapporte le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 17 décembre 2010 ; que lors de la réunion précédente du comité d'entreprise, celui-ci reconnaissait par ailleurs l'existence d'opérations de mutualisation entre le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL et la société BtoC ; que par ailleurs les contrats de prestation de service avec la société 3 SUISSES FRANCE ont été mis en oeuvre par la société Commerce BtoC alors qu'ils avaient été conclus avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que l'immixtion résultant d'une telle confusion est également établie par l'échange de courriels entre Yannick B...et Samia C..., juriste dépendant de la dernière société, ce dernier ayant substitué la société 3 SUISSES FRANCE dans ses démarches auprès du parquet à l'occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses de l'Espace Rivoli prévenues de détournement d'argent au préjudice de la société 3 SUISSES France et ayant été destinataire du jugement du tribunal correctionnel ; que le même service juridique a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l'occasion de la fermeture des espaces ; qu'une note du 14 novembre 2011 à destination notamment de la société 3 SUISSES France, réduite à une simple enseigne, émanant du secrétaire général du groupe 3 SI expose le nouveau support et son guide d'accompagnement commun en matière d'entretien annuel d'évaluation destiné, selon les propres termes utilisés, à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d'entretien pour l'année 2011 ; qu'il résulte de ces éléments que la Société 3 SUISSES INTERNATIONAL doit bien être considérée comme co-employeur de l'intimée ;

1°) ALORS QUE, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre société de ce groupe, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que la fixation, par la direction d'un groupe, de la stratégie d'ensemble du groupe et des objectifs des différentes entités qui le composent ne prive pas les filiales de ce groupe de toute autonomie dans la définition et la mise en oeuvre de leur politique commerciale et, plus généralement, dans la gestion de leur activité économique ; qu'en se bornant en l'espèce à relever, pour affirmer que la société 3 SUISSES France ne disposait d'aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale, que le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d'administration ses objectifs et ses plans à trois ans pour l'ensemble des enseignes du groupe, ce qui est insuffisant à faire ressortir une immixtion de la direction du groupe dans la gestion économique de la société 3 SUISSES France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE la centralisation des fonctions supports des différentes filiales opérationnelles d'un groupe au sein d'une société holding et la conclusion de conventions d'assistance technique entre ces filiales opérationnelles et la société holding n'ont pas pour effet de transférer la gestion économique et sociale de ces filiales à la société holding, ni par suite de créer une situation de co-emploi ; qu'en se bornant à relever, pour caractériser une immixtion de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL dans la gestion économique et sociale de la société 3 SUISSES France, qu'un contrat de prestation de services administratifs et d'assistance technique, conclu avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL et mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC, prévoyait la fourniture d'une assistance à la société 3 SUISSES France dans différents domaines moyennant rémunération et que des services relevant auparavant des différentes enseignes de la division « B to C » ont été centralisés au sein de la société 3 SI BtoC entraînant le transfert des équipes informatiques, ressources humaines et comptables au sein de cette société, sans constater qu'au-delà de la simple assistance technique prévue au contrat, la société 3 SUISSES INTERNATIONAL se serait substituée à la société 3 SUISSES FRANCE dans la gestion économique et sociale de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QU'en se bornant à relever que les services prévus au contrat d'assistance technique conclu avec la société ARGOSYN et mis en oeuvre par la société 3 SI COMMERCE consistaient notamment en « l'assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement », en une « assistance à la mise en place et au développement d'outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu'en la mise en place d'un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation, mobilité », la cour d'appel n'a fait ressortir ni que ce contrat aurait excédé un domaine purement technique, ni qu'il aurait conduit à déposséder la société 3 SUISSES France de toute autonomie dans les domaines économique et social ; qu'elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

4°) ALORS QU'une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d'une autre société du même groupe qu'en cas d'immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu'en se bornant à relever que le contrat d'assistance mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC conduisait au transfert des équipes ressources humaines en son sein, que le Directeur des ressources humaines de la société 3 SI BtoC avait indiqué disposer d'un « pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant du domaine (B to C) dont la société 3 SUISSES France » et vouloir centraliser l'organisation du recrutement afin de disposer d'une vision globale des postes à pourvoir, ce qui est insuffisant à faire ressortir une prise en main générale et permanente, par la société 3 SI BtoC, et à travers elle par la société 3 SUISSES INTERNATIONAL devenue ARGOSYN, de la gestion sociale de la société 3 SUISSES FRANCE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

5°) ALORS QUE la mise en place de procédures harmonisées ou d'outils de gestion visant à homogénéiser les pratiques au sein d'un groupe, qui procède de la simple coordination des actions économiques des sociétés appartenant à un même groupe, ne crée pas une situation de co-emploi ; qu'en relevant encore, pour attribuer la qualité de coemployeur à la société 3 SUISSES INTERNATIONAL devenue ARGOSYN, la mise en place d'un « système d'information intéressant les ressources humaines » concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont la société 3 SUISSES France, et la diffusion, par le secrétaire général du groupe, d'un support d'entretien annuel d'évaluation destiné à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d'entretien, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

6°) ALORS QU'en se bornant à relever, s'agissant de la gestion économique de la société 3 SUISSES France, que les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 SUISSES France étaient gérés par le service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC, et que le service juridique de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL est intervenu, à deux reprises, dans la gestion de difficultés d'ordre juridique intéressant la société 3 SUISSES France, la cour d'appel n'a pas caractérisé une immixtion générale et permanente des sociétés 3 SUISSES INTERNATIONAL et 3 SI BtoC dans la gestion économique de la société 3 SUISSES France et a, en conséquence, encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

7°) ALORS QU'en relevant encore, pour affirmer que la société 3 SUISSES INTERNATIONAL doit être considérée comme co-employeur de la société 3 SUISSES France, l'existence d'une « confusion » ou d'une « distinction malaisée » entre la société 3 SI BtoC et la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, la cour d'appel s'est encore fondée sur des motifs impropres à faire ressortir une situation de co-emploi avec la société 3 SUISSES FRANCE, privant encore sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

8°) ALORS QU'en l'espèce, pour qualifier la Société ARGOSYN de coemployeur de Mme X..., la cour d'appel a relevé que « la société Commerce BtoC, devenue 3SI BtoC à la suite d'un changement de dénomination en 2012, se confondait totalement avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL devenue ARGOSYN, dont elle n'était qu'une émanation, tout d'abord comme le démontre le pourcentage du capital détenu par cette dernière » (cf. arrêt page 9 § 2) ; qu'en statuant ainsi, sans même préciser le pourcentage de capital social de la société 3 SI BtoC détenu par la société ARGOSYN, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-15685
Date de la décision : 06/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2016, pourvoi n°15-15685


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.15685
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