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06/07/2016 | FRANCE | N°15-15479

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juillet 2016, 15-15479


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 janvier 2015), que la société 3 Suisses France faisait partie du groupe 3 Suisses International lequel était détenu à 51 % par le groupe de droit allemand Otto ; que le groupe 3 Suisses International était structuré en quatre domaines d'activité dont le commerce à destination des particuliers exercé par la société Commerce BtoC devenue 3SI BtoC puis 3SI Commerce, laquelle contrôlait plusieurs enseignes et sociétés dont la société

3 Suisses France ; qu'à partir du mois de décembre 2010, la société 3 Suisses ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 janvier 2015), que la société 3 Suisses France faisait partie du groupe 3 Suisses International lequel était détenu à 51 % par le groupe de droit allemand Otto ; que le groupe 3 Suisses International était structuré en quatre domaines d'activité dont le commerce à destination des particuliers exercé par la société Commerce BtoC devenue 3SI BtoC puis 3SI Commerce, laquelle contrôlait plusieurs enseignes et sociétés dont la société 3 Suisses France ; qu'à partir du mois de décembre 2010, la société 3 Suisses France a réuni son comité d'entreprise en vue de la présentation d'un projet de réorganisation emportant fermeture des espaces boutiques et le licenciement économique de l'ensemble des salariés qui y travaillaient ; que M. X..., animateur commercial des espaces boutiques, licencié dans le cadre de ce projet par lettre du 26 janvier 2012 a contesté la validité de son licenciement pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et demandé la condamnation in solidum des sociétés 3 Suisses France, 3 Suisses International devenue Argosyn et Otto ;

Attendu que les sociétés 3 Suisses France et 3SI Commerce font grief à l'arrêt de dire que les sociétés 3 Suisses France et 3 Suisses International devenue Argosyn sont les coemployeurs de M. X... et de condamner in solidum les sociétés 3 Suisses France et Argosyn à lui verser une somme à titre d'indemnité du fait de la nullité du licenciement, alors selon le moyen :

1°/ que hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre société de ce groupe, que s'il existe entre elles, au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que la fixation, par la direction d'un groupe, de la stratégie d'ensemble du groupe et des objectifs des différentes entités qui le composent ne prive pas les filiales de ce groupe de toute autonomie dans la définition et la mise en oeuvre de leur politique commerciale et, plus généralement, dans la gestion de leur activité économique ; qu'en se bornant en l'espèce à relever, pour affirmer que la société 3 Suisses France ne disposait d'aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale, que le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d'administration ses objectifs et ses plans à trois ans pour l'ensemble des enseignes du groupe, ce qui est insuffisant à faire ressortir une immixtion de la direction du groupe dans la gestion économique de la société 3 Suisses France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que la centralisation des fonctions supports des différentes filiales opérationnelles d'un groupe au sein d'une société holding et la conclusion de conventions d'assistance technique entre ces filiales opérationnelles et la société holding n'ont pas pour effet de transférer la gestion économique et sociale de ces filiales à la société holding, ni par suite de créer une situation de co-emploi ; qu'en se bornant à relever, pour caractériser une immixtion des sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France, qu'un contrat de prestation de services administratifs et d'assistance technique, conclu avec la société 3 Suisses International et mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC, prévoyait la fourniture d'une assistance à la société 3 Suisses France dans différents domaines moyennant rémunération et que des services relevant auparavant des différentes enseignes de la division « B to C » ont été centralisés au sein de la société 3 SI BtoC entraînant le transfert des équipes informatiques, ressources humaines et comptables au sein de cette société, sans constater qu'au-delà de la simple assistance technique prévue au contrat, les sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC se seraient substituées à la société 3 Suisses France dans la gestion économique et sociale de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ qu'en se bornant à relever que les services prévus au contrat d'assistance technique conclu avec la société Argosyn et mis en oeuvre par la société 3 SI Commerce consistaient notamment en « l'assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement », en une « assistance à la mise en place et au développement d'outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu'en la mise en place d'un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation ? mobilité », la cour d'appel n'a fait ressortir ni que ce contrat aurait excédé un domaine purement technique, ni qu'il aurait conduit à déposséder la société 3 Suisses France de toute autonomie dans les domaines économique et social ; qu'elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ qu'une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d'une autre société du même groupe qu'en cas d'immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu'en se bornant à relever que le contrat d'assistance mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC conduisait au transfert des équipes ressources humaines en son sein, que le Directeur des ressources humaines de la société 3 SI BtoC avait indiqué disposer d'un « pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant du domaine (B to C) dont la société 3 Suisses France » et vouloir centraliser l'organisation du recrutement afin de disposer d'une vision globale des postes à pourvoir, ce qui est insuffisant à faire ressortir une prise en main générale et permanente de la gestion sociale de la société 3 Suisses France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ qu'une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d'une autre société de ce groupe qu'à la condition que soit caractérisée une immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes faisaient valoir qu'après la création de la société 3 SI BtoC et la centralisation des services support en son sein, la société 3 Suisses France avait conservé sa propre direction des ressources humaines qui procédait seule notamment au recrutement des salariés, aux licenciements et à la gestion des relations sociales, comme en attestaient des contrats de travail et lettres de licenciement, notamment de cadres supérieurs, signés par la seule directrice des ressources humaines de l'entreprise, des accords collectifs d'entreprise négociés et conclus par cette même directrice et des procès-verbaux de réunions du comité d'entreprise auxquelles cette directrice avait seule participé, en qualité de représentant de l'employeur ; qu'étaient également versés aux débats les rapports d'entretien d'évaluation, notamment de cadres de l'entreprise, établis par des cadres de direction de la société 3 Suisses France ; qu'en affirmant que la société 3 Suisses France était totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement et, plus largement, qu'elle n'était plus autonome dans la gestion sociale, sans s'expliquer sur ces éléments qui étaient de nature à faire ressortir que la société 3 Suisses France assurait la direction quotidienne de son personnel et la gestion des relations sociales, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la mise en place de procédures harmonisées ou d'outils de gestion visant à homogénéiser les pratiques au sein d'un groupe, qui procède de la simple coordination des actions économiques des sociétés appartenant à un même groupe, ne crée pas une situation de co-emploi ; qu'en relevant encore, pour attribuer la qualité de co-employeur à la société 3 SI BtoC et à la société 3 Suisses International, la mise en place d'un « système d'information intéressant les ressources humaines » concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont la société 3 Suisses France, et la diffusion, par le secrétaire général du groupe, d'un support d'entretien annuel d'évaluation destiné à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d'entretien, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

7°/ qu'en se bornant à relever, s'agissant de la gestion économique de la société 3 Suisses France, que les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France étaient gérés par le service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC, et que le service juridique de la société 3 Suisses International est intervenu, à deux reprises, dans la gestion de difficultés d'ordre juridique intéressant la société 3 Suisses France, la cour d'appel n'a pas caractérisé une immixtion générale et permanente des sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC dans la gestion économique de la société 3 Suisses France et a, en conséquence, encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

8°/ que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés 3 Suisses France et 3 SI BtoC soulignaient que la société 3 Suisses France avait conservé sa propre direction financière, qu'elle établissait elle-même des bons de commandes et était destinataire des factures des produits commandés, y compris pour des approvisionnements d'un montant particulièrement élevé ; que, pour le justifier, elle produisait plus d'une centaine de factures et bons de commandes ; qu'en évoquant le rôle du service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC sur les approvisionnements de la société 3 Suisses France, sans s'expliquer sur ces éléments établissant que la société 3 Suisses France restait maîtresse de ses approvisionnements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 455 du Code de procédure civile ;

9°/ qu'en relevant encore, pour affirmer que les sociétés 3 SI BtoC et 3 Suisses International doivent être considérées comme co-employeurs de la société 3 Suisses France, l'existence d'une « confusion » ou d'une « distinction malaisée » entre la société 3 SI BtoC et la société 3 Suisses International, la cour d'appel s'est encore fondée sur des motifs impropres à faire ressortir une situation de co-emploi avec la société 3 Suisses France, privant encore sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'au moment de la réorganisation, la société 3SI Commerce anciennement dénommée Commerce BtoC se confondait totalement avec la société 3 Suisses International, dont elle n'était qu'une émanation et n'avait pour objet que de faciliter la transformation de la société 3 Suisses France et des autres sociétés du domaine en de simples « business unit » relevant directement du groupe, que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 Suisses International était particulièrement malaisée comme en atteste le fait que les contrats d'assistance, mis en oeuvre par la société Commerce BtoC, avaient été conclus avec la société 3 Suisses International ; que cette réorganisation a conduit à une immixtion de la société BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France par le transfert de ses équipes informatiques, comptables et surtout de ressources humaines notamment dans la formation, la mobilité et le recrutement ; qu'ainsi au cours d'une réunion du comité d'entreprise le 10 novembre 2010, tant le directeur général de la société 3 Suisses France et membre du comité de direction BtoC que le directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC rappelaient que ce dernier disposait d'un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 Suisses France ; que ce même directeur mentionnait au cours de cette réunion que l'organisation du recrutement était centralisée afin qu'il puisse disposer d'une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 Suisses France étant totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement ; qu'il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu le seul interlocuteur par l'effet d'une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 Suisses France afin que son dirigeant ne s'occupe plus désormais que de l'opérationnel ; qu'en outre la société Commerce BtoC, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire dont le contrôle s'exerçait jusqu'aux feuilles de caisse mensuelles que les responsables des espaces 3 Suisses France devaient transmettre régulièrement à ce service ; qu'enfin, c'est le service juridique de la société 3 Suisses International qui a substitué la société 3 Suisses France dans ses démarches auprès du parquet à l'occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses prévenues de détournement d'argent au préjudice de la société 3 Suisses France et a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l'occasion de la fermeture des espaces ;

Qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a ainsi caractérisé, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activité et de direction se manifestant par une immixtion des sociétés 3 Suisses International devenue Argosyn et Commerce BtoC devenue 3SI Commerce dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société 3 Suisses France et la société 3SI Commerce aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne solidairement à payer à M. X... la somme de 1 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société 3 Suisses France et la société 3SI Commerce.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les sociétés 3 SUISSES France et 3 SUISSES INTERNATIONAL devenue ARGOSYN sont les co-employeurs de Monsieur X... et d'AVOIR condamné in solidum les sociétés 3 SUISSES FRANCE et 3 SUISSES INTERNATIONAL, devenue ARGOSYN, à verser à Monsieur X... la somme de 80.000 euros à titre d'indemnité du fait de la nullité du licenciement et une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' « en application de l'article L1221-1 du code du travail que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'il résulte notamment des informations communiquées au comité d'entreprise lors de sa réunion du 29 septembre 2011 que la société 3 SUISSES France faisait partie, par le biais du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, du groupe de droit allemand OTTO organisé au travers de trois domaines d'activité, le commerce dit multi-canal («multichannel retail»), les services financiers et les services aux entreprises ; que celui-ci détenait 51 % du capital social du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, la majeure partie du reste du capital social appartenant à la société FIPAR, elle-même détenue par le groupe de la famille Mulliez ; que le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL était lui-même structuré en quatre domaines d'activité, dont en particulier le domaine BtoC («business to consumer» dénommé commerce à destination des particuliers) composé des enseignes grand public des entreprises suivantes : 3 SUISSES FRANCE, Blancheporte, Becquet, Arianta, Helline, Witt International, Venca, 3Pagen, Saint Brice et Unigro ; qu'à la tête de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL avait été nommé par les sociétés OTTO et FIPAR un directeur exécutif dont la mission consistait à piloter la marche du groupe et son développement ; que le 1er janvier 2014, la société a fait l'objet d'une cession de ses activités e-commerce BtoC et Services au e-commerce, regroupées dans une entité détenue à 100% par le groupe Otto ; qu'elle est désormais articulée en deux entités une holding et le groupe Argosyn ; (…) ; que la société 3 SUISSES France ne disposait d'aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale puisque, selon le projet de transformation et de modernisation de la société, le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d'administration ses objectifs et ses plans à trois ans et ce pour l'ensemble des enseignes du groupe ; que la confusion d'intérêts, d'activités et de direction tant avec la société BtoC qu'avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL est mise en évidence par la conclusion avec cette dernière le 28 octobre 2009, avec effet à compter du 1er janvier 2010, d'un contrat de prestation de services administratifs et d'assistance technique ; que les motifs exposés dans le contrat pour le justifier sont l'importance de l'activité de la société et le montant de ses charges en matière de prestation de services et d'assistance particulière auprès de ses filiales, nécessitant l'établissement d'une refacturation ; que ce contrat excédait un domaine purement technique ; qu'en effet, aux termes de l'article 1er relatif à la définition des prestations de services, celles-ci consistaient en premier lieu en l'assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement ; qu'elles comprenaient également le contrôle de gestion consistant en une assistance à la mise en place et au développement d'outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu'en la mise en place d'un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation, mobilité ; que cette assistance mise en oeuvre également par la société Commerce B to C créée à la même date, conduisait à une véritable immixtion de cette dernière société dans la gestion économique et sociale de la société 3 SUISSES France notamment, puisqu'elle entraînait le transfert des équipes informatiques, des équipes ressources humaines et des équipes comptables de l'ensemble des sociétés du domaine, dont la société 3 SUISSES France, en son sein ; qu'à l'occasion de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise, le 17 décembre 2009, Khélaf Y..., administrateur de la société et exerçant les fonctions de directeur des ressources humaines, avait annoncé le regroupement des activités informatiques et des activités ressources humaines au sein du domaine dénommé BtoC dont il allait prendre la direction, tous les directeurs étant en outre rassemblés au sein d'un comité de direction BtoC ; que lors de la réunion du même comité, le 10 novembre 2010, tant Laurence Z..., directeur général de la société 3 SUISSES France et membre du comité de direction B to C, que Khélaf Y... rappelaient qu'en sa qualité de directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC celui-ci disposait d'un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 SUISSES France ; que ce dernier mentionnait au cours de cette même réunion que l'organisation du recrutement était centralisée afin qu'il puisse disposer d'une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 SUISSES France étant totalement dépossédée de son pouvoir, de recrutement ; qu'il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu seul interlocuteur par l'effet d'une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 SUISSES France afin que son dirigeant ne s'occupe plus désormais que de l'opérationnel ; que dans ce cadre s'inscrit également la mise en place d'un système d'information intéressant les ressources humaines à compter du 1er juillet et du 1er octobre 2010 concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont 3 SUISSES France ; que de même la société Commerce BtoC, dont Laurence Z... était également la salariée, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 SUISSES France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire ; qu'ainsi Patrick A..., responsable de ce service, s'occupait notamment du paiement des factures, était même destinataire de devis intéressant la livraison de matériels qui devaient être soumis à sa signature ; qu'à cette occasion il lui arrivait de prendre directement attache avec les responsables des espaces boutiques ; que ce contrôle s'étendait jusqu'aux feuilles de caisse mensuels que les responsables d'espaces devaient transmettre régulièrement à ce service ; que la société Commerce BtoC, devenue 3SI BtoC, à la suite d'un changement de dénomination en 2012, puis 3 SI Commerce, se confondait totalement avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, dont elle n'était qu'une émanation comme le démontre tout d'abord le pourcentage du capital détenu par cette dernière ; qu'ayant repris le patrimoine de la société VAD Holding dont elle était l'associés unique, à l'occasion de la dissolution de cette dernière, elle a été introduite dans le domaine homonyme BtoC, peu après la constitution de celui-ci, aux côtés des sociétés détentrices d'enseignes ; qu'elle avait pour seule vocation de centraliser des services relevant jusque-là de chaque société durant la période de transition initiée avec la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi et de faciliter la transformation de la société 3 SUISSES France et des autres sociétés du domaine en de simples «business unit» relevant directement du groupe reposant désormais sur deux piliers, le commerce et les services, comme le fait apparaitre la brochure intitulée Vision 2020, dans lesquels elle serait intégrée ; que Khélaf Y..., devenu ultérieurement directeur des ressources humaines du groupe, précisait, au cours de la réunion du comité d'entreprise du 10 novembre 2010, que la société BtoC ne réalisait pas de chiffre d'affaires en tant que tel mais procédait à une refacturation des coûts auprès des enseignes résultant de la centralisation des services ; que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL était particulièrement malaisée, même par ses dirigeants, Khélaf Y..., qualifiant cette société de sous-holding pour la gestion des actifs, comme le rapporte le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 17 décembre 2010 ; que lors de la réunion précédente du comité d'entreprise, celui-ci reconnaissait par ailleurs l'existence d'opérations de mutualisation entre le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL et la société BtoC ; que par ailleurs les contrats de prestation de service avec la société 3 SUISSES FRANCE ont été mis en oeuvre par la société Commerce BtoC alors qu'ils avaient été conclus avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que l'immixtion résultant d'une telle confusion est également établie par l'échange de courriels entre Yannick X... et Samia B..., juriste dépendant de la dernière société, ce dernier ayant substitué la société 3 SUISSES FRANCE dans ses démarches auprès du parquet à l'occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses de l'Espace Rivoli prévenues de détournement d'argent au préjudice de la société 3 SUISSES France et ayant été destinataire du jugement du tribunal correctionnel ; que le même service juridique a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l'occasion de la fermeture des espaces ; qu'une note du 14 novembre 2011 à destination notamment de la société 3 SUISSES France, réduite à une simple enseigne, émanant du secrétaire général du groupe 3 SI expose le nouveau support et son guide d'accompagnement commun en matière d'entretien annuel d'évaluation destiné, selon les propres termes utilisés, à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d'entretien pour l'année 2011 ; qu'il résulte de ces éléments que la société 3 SUISSES INTERNATIONAL doit être considérée comme coemployeur de l'appelant » ;

1. ALORS QUE hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre société de ce groupe, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que la fixation, par la direction d'un groupe, de la stratégie d'ensemble du groupe et des objectifs des différentes entités qui le composent ne prive pas les filiales de ce groupe de toute autonomie dans la définition et la mise en oeuvre de leur politique commerciale et, plus généralement, dans la gestion de leur activité économique ; qu'en se bornant en l'espèce à relever, pour affirmer que la société 3 SUISSES France ne disposait d'aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale, que le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d'administration ses objectifs et ses plans à trois ans pour l'ensemble des enseignes du groupe, ce qui est insuffisant à faire ressortir une immixtion de la direction du groupe dans la gestion économique de la société 3 SUISSES France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

2. ALORS QUE la centralisation des fonctions supports des différentes filiales opérationnelles d'un groupe au sein d'une société holding et la conclusion de conventions d'assistance technique entre ces filiales opérationnelles et la société holding n'ont pas pour effet de transférer la gestion économique et sociale de ces filiales à la société holding, ni par suite de créer une situation de co-emploi ; qu'en se bornant à relever, pour caractériser une immixtion des sociétés 3 SUISSES INTERNATIONAL et 3 SI BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 SUISSES France, qu'un contrat de prestation de services administratifs et d'assistance technique, conclu avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL et mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC, prévoyait la fourniture d'une assistance à la société 3 SUISSES France dans différents domaines moyennant rémunération et que des services relevant auparavant des différentes enseignes de la division « B to C » ont été centralisés au sein de la société 3 SI BtoC entraînant le transfert des équipes informatiques, ressources humaines et comptables au sein de cette société, sans constater qu'au-delà de la simple assistance technique prévue au contrat, les sociétés 3 SUISSES INTERNATIONAL et 3 SI BtoC se seraient substituées à la société 3 SUISSES FRANCE dans la gestion économique et sociale de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

3. ALORS QU' en se bornant à relever que les services prévus au contrat d'assistance technique conclu avec la société ARGOSYN et mis en oeuvre par la société 3 SI COMMERCE consistaient notamment en « l'assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement », en une « assistance à la mise en place et au développement d'outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu'en la mise en place d'un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation ? mobilité », la cour d'appel n'a fait ressortir ni que ce contrat aurait excédé un domaine purement technique, ni qu'il aurait conduit à déposséder la société 3 SUISSES France de toute autonomie dans les domaines économique et social ; qu'elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

4. ALORS QU' une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d'une autre société du même groupe qu'en cas d'immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu'en se bornant à relever que le contrat d'assistance mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC conduisait au transfert des équipes ressources humaines en son sein, que le Directeur des ressources humaines de la société 3 SI BtoC avait indiqué disposer d'un « pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant du domaine B to C) dont la société 3 SUISSES France » et vouloir centraliser l'organisation du recrutement afin de disposer d'une vision globale des postes à pourvoir, ce qui est insuffisant à faire ressortir une prise en main générale et permanente de la gestion sociale de la société 3 SUISSES FRANCE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

5. ALORS QU' une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d'une autre société de ce groupe qu'à la condition que soit caractérisée une immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes faisaient valoir qu'après la création de la société 3 SI BtoC et la centralisation des services support en son sein, la société 3 SUISSES FRANCE avait conservé sa propre direction des ressources humaines qui procédait seule notamment au recrutement des salariés, aux licenciements et à la gestion des relations sociales, comme en attestaient des contrats de travail et lettres de licenciement, notamment de cadres supérieurs, signés par la seule directrice des ressources humaines de l'entreprise, des accords collectifs d'entreprise négociés et conclus par cette même directrice et des procès-verbaux de réunions du comité d'entreprise auxquelles cette directrice avait seule participé, en qualité de représentant de l'employeur ; qu'étaient également versés aux débats les rapports d'entretien d'évaluation, notamment de cadres de l'entreprise, établis par des cadres de direction de la société 3 SUISSES France ; qu'en affirmant que la société 3 SUISSES France était totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement et, plus largement, qu'elle n'était plus autonome dans la gestion sociale, sans s'expliquer sur ces éléments qui étaient de nature à faire ressortir que la société 3 SUISSES France assurait la direction quotidienne de son personnel et la gestion des relations sociales, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

6. ALORS QUE la mise en place de procédures harmonisées ou d'outils de gestion visant à homogénéiser les pratiques au sein d'un groupe, qui procède de la simple coordination des actions économiques des sociétés appartenant à un même groupe, ne crée pas une situation de co-emploi ; qu'en relevant encore, pour attribuer la qualité de co-employeur à la société 3 SI BtoC et à la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, la mise en place d'un « système d'information intéressant les ressources humaines » concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont la société 3 SUISSES France, et la diffusion, par le secrétaire général du groupe, d'un support d'entretien annuel d'évaluation destiné à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d'entretien, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs radicalement inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

7. ALORS QU' en se bornant à relever, s'agissant de la gestion économique de la société 3 SUISSES France, que les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 SUISSES France étaient gérés par le service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC, et que le service juridique de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL est intervenu, à deux reprises, dans la gestion de difficultés d'ordre juridique intéressant la société 3 SUISSES France, la cour d'appel n'a pas caractérisé une immixtion générale et permanente des sociétés 3 SUISSES INTERNATIONAL et 3 SI BtoC dans la gestion économique de la société 3 SUISSES France et a, en conséquence, encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

8. ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les sociétés 3 SUISSES France et 3 SI BtoC soulignaient que la société 3 SUISSES France avait conservé sa propre direction financière, qu'elle établissait elle-même des bons de commandes et était destinataire des factures des produits commandés, y compris pour des approvisionnements d'un montant particulièrement élevé ; que, pour le justifier, elle produisait plus d'une centaine de factures et bons de commandes ; qu'en évoquant le rôle du service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC sur les approvisionnements de la société 3 SUISSES France, sans s'expliquer sur ces éléments établissant que la société 3 SUISSES France restait maîtresse de ses approvisionnements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 455 du Code de procédure civile ;

9. ALORS QU' en relevant encore, pour affirmer que les sociétés 3 SI BtoC et 3 SUISSES INTERNATIONAL doivent être considérées comme co-employeurs de la société 3 SUISSES France, l'existence d'une « confusion » ou d'une « distinction malaisée » entre la société 3 SI BtoC et la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, la cour d'appel s'est encore fondée sur des motifs impropres à faire ressortir une situation de co-emploi avec la société 3 SUISSES FRANCE, privant encore sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et par conséquent du licenciement de Monsieur X..., d'AVOIR condamné in solidum les sociétés 3 SUISSES France et ARGOSYN, anciennement dénommée 3 SUISSES INTERNATIONAL, à verser à Monsieur X... la somme de 80.000 euros à titre d'indemnité du fait de la nullité du licenciement sous déduction de la somme de 28.851,72 euros perçue dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi et d'AVOIR condamné in solidum les sociétés 3 SUISSES France et ARGOSYN, anciennement dénommée 3 SUISSES INTERNATIONAL à verser Monsieur X... 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' « il convient de relever au préalable que, selon les auteurs du rapport d'étape du cabinet d'expertise comptable Syndex élaboré en juin 2011, le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL a permis entre 2008 et 2011 le versement de dividendes de plus de 390 M€ à ses actionnaires, principalement les sociétés FIPAR et OTTO, une autre partie des résultats étant destinée à recapitaliser les filiales et notamment la société 3 SUISSES France ; que la création des espaces 3 SUISSES dont la suppression a entraîné cent quarante-trois licenciements dont celui de l'appelante est la conséquence d'un choix de politique commerciale erroné, ce modèle, selon l'expert, n'ayant pas été construit pour être rentable mais pour contrer la présence de la société La Redoute à travers ses points de contact dans les principales villes ; que selon le rapport précité, confirmé par les écritures de la société 3 SUISSES France, les comptes consolidés du groupe OTTO qui intégraient le domaine BtoC à la branche "retail channel", ont dégagé un résultat d'exploitation de 131,5 M€ au titre de l'exercice 2011 après avoir connu une perte de 80,7 M€ au cours de l'exercice précédent ; que le chiffre d'affaires de cette branche a augmenté de 12,1 % durant la même période ; que le secteur d'activité doit être apprécié au niveau du groupe OTTO principal actionnaire du groupe 3 SI auquel appartient la société 3 SUISSES France ; que de même les moyens financiers permettant d'évaluer la pertinence du plan doivent s'apprécier au niveau du groupe OTTO ; que les actions en vue du reclassement interne des salariés sont manifestement insuffisantes ; qu'en effet, contrairement à ce qui est soutenu, aucune offre d'emploi concrète et individualisée entraînant un reclassement effectif n'était proposée ; que la société 3 SUISSES France, qui avait confectionné trois types de listes comprenant entre deux et sept emplois, ne communiquait aux salariés que l'une d'entre elles, impliquant une diminution substantielle de la rémunération pour lesquels ils devaient se porter candidats et conduisant nécessairement à une mise en concurrence de plusieurs salariés sur un même emploi ; que cette candidature donnait ensuite lieu à la mise en oeuvre d'un processus de rencontres et de visites aux termes desquelles elle était susceptible d'être retenue définitivement après validation par la direction compétente, comme le rappelle le directeur des ressources humaines de la société 3 SUISSE France dans un courrier du 13 janvier 2012 ; que ne peuvent non plus être considérées comme des offres de reclassement les cinquante-sept postes disponibles au sein du groupe OTTO mentionnés dans une liste annexée au plan en raison tant de leur non-conformité avec le contenu du § 3.1.1 A dudit plan, du fait de leur imprécision quant au montant de la rémunération, de la durée du travail et du type d'emploi, que de leur volontaire technicité qui interdisait aux salariés des espaces de se porter candidats alors qu'au sein de l'ensemble des sociétés relevant du secteur multi-canal ("multi-channel retail") exploitant au moins une vingtaine d'enseignes, il était possible d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que selon les informations diffusées en 2012 par le groupe lui-même, des boutiques OTTO étaient incluses dans plus de quatre cents magasins et sur le site Internet du groupe à la date du 4 juillet 2012, figuraient huit cent soixante-huit offres d'emplois ; qu'au surplus, s'agissant des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, que celle-ci étaient limitées au versement d'une allocation temporaire de 400 € bruts par mois durant deux années en cas de conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée d'au moins six mois conduisant au versement d'un salaire inférieur à la rémunération antérieurement perçue ; que de telles sommes étaient manifestement dérisoires par rapport aux emplois susceptibles d'être retrouvés par les salariés ; que le démontrent les offres de reclassement interne conditionnelles proposées par la société aux responsables d'espace et correspondant à des postes pour lesquels le salarié était susceptible de percevoir une rémunération annuelle brute de 24000 € à 28000 € conduisant à une perte annuelle, dans la meilleure des hypothèses, de 8000 € soit environ le double du montant de l'allocation temporaire proposée ; qu'en outre cette mesure n'était pas proportionnée aux moyens financiers dont disposait le groupe OTTO, qui se considérait en 2012 selon ses propres informations, comme le plus grand fournisseur mondial en ligne BtoC d'articles de mode et de maison et la seconde société pour les ventes après la société Amazon, réalisant un chiffre d'affaires à cette date de plus de onze milliards d'euros ; qu'en conséquence en raison de son insuffisance, il convient de prononcer la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi » ;

Sur les offres de reclassement interne

1. ALORS QUE la validité d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des mesures qu'il prévoit pour favoriser le reclassement des salariés concernés par le projet de licenciement sur les postes disponibles dans le groupe, et non au regard du contenu des offres de reclassement proposées aux salariés ; que, pour dire manifestement dérisoires les actions de reclassement interne du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a relevé que la société 3 SUISSES France avait confectionné trois types de listes comprenant entre deux et sept emplois et communiqué aux salariés l'une de ces listes, que ces offres impliquaient une diminution substantielle de rémunération et qu'elles conduisaient à la mise en concurrence de plusieurs salariés, invités à se porter candidats sur les postes en cause, de sorte qu'aucune offre de reclassement concrète et individualisée entraînant un reclassement effectif n'était proposée ; qu'en se fondant ainsi sur le seul contenu des offres de reclassement, sans même analyser les mesures du plan relatives au reclassement interne des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

2. ALORS QUE la circonstance que les offres de reclassement individuelles ne permettent pas d'assurer le reclassement effectif de tous les salariés menacés de licenciement, parce que le nombre d'emplois disponibles est moins important que le nombre de salariés destinataires de ces offres ou que ces emplois, de catégorie inférieure aux emplois occupés par les salariés, impliquent une diminution de rémunération, ne rend pas le plan de sauvegarde de l'emploi insuffisant ; qu'en outre, même proposée à plusieurs salariés invités à se porter candidats, une offre de reclassement est néanmoins personnalisée dès lors qu'elle est adaptée à la situation de chaque salarié ; qu'en retenant, pour dire le plan de sauvegarde de l'emploi insuffisant, que les offres de reclassement proposées aux salariés correspondaient à une liste de postes impliquant une diminution substantielle de rémunération et qu'elles appelaient les salariés, mis en concurrence, à se porter candidats en raison du nombre insuffisant de postes disponibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

3. ALORS QUE seuls les emplois salariés doivent être proposés dans le cadre du reclassement, de sorte que le plan de sauvegarde de l'emploi doit uniquement recenser les emplois salariés disponibles dans le groupe ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes indiquaient que le document extrait du site internet du groupe OTTO dont se prévalait le salarié pour dénoncer le caractère prétendument dérisoire du nombre de postes de reclassement recensés dans le plan de sauvegarde de l'emploi faisait essentiellement état d'offres de stage, et non d'offres d'emplois salariés, le terme « pratikant » figurant sur ces offres signifiant « stagiaire » ; qu'elles justifiaient, par ailleurs, de ce que la société 3 SUISSES France avait sollicité et relancé plusieurs fois chacune des entreprises du groupe, pour définir et mettre à jour les listes des postes disponibles annexées au plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en se bornant à relever que, selon le document produit par le salarié, huit cent soixante-huit offres d'emplois figuraient sur le site internet du groupe OTTO au 4 juillet 2012, sans s'expliquer sur la nature de ces offres d'emplois, ni sur l'exhaustivité des recherches de reclassement dont justifiait la société 3 SUISSES France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

4. ALORS QUE le plan de sauvegarde de l'emploi doit fournir des indications sur le nombre, la nature et la localisation des postes disponibles pour le reclassement dans l'entreprise et le groupe ; que c'est seulement au stade des offres de reclassement que l'employeur doit fournir aux salariés destinataires de ces offres des indications sur les caractéristiques des emplois offerts, telles que la rémunération ou la durée du travail ; qu'en l'espèce, deux annexes du plan de sauvegarde de l'emploi comportaient la liste des postes disponibles pour le reclassement dans le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL et dans le groupe OTTO, sur laquelle étaient précisés la nature, le nombre et la localisation de ces postes ; qu'en retenant, pour dire les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi insuffisantes, que les cinquante-sept postes disponibles au sein du groupe OTTO mentionnés en annexe du plan ne peuvent être considérés comme des offres de reclassement du fait de leur imprécision quant au montant de la rémunération, de la durée du travail et du type d'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

5. ALORS, AU SURPLUS, QUE le paragraphe 3.1.1. A du plan de sauvegarde de l'emploi, intitulé « proposition de postes », prévoyait que « les postes disponibles au sein de la société 3 Suisses France, du Domaine BtoC et du Groupe 3 Suisses International (cf annexe 1) seront proposés par priorité dès lors qu'ils seront identifiés et compatibles avec la qualification, les compétences moyennant éventuellement une formation/adaptation, et l'expérience des salariés concernés », et qu' « il faudra également préciser : le statut, l'horaire de travail et la rémunération mensuelle brute de base, la description de fonctions, la convention collective applicable » ; qu'il en résulte que ces différentes mentions devaient figurer sur les « propositions de postes » adressées à chaque salarié, et non sur la liste des postes annexée au plan ; qu'à supposer qu'elle ait entendu dire que le paragraphe précité du plan imposait de mentionner le montant de la rémunération, la durée du travail et le type d'emploi sur les listes des postes disponibles annexées au plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel aurait dénaturé les termes clairs et précis des dispositions précitées du plan de sauvegarde de l'emploi, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

6. ALORS QUE l'employeur est tenu de recenser dans le plan de sauvegarde de l'emploi tous les postes disponibles dans le groupe qui pourront être mobilisés pour le reclassement des salariés concernés par le projet de licenciement ; que c'est seulement au stade des offres de reclassement que l'employeur doit proposer à chaque salarié menacé de licenciement les seuls postes qui correspondent à ses compétences ; qu'en l'espèce, le projet de licenciement collectif concernait, outre les salariés des espaces boutiques, des salariés d'autres services appartenant à des catégories professionnelles très différentes ; qu'en conséquence, la société 3 SUISSES France avait recensé, dans le plan de sauvegarde de l'emploi, l'ensemble des postes susceptibles d'être proposés à tous les salariés concernés par le projet de licenciement collectif ; qu'en relevant encore, pour dire le plan de sauvegarde de l'emploi insuffisant, que les cinquante-sept postes disponibles au sein du groupe OTTO listés dans le plan ne pouvaient être considérés comme des offres de reclassement dès lors que leur technicité interdisait aux salariés des espaces boutiques de se porter candidats, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

7. ALORS QUE si les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi doivent garantir le reclassement effectif des salariés concernés par le projet de licenciement sur les postes disponibles correspondant à leurs compétences, cela n'interdit pas de définir une procédure visant à vérifier l'adéquation des compétences du salarié avec les postes disponibles avant toute offre de reclassement ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait que les postes disponibles au sein du groupe doivent être proposés « en priorité » aux salariés menacés de licenciement dès lors qu'ils sont compatibles avec leurs qualifications, compétences et expériences, moyennant au besoin une formation/adaptation, que l'antenne de reclassement doit organiser un entretien avec chaque salarié pour lui fournir toutes les informations utiles sur le ou les postes et les aides à la mobilité et pré-valider sa candidature au regard des caractéristiques du poste et de son profil, que le responsable hiérarchique de l'entité d'accueil doit ensuite recevoir le salarié pour valider sa candidature et, en cas de candidatures multiples, sélectionner le candidat prioritaire en fonction de la compétence et de l'adéquation au poste ; qu'en outre, le plan de sauvegarde de l'emploi confiait à la commission de suivi un droit de regard sur le choix des candidats aux postes disponibles et le soin de trancher tout différend sur l'application des mesures du plan, dont les mesures de reclassement interne ; que l'ensemble de ces mesures garantissait un reclassement effectif des salariés sur les postes disponibles correspondant à leurs compétences ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer le contraire, qu'était prévu un processus de rencontres et de visites aux termes desquels la candidature du salarié n'était définitivement retenue qu'après validation par la direction compétente, sans rechercher si ce processus ne visait pas légitimement à s'assurer de l'adéquation des compétences du salarié au contenu de l'emploi proposé et n'était pas entouré de différentes garanties permettant d'éviter une attribution discrétionnaire des postes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

Sur les mesures de reclassement externe

8. ALORS QUE le pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée au regard de l'ensemble des mesures qu'il prévoit ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi établi par la société 3 SUISSES France prévoyait, au titre des mesures de reclassement externe, la mise en place d'une antenne emploi, animée par un cabinet spécialisé qui devait proposer à chaque salarié au moins deux Offres Fermes d'Emploi, un congé de reclassement d'une durée comprise entre 7 et 12 mois pendant laquelle le salarié devait bénéficier d'une allocation de reclassement égale à 75 % de son salaire brut, le versement d'une allocation temporaire dégressive en cas de reclassement sur un emploi moins bien rémunéré, une aide à la réembauche des salariés de 50 ans et plus, diverses aides à la mobilité géographique, des aides matérielles et financières à la création ou reprise d'entreprise, et plusieurs aides à la formation / reconversion ; qu'en retenant, pour dire le plan de sauvegarde de l'emploi insuffisant, que le montant de l'allocation temporaire dégressive prévue par le plan n'était pas proportionné aux moyens du groupe OTTO, sans examiner l'ensemble des autres mesures du plan visant à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, ni rechercher si ces mesures, prises dans leur ensemble, n'étaient pas proportionnées aux moyens du groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail ;

9. ALORS AU SURPLUS QU'en affirmant que les actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise étaient limitées au versement d'une allocation temporaire de 400 € bruts par mois durant deux années en cas de conclusion d'un contrat de travail impliquant une perte de rémunération, cependant que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait bien d'autres actions en vue du reclassement externe des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du plan, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

Sur les résultats du groupe et ses choix de politique commerciale

10. ALORS QUE la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est indépendante de la cause du licenciement ; qu'en l'espèce, avant d'examiner le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a relevé que, selon le rapport établi par l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise, « le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL a permis entre 2008 et 2011 le versement de dividendes de plus de 390 M€ à ses actionnaires, principalement les sociétés FIPAR et OTTO », que « la création des espaces 3 SUISSES dont la suppression a entraîné cent quarante-trois licenciements (….) est la conséquence d'un choix de politique commerciale erronée », que « les comptes consolidés du groupe OTTO ont dégagé un résultat d'exploitation de 131,5 M€ au titre de l'exercice 2011 après avoir connu une perte de 80,7M€ au cours de l'exercice précédent » et que « le chiffre d'affaires de cette branche (retail channel) a augmenté de 12,1 % durant la même période » ; qu'en se fondant sur des tels motifs, impropres à eux seuls à faire ressortir l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 janvier 2015


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 06 jui. 2016, pourvoi n°15-15479

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Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 06/07/2016
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15-15479
Numéro NOR : JURITEXT000032872476 ?
Numéro d'affaire : 15-15479
Numéro de décision : 51601206
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2016-07-06;15.15479 ?
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