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22/06/2016 | FRANCE | N°15-11233

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 juin 2016, 15-11233


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Domaine Fougeray de Beauclair d'abord en qualité de prospectrice commerciale téléphonique à domicile à temps partiel puis le 30 mars 2006 en qualité de secrétaire commerciale à temps partiel, a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 17 janvier 2011 ; qu'à l'issue d'un seul examen avec mention d'un danger immédiat, elle a é

té déclarée inapte à son poste par le médecin du travail ; qu'elle a été licencié...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Domaine Fougeray de Beauclair d'abord en qualité de prospectrice commerciale téléphonique à domicile à temps partiel puis le 30 mars 2006 en qualité de secrétaire commerciale à temps partiel, a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 17 janvier 2011 ; qu'à l'issue d'un seul examen avec mention d'un danger immédiat, elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail ; qu'elle a été licenciée le 6 avril 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt, après avoir relevé que l'intéressée, dont le poste de travail avait été déplacé, établit l'existence matérielle de faits laissant présumer un harcèlement, retient que l'employeur a justifié le transfert de poste temporaire de la salariée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans examiner tous les éléments invoqués par la salariée parmi lesquels ceux de promesses non tenues de contrat à temps complet et de pression exercée sur elle pour effectuer des heures non rémunérées dont elle a constaté l'existence, afin de dire si, pris dans leur ensemble, les faits établis invoqués par la salariée laissaient présumer l'existence d'un harcèlement et dans l'affirmative si l'employeur rapportait la preuve que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral et qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile la cassation du chef de dispositif relatif au harcèlement moral entraîne par voie de dépendance la cassation du chef du dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de ses demandes au titre d'un licenciement ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Domaine Fougeray de Beauclair à payer à Mme X... la somme de 607,50 euros au titre des heures complémentaires et 60,75 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 20 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Domaine Fougeray de Beauclair aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette société et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mademoiselle Marie-Noëlle X... de sa demande au titre du harcèlement moral
Aux motifs que : aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur au vu de ces éléments de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, Marie-Noëlle X... expose que lors du retour de congé –maternité de Madame Y..., le 11 janvier 2011, elle a constaté que cette dernière occupait son poste de travail et qu'elle s'est donc trouvée reléguée sur une table sans équipement informatique ; qu'elle a été placée en arrêt maladie à compter du 17 janvier 2011 avant d'être déclarée inapte à son poste ; qu'elle produit notamment des attestations d'anciens collègues, son arrêt de travail, l'avis d'inaptitude du 18 janvier 2012 et la décision de l'inspecteur du travail du 23 mars 2012 ; que Madame Marie-Noëlle X... établit ainsi l'existence de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; que la SARL Fougeray de Beauclair oppose que le changement de poste de travail de Madame Marie-Noëlle X... n'était que temporaire du fait du retour de Madame Y..., comptable afin que Madame Z..., qui l'avait remplacée pendant son congé puisse lui expliquer toutes les écritures passées en son absence et ainsi pouvoir préparer et arrêter le bilan de l'année 2010 ; que Madame Marie-Noëlle X... pouvait utiliser le serveur des quatre ordinateurs mis en réseau ou l'ordinateur de l'épouse du gérant ; que l'employeur produit également des attestations de salariés ou anciens salariés tendant à démontrer que l'ambiance au sein du domaine était familiale ; que force est de constater que les attestations produites par Madame Marie-Noëlle X... ne font état d'aucun élément concret de harcèlement la concernant ; que Madame Y... écrivait, le 3 août 2011, pour se plaindre de l'attitude d'une autre salariée à son égard, précisant que si cette situation perdurait, elle démissionnerait sans mettre en cause le comportement de son employeur ou invoquer tout harcèlement ; que Madame A..., qui atteste de la délocalisation du poste de Madame Marie-Noëlle X..., ne travaillait pas dans les mêmes locaux et pouvait donc ne pas être informée des nécessités de réorganisation avec l'arrivée de Madame Y... ; que surtout l'employeur a justifié le transfert temporaire de Madame Marie-Noëlle X... par des nécessités de transmission d'informations entre les deux comptables dans la perspective de l'établissement du bilan ; que si cette modification a pu être mal ressentie par Madame Marie-Noëlle X..., elle est insuffisante pour caractériser les faits de harcèlement invoqués ; qu'ainsi les faits matériellement établis par Madame Marie-Noëlle X... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées ;
1 - Alors que pour apprécier l'existence d'un harcèlement moral, les juges du fond doivent examiner et se prononcer sur tous les faits invoqués par le salarié et rechercher si pris dans leur ensemble ces faits permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel qui a seulement pris en considération le fait que Madame X... ait été privée de son poste de travail mais examiner ni se prononcer sur les faits invoqués relatifs aux promesses d'embauche à plein temps non suivies d'effet, ni sur la pression subie pour effectuer des heures supplémentaires sans juste rémunération, et qui n'a pas recherché si dans l'affirmative, l'employeur rapportait la preuve que ces agissements n'étaient pas constitutifs de harcèlement moral et qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement n'a pas justifié sa décision au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail 2 - Alors qu'en toute hypothèse lorsque le salarié a établi l'existence de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, les juges du fond décident au vu des éléments produits par l'employeur si ce dernier prouve que les faits invoqués par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ; que la cour d'appel a relevé que Madame Marie-Noëlle X... avait établi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et qui s'est bornée à affirmer purement et simplement que l'employeur avait justifié le transfert de poste temporaire de Madame X... par des nécessités de transmissions d'informations entre les deux comptables dans la perspective de l'établissement du bilan ; que faute d'avoir précisé quels étaient les documents sur lesquels elle se fondait pour décider que l'employeur établissait que les faits n'étaient pas constitutifs de harcèlement, et qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement notifié pour inaptitude reposait sur une cause réelle et sérieuse
Aux motifs propres que le 18 janvier 2012, le médecin du travail a conclu que l'état de santé de Madame Marie-Noëlle X... était incompatible avec une reprise du travail dans les termes suivants : « inaptitude définitive au poste constatée à l'issue d'un seul examen en raison d'un danger immédiat pour la santé du salarié conformément à la procédure prévue par l'article R 717-19 du code rural ; Mademoiselle Marie-Noëlle X... pourrait tenir un poste administratif à temps partiel à domicile. » que Madame Marie-Noëlle X... fait valoir qu'aucune recherche sérieuse de reclassement n'a été effectuée par l'employeur ; Mais que dans la lettre de licenciement la SARL Fougeray de Beauclair indique : « après de vaines recherches, nous avons conclu à l'impossibilité de vous reclasser au sein de notre entreprise ainsi qu'au sein de la SARL Maison Fougeray de Beauclair et de la SAS Mal Val Grieux pour les motifs suivants : aucune des trois structures ne dispose d'un poste pouvant tenir compte des conclusions du médecin du travail, à savoir un poste administratif à temps partiel à domicile ; concernant la SARL Domaine Fougeray de Beauclair, nous vous avons rappelé les différentes tâches qui vous incombaient : vous étiez notamment chargée de recevoir la clientèle de passage au caveau de dégustation, livrer les commandes à certains clients proches du domaine, classer et étudier des documents administratifs et commerciaux ; ces tâches ne peuvent pas être effectuées depuis votre domicile ; votre présence au sein de l'entreprise est donc nécessaire mais contraire aux conclusions prises par le docteur B... ; » que la SARL Fougeray de Beauclair justifie que Madame Marie-Noëlle X... ne pouvait exercer ses fonctions antérieures de secrétaire commerciale à domicile et produit les échanges de correspondances avec la SAS Mas Val Grieux et la Maison Fougeray de Beauclair aux fins de recherches de reclassement ; que le poste de prospectrice commerciale n'a pas été renouvelé après la fin du contrat de Madame X... ; que les postes crées ultérieurement au sein de la SARL ne sont pas des postes d'emploi pouvant être exercés à domicile ; qu'en conséquence, la demande de Madame Marie-Noëlle X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être rejetée ;
Aux motifs à les supposer adoptés que le 18 janvier 2012, le médecin du travail a conclu que l'état de santé de Mademoiselle Marie-Noëlle X... était incompatible avec une reprise du travail dans les termes suivants : inaptitude définitive au poste constatée à l'issue d'un seul examen en raison d'un danger immédiat pour la santé du salarié conformément à la procédure prévue par l'article R 717-8 du code rural, Mademoiselle Marie-Noëlle X... pourrait tenir un poste administratif à temps partiel à domicile ; que l'inaptitude à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur d'une recherche de reclassement de son salarié inapte en application de l'article L1226-2 du code du travail ; que l'employeur indique dans un courrier du 3 février 2012 (convocation à l'entretien préalable) confirmé dans sa notification de licenciement le 6 avril 2012, avoir fait des recherches de reclassement dans son entreprise, qu'il a fait une recherche externe dans l'entreprise SAS Mas Val Grieux ; qu'aucun poste ne pouvait convenir en fonction de son inaptitude ; en conséquence, la rupture repose sur un licenciement pour inaptitude physique avec cause réelle et sérieuse ;
1° Alors que lorsque le salarié a fait l'objet d'un harcèlement moral ayant entraîné la dégradation de son état de santé, son licenciement pour inaptitude est dénué de cause réelle et sérieuse ; que la cassation sur le premier moyen du chef du harcèlement moral entraînera par voie de conséquence la cassation sur le second moyen du chef du licenciement en application de l'article 625 alinéa 2 du code de procédure civile.
2° Alors que les juges du fond ne peuvent se prononcer par voie de simple affirmation sans viser et analyser les documents sur lesquels ils se fondent ; qu'en affirmant purement et simplement sans procéder au moindre visa ou analyse des documents de la cause que l'employeur justifiait que la salariée ne pouvait faire l'objet d'un reclassement, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile et l'article 6§ 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3° Alors que lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un nouvel emploi approprié à ses capacités en prenant en compte les conclusions du médecin du travail ; à défaut pour le médecin du travail d'avoir émis des propositions de reclassement il appartient à l'employeur de saisir ce praticien en vue d'une recherche de possibilité de reclassement et de l'interroger sur l'existence de poste correspondant aux tâches compatibles avec l'état de santé du salarié ; que dans ses conclusions d'appel l'exposante a fait valoir qu'à la suite de l'avis d'inaptitude du médecin du travail, l'employeur n'avait fait aucune démarche auprès du médecin du travail pour l'interroger sur les postes susceptibles de correspondre à l'état de santé de la salariée ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'employeur avait interrogé le médecin pour l'interroger sur les postes susceptibles de correspondre à l'état de santé de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1226-2 du code du travail
4° Alors que l'employeur qui licencie un salarié à la suite d'un avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail doit démontrer qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité effective de reclasser le salarié en mettant en oeuvre des mesure telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ; que la cour d'appel qui s'est bornée à relever qu'il était justifié que la salariée ne pouvait exercer ses fonctions antérieures de secrétaire commerciale à domicile, que le poste de prospectrice commerciale n'avait pas été renouvelé, et que les postes créées ultérieurement ne pouvaient être exercés à domicile sans rechercher si l'employeur justifiait avoir recherché les possibilité de reclassement en mettant en oeuvre des mesures telles que mutations transformations de poste de travail ou ménagement du temps de travail, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 1226-2 du code du travail Sur le second moyen de cassation


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-11233
Date de la décision : 22/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 20 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jui. 2016, pourvoi n°15-11233


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.11233
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