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21/06/2016 | FRANCE | N°15-17.044

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 21 juin 2016, 15-17.044


COMM.

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 juin 2016




Rejet non spécialement motivé


Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10154 F

Pourvoi n° M 15-17.044







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décis

ion suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Thomas Cook , société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Thomas Cook voyages,

con...

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 juin 2016

Rejet non spécialement motivé

Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10154 F

Pourvoi n° M 15-17.044

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Thomas Cook , société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Thomas Cook voyages,

contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2013 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant à la société [...] (B.T.S.G), société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Marsans international,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 mai 2016, où étaient présents : Mme Riffault-Silk, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laporte, conseiller rapporteur, Mme Bregeon, conseiller, Mme Pénichon, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Thomas Cook, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société [...] , ès qualités ;

Sur le rapport de Mme Laporte, conseiller, l'avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Thomas Cook aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société [...] , ès qualités, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille seize.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Thomas Cook

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement infirmatif de ces chefs, d'avoir jugé que le contrat de collaboration commerciale signé le 31 octobre 2002 avait été renouvelé par tacite reconduction le 1er novembre 2004 mais que les commissions perçues par la société Thomas Cook l'avaient été en application des dispositions contractuelles convenues avec la société Marsans International et qu'en conséquence, la société Thomas Cook avait rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Marsans International depuis le 1er janvier 2001 ;

AUX MOTIFS QUE « dans le jugement dont appel, le tribunal a considéré que le contrat du 31 octobre 2002 n'était plus applicable après le 31 octobre 2004. A l'appui de sa demande en paiement, la société Thomas Cook soutient donc dans un premier temps de sa démonstration que le contrat du 31 octobre 2002 s'est renouvelé par tacite reconduction à la date du 1er novembre 2004 et en tire la conséquence qu'il s'est ensuite reconduit d'année en année du 1er novembre au 31 octobre, que les conditions de sa rémunération telles que fixées par l'annexe IV du contrat de collaboration commerciale du 31 octobre 2002 sont en conséquence demeurées applicables après le 31 octobre 2004. La société Marsans considère de con côté qu'un nouveau contrat à durée indéterminée qui n'était pas identique au précédent a pris effet à compter du 1er novembre 2004. Il est établi que les parties ont conclu le 31 octobre 2002 un contrat de collaboration commerciale d'une durée déterminée, renouvelable par tacite reconduction par période d'un an, sauf résiliation par l'une des parties un mois avant l'échéance annuelle, et que malgré l'apparente contradiction qui affecte sa durée, il a été convenu entre elles que le terme du contrat était fixé au 31 décembre 2003, que la société Thomas Cook a informé la société Marsans le 3 novembre 2003, respectant le délai de préavis contractuel, qu'elle n'entendait pas renouveler ledit contrat, lui proposant néanmoins de poursuivre la vente des produits des brochures d'hiver jusqu'au 31 mars 2004, soit jusqu'au terme de la saison en cours et ajoutant que dans l'affirmative, elle soumettrait un avenant de prorogation du contrat jusqu'à cette date. Les parties ont alors signé un avenant rédigé le 17 décembre 2003, qui après avoir expressément rappelé la dénonciation du contrat de partenariat relatif à la vente des produits Marsans en date du 3 novembre 2003, se poursuit dans les termes suivants : « les parties se sont rapprochées et ont souhaité surseoir à cette dénonciation afin d'étudier une forme nouvelle de partenariat. En conséquence, les parties conviennent de poursuivre jusqu'au 31 octobre 2004 leur collaboration selon les termes du contrat de collaboration commerciale signé le 31 octobre 2002 ». La reconduction d'un contrat de durée déterminée par application d'une clause de tacite reconduction donne naissance à un nouveau contrat conclu aux mêmes conditions que l'ancien, sauf accord contraire des parties. Il ressort de la rédaction de l'avenant que les parties n'ont pas souhaité seulement surseoir aux effets de la dénonciation du contrat, notifiée le 3 novembre 2003, jusqu'à la date du 31 octobre 2004, ce qui s'analyserait comme le simple différé dans le temps du terme du contrat de durée déterminée jusqu'au 31 octobre 2004, la décision de non renouvellement déjà notifiée prenant alors son plein effet à cette date, mais qu'elles ont souhaité surseoir à cette dénonciation du contrat, de sorte qu'elles ont ainsi suspendu dans le temps et remis jusqu'au 31 octobre 2004 la décision même de ne pas renouveler le contrat, en convenant pendant la durée du sursis de poursuivre leur collaboration selon les termes du contrat du 31 octobre 2002 et d'étudier une nouvelle forme de partenariat. Ainsi, à défaut de nouvelle manifestation de volonté de la société Thomas Cook avant le 31 octobre 2004 de dénoncer le contrat, il faut considérer que le contrat de durée déterminée qui régissait leur partenariat commercial a été reconduit tacitement à cette dernière date. Cependant, la seule constatation de cette reconduction tacite ne suffit pas à justifier que le nouveau contrat ainsi applicable à compter du 1er novembre 2004 aurait nécessairement été reconduit aux mêmes conditions contractuelles que celui du 31 octobre 2002 comme le prétend la société thomas Cook, la reconduction tacite du contrat n'empêchant pas les parties de convenir d'aménager suivant d'autres conditions leur partenariat commercial, ce que l'avenant du 17 décembre 2003 envisageait. Il est ainsi permis à la société Marsans de démontrer qu'il a été de l'intention commune des parties d'appliquer de nouvelles conditions contractuelles à compter du 1er novembre 2004. Force est de constater sur ce point que la société Thomas Cook a soutenu expressément dans sa lettre du 28 mai 2008 que le nouveau contrat applicable né par tacite reconduction à compter du 1er novembre 2004 était un contrat à durée indéterminée, reconnaissant ainsi que le nouveau contrat né de la tacite reconduction n'était plus un contrat de durée déterminée. Elle prétend désormais que les produits touristiques étant des produits saisonniers, conduisent systématiquement à la signature de contrats annuels, voire semestriels. Elle ne justifie pas de tels usages de la profession et n'explique pas au demeurant dans ces circonstances pourquoi elle a revendiqué au contraire en mai 2008 l'existence d'un contrat à durée indéterminée. Mais encore, la société Thomas Cook soutenant qu'en réalité ses commissions n'ont pas été calculées conformément à l'annexe IV du contrat de collaboration commerciale conclu le 31 octobre 2002 et ce dès sa conclusion, ce qui fonde sa réclamation chiffrée, la reconduction tacite intervenue n'interdit pas à la société Marsans de prouver notamment que dès avant cette reconduction, les parties avaient d'un commun accord décidé de modifier les conditions fixées à l'annexe IV et d'appliquer un taux de 10 % pour les opérations exceptionnelles et d'exclure certaines prestations de l'assiette des commissions. Le contrat de collaboration entre les deux sociétés commerciales est un contrat consensuel qui n'est soumis qu'à la démonstration de l'intention commune des parties. Il est donc inopérant pour la société Thomas Cook de prétendre qu'il n'y a pas eu de nouveau contrat ou d'avenant écrit signé. Il n'était d'ailleurs pas stipulé par le contrat initial du 31 octobre 2002 que le nouveau contrat qui naitrait de la reconduction tacite donnerait lieu à la signature d'un écrit et l'avenant du 17 décembre 2003 n'a pas soumis la validité du nouveau contrat à venir à l'exigence d'un écrit. Il sera également relevé que la société Thomas Cook et la société Marsans ont sans avenant écrit, ainsi que cela ressort des pièces produites, convenu d'étendre le champ contractuel des produits distribués figurant à l'annexe III à de nouvelles destinations et de nouvelles brochures de la société Marsans et que cette dernière soutient sans être démentie que malgré les termes de l'annexe III du contrat du 31 octobre 2002, il n'a pas été signé entre les parties d'avenant écrit pour l'agrément des nouveaux catalogues qui ont été distribués. La société Thomas Cook prétend qu'entre le 1er novembre 2004 et le 31 octobre 2008, la société Marsans a « trop perçu » des commissions pour une somme de 466.999,88 €. A l'évidence, il ne peut s'agir d'un trop perçu de commissions par la société Marsans puisque celle-ci n'a perçu aucune commission. Les commissions ont toujours été dues par la société Marsans à la société Thomas Cook et constituaient la contrepartie de l'engagement de distribution, de commercialisation et de promotion par le réseau d'agences, des produits du voyagiste de la société Thomas Cook ainsi que le contrat du 30 octobre 2002 le prévoyait. La société Thomas Cook soutient qu'en vertu des conditions contractuelles applicables, elle a droit à un taux de commission de 13 % sur toutes les prestations vendues, sauf 11 % sur les prestations terrestres, et que la société Marsans n'a pas appliqué le taux de 13 % mais celui de 10 % et a abusivement exclu de l'assiette du commissionnement notamment les taxes d'aéroport, les surcharges carburants payées par les clients, les produits d'assurance, les cartes de tourisme et les prestations particulières liées aux réveillons. Il sera dès à présent relevé que la société Thomas Cook se borne à affirmer que les factures comportant des anomalies constatées lors de l'audit qu'elle aurait mené au cours de l'année 2008 sont toutes répertoriées dans le tableau qu'elle verse aux débats. Cependant, ce seul tableau excel, en l'état inexploitable par la cour, en l'absence de toute explication sur les données qui y sont portées et surtout de justificatifs à l'appui, la société Thomas Cook ne visant dans ses conclusions expressément que cette pièce, sans qu'il soit même prouvé que ce tableau a été élaboré en appliquant les conditions contractuelles revendiquées par la société Thomas Cook tant sur le taux que sur l'assiette des commissions, est insusceptible de rapporter la preuve du bien fondé du montant de sa réclamation. Mais bien plus, il ressort des éléments du dossier que les parties ont d'un commun accord modifié les conditions financières applicables à leur partenariat commercial, contrairement à ce que soutient la société Thomas Cook. Il résulte ainsi de l'analyse du processus mis en place entre les parties pendant toute la durée de leurs relations commerciales dont aucune d'elles ne prétend qu'il aurait subi des modifications sur la période sur laquelle la société Thomas Cook fait porter sa réclamation que : - à chaque vente de voyages réalisée par une agence Thomas Cook à un client final, la société Marsans émet une facture correspondante qu'elle adresse à l'agence de voyages ; il est établi par les nombreuses factures produites aux débats qu'y figurent de façon très apparente le taux appliqué pour déterminer la commission devant revenir à la société Thomas Cook, le cas échéant même en distinguant selon la nature des prestations vendues, les différentes taux de commission, ainsi que l'assiette de la commission en différenciant les prestations incluses dans cette assiette et donnant lieu à commissionnement et celles non incluses, enfin le montant global de la commission et ce conformément à l'article 9 du contrat ; c'est au vu de cette facture de la société Marsans que l'agence de voyages facture elle-même le client final ; - chaque mois, la société Marsans émet un relevé récapitulatif des factures reprenant pour chacune des factures son numéro et son montant, le nom du client, le tout agence par agence, qu'elle adresse aux centres comptables de la société Thomas Cook ; - ces centres procèdent au rapprochement des données venant des agences et celles figurant sur le relevé mensuel fourni par la société Marsans et sollicitent, le cas échéant, auprès de cette dernière le duplicata des factures qui lui manquent ; au vu de ces éléments, la société Thomas Cook qui a encaissé le coût total des prestations vendues aux clients finaux, en ce compris donc les commissions auxquelles elle peut prétendre, établit à son tour un relevé comportant le cas échéant des rectifications par rapport à celui de la société Marsans, l'envoie à cette dernière avec le paiement correspondant aux sommes revenant à la société Marsans. La société Thomas Cook soutient qu'elle ne réglait pas au vu des factures de la société Marsans mais au vu du relevé mensuel adressé par cette dernière en application de l'article 9 du contrat lequel ne lui permettait donc pas de vérifier le taux de commissionnement. Si le contrat précise en son article 9 que des factures du voyagiste adressées aux agences du réseau ne lui seront réglées que contre l'envoi d'un relevé les regroupant par centre comptable et par date de départ, de sorte qu'en effet la société Marsans se devait d'établir ce relevé, il n'est pas prétendu qu'elle n'a pas respecté cette obligation sans laquelle elle n'aurait pas été réglée de ses prestations, le contrat ne dispense pas la société Thomas Cook du contrôle du relevé. Au contraire, pour procéder à la vérification des sommes revenant en définitive à la société Marsans et partant, des sommes auxquelles elle-même avait droit au titre de ses commissions, la société Thomas Cook devait nécessairement rapprocher ce relevé mensuel de la société Marsans des informations transmises par les agences de son réseau relatives aux commissions figurant sur les factures de la société Marsans. Les propres relevés émis par la société Thomas Cook prouvent qu'elle procédait à ce rapprochement et exerçait ce contrôle. La société Thomas Cook prétend cependant que ses agences ne lui transmettaient pas les factures émises par la société Marsans et que les informations saisies par ses agences dans son système informatique ne lui permettaient pas de contrôler les taux et assiettes de commissions. La société Thomas Cook n'apporte aucune preuve à l'appui de cette allégation. Elle est en outre mal fondée à opposer cet éventuel choix de gestion interne à la société Marsans qui a respecté de son côté les obligations mises à sa charge en la matière, à savoir émettre des factures détaillées faisant apparaître les modalités de calcul de la commission due (taux, assiette et montant global de commission) et établir un relevé mensuel de factures. Au surplus, pour procéder à ce rapprochement mensuel, la société Thomas Cook a sollicité très régulièrement de la société Marsans la délivrance des duplicatas de ses factures. Ainsi, la société Marsans verse aux débats de nombreuses demandes émanant de la société Thomas Cook de duplicatas de factures (voir ses pièces numérotées 10-1 à 10-102, 11-1 à 11-12 et 12-1 à 12-40) et ses réponses avec les duplicatas de ses factures sur lesquels apparaît le taux de 10 % à l'occasion de « promotion » alors qu'au contraire, lorsqu'il est mentionné sur la facture « prix brochure », c'est le taux de 13 % qui est appliqué. Il est également apparent sur ces duplicatas que certaines prestations vendues n'entraient pas dans l'assiette des commissions. Il est donc certain que la société Thomas Cook a eu pendant toute la durée de la relation contractuelle une connaissance parfaite des conditions dans lesquelles ses commissions étaient calculées. Or, elle n'a jamais émis aucune réserve, aucune demande de précision ou aucune contestation avant avril 2008. Dans ces circonstances, le fait pour la société Thomas Cook, chaque mois tout au long des années de la relation contractuelle, de s'être libérée au profit du voyagiste, des fonds qu'elle avait elle-même encaissés, ceci après avoir contrôlé et validé les sommes qui lui revenaient au titre de ses commissions et les avoir déduites des montants à payer à la société Marsans, constitue la manifestation non équivoque et réitérée de son consentement aux conditions financières appliquées aux ventes concernées et aux éventuelles modifications sur les modalités de calcul des commissions, tant sur leur taux que sur leur assiette, la société Marsans n'ayant pas elle-même émis de contestations à réception des sommes lui revenant. La société Thomas Cook est mal fondée à soutenir qu'elle aurait payé seulement par erreur ou par négligence. Son accord n'est pas déduit comme elle le prétend d'une simple abstention de sa part ou des seuls paiements qu'elle a effectués mais bien de l'ensemble des caractéristiques du processus décrit ci-dessus, en considération des contrôles et vérifications auxquels elle procédait. Pour conforter la démonstration de cet accord des parties sur ces modalités de rémunération, il peut encore être relevé les éléments suivants. Contrairement à ce que prétend la société thomas Cook, il résulte des factures produites devant la cour que la très grande majorité des prestations étaient bien soumises au tarif « brochure » correspondant au taux de 13 % dont la société Marsans ne discute pas qu'il est demeuré applicable comme taux de base et la réclamation de la société thomas Cook ne porte que sur une somme de 466.999,88 € alors que celle-ci a réalisé sur cette période avec la société Marsans un chiffre d'affaires de plus de 64,6 millions d'euros et perçu au titre de ses commissions sur cette même période 6.991.844 euros ; il est ainsi justifié que la société Thomas Cook prétend à tort que la société Marsans aurait systématiquement appliqué un taux réduit de 10 %. Comme la fait observer à bon escient la société Marsans, il résulte du contrat du 31 octobre 2002 qu'il stipulait que les parties pouvaient convenir de ventes rémunérées autrement que sur le taux de base et exclure certaines prestations de l'assiette de calcul puisque l'article 9 précise que la facture émise par le voyagiste précisera « les prestations commissionnées ou non » et que le libellé devra permettre « d'identifier les produits commissionnés à un taux inhabituel (promotion par exemple) ». Il apparaît que ce taux réduit de 10 % a été appliqué tant sur des factures antérieures au 1er novembre 2004 que sur des factures postérieures au titre de promotions, sur certains types de prestations ou destinations particulières, ou à certaines périodes de l'année. Ceci démontre que les parties ont accepté dès avant novembre 2004 la faculté d'adapter, sans aucun formalisme, leurs conditions contractuelles sur les produits distribués en fonction des aléas du marché du tourisme et de sa saisonnalité, soumis à des phénomènes de mode et à des circonstances extérieures qui peuvent rendre certaines destinations phares moins attractives et en faire émerger de nouvelles, comme l'écrit la société Thomas Cook elle-même, et qu'elles ont poursuivi ce fonctionnement postérieurement au 1er novembre 2004. En avril 2004, la société Marsans a constaté que la société thomas Cook avait perçu de 2002 à 2003 à titre de commissions sur les ventes de destination non assujetties à la TVA un taux de commission de 15,55 % TTC au lieu de 13 %. La société Marsans s'est rapprochée le 15 avril 2004 de la société Thomas Cook pour lui réclamer le remboursement de cet excès de commission s'élevant à la somme de 151.532,28 € et le 27 avril 2004, la société Thomas Cook a procédé au paiement de cette somme, après avoir indiqué avoir « pointé les commissions », ce qui prouve qu'elle a opéré un contrôle approfondi des factures, constaté les taux appliqués et les a validés. Il est ainsi encore établi qu'en novembre 2004, la société Thomas Cook a accepté la reconduction tacite de la relation contractuelle avec son partenaire en pleine connaissance des conditions de taux et d'assiette convenues entre eux. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que tant avant qu'après le 1er novembre 2004, les parties ont adapté le taux et l'assiette des commissions d'un commun accord manifesté par les paiements validés chaque mois par la société Thomas Cook. La société Thomas Cook manque donc à établir les manquements contractuels de la société Marsans, partant à prouver le bien fondé de sa demande en paiement d'un rappel de commissions pour la période du 1er novembre 2004 au 31 octobre 2008. Sur la rupture des relations commerciales. (…) Il résulte de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce que sauf dans le cas où l'autre partie n'exécute pas ses engagements ou celui de la force majeure, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords professionnels, engage la responsabilité de son auteur et oblige à réparer le préjudice en résultant. Par lettre recommandée avec accusé de
réception du 24 juillet 2008, la société Thomas Cook a informé la société Marsans qu'eu égard à la gravité, à la durée et à la persistance de l'inexécution qu'elle lui reprochait relative au non paiement de ses commissions, elle avait décidé de suspendre à compter de la présentation de cette lettre l'exécution des obligations lui incombant en vertu du contrat et ce jusqu'à complet paiement et qu'en tout état de cause, elle avait également décidé de ne pas reconduire le contrat, ce qui entrainait la cessation définitive et irrévocable des relations contractuelles à compter du 1er novembre 2008. En l'espèce, il est établi par les pièces aux débats qu'au jour de présentation de ce courrier, il existait un courant stable, continu et important d'affaires entre les parties depuis le 1er janvier 2001, date d'effet du premier contrat de collaboration commerciale conclu entre elles. La société Thomas Cook reconnait dans ses écritures l'existence de relations commerciales établies depuis cette date du 1er janvier 2001. Si elle verse aux débats quelques échantillons de factures Marsans/Havas voyages et des extraits de compte dans le grand livre de Marsans pour les années 1989 à 1994, la société Marsans ne justifie pas de la persistance et de la continuité du courant d'affaires au-delà de cette dernière date. De son côté, la société Thomas Cook établit un refus d'agrément de la société Marsans en octobre 1999. Compte tenu de la durée de l'interruption intervenue jusqu'au 1er janvier 2001, la société Marsans n'est pas fondée à revendiquer une ancienneté des relations commerciales établies à la date de présentation de la lettre du 24 juillet 2008 de plus de 20 ans comme elle le fait. Il sera donc considéré qu'au sens de l'article L. 442-6 I 5° et en considération des éléments produits, la société Thomas Cook a rompu une relation commerciale établie avec la société Marsans depuis le 1er janvier 2001. La société Thomas Cook est mal fondée à invoquer l'exception d'inexécution puisqu'il n'est pas établi que la société Marsans aurait manqué à ses obligations contractuelles tenant aux modalités de calcul des commissions et qu'il n'est pas fait droit à la demande en paiement de la société Thomas Cook sur ce point. Elle est pour les mêmes motifs mal fondée à prétendre que l'article L. 442-6 I 5° serait inapplicable à raison de l'inexécution par la société Marsans de ses engagements, aucune force majeure n'étant alléguée. La société Thomas Cook invoque donc en vain les prétendus délais donnés à la société Marsans pour régulariser le paiement des commissions et la mise en demeure du 8 juillet 2008. Il est indifférent pour apprécier le caractère brutal de la rupture que les parties aient été liées par un contrat à durée indéterminée ou par une succession de contrats à durée déterminée, le préavis étant dû du seul fait de l'existence de relations commerciales établies, indépendamment du cadre contractuel dans lequel ces relations se sont développées. Il est aussi inopérant que la société Thomas Cook ait respecté les stipulations de l'article 12 du contrat. En effet, le seul respect du délai contractuel ne suffit pas exonérer la partie qui rompt des relations commerciales établies de son obligation de respecter un préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords professionnels. La partie qui prend l'initiative de la rupture doit continuer à exécuter ses propres obligations contractuelles pendant la durée du préavis qu'elle octroie à son partenaire commercial. En l'espèce, la société Thomas Cook ayant immédiatement suspendu l'exécution de ses propres obligations de distribution des produits de la société Marsans, n'a accordé en réalité aucun préavis à la société Marsans. Dès lors que la rupture est intervenue sans préavis, elle est nécessairement brutale et abusive en l'espèce, notamment en ce que la société Thomas Cook a invoqué à l'appui de la rupture pour s'exonérer de toutes ses obligations une inexécution persistante et grave incombant à la société Marsans qui n'est nullement établie » ;

ALORS QUE, D'UNE PART, l'article 9 du contrat du 31 octobre 2002 stipulait expressément que les factures de la société Marsans étaient payables par la société Thomas Cook sur la base du relevé mensuel envoyé par la première à la seconde ; qu'ainsi que la Cour d'appel l'a elle-même constaté en l'espèce, ce relevé mensuel ne reprenait, pour chacune des factures figurant dans le récapitulatif, que le numéro de ces dernières et leur montant et le nom du client, à l'exclusion des éléments de calcul (taux et assiette) de la commission due à la société Marsans ; qu'en énonçant cependant que le paiement de ces factures mensuelles impliquait nécessairement la connaissance par la société Thomas Cook des conditions dans lesquelles les commissions de la société Marsans étaient calculées, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, aucune des clauses du contrat du 31 octobre 2002 ne faisait obligation à la société Thomas Cook de procéder à un contrôle du relevé mensuel établi par la société Marsans pour le paiement de ses commissions ; qu'en retenant cependant que le contrat ne dispensait pas la société Thomas Cook du « contrôle du relevé », que celle-ci devait nécessairement rapprocher ce relevé mensuel des informations transmises par les agences de son réseau relatives aux commissions figurant sur les factures de la société Marsans, et qu'à défaut de l'avoir fait, elle était mal fondée à opposer ce « choix de gestion interne » à la société Marsans, la Cour d'appel, qui a ajouté à la charge de la société Thomas Cook une obligation que le contrat ne comportait pas, a violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE, DE TROISIEME PART, les conclusions d'appel de la société Thomas Cook faisaient valoir que le contrôle opéré par ses centres comptables sur les factures émises par la société Marsans à destination des agences de voyages du réseau, contrôle qui impliquait parfois de demander à la société Marsans des duplicatas de factures, portait exclusivement sur l'existence de la commission due et non sur ses modalités de calcul, que la société Thomas Cook présumait avoir été respectées de bonne foi par son partenaire commercial (conclusions, p. 16) ; qu'il appartenait donc à la société Marsans, sur qui pesait la charge de prouver la prétendue acceptation par la société Thomas Cook des conditions commerciales différentes de celles négociées dans le contrat du 31 octobre 2002 qu'elle appliquait unilatéralement, d'établir que les informations saisies par ses agences dans son système informatique lui auraient permis de contrôler les taux et assiette des commissions litigieuses ; qu'en retenant cependant que c'est la société Thomas Cook qui ne rapportait pas la preuve que ces éléments, figurant sur les factures détaillées de la société Marsans, ne lui étaient pas transmis par ses agences, compte tenu du système informatique mis en place, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ;

ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, les conclusions d'appel de la société Thomas Cook faisaient valoir que la société Marsans connaissait très exactement l'étendue des informations transmises à sa partenaire, qu'elle savait que celle-ci ne contrôlait pas le taux et l'assiette des commissions litigieuses et qu'elle en avait profité pour détourner à son profit le processus convenu entre les parties pour le règlement des commissions en s'affranchissant des conditions contractuelles prévues pour le calcul de celles-ci (conclusions, p. 24) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant des écritures d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QU'EN OUTRE, subsidiairement, à supposer même que la société Thomas Cook ait pu avoir connaissance du taux et de l'assiette des commissions appliqués unilatéralement par la société Marsans, le paiement fait en connaissance de cause ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action en répétition de l'indu ; qu'en conséquence, le fait de régler des factures faisant apparaitre des conditions contractuelles unilatéralement modifiées ne peut priver le débiteur du droit d'en contester le bien fondé, quand bien même est-il établi qu'il a pris connaissance de ces modifications unilatérales et ne les a pas contestées ; qu'en retenant cependant en l'espèce que le fait pour la société Thomas Cook d'avoir réglé les relevés mensuels émis par la société Marsans tout au long de la relation contractuelle constituait « la manifestation non équivoque et réitérée de son consentement aux conditions financières appliquées aux ventes concernées et aux éventuelles modifications sur les modalités de calcul des commissions, tant sur leur taux que sur leur assiette », la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1235 et 1376 du Code civil ;

ALORS QU'ENFIN, pour juger que la société Thomas Cook avait rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Marsans depuis le 1er janvier 2001, la Cour d'appel a retenu que « la société Thomas Cook est mal fondée à invoquer l'exception d'inexécution puisqu'il n'est pas établi que la société Marsans aurait manqué à ses obligations contractuelles tenant aux modalités de calcul des commissions et qu'il n'est pas fait droit à la demande en paiement de la société Thomas Cook sur ce point. Elle est pour les mêmes motifs mal fondée à prétendre que l'article L. 442-6 I 5° serait inapplicable à raison de l'inexécution par la société Marsans de ses engagements » et que la rupture « est nécessairement brutale et abusive en l'espèce, notamment en ce que la société Thomas Cook a invoqué à l'appui de la rupture pour s'exonérer de toutes ses obligations une inexécution persistante et grave incombant à la société Marsans qui n'est nullement établie » ; qu'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'une des quatre premières branches du moyen, ou sur la cinquième branche, qui toutes démontrent les manquements contractuels imputables à la société Marsans qui a unilatéralement et déloyalement modifié les conditions commerciales prévues par le contrat du 31 octobre 2002, entraînera la cassation par voie de conséquence de ce chef de l'arrêt, la Cour d'appel ayant déclaré la rupture fautive compte tenu de l'absence d'inexécution contractuelle imputable à la société Marsans.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 15-17.044
Date de la décision : 21/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet

Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 21 jui. 2016, pourvoi n°15-17.044, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.17.044
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