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08/06/2016 | FRANCE | N°15-19279;15-19280;15-19281;15-19282;15-19283;15-19284;15-19285;15-19286;15-19287;15-19288;15-19289;15-19290;15-19291;15-19292;15-19293;15-19294;15-19295;15-19296;15-19297;15-19298;15-19299

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juin 2016, 15-19279 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois R 15-19.279 à N 15-19.299 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Reims, 1er avril 2015), que M. X... et vingt autres salariés de la société Idéal Standard Industries France (la société) ont, à la suite de la mise en oeuvre d'un plan social pour l'emploi, saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que les salariés font grief aux arrêts de dire n'y avoir lieu à se prononcer sur l'exposition à l'amiante ou à d'autres produits toxiques,

alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié exposé à l'amiante peut prétendre ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois R 15-19.279 à N 15-19.299 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Reims, 1er avril 2015), que M. X... et vingt autres salariés de la société Idéal Standard Industries France (la société) ont, à la suite de la mise en oeuvre d'un plan social pour l'emploi, saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que les salariés font grief aux arrêts de dire n'y avoir lieu à se prononcer sur l'exposition à l'amiante ou à d'autres produits toxiques, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié exposé à l'amiante peut prétendre à la réparation de son préjudice d'anxiété lorsque l'employeur, tenu par une obligation de sécurité de résultat, ne démontre pas avoir pris toutes les mesures de précaution nécessaires à la santé et à la sécurité des salariés ; que pour débouter les exposants de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété né de l'exposition aux poussières d'amiante, la cour d'appel a retenu qu'ils ne rapportaient pas la preuve de leur exposition au risque créé par l'amiante et la date certaine de connaissance de ce risque ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les salariés fournissaient un constat de présence d'amiante dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'il appartient à l'employeur, tenu par une obligation de sécurité de résultat en matière de santé des travailleurs de démontrer avoir pris toutes les mesures de précaution nécessaires pour les protéger de leur exposition au risque des poussières d'amiante ; que pour débouter les exposants de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété né de l'exposition aux poussières d'amiante, la cour d'appel, après avoir constaté que les salariés démontraient la présence d'amiante dans l'entreprise, a considéré qu'ils étaient « taisants » sur les conditions particulières d'exécution de leurs contrats de travail et sur la date de connaissance du risque ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d‘appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;
3°/ que l'employeur, qui est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'en statuant ainsi sans vérifier si l'employeur, qui connaissait la présence d'amiante sur les sites de l'entreprise, avait pris les précautions et mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés et éviter les expositions à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil ;
Mais attendu que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel pris pour son application ; que la cour d'appel, ayant constaté qu'au jour où elle statuait, la société n'était pas inscrite sur la liste, établie par arrêté ministériel, des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité prévue à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, elle a, à bon droit, sans être tenue de procéder à une recherche qui n'était pas demandée, débouté les salariés de leurs demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété ;
Que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en ses deux dernières branches, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les salariés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen commun et identique produit aux pourvois n° R 15-19.279 à N 15-19.299, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X... et les vingt autres salariés.
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit n'y avoir lieu à se prononcer sur l'exposition à l'amiante ou à d‘autres produits toxiques ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur reconnaît que la partie salariée s'avère recevable en sa demande de dommages et intérêts aux fins de réparation du préjudice d'anxiété né selon elle d'une exposition au risque d'amiante ou à d'autres produits toxiques ; que de ce chef le conseil de prud'hommes a d'une part retenu, par une mention du dispositif du jugement donc susceptible de recevoir l'autorité de chose jugée, que la partie salariée avait été exposée à l'amiante et à d'autres produits cancérogènes, ce que critique l'employeur et approuve la partie salariée ; qu'en revanche les premiers juges ont débouté la partie salariée - qui leur en fait grief, tandis que l'employeur sollicite là la confirmation - de sa demande de dommages et intérêts faute de preuve suffisante de l'existence de son préjudice ; que l'appréciation de tous ces points se trouve donc dévolue à la cour, étant observé que l'employeur n'a pas repris la fin de non recevoir tendant de ces chefs à exclure la compétence matérielle du conseil de prud'hommes au profit des juridictions de sécurité sociale ; que les premiers juges ont rappelé, sans encourir de griefs, l'évolution législative et réglementaire en matière de protection des travailleurs contre l'amiante ainsi que l'obligation de sécurité résultat dont est débiteur l'employeur, et sur laquelle la partie salariée fonde sa prétention ; que le conseil de prud'hommes a relevé - à l'instar de ce que souligne l'employeur - qu'il est de principe que le préjudice d'anxiété, qui est exclusivement le cadre juridique dans lequel s'inscrit la partie salariée, ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante mais qu'il est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ; que la connaissance de ce risque s'avère certaine pour un salarié pendant la période précédant la reconnaissance d'une maladie professionnelle causée par l'amiante dont il est atteint, ce qui n'est pas en l'espèce le cas, ou pour un salarié ayant oeuvré dans une entreprise inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA conformément à la loi du 23 décembre 1998 ; qu'au jour où la cour statue l'employeur n'est pas inscrit sur ladite liste et celui-ci fait avec pertinence valoir que les premiers juges qui ont fait cette constatation en ont tiré d'inexactes constatations, et qu'à tout le moins leur motivation n'est pas exempte de contradictions ; que le 3 novembre 2012, le ministre du travail saisi par le CHSCT a refusé d'inscrire l'employeur sur la liste des établissements ouvrant droit à la CAATA et par jugement du 26 décembre 2013, le tribunal administratif de Chalons en Champagne a rejeté le recours en annulation contre la décision ministérielle ; que le conseil de prud'hommes en a seulement déduit que la partie salariée n'était pas dispensée de prouver son exposition au risque créé par l'amiante omettant qu'il lui incombait aussi d'établir la date certaine de connaissance de ce risque ; que cette double preuve s'avère insuffisamment administrée ; qu'en effet, à l'instar de ce que relève l'employeur, en se bornant à décrire les procédures judiciaires introduites par le CHSCT pour voir ordonner une expertise judiciaire aux fins de déceler la présence d'amiante dans l'entreprise puis en se référant à cette expertise et aux observations de l'inspecteur du travail, la partie salariée ne met en exergue qu'un constat de présence d'amiante dans l'entreprise, plus particulièrement près des fours et wagonnets de cuisson, mais en demeurant taisante sur ses conditions particulières d'exécution de son contrat de travail (postes occupés précisément sur leur durée, la nature et la localisation des fonctions) comme sur la date de connaissance du risque - la seule dénomination de son poste figurant sur le contrat de travail et les bulletins de paye étant à cet égard dépourvue de valeur probante suffisante -, la partie salariée ne satisfait pas à l'obligation probatoire ci-avant définie ; qu'il appert seulement de ses moyens une probabilité d'exposition au risque, ce qui au vu des principes précédemment exposés s'avère insuffisant ; que consécutivement les premiers juges ont à bon droit débouté la partie salariée de sa demande de dommages et intérêts, et à cet égard la confirmation du jugement s'impose ; qu'en revanche c'est à tort - ce qui à cet égard commande là l'infirmation du jugement - qu'ils ont cru pouvoir juger que la partie salariée avait été exposée au risque amiante ce qui d'une part n'était pas certain et alors surtout que cette question ne constituait pas une prétention de la partie salariée, mais seulement un moyen au soutien de la demande de réparation du préjudice d'anxiété, cette dernière étant seule la prétention ;
1°) ALORS QUE le salarié exposé à l'amiante peut prétendre à la réparation de son préjudice d'anxiété lorsque l'employeur, tenu par une obligation de sécurité de résultat, ne démontre pas avoir pris toutes les mesures de précaution nécessaires à la santé et à la sécurité des salariés ; que pour débouter les exposants de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudicie d'anxiété né de l'exposition aux poussières d'amiante, la cour d'appel a retenu qu'ils ne rapportaient pas la preuve de leur exposition au risque créé par l'amiante et la date certaine de connaissance de ce risque ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les salariés fournissaient un constat de présence d'amiante dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' il appartient à l'employeur, tenu par une obligation de sécurité de résultat en matière de santé des travailleurs de démontrer avoir pris toutes les mesures de précaution nécessaires pour les protéger de leur exposition au risque des poussières d'amiante ; que pour débouter les exposants de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudicie d'anxiété né de l'exposition aux poussières d'amiante, la cour d'appel, après avoir constaté que les salariés démontraient la présence d'amiante dans l'entreprise, a considéré qu'ils étaient « taisants » sur les conditions particulières d'exécution de leurs contrats de travail et sur la date de connaissance du risque ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d‘appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'employeur, qui est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'en statuant ainsi sans vérifier si l'employeur, qui connaissait la présence d'amiante sur les sites de l'entreprise, avait pris les précautions et mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés et éviter les expositions à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19279;15-19280;15-19281;15-19282;15-19283;15-19284;15-19285;15-19286;15-19287;15-19288;15-19289;15-19290;15-19291;15-19292;15-19293;15-19294;15-19295;15-19296;15-19297;15-19298;15-19299
Date de la décision : 08/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 01 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2016, pourvoi n°15-19279;15-19280;15-19281;15-19282;15-19283;15-19284;15-19285;15-19286;15-19287;15-19288;15-19289;15-19290;15-19291;15-19292;15-19293;15-19294;15-19295;15-19296;15-19297;15-19298;15-19299


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19279
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