La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2016 | FRANCE | N°14-19.935

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 24 mai 2016, 14-19.935


COMM.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2016




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 474 F-D

Pourvoi n° G 14-19.935







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur l

e pourvoi formé par :

1°/ la société A & F Trademark Inc, dont le siège est [Adresse 3] (États-Unis),

2°/ la société Abercrombie & Fitch Europe, société anonyme, dont le siège e...

COMM.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2016




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 474 F-D

Pourvoi n° G 14-19.935







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société A & F Trademark Inc, dont le siège est [Adresse 3] (États-Unis),

2°/ la société Abercrombie & Fitch Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4]),

contre l'arrêt rendu le 12 mars 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société [Y], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [H] [Y], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société BSD 265, sise [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 avril 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Sémériva, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Sémériva, conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société A & F Trademark Inc et de la société Abercrombie & Fitch Europe, l'avis de M. Mollard, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la déchéance des droits attachés à la marque n'est pas encourue si son usage sérieux a commencé ou repris plus de trois mois avant la demande en déchéance, lors même que cette marque n'avait pas fait l'objet d'un tel usage durant une période ininterrompue de cinq ans ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 20 mars 2012, pourvoi n° 11-10.514), que, sur le fondement de marques communautaires et françaises, dont elle est titulaire, déclinant les noms Abercrombie et Fitch, et notamment de la marque française « Abercrombie & Fitch » n° 1 511 852, publiée le 13 juillet 1989, la société A & F Trademark a assigné en contrefaçon la société BSD 265 et Mme [Y], alors commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société ; que ces marques ont été cédées le 18 août 2010 à la société Abercrombie & Fitch Europe ; que, par la suite, la société BSD 265 a été mise en liquidation judiciaire, la société Montravers-Yang-Ting, prise en la personne de Mme [Y], étant nommée aux fonctions de liquidateur ;

Attendu que, pour prononcer la déchéance, à compter du 13 juillet 1994, des droits de la société A & F Trademark sur la marque française « Abercrombie & Fitch » n° 1511852 pour désigner des produits de la classe 25, l'arrêt retient qu'en l'occurrence, la période de cinq ans prévue par l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle court à compter du 13 juillet 1989 et qu'il n'est produit aucune justification de son usage sérieux entre ces deux dates, l'ensemble des documents produits ne couvrant que la période postérieure à 2000 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en déchéance avait été formée le 13 mars 2007 et que le titulaire de la marque soutenait qu'à partir de 2000, il en avait fait un usage sérieux pour les produits et services considérés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la déchéance, à compter du 13 juillet 1994, des droits de la société A & F Trademark sur la marque française « Abercrombie & Fitch » n° 1 511 852 pour désigner des produits de la classe 25, ainsi qu'en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Montravers-Yang-Ting, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BSD 265, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :



Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société A & F Trademark Inc et la société Abercrombie & Fitch Europe


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la déchéance des droits de la société A & F TRADEMARK sur la marque française ABERCROMBIE & FITCH n° 1 511 852 pour désigner des produits de la classe 25 à compter du 13 juillet 1994 ;

AUX MOTIFS QU'« en ce qui concerne les marques françaises, l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que le propriétaire de la marque encourt la déchéance de ses droits s'il n'en a pas, sans justes motifs, fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; que ce délai de cinq ans commence à courir de la date de la publication de l'enregistrement au BOPI ; que de même, en ce qui concerne les marques communautaires, les articles 15 § 1 et 51 § 1 du règlement CE n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, qui codifient les articles 15 § 1 et 50 § 1 du règlement CE n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993, sanctionnent de la déchéance des droits le propriétaire de la marque qui, sauf juste motif, n'en a pas fait un usage sérieux dans la Communauté pendant une période ininterrompue de cinq ans à compter de l'enregistrement, pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée ; qu'en conséquence, la période de cinq ans court :
- à compter du 13 juillet 1989 pour la marque française « ABERCOMBIE &
FITCH » n° 1 511 852,
- à compter du 18 juin 1999 pour la marque française « ABERCROMBIE &
FITCH » n° 99 767 270,
- à compter du 21 juillet 2000 pour la marque française « ABERCROMBIE » n° 3 008 578,
- à compter du 21 juillet 2000 pour la marque française « A & F » n° 3 008 576,
- à compter du 28 novembre 2001 pour la marque communautaire « ABERCROMBIE & FITCH » n° 000 325 258,
- à compter du 02 octobre 2003 pour la marque communautaire « ABERCROMBIE » n° 002 315 083 ; (…);
qu'en ce qui concerne la marque française « ABERCOMBIE & FITCH » n° 1 511 852, il n'est produit aucune justification de son usage sérieux pendant la période de cinq ans allant du 13 juillet 1989 au 13 juillet 1994, l'ensemble des documents produits par les appelants ne couvrant que la période postérieure à 2000 ; que dès lors le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits des appelants sur cette marque en ce qu'elle désigne les vêtements en classe 25 mais que, infirmant partiellement quant à la date d'effet de cette déchéance, il sera jugé qu'elle prendra effet à compter du 13 juillet 1994 ; qu'en ce qui concerne la marque communautaire « ABERCROMBIE & FITCH » n° 000 325 258, pour laquelle la période de cinq ans court du 28 novembre 2001 au 28 novembre 2006, il sera rappelé que l'appréciation de l'usage sérieux doit s'opérer abstraction faite des frontières du territoire des États membres et peut, dans certaines circonstances, résulter de l'exploitation de la marque sur le territoire d'un seul État membre comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Leno Merken By du 19 décembre 2012 ; qu'en ce qui concerne les autres marques françaises en litige pour lesquelles la période de cinq ans court du 18 juin 1999 au 18 juin 2004 pour la marque « ABERCROMBIE & FITCH » n° 99 767 270 et du 21 juillet 2000 au 21 juillet 2005 pour la marque « ABERCROMBIE » n° 3 008 578 et la marque « A & F » n° 3 008 576, les sociétés appelantes justifient commercialiser des lignes de vêtements dénommées « Abercrombie & Fitch » ; que les photographies produites, provenant notamment des catalogues, établissent que tous les vêtements de ces lignes portent une étiquette cousue à l'intérieur reproduisant les marques « Abercrombie », « Abercrombie & Fitch » ou « A & F » ; qu'elles justifient également vendre leurs production sur le territoire de l'Union européenne par des magasins ouverts à Londres, Milan, Copenhague, Hambourg, Düsseldorf, Bruxelles, Madrid et, depuis le 19 mai 2011, à [Localité 1] sur l'avenue des Champs-Elysées ; qu'elles commercialisent également leur production sur Internet par l'intermédiaire des sites abercrombie.com$gt; pour les lignes adultes et abercrombiekids.com$gt; pour les lignes enfants ; qu'en ce qui concerne la preuve d'un usage sérieux des marques en cause pour désigner des vêtements de la classe 25, les sociétés appelantes produisent :
- un récapitulatif des commandes de ses produits effectués par des consommateurs français de 2000 à 2010 sur ses sites abercrombie.com$gt; et abercrombiekids.com$gt;,
- un tableau certifié par notaire des ventes aux consommateurs européens entre 2000 et 2009 des collections « Abercrombie & Fitch » à partir des sites abercrombie.com$gt; et abercrombiekids.com$gt;,
- 60 confirmations d'achat et d'envoi de produits « Abercrombie & Fitch »
achetés par des consommateurs français de 2005 à 2009 sur le site abercrombie.com$gt;,
- 85 confirmations d'achat et d'envoi de produits « Abercrombie » achetés par des consommateurs français de 2008 à 2009 sur le site abercrombiekids.com$gt;,
- 21 catalogues « Abercrombie & Fitch » présentant les collections des années 2001 à 2007 disponibles dans les boutiques « Abercrombie & Fitch » et sur le site abercrombie.com$gt;,
- un tableau réalisé par la société Coremetrics listant les articles « Abercrombie & Fitch » les plus achetés depuis la France sur le site abercrombie.com$gt; sur les périodes du 15 novembre 2005 au 15 février 2006, du 15 novembre 2006 au 15 février 2007 et du 15 novembre 2007 au 15 février 2008,
- un procès-verbal de constat d'achat dressé les 20 et 24 août 2007 portant sur l'achat sur le site abercrombie.com$gt; de deux tee-shirts « Abercrombie & Fitch »,
- des extraits de la base de données « order inquiry » relatifs à huit commandes datées de 2005 à 2007 portant sur des produits « A & F » vendus à des consommateurs français sur le site abercrombie.com$gt;,
- cinq factures datées de 2007 portant sur des produits 'A & F' vendus à des consommateurs français sur le site abercrombie.com$gt;,
- dix articles de presse britanniques traduits en français, faisant état de l'existence d'une boutique « Abercrombie & Fitch » à Londres depuis 2007,
- dix exemplaires différents d'étiquettes « Abercrombie & Fitch » avec leur charte graphique,
- huit exemplaires différents d'étiquettes « Abercrombie » avec leur charte graphique,
- un tableau attestant du nombre de catalogues de la collection « Abercrombie & Fitch » diffusés en Europe, notamment en France entre 2000 et 2007 ;
que les confirmations d'achat reproduisent les photographies des produits achetés sur lesquels figure la reproduction des marques concernées ; que les références figurant sur les catalogues et les factures permettent d'identifier les produits vendus et les marques dont ils sont revêtus ; qu'il est ainsi justifié par les pièces produites de la commercialisation en France de produits revêtus des marques « ABERCROMBIE & FITCH », « ABERCROMBIE » et « A & F » ; qu'il résulte de l'examen de l'ensemble des pièces ainsi produites qu'il est justifié de l'usage sérieux pendant une période de cinq ans de la marque française « ABERCROMBIE & FITCH »
n° 99 767 270, de la marque française « ABERCROMBIE » n° 3 008 578, de la marque française « A & F » n° 3 008 576 et de la marque communautaire « ABERCROMBIE & FITCH » n° 000 325 258 » ;

ALORS QUE la déchéance pour défaut d'exploitation ne peut être encourue qu'à la condition qu'aucun usage sérieux de la marque n'ait été entrepris au cours des cinq années précédant la date d'introduction de la demande en déchéance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déduit le prononcé de la déchéance des droits de la société A & F TRADEMARK sur la marque française ABERCROMBIE & FITCH n° 1 511 852 du seul constat de l'absence de justification d'un usage sérieux de ce signe pendant la période allant du 13 juillet 1989 au 13 juillet 1994, en refusant, par principe, de prendre en considération toute preuve d'usage postérieure à cette dernière date ; qu'en statuant ainsi, sans constater qu'aucun usage sérieux de cette marque n'aurait été entrepris au cours de la période du 13 mars 2002 au 13 mars 2007, correspondant aux cinq années précédant la demande en déchéance présentée par la société BSD 265, et tout en relevant, au contraire, d'une part, qu'il était justifié, par les pièces produites, de la commercialisation en France, à partir de 2000, de produits revêtus du signe ABERCROMBIE & FITCH et d'autre part, que la marque française éponyme n° 99 767 270 en France avait, à tout le moins, fait l'objet d'un usage sérieux en France pendant la période du 18 juin 1999 au 18 juin 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 14-19.935
Date de la décision : 24/05/2016
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, arrêt n°14-19.935 : Cassation

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris I1


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 24 mai. 2016, pourvoi n°14-19.935, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.19.935
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award